CONCLUSIONS

Devant la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE



POUR :


Monsieur Robert ALESSANDRI


APPELANT

 
CONTRE :


Monsieur Jean-Jacques VELASCO


INTIMÉ


PLAISE À LA COUR


Par jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE rendu le 26 novembre 1998, Monsieur ALESSANDRI a été condamné, tant en sa qualité de directeur et de rédacteur en chef de la revue trimestrielle "Univers Ovni" qu'à titre personnel comme auteur, à dédommager Monsieur Jean-Jacques VELASCO pour le préjudice moral subi par ce dernier, au motif :

"Que l'ensemble des écritures, par lesquels VELASCO, responsable du Service d'Expertise des Phénomènes de Rentrées Atmosphériques, dit SEPRA, dépendant du Centre National d'Études Spatiales, dit CNES, y est décrit sans la moindre précaution de style, comme un "fumiste", voire un "personnage nuisible", "incompétent", "sans aucune connaissance", commetant des "âneries" et d'une "nullité absolue", constitue à l'évidence un dépassement outrancier et fautif, au sens de l'article 1382 du Code Civil, des droits d'une critique normale, objective, raisonnable et constructive;"

Monsieur ALESSANDRI qui n'a pas été en mesure de se faire représenter en première instance, a régulièrement interjeté appel de cette décision par acte en date du 27 janvier 1999.

* *


Le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE devra être réformé et Monsieur VELASCO débouté de l'ensemble de ses demandes en raison de ce que les premiers juges ont fait une appréciation erronée des faits de la cause en ne retenant que des propos extraits de leur contexte pour en conclure à un dépassement outrancier et fautif générateur de responsabilité délictuelle.


1- Il sera fait préalablement observer que la critique de Monsieur ALESSANDRI s'articule essentiellement sur des faits précis relatifs à une importante rentrée atmosphérique observée en France le 5 novembre 1990 due à la retombée sur terre du troisième étage d'une fusée soviétique Proton.

Qu'à cette occasion, l'avis et les explications du SEPRA, par l'intermédiaire de son directeur, Monsieur VELASCO, étaient sollicités et attendus, tant par la communauté scientifique que par le grand public.

Que si le grand public a pu être rassuré par l'autorité des déclarations officielles faites par le service dépendant du CNES dans la presse ou à la télévision, en revanche, les hésitations, les erreurs grossières et les explications approximatives de Monsieur VELASCO ont largement troublé, désappointé et pour finir excédé la communauté scientifique tant professionnelle qu'amateur, qui s'intéresse de près à ce type de phénomène.

C'est précisément cet ensemble de faits révélateur du comportement de Monsieur VELASCO lors de cet événement, que Monsieur ALESSANDRI a dénoncé dans son article paru dans le numéro 2 du périodique UNIVERS OVNI d'octobre-décembre 1997, où il met en exergue les erreurs d'analyse grossières commises par Monsieur VELASCO et dénotant chez lui une méconnaissance profonde des phénomènes de rentrée atmosphérique.

Ce numéro 2 de la revue UNIVERS OVNI, publié à moins de 1.000 exemplaires avec de faibles moyens par l'association I.N.H. Évidence, a été adressé gratuitement, comme du reste une grande partie des 400 exemplaires distribués, à Monsieur VELASCO.

C'est dans ces conditions que celui-ci, considérant que l'article intitulé "LE CULTE DU 5 NOVEMBRE 1990" contenait des atteintes diffamatoires et injurieuses à son égard, a actionné son auteur sur le plan civil aux fins d'obtenir réparation du préjudice moral en résultant pour lui.

Le 27 novembre 1997, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE condamnait Monsieur ALESSANDRI au visa de l'article 1382 du Code Civil.

2- DISCUSSION


Dans l'article incriminé, Monsieur ALESSANDRI met en évidence, outre les atermoiements inexcusables de Monsieur VELASCO quant à l'identification du phénomène, quatre séries d'erreurs graves de conséquences :

1°- Erreur sur la trajectoire :

Le 8 novembre 1990, Monsieur VELASCO a été destinataire d'un télex de la NASA lui fournissant toutes les données nécessaires pour le calcul de la trajectoire, qu'il a été incapable d'exploiter, donnant une trajectoire OUEST-EST allant de PAU à STRASBOURG alors que la véritable trajectoire allait de BORDEAUX à STRASBOURG.

Bien plus, Monsieur VELASCO a pu profiter de l'aide bien désintéressée d'un astronome amateur, mondialement reconnu pour la qualité et la précision de ses prévisions, Monsieur Pierre NEIRINCK.

Ce dernier dès le 8 novembre, avait identifié l'objet satellisé et précisé sa trajectoire et transmis au SEPRA un fax donnant ses indications.

Monsieur VELASCO avait donc dès le 8 novembre par deux sources différentes toutes les données pour déterminer la trajectoire de la rentrée atmosphérique.

Or le 10 novembre seulement, le responsable du SEPRA annonçait publiquement que le phénomène observé le 5 correspondait à des morceaux de fusée soviétique rentrés dans les couches denses de l'atmosphère selon une trajectoire allant de PAU à STRASBOURG, soit une trajectoire totalement fausse.

Au passage, Monsieur VELASCO reproduisait une coquille qui s'était glissée dans le texte français que lui avait adressé Pierre NEIRINCK concernant la date de lancement de la fusée Proton et du satellite Gorizont qu'elle devait placer sur orbite, erreur de plume qui ne se retrouvait pas dans le texte anglais adressé aux correspondants étrangers de Pierre NEIRINCK.

2°- Erreur sur l'appréciation de la durée du phénomène :

Le phénomène observé avait duré plusieurs minutes de sorte que, selon les déclarations de Monsieur VELASCO faites dans le journal télévisé de TF1 du 8 novembre, un satellite dont la rentrée dure quelques secondes seulement ne pouvait à lui seul expliquer ce phénomène.

Là encore, malgré les informations fournies par la NASA et Pierre NEIRINCK, le responsable su SEPRA se trompait puisqu'il est fréquent qu'un satellite artificiel ait une durée de rentrée de plusieurs minutes, contrairement aux météores et bolides qui ont une vitesse de rentrée atmosphérique très supérieure.

3°- Erreur sur l'interprétation des aspects du phénomène :

Là encore, Monsieur VELASCO a mal compris ce qui se passait puisqu'il explique le grand nombre de lumières observées par le fait que l'objet était accompagné d'éléments annexes, alors que les lumières s'expliquent par le fait que l'étage de fusée contenait une quantité résiduelle de propergols qui a explosé au début de la rentrée atmosphérique.

Il est incroyable que Monsieur VELASCO n'ait pas compris cette donnée évidente qui explique l'aspect particulièrement spectaculaire de ce phénomène du 5 novembre 1990 et alors que nombre de témoins situés sur le golfe de Gascogne ont mentionné cette explosion.

Il est au contraire impensable comme l'a soutenu et, semble-t-il, le soutient encore Monsieur VELASCO, que l'étage de fusée et les débris qui s'en sont détachés avant son entrée dans l'atmosphère aient pu au même moment et en un même lieu aborder les couches denses de l'atmosphère terrestre.

4°- Erreur sur l'identification d'une photographie prise le 5 novembre 1990 :

Ce soir-là, un photographe de l'agence Magnum a pris un cliché publié dans le magazine Paris-Match du 21 novembre 1990 avec le commentaire de Monsieur VELASCO selon lequel cette photo représenterait la rentrée satellitaire, les couleurs correspondant aux différentes densités des métaux et à la température de fusion.

Il n'est pas besoin d'être un expert en photographie et en rentrée atmosphérique pour comprendre que cette interprétation était totalement absurde et ne pouvait expliquer la régularité parfaite des lumières.

En réalité, tous les amateurs de photo nocturne avaient bien compris qu'il s'agissait d'un cliché d'un avion et de ses lumières clignotantes photographié avec un temps de pose prolongé (4 secondes).

Et les astronomes professionnels et amateurs connaissent bien ces séries de lumières qui perturbent souvent leurs observations du ciel.

La presse spécialisée a été unanime pour rejeter l'explication du SEPRA et le photographe n'a d'ailleurs jamais prétendu avoir photographié autre chose qu'un avion.

* *


Il est patent que d'un point de vue purement scientifique, de telles inepties permettent sans hésitation possible de conclure à l'incompétence manifeste de leur auteur dans un domaine où celui-ci est précisément présenté comme l'Expert national.

Il est dès lors normal qu'une critique virulente puisse se développer pour dénoncer ces insuffisances.

Que les termes tels que définis par le lexique, d'incompétence : manque de connaissances pour faire quelque chose; nullité : personne sans compétence, mauvaise dans un domaine particulier; fumiste : fantaisiste, personne peu sérieuse; ont été employés en conclusion d'une démonstration rigoureuse pour qualifier une situation largement connue et n'excèdent pas les limites d'une saine polémique scientifique.

Par ailleurs, la mission du SEPRA consiste à prendre en compte officiellement le suivi des objets satellisés rentrant dans l'atmosphère et participe ainsi d'une mission de prévention des risques de retombées de débris sur les populations civiles.

Ainsi replacée dans son contexte, la critique des capacités professionnelles de Monsieur VELASCO, s'appuyant sur des faits précis, une démonstration rigoureuse dénuée d'animosité personnelle et intellectuellement honnête, ne peut être qualifiée de dépassement d'une critique normale, objective, raisonnable et constructive.

D'une part, s'agissant d'un domaine qui touche aux intérêts généraux de la société, le droit de critique et d'information du public apparaît tout à fait légitime et exclusif de toute intention de nuire.

D'autre part, il résulte des faits de la cause que la bonne foi de Monsieur ALESSANDRI est suffisamment fondée dans la conscience que le préjudice susceptible d'être causé par sa critique se trouve amplement justifié eu égard à l'importance de la mission de prévention exclusivement confiée à Monsieur VELASCO sur le plan national.

L'ensemble de ces motifs doit être regardé comme légitime et justifiant les faits qualifiés de faute, relevés à l'encontre de Monsieur ALESSANDRI.

Il appartient en conséquence à la Cour, de réformer purement et simplement le jugement rendu le 27 novembre 1997 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE et statuant à nouveau, de débouter Monsieur VELASCO de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, si la Cour devait retenir la responsabilité pour faute de Monsieur ALESSANDRI, il conviendra alors, eu égard qux motifs ci-dessous exposés, d'allouer à Monsieur VELASCO le franc symbolique à titre de réparation.

Enfin, il apparaît équitable de mettre à la charge de Monsieur VELASCO le montant des frais non répétibles que Monsieur ALESSANDRI aurait supportés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale;

Il échet de ce chef de le condamner au paiement de la somme de 10.000 FRS en application des articles 36 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

PLAISE À LA COUR


Recevoir Monsieur ALESSANDRI en appel;

Statuant à nouveau,

Débouter Monsieur VELASCO de l'ensemble de ses demandes;

Subsidiairement, compte tenu du contexte et des circonstances de la cause, si la Cour devait retenir la responsabilité de Monsieur ALESSANDRI,

Allouer à Monsieur VELASCO le franc symbolique à titre de dommages et intérêts;

Condamner Monsieur VELASCO au paiement de la somme de 10.000 FRS en application des articles 36 et 75 de la loi du 10 juillet 1991;

Condamner Monsieur Jean-Jacques VELASCO aux entiers dépens distraits au profit de la SCP LIBERAS-BUVAT-MICHOTEY, avoué, sur ses offres de droits.

Sous toutes réserves
Le 23/4/99