CIV. 2
C.M.
COUR DE CASSATION
Audience publique du
10 mars 2004
Rejet
M. ANCEL, président
Arrêt n° 361 F-D
Pourvoi n° B 02-16.431
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Alessandri.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de Cassation
en date du 7 mai 2002.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Robert Alessandri, demeurant 81, rue
Auguste Blanqui, 13005 Marseille, agissant tant en sa qualité de
Directeur de la publication et rédaction en chef ainsi
qu'à titre personnel en tant qu'auteur des articles de la revue
Univers Ovni,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 mars 2001 par la cour d'appel
d'Aix-en-Provence (1ère chambre A civile), au profit de M.
Jean-Jacques Velasco, demeurant 10 Rond Point de la Colombe, 31520
Ramonville-Saint-Agne,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique
de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 février 2004, où
étaient présents : M. Ancel, président,
Mme Crédeville, conseiller rapporteur, M. Guerder,
conseiller doyen,
M. Kessous, avocat général, Mlle Laumône,
greffier
de chambre ;
Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations
de la SCP Tiffreau, avocat de M. Alessandri, de la SCP Vincent et Ohl,
avocat de M. Velasco, les conclusions de M. Kessous, avocat
général, et après en avoir
délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la revue OVNI dont M. Alessandri est directeur de la
publication et rédacteur en chef a publié un article
mettant en cause M. Velasco, responsable d'un service du Centre
national d'études spatiales ; que par acte du 20 décembre
1997 M. Velasco a fait assigner M. Alessandri devant le tribunal de
grande instance de Marseille du chef de diffamation et injure sur le
fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que M. Alessandri reproche à l'arrêt
attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 2001) de l'avoir
condamné tant en sa qualité de directeur et de
rédacteur en chef de la revue trimestrielle OVNI qu'à
titre personnel comme auteur des articles incriminés parus dans
les numéros 2 et 3 de ladite publication à payer à
M. Velasco la somme de 10 000 francs à titre de
dommages-intérêts alors
qu'en
condamnant M. Alessandri par application des dispositions de la loi du
29 juillet 1881 et en substituant ainsi d'office le fondement juridique
de la demande sans avoir au préalable invité les parties
à en discuter contradictoirement, la cour d'appel a violé
l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir exactement
énoncé qu'il incombait au juge de restituer leur exacte
qualification aux faits litigieux sans s'arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée a pu
décider, sur les conclusions écrites du ministère
public régulièrement communiquées visant à
la confirmation du jugement en application non des articles 1382 et
1383 du Code civil, mais de la loi du 29 juillet 1881, que les phrases
citées dans l'assignation comportant des termes estimés
injurieux, qualifiés comme tels par le premier juge
n'autorisaient pas le plaignant à fonder sa demande sur
l'article 1382 du Code civil, les abus de la liberté
d'expression prévus et réprimés par la loi du 29
juillet 1881 ne pouvant être réparés sur le
fondement des textes du droit commun de la responsabilité
délictuelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Alessandri aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième
chambre civile, et prononcé par le président en son
audience publique du dix mars deux mille quatre.
Moyen produit par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseils pour M. Alessandri
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 361 (CIV. 2)
II.- MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
d'AVOIR condamné
Monsieur ALESSANDRI pris tant en sa qualité de directeur et rédacteur
en chef de la revue trimestrielle Univers OVNI qu'à titre personnel
comme auteur des articles incriminés parus dans les numéros
2 et 3 de ladite publication à payer à Monsieur VELASCO la
somme de 10.000 F. (1.524,49 €) à titre de dommages-intérêts,
et ordonné en outre à titre de réparation civile complémentaire
la publication de la décision dans le prochain numéro de la
revue Univers OVNI,
AUX MOTIFS QUE
«les dix phrases citées textuellement dans l'assignation
comportant des termes estimés injurieux, qualifiés comme tels
par le premier juge, n'autorisent pas le plaignant à fonder sa demande
sur l'article 1382 du Code civil, mais plus exactement sur la loi du 29 juillet
1881, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés
par ce texte particulier ne pouvant être réparés sur
les textes du droit commun de la responsabilité délictuelle;
qu'il incombe au juge de restituer leur exacte qualification aux faits et
actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que
les parties en auraient proposée; que le caractère parfaitement
injurieux, non sérieusement contesté par Robert ALESSANDRI,
d'ailleurs, a été admis par le premier juge selon des motifs
pertinents que la Cour adopte expressément; que la mauvaise foi étant
présumée, dans la diffamation comme dans l'injure, la seule
cause d'exonération n'est pas la bonne foi, réservée
à la seule diffamation, mais l'excuse de provocation, qui n'est ni
démontrée, ni seulement alléguée, l'indignation
proclamée face à l'hérésie d'une thèse
adverse dans le cadre d'une polémique scientifique touchant un sujet
marginal rattrapé par l'ésotérisme ne pouvant manifestement
être assimilé à une atteinte personnelle de nature à
justifier une telle riposte»,
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer
lui-même le principe de la contradiction; qu'en l'espèce, Monsieur
VELASCO fondait sa demande en réparation sur les règles de
la responsabilité civile délictuelle de droit commun; qu'en
condamnant Monsieur ALESSANDRI par application des dispositions de la loi
du 29 juillet 1881, et en substituant ainsi d'office le fondement juridique
de la demande, sans avoir au préalable invité les parties à
en discuter contradictoirement,
la Cour d'appel a violé l'article
16 du nouveau Code de procédure civile.