Ceux qui trouvent que je fais trop de polémiques ne savent pas
ce qu'une bonne poussée d'adrénaline peut avoir de stimulant
pour l'esprit (ou alors, ils ne tiennent pas à ce que leur esprit
soit stimulé)...
C'est donc quelques heures après avoir reçu mon jugement dans
l'affaire qui m'oppose à ce cher et si stimulant Monsieur Velasco
qu'une idée apparemment farfelue m'a effleuré l'esprit :
et si le chef du SEPRA avait truqué le cas de Trans-en-Provence ?
Et quand, mon taux d'adrénaline retombé, j'ai retrouvé
toute mon objectivité, cette idée continuait à m'apparaître
plausible !
Replaçons-nous donc dans le contexte de ce cas de trace «historique»...
En octobre 1980, Jean-Pierre Petit exposait devant le Conseil scientifique
du GEPAN ses idées sur la M.H.D. et son implication possible dans
la propulsion des ovnis... Il expliquait que ce type de propulsion pouvait
nécessiter l'emploi de rayonnements pulsés de micro-ondes afin
d'obtenir une ionisation de l'air.
Le GEPAN était alors dirigé par le polytechnicien Alain Esterle,
qui s'était entouré de nombreux spécialistes de disciplines
diverses et voulait lancer le groupe dans des recherches théoriques.
Une expérimentation sur la M.H.D. s'inscrivait bien dans cette ligne
de conduite, et il a rapidement adhéré à la suggestion
de Petit, tout en pensant pouvoir se passer de lui !
En marge de ces grands projets, il y avait Jean-Jacques Velasco, technicien
tout court, au bagage scientifique très limité mais avec beaucoup
d'ambition, qui préférait s'occuper des enquêtes sur
le terrain... Ce qu'il lui fallait pour valoriser sa place, c'était
un cas dont on parlerait... Le cas de trace du siècle !
Velasco aussi avait été très impressionné par
l'exposé de Petit : puisque les soucoupes marchaient à
la M.H.D., ce que l'on devait chercher c'était essentiellement des
effets de champs électromagnétiques ou de rayonnements micro-ondes !
Et ces effets, on pouvait sûrement les mettre en évidence sur
les végétaux, très sensibles à leur environnement,
plutôt que sur un sol inerte. Le GEPAN venait donc de prendre contact
avec le directeur d'un laboratoire de l'INRA d'Avignon, Michel Bounias, qui
avait fait sa thèse sur les effets d'irradiations sur les végétaux.
Tout était en place, il ne restait plus qu'à trouver le cas...
Et justement, le 8 janvier 1981, un témoin observait un objet
qui s'était posé au sol pendant quelques secondes, avant de
repartir en laissant une trace circulaire... Ce cas de Trans-en-Provence
n'aurait pas dû susciter l'intervention du GEPAN, du fait que le témoin
était unique et qu'il avait plu le lendemain de l'événement...
Mais il se trouve que le gendarme prévenu par une voisine du témoin,
ayant mené l'enquête le lendemain de l'observation, avait eu
la bonne idée d'effectuer de son propre chef des prélèvements
de terre et de végétaux avec leurs racines, qui sont de ce
fait restés en bon état pendant plusieurs jours. Ces échantillons
avaient tout naturellement été transmis au GEPAN, et Velasco
les avait ensuite envoyés au professeur Bounias.
Et, miracle !, Bounias trouva des altérations de la concentration
pigmentaire des végétaux, invisibles à l'oeil, qui pouvaient
résulter d'une exposition à des rayonnements électromagnétiques.
Il demanda au GEPAN de procéder à de nouveaux prélèvements,
effectués à distance variable du centre de la trace... Cela
fut fait trente¸neuf jours après l'observation (le GEPAN n'était
pas très rapide !) par Jean-Jacques Velasco lui-même, qui
s'était déplacé avec une petite équipe.
Et le miracle se reproduisit : non seulement l'effet se confirmait,
mais il diminuait progressivement en fonction de la distance, tout à
fait comme si la cause était inversement proportionnelle au carré
de la distance du centre de la trace, comme tout rayonnement qui se respecte !
Bien que reposant sur seulement cinq échantillons, les courbes obtenues
pour différents pigments végétaux présentaient
une régularité trop parfaite pour n'être qu'une coîncidence.
Le Professeur Bounias estimait qu'aucun effet naturel ne pouvait être
la cause de telles influences sur les végétaux, et que la cause
la plus probable pourrait être un champ électromagnétique
de type micro-ondes pulsées. Il suggérait d'entreprendre des
recherches en ce sens (ça n'a jamais été fait). Certes,
Bounias était lui-même influencé par les théories
de Petit, mais il avait tout de même fait des efforts pour éliminer
les autres causes possibles, sans résultat.
Tout cela était presque trop beau pour être vrai. Une belle
courbe bien rébulière obtenue à des distances variant
finalement assez peu (0 m, 1,5 m, 2,1 m, 3,5 m et 10 m),
alors qu'il n'est pas du tout évident que les rayonnements d'une «soucoupe
à M.H.D.» soient régulièrement répartis...
Et cela obtenu au premier cas qui se présentait ! Un cas qui
allait du reste être sérieusement contesté par la suite :
la trace elle-même pourrait bien être une simple empreinte de
pneumatique, et le témoin allait faire des déclarations pour
le moins ambiguës aux enquêteurs ou sur un plateau de télévision !
Voyons maintenant les suites de l'affaire...
Au début 1982, l'expérimentation M.H.D. montée à
grands frais par Esterle se terminait par un fiasco total, provoquant une
enquête du CNES qui faillit bien mettre fin au GEPAN.
Mais Velasco, de son côté, présentait en mars 1983 dans la
Note technique n°16
l'affaire de Trans-en-Provence, laquelle allait rapidement devenir LE cas
de trace étudiée scientifiquement ! Ce rapport omettait
certains détails gênants, comme la comparaison de la trace avec
un «ripage de pneumatique» dans le premier télex de la
Gendarmerie !
Du coup, Esterle était muté, et Velasco le remplaçait
en juillet 83, avec pour faire plus sérieux un titre de docteur-ingénieur
obtenu «dans le cadre des formations internes du CNES» !
Le GEPAN abandonnait du coup toute prétention à des recherches
théoriques, et concentrait ses activités sur le recueil de
témoignages et les enquêtes sur le terrain.
Autant dire qu'il ne faisait plus grand-chose à part présenter
le cas de Trans-en-Provence dans les médias, et après quelques
années de cette quasi-inactivité la direction du CNES se demandait
sérieusement s'il était utile de conserver ce service :
les réunions du Conseil scientifique s'espaçaient pour disparaître
complètement en 1985, les membres de ce conseil qui réclamaient
qu'on leur expose clairement la situation ne recevaient aucune réponse
ou s'entendaient dire que le GEPAN était «mis en sommeil»...
Si bien qu'en 1987 il paraissait évident que le GEPAN allait disparaître...
Pour Velasco, lorsque le GEPAN est en difficulté, il suffit de trouver
un cas dont on parle : on n'oserait pas mettre fin au GEPAN alors même
que toute la presse braquerait ses projecteurs sur lui ! En bref, il
fallait un nouveau Trans-en-Provence !
Ce nouveau miracle, il a semblé venir de Nort-sur-Erdre, une petite
localité de la région nantaise. Le matin du 7 septembre
1987, Laurent, un enfant de 10 ans, fut réveillé par un
étrange bruit répétitif... En ouvrant les volets, il
vit dans le jardin un objet discoïdal orangé émettant
un faisceau lumineux clignotant, synchrone avec le «bip-bip»...
Laurent eut alors l'idée d'enregistrer le bruit mystérieux
sur son radiocassette.
Le 23 septembre, le GEPAN se rendit sur les lieux, effectua des prélèvements
de terre et de végétaux, et envoya ces derniers à Michel
Bounias... Lequel trouva encore «des modifications très significatives
qui tendent à accréditer la présence d'un phénomène
sur les lieux indiqués par le petit Laurent», d'après
Velasco...
Trans bis semblait donc en bonne voie, mais en février 88 un gêneur
du groupement privé SOS-OVNI découvrait que le son enregistré
n'était qu'un signal radio de la bande des petites ondes, causé
par un radar d'union soviétique !
Le bruit expliqué, il y avait une forte probabilité pour que
le petit Laurent ait inventé toute l'histoire, vexé parce que
ses parents ne l'avaient pas cru quant il leur avait raconté la veille
de son «observation» avoir été réveillé
par un bruit de sirène alors qu'une lumière filtrait à
travers les volets...
Velasco continua malgré tout à soutenir du bout des lèvres,
sur la foi des analyses de Bounias, que l'observation avait de bonnes chances
d'être réelle et que Laurent avait dû se tromper dans
la manipulation des boutons de son radiocassette (et enregistrer par hasard
un signal radio similaire au bruit de l'ovni ? C'est un peu tiré
par les cheveux !), mais préféra ne pas pousser plus loin
les analyses... Trans bis tombait à l'eau !
Le GEPAN a tout de même survécu en devenant le SEPRA, dont la
fonction première serait sur la suggestion de Velasco lui-même
(c'est ce qu'il a déclaré dans une interview pour
Facteur X
n°41) d'étudier les phénomènes de rentrée
atmosphérique de météorites ou de satellites artificiels...
Après tout, pensait-il sans doute, il avait déjà connu
de tels cas, ça ne serait pas bien difficile !
Revenons maintenant à mon hypothèse...
Dans le cas de Trans-en-Provence, on a souvent exclu l'idée d'une
mystification à cause de la difficulté qu'il y aurait eu à
créer les perturbations sur les végétaux, ou à
exploiter des perturbations préexistantes mais totalement invisibles,
par un témoin qui ne savait même pas qu'on allait prélever
quoi que ce soit.
Alors, les sceptiques se sont surtout acharnés à dénigrer
le travail de Michel Bounias, qui était il est vrai loin d'être
parfait (mais à sa décharge, il ne faut pas oublier qu'il s'agissait
d'un «coup d'essai» dans un domaine tout nouveau pour lui, et
que les scientifiques désireux d'étudier des traces d'ovnis
ne se bousculaient pas !) Bounias aurait été complètement
obnubilé par les théories de Petit, il aurait vu dans cette
«trace d'ovni» l'occasion de faire un «coup d'éclat»
qui lui vaudrait la renommée, cela lui aurait permis de «parader»
dans les congrès ufologiques... Que n'a-t-on pas entendu sur ce pauvre
Bounias !
Pourtant, Michel Bounias était un directeur de laboratoire respecté
dans sa spécialité, et sa carrière a été
plutôt affectée par son incursion dans le domaine des ovnis,
ce dont Jean-Pierre Petit l'avait certainement prévenu !
Velasco, de son côté, n'était pas grand-chose dans le
milieu scientifique et a vu sa carrière décoller avec Trans-en-Provence !
Et si le témoin ou un quelconque farceur aurait eu beaucoup de difficulté
à irradier tout le terrain à proximité de la trace,
en respectant une loi inversement proportionnelle au carré de la distance,
il n'en allait pas de même pour le directeur du SEPRA, qui n'avait
qu'à irradier les échantillons de plantes qu'il avait en sa
possession ! Car autant que je sache, tous les échantillons sur
lesquels des effets «anormaux» ont été trouvés
par Bounias sont d'abord passés dans les mains de Velasco... Il aurait
peut-être suffi à ce dernier de les passer dans un four à
micro-ondes, durant un temps inversement proportionnel au carré de
la distance du prélèvement !
Bien sûr, il ne s'agit là que de suppositions, et on peut considérer
avec raison que je ne suis pas tout à fait objectif lorsqu'il s'agit
de Jean-Jacques Velasco... J'attends maintenant les réactions des
spécialistes de l'affaire.
Quoi qu'il en soit, il y a tellement d'étrangetés dans cette
affaire trop parfaite de Trans-en-Provence qu'il me semble que la question
méritait d'être posée... Des soupçons de fraude
sur des scientifiques bien plus réputés que Velasco ont été
émis sur des indices beaucoup plus faibles (citons «pour mémoire»
Jacques Benveniste), et d'authentiques scientifiques ont réellement
fraudé pour bien moins que ça... Les intentions de Velasco
n'auraient du reste pas été entièrement négatives
puisque pour lui il s'agissait de sauver le SEPRA, et qu'il n'est pas douteux
que les ovnis, ça l'intéresse vraiment !
En outre, il serait vraiment injuste que Bounias, authentique scientifique,
ait subi tous les soupçons qui ont pesé sur le sérieux
de son étude alors même qu'il aurait parfaitement identifié
le «phénomène» impliqué !
Robert Alessandri