L'ovni de Tananarive en 1954 :
une illusion de masse chez les ufologues
(22/11/2013)


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Mise à jour du 01/04/2020

Cette mise à jour fait suite à la discussion qui a eu lieu sur le site Ufo-scepticisme, et j'en ai profité ensuite pour aller plus loin dans la reconstitution d'une trajectoire vraisemblable et la cohérence avec les orbites des astéroïdes les plus courants.

Mise à jour du 05/04/2020

Cette mise à jour rapide s'imposait d'une part parce que j'avais commis une énorme dans le calcul de la trajectoire, qui se répercutait sur toute la suite (mais ça ne change rien de fondamental, ça va même plutôt dans le sens de l'interprétation par un météore). Et d'autre part parce qu'Éric Maillot, que je remercie, m'a poussé à creuser l'idée qu'il pourrait s'agir d'un météore lié à un essaim d'étoiles filantes, et que c'était intéressant d'en parler. J'ai donc ajouté un complément sur cela.

Le soir du 16 août 1954 à Madagascar, alors que débutait la première grande vague de « soucoupes volantes » en France, des dizaines de milliers de témoins ont observé un engin lumineux survoler Tananarive à basse altitude, effectuant plusieurs virages dont un demi-tour, passant devant une colline... Les lumières de la ville s'éteignaient successivement au passage de l'engin pour se rallumer immédiatement après, les chiens aboyaient à la mort, tous les animaux étaient complètement affolés... En prenant connaissance de cette observation extraordinaire, le Général de Gaulle aurait décidé d'ouvrir un bureau d'enquête sur les ovnis...

C'est ainsi que la littérature ufologique présente généralement cette affaire, en précisant bien qu'aucune explication n'a jamais pu être avancée, sauf à imaginer que tous les habitants de la ville auraient été victimes d'une hallucination collective ! Voyons maintenant comment s'est construite cette belle légende...


Des dizaines de milliers de témoins mais un seul témoignage !

Cette histoire est connue par Edmond Campagnac, qui en a été témoin. Polytechnicien, pilote d'avion, Campagnac était alors directeur technique d'Air France à Tananarive. Il s'est plus tard beaucoup intéressé aux ovnis, et a été un des principaux collaborateurs du GEPA (Groupement d'étude des phénomènes aériens et insolites, qu'il a même longtemps présidé), un des premiers et des plus sérieux des groupes français d'étude des ovnis. C'est donc naturellement dans la revue de cette association, Phénomènes spatiaux, que Campagnac a relaté cette observation pour la première fois, dix ans après les faits. Signalons à ce sujet que grâce à Francine Fouéré, veuve fidèle de l'ancien directeur de cette publication, l'ensemble des numéros de cette excellente revue, y compris des numéros spéciaux mythiques, a été réédité sous forme d'un coffret de cinq gros livres totalisant plus de deux mille pages... Une mine d'informations concernant les débuts de l'ufologie française, que l'on peut trouver au Courrier du Livre/Guy Trédaniel.

Voici donc le témoignage de Campagnac dans Phénomènes spatiaux numéro 6, deuxième trimestre 1964...

Je ne me souviens plus de la date exacte de l'observation, mais, ce dont je suis sûr, c'est que c'était un lundi, du mois d'août 1954. Il était 18 heures locales, c'est-à-dire, le crépuscule. Le ciel était très pur : pas un seul nuage. L'hiver austral, en effet, se signale sur les Hauts Plateaux de Madagascar par des ciels d'une pureté extraordinaire.

Le premier Constellation de la semaine arrivant de France venait de survoler Tananarive et le courrier serait distribué, comme d'habitude, avant 19 heures.

C'était la sortie des bureaux et les rues étaient pleines de monde. Quelques établissements et commerces étaient déjà éclairés.

Je me trouvais devant l'Agence Air France avec quelques membres du Personnel Navigant et du Personnel au sol, attendant la distribution du courrier et discutant de sujets très divers.

Notre attention fut brusquement attirée par une grosse boule lumineuse d'un éclat vert « électrique » qui « tombait » de l'est en suivant une trajectoire rectiligne inclinée d'environ 45°. Cette boule nous fit penser aussitôt à une météorite ; elle sembla frôler le Palais de la Reine et disparut derrière les collines du sud de la ville. Tananarive, en effet, est bâtie sur un ensemble de collines disposées en fer à cheval dont les deux branches sont dirigées sensiblement nord-sud.

Nous nous attendions tous à une explosion violente étant donné le volume apparent de la « boule » verte. Rien de semblable ne se produisit. La plupart des passants qui nous environnaient avaient également aperçu la boule. Tous les regards étaient donc dirigés vers le sud. Au bout d'une demi-minute, environ, la boule réapparut au-dessus du Palais du Gouvernement et piqua droit sur le Marché ; puis, changeant brusquement de direction, elle suivit l'Avenue de la Libération, sur sa gauche. Sa vitesse semblait avoir diminué et la boule verte apparaissait moins volumineuse qu'au moment de sa première apparition.

Lorsqu'elle arriva par le travers de l'Agence Air France, nous distinguâmes plus nettement l'objet. Venaient en tête une grosse « lentille » verte très lumineuse, puis, à environ 40 mètres, d'après mes estimations, un « fuselage » en forme de cigare d'aspect métallique ayant l'éclat de l'aluminium. Aucun hublot n'était visible sur ce fuselage. Il avait les dimensions approximatives d'un DC 4, c'est-à-dire environ 40 mètres. Derrière le fuselage, à une cinquantaine de mètres, quelques « flammèches » de couleur orange apparaissaient de façon discontinue.

Dessin du témoin

Au moment où « l'engin » emprunta l'Avenue de la Libération, l'éclairage de toute la ville s'éteignit, ce qui fit encore mieux ressortir l'éclat vert électrique de la « boule ». Un silence général régnait, tous les témoins étant éberlués par cette apparition absolument inattendue. Je constatai que l'engin se déplaçait sans un bruit, même pas un léger sifflement comme celui d'un planeur glissant dans l'air. D'après mes estimations et celles des navigants présents, l'engin devait se déplacer à une vitesse de l'ordre de 400 km/h. Lorsqu'il passa par notre travers, il se situait de l'autre côté de l'Avenue de la Libération par rapport à nous. Par contre, les témoins qui se trouvaient dans la rue « B », le voyaient « vers » nous. Ce qui, d'après un simple calcul permet d'affirmer que l'engin volait à une hauteur d'environ 100 mètres, et qu'au moment où il passa par notre travers nous n'en étions distants que de 250 à 300 mètres environ.

L'engin continua sa trajectoire horizontale rectiligne vers le nord et dépassa la gare ; puis, changeant encore brusquement de direction, il vira à gauche et disparut derrière la branche nord-ouest des collines.

Nous apprîmes, par la suite, qu'il avait survolé à très basse altitude le Parc à zébus, semant une indescriptible confusion parmi les animaux.

La durée totale de l'observation, depuis son apparition jusqu'à sa disparition derrière la colline nord-ouest fut d'environ 2 minutes.

Carte du témoin

Le lendemain matin, je rencontrai à l'Aérodrome d'Ivato, un ami qui venait demander du renfort pour regrouper des troupeaux que le passage en « rase-mottes » de l'engin au-dessus de La Sakay, localité située à quelque cent km à vol d'oiseau de Tananarive, avait dispersés. Ceci s'était passé la veille au soir, vers 18 heures, soit quelques instants après le survol de Tananarive ; ce qui laisse supposer qu'après ce survol l'engin avait adopté une vitesse de croisière de l'ordre de 4 000 km/h.

À la suite de l'émoi que l'apparition de cet engin sema parmi la population de Tananarive, une enquête fut ouverte, à la demande du Général Fleurquin, Commandant de l'Air à Madagascar, afin de reconstituer la trajectoire du visiteur insolite. C'est le R. P. Coze, Directeur de l'Observatoire de Tananarive qui fut chargé de ce rapport. Le R. P. Coze était à l'observatoire lorsqu'il vit « tomber » la boule verte et il pensa d'abord, comme nous, qu'il s'agissait d'une météorite.

Le R. P. Coze, qui vient d'être gravement malade, m'a écrit pour me dire qu'il ferait parvenir, dès que possible, une copie du rapport. Ce document est un témoignage sans doute unique en son genre puisqu'on estime à environ 20 000 personnes le nombre des observateurs présents au moment du survol par l'engin de Tananarive ; environ 5 000 témoins ont dû être interrogés par le R. P. Coze.

De plus, des centaines d'animaux ont été effrayés par le passage de l'engin.


Campagnac ayant par sa position de nombreuses relations dans la milieu militaire et politique, il a cherché en racontant cette observation à intéresser des hommes d'État au problème des ovnis, notamment le général de Gaulle... Par contre, l'affaire est restée assez ignorée du public, et pendant longtemps aucun autre témoin ne s'est manifesté.

La première impression est souvent la bonne

Malheureusement, Campagnac n'a jamais reçu le fameux rapport du révérend Coze, et ce dernier est décédé quelques années plus tard... Toutes les recherches pour retrouver ce rapport reposant sur quelque cinq mille témoignages ont été vaines, si bien que l'on ignore tout des conclusions auxquelles son auteur est parvenu.

Tout ce que l'on sait, c'est donc que ce prêtre astronome, tout comme Campagnac et le groupe de témoins présents avec lui, avait pensé initialement à une météorite, ou plutôt un météore (les météorites sont les fragments retrouvés au sol ; la trace lumineuse de l'objet qui se consume dans l'atmosphère est appelée météore ; l'objet luii-même est quelquefois appelé météoroïde). Et de fait, les météores et rentrées atmosphériques sont très généralement à l'origine des observations massives « d'ovnis »... Alors, qu'est-ce qui s'oppose à cette explication a priori évidente ?

L'aspect de l'objet ? Une boule lumineuse verte en déplacement rapide et suivie de « flammèches », ça évoque tout à fait un météore... Le « fuselage » d'aspect métallique entre les deux est bien sûr de trop, mais il ne faut guère s'étonner de voir ce genre de détail apparaître dans un récit fait après dix ans chez une personne convaincue d'avoir observé un authentique « engin » !

Les animaux affolés ? Il n'est question dans ce témoignage initial que de zébus qui se seraient affolés, que ce soit au parc situé près de Tananarive ou à Sakay une centaine de kilomètres plus loin. Les chiens hurlant à la mort ont été rajoutés dans des versions bien plus tardives du témoignage pour dramatiser l'ambiance. Que les zébus (ou les chiens) aient été affolés au passage d'un phénomène très lumineux et silencieux alors qu'ils ne bronchent pas au passage d'avions bruyants prouve seulement que ces animaux n'ont pas que des oreilles mais aussi des yeux ! Des avions, ils en voient passer régulièrement, un météore de grande ampleur non. Et ça serait leur prêter des capacités surnaturelles que de les croire capables de différencier un gros météore d'un vaisseau spatial habité par des extraterrestres !

La panne d'électricité ou d'éclairage ? Il y a à ce sujet une ambiguïté que l'on retrouve aussi bien dans les témoignages successifs de Campagnac que dans les autres témoignages recueillis : on ne sait pas si ce sont seulement les éclairages publics qui se sont éteints ou s'il y a eu une panne générale d'électricité... Dans le premier cas, il ne serait pas surprenant qu'un météore particulièrement lumineux provoque l'extinction des éclairages en excitant les récepteurs photoélectriques d'une commande automatique. Il est plus difficile d'imaginer comment un météore pourrait causer une panne d'électricité... Mais qui sait quels dégâts peuvent occasionner des troupeaux de zébus affolés, d'autant que dans des récits plus tardifs Campagnac indiquera que lesdits zébus avaient brisé les barrières de leur enclos et s'étaient répandus dans la ville ! On voit en tout cas qu'il n'est pas question dans ce témoignage initial de lumières qui s'éteindraient les unes après les autres au passage de l'objet et se rallumeraient ensuite : ce détail qui fait tant fantasmer les ufologues n'est qu'un embellissement tardif du récit de Campagnac (mentionné pour la première fois lors de l'émission télévisée « les Dossiers de l'écran » du 10 décembre 1969)... Ici, il est juste dit que « l'éclairage de toute la ville s'éteignit ».

La durée ? Les deux minutes d'observation estimées par le témoin correspondraient à une durée très exceptionnelle pour un météore, mais pas impossible... Mais on sait qu'une telle estimation purement subjective est très imprécise, et nous verrons que les autres témoins suggèrent une durée nettement inférieure. À titre d'exemples, un météore qui a survolé les États-Unis le 10 août 1972 a été suivi en plein jour pendant 101 secondes avant de repartir dans l'espace ; le météore de Peekskill, bien connu pour avoir terminé sa course en météorite dans le coffre d'une voiture, a duré 40 secondes ; et celui de Tchéliabinsk qui a fait de gros dégâts dans cette ville russe 32 secondes ; plus récemment, le 7 juillet 2017 en Australie, un météore a été vu pendant 90 secondes avant de repartir dans l'espace.

Le survol de la ville à basse altitude ? On ne répétera jamais assez que notre système de vision ne nous permet pas d'apprécier les distances supérieures à une cinquantaine de mètres... On est physiologiquement incapables de faire la différence entre cent mètres et l'infini, et il faudrait que les ufologues finissent au moins par apprendre cela !

Reste la principale objection, la trajectoire : un météore n'a certes pas pour habitude de décrire des arabesques, comme le dessin d'Edmond Campagnac le montre :

Carte du témoin

Mais comparons ce dessin avec une carte réelle des lieux :

Plan avec relief

On remarque un certain nombre d'erreurs grossières sur le schéma des lieux présenté par Campagnac d'après ses souvenirs vieux de dix ans : l'avenue de la Libération (renommée de l'Indépendance) dans laquelle il se trouvait est orientée nord-ouest/sud-est et pas nord/sud ; il n'y a pas de colline importante à l'ouest de son lieu d'observation ; la Cathédrale et l'ancien Palais du Gouvernement ne se trouvent pas à l'ouest du Palais de la Reine mais au nord, et depuis l'avenue ils sont vus à gauche et non à droite de ce dernier. Il ne faut donc pas s'attendre à trouver une trajectoire exacte sur un plan schématique entaché d'erreurs, d'autant que le surdimensionnement de l'avenue de la Libération par rapport aux collines entourant la ville conduit à exagérer l'amplitude du « double virage » qu'aurait effectué l'engin. Je suis tout de même étonné qu'un témoin de la réputation de Campagnac ait relaté son observation extraordinaire dans la revue réputée qu'il dirigeait, sans même avoir eu la curiosité de vérifier sur un plan de la ville la validité de ses souvenirs !

Il n'en reste pas moins qu'il affirme la réalité du virage, ainsi que d'une descente rapide du ciel, mais on peut comprendre ce qui a pu le tromper en lisant dans son témoignage :

Lorsqu'il passa par notre travers, il se situait de l'autre côté de l'Avenue de la Libération par rapport à nous. Par contre, les témoins qui se trouvaient dans la rue « B », le voyaient « vers » nous. Ce qui, d'après un simple calcul permet d'affirmer que l'engin volait à une hauteur d'environ 100 mètres, et qu'au moment où il passa par notre travers nous n'en étions distants que de 250 à 300 mètres environ.

Campagnac était persuadé, peut-être en raison de cet autre témoignage, que l'objet était très proche lorsqu'il se déplaçait parallèlement à l'avenue dans laquelle il se trouvait... Il faut savoir que Campagnac a quitté Tananarive peu après le phénomène, et qu'il a participé au début de l'enquête... Il se trouvait donc un peu dans la situation de quelqu'un qui aurait recueilli les premiers témoignages relatifs à la rentrée atmosphérique de 1990, souvent discordants en l'absence de vérification (c'était au moment où le Sepra parlait d'une « inversion de trajectoire »), et aurait quitté la France avant d'avoir pu faire une synthèse de l'ensemble des témoignages permettant de reconstituer la véritable trajectoire (il a donc une excuse, contrairement à un autre pilote d'avion qui a justement observé cette rentrée du 5 novembre 1990, qui est devenu à la suite de cela un ufologue à succès, qui est resté en France et a eu tout le loisir de rencontrer d'autres témoins et de se renseigner sur les enquêtes qui sont suivi, et qui continue inlassablement à répéter cette ânerie - parmi d'autres - de deux trajectoires différentes qui se dégageraient des témoignages !)

Il me semble donc que Campagnac a cherché avec sa trajectoire complexe à concilier différents témoignages, plutôt qu'à se remémorer sa seule observation. Et notons au sujet du témoin de la rue parallèle qui aurait vu le phénomène dans la direction opposée qu'il est particulièrement fréquent à Madagascar que les habitants confondent les points cardinaux, du fait que l'île est située dans l'hémisphère sud mais peuplée en grande partie d'habitants originaires de l'hémisphère nord, qui n'ont pas l'habitude de voir le soleil passer au nord !

Retraçons sur le plan de Tananarive les trois portions de trajectoire (en rouge) dont Campagnac pouvait être sûr :

Plan avec relief

1) l'objet apparaît près du palais de la Reine et disparaît momentanément, derrière la colline située à quelque 3 km au sud (en fait c'est sans doute plutôt derrière un arbre, nous en reparlerons) ;

2) il reparaît à faible distance en suivant un trajet parallèle à l'avenue de la Libération ;

3) il survole le parc à zébus d'Isotry et poursuit sa course vers l'ouest jusqu'à Sakay.

Et pour raccorder ces trois bouts de trajectoire, il lui faut rajouter des virages (en orangé) aboutissant à une trajectoire complexe bien proche de celle qu'il reproduit sur son schéma ! Il y manque la « grande boucle », mais celle-ci peut justement être due à sa mémorisation erronée de la position du palais du Gouvernement et de la Cathédrale : peut-être se rappelait-il que l'objet avait paru passer près de ces bâtiments, ce qui est bien le cas avec notre trajectoire !

Mais comment peut-on prendre une trajectoire linéaire à vitesse constante pour une telle trajectoire courbe ? Eh bien c'est tout à fait possible si on se trouve dans le plan de ces courbes imaginaires... Il n'y a que la dernière partie de la courbe, qui se traduirait par un retour en arrière de l'objet, qui ne pourrait pas être interprétée ainsi... Mais justement Campagnac n'a pas observé cette dernière partie, il a juste vu l'objet amorcer un virage à gauche après avoir suivi l'avenue, pour disparaître à l'horizon vers l'ouest : tout au long de sa trajectoire visible, l'objet s'est donc déplacé de gauche à droite. Bien sûr, si l'objet réel gardait une vitesse et une dimension constantes, Campagnac devait aussi supposer qu'en se rapprochant il avait parcouru les 3 kilomètres depuis la colline très rapidement, et en outre qu'il rapetissait ! Ensuite, en passant apparemment à faible distance parallèlement à l'avenue, il paraissait au contraire aller beaucoup plus lentement qu'à l'origine. Et justement que lit-on dans le témoignage ?

Au bout d'une demi-minute, environ, la boule réapparut au-dessus du Palais du Gouvernement et piqua droit sur le Marché ; puis, changeant brusquement de direction, elle suivit l'Avenue de la Libération, sur sa gauche. Sa vitesse semblait avoir diminué et la boule verte apparaissait moins volumineuse qu'au moment de sa première apparition.

Une soucoupe volante qui rapetisse en cours de route, voilà qui n'est pas banal ! Il est aussi possible que l'impression de rapprochement ait été causée par une augmentation de la luminosité du météore, et aussi de sa taille puisque ce que l'on voit c'est la gangue d'air ionisé entourant l'objet solide, et pas l'objet lui-même beaucoup plus petit.

L'impression d'éloignement rapide et de virage à gauche à la fin est aussi très courante pour un objet lointain que l'on croit proche : c'est lorsqu'il disparaît derrière l'horizon, en plus en diminuant de luminosité, qu'on constate qu'il est éloigné, et on pense donc qu'il a accéléré et effectué une courbe vers l'extérieur, dans la direction de notre axe de vision.

On voit donc une fois encore que la description du témoin est à peu près correcte et cohérente, surtout compte tenu des années écoulées, ce sont juste ses interprétations qui ne le sont pas !

Notons enfin qu'un passage à basse altitude sur la ville, tels que l'envisagent Campagnac et la plupart des ufologues qui font référence à cette affaire, serait difficilement conciliable avec le nombre de témoignages récoltés par le R. P. Coze, de l'ordre de 5000 d'après Campagnac... Rappelons que dans le cas de la rentrée atmosphérique du 5 novembre 1990 qui était visible sur tout le territoire de la France, le Sepra, avec sa longue expérience et la collaboration des gendarmeries pour récolter des témoignages, en a recueilli moins d'un millier... Un tel nombre de témoins est caractéristique d'un phénomène vu à haute altitude, tel qu'un météore ou une rentrée atmosphérique.

Il n'est donc guère douteux que cette observation de Tananarive se rapporte à un météore... Je ne suis d'ailleurs pas le premier à le dire : Eric Maillot écrivait dans le Cercle zététique, en réponse à la mention de ce cas dans le VSD hors-série de 1998 :

Tiens, nous voilà en France ! Avec Tananarive en 1954... À croire qu'il n'y eut aucun cas plus proche, plus vérifiable en 1954. Encore une fois, c'est loin donc difficilement vérifiable. Comment ne pas s'empêcher de rire quand on la chance (comme moi) d'avoir eu un grand-père, né et ayant vécu à Madagascar, qui a lui-même observé ce... bolide, filant sans aucun double virage comme le prétend la revue LDLN de Joël Mesnard. Faites faire un zig-zag à un météore qui file droit (dans le plan vertical) et vous avez un ovni.

Ça lui a d'ailleurs valu pas mal de quolibets de la part des convaincus d'une préparation progressive d'un « grand contact »... Ceux qui retiennent toujours les versions les plus tardives et édulcorées des témoignages, qui lorsqu'il y a plusieurs témoins croient aveuglément le seul qui mentionne des détails extraordinaires et se persuadent que tous les ont vus...

Enfin de nouveaux témoins confirment... Mais quoi ?

Parce qu'il n'y a pas que le grand-père d'Éric Maillot, dont on aurait du reste aimé connaître un vrai témoignage, qui se soit souvenu de l'observation... Quelques autres témoignages ont été publiés par Joël Mesnard dans Lumières dans la nuit n° 328 en 1994.

C'est à la suite de l'émission des « Dossiers de l'écran » du 10 décembre 1969, consacrée aux ovnis et au cours de laquelle Edmond Campagnac a exposé le cas, que les premiers témoins ont été retrouvés. En effet, parmi les quelque 300 appels reçus au standard télépohonique, 5 étaient relatifs à l'observation de Tananarive : un des auditeurs disait avoir été présent à l'époque et ne se souvenir d'aucun phénomène particulier, mais les quatre autres confirmaient avoir assisté au phénomène décrit par Campagnac. Et l'un d'eux, monsieur Grimout, a ensuite été contacté par Joël Mesnard et a décrit précisément son observation dans un courrier de 1973 :

Effectivement, je maintiens mes dires qu'en août 1954 à Tananarive j'ai observé un engin et que lors de son passage, cette capitale de Madagascar a été privée d'électricité pendant une dizaine de minutes.

Il était 18 h 30 à 19 h environ. J'étais avec mon épouse chez un dentiste remplaçant le titulaire en vacances en France. J'avais 35 ans, ma femme 29 ans, le dentiste une trentaine d'années, tous sains, bien éveillés, le dentiste par son travail, moi par la joie d'être sous la roulette.

Nous étions au 2e ou 3e étage d'un immeuble qui borde l'avenue de la Libération, à 80 m à droite de Tananarive. Le cabinet était une grande pièce de 25 m2 environ, ouvrant sur une grande terrasse surplombant l'avenue (largeur : 50 m). Les immeubles en face n'ont que 4 étages si mes souvenirs sont bons. J'étais adjudant à la Compagnie de Garnison de Tananarive, et c'est après mon travail que j'avais pris rendez-vous, donc il était 19 h environ. C'était l'hiver là-bas. Ciel gris clair.

Donc j'étais au 2e ou 3e étage, sur un fauteuil, regardant l'est. La pièce était grande ouverte, il faisait doux. L'engin venait du nord. Il suivait un angle descendant de 25 à 30°. Il défilait devant mes yeux, se dirigeant vers le sud, c'est-à-dire derrière la gare. Quand je l'ai vu, il était au-dessus de la colline me faisant face.

Dès que je le vis, j'arrêtai le dentiste et lui désignai le phénomène, ainsi qu'à ma femme, assise à 3 m de moi. On se leva, et tous trois courûmes sur la terrasse. À ce moment, l'engin était juste en face de nous. Nous le vîmes finir sa plongée nord-sud, puis brusquement, il fit un angle de 90° au ralenti, accéléra, et se perdit en quelques secondes à l'horizon. Ce trajet ouest-est de 4 ou 6 km se fit en 3 à 5 secondes au maximum.

Au moment où je signalais l'engin en face de moi, il y eut une panne générale électrique de tout Tananarive. Après la disparition de l'engin, nous restâmes sans trop nous parler, assis sur le rebord de la terrasse, doutant de nos yeux, ne voulant pas trop parler de « soucoupe volante », mais nous étions sidérés. Mon coeur avait, lui aussi, accéléré. Cela nous semblait impossible, incroyable. Durée de la panne : une dizaine de minutes.

Longueur du trajet, d'après mes souvenirs de Tananarive :

- 800 mètres nord-sud ; durée : 8 à 12 secondes ;

- virage à 200 ou 300 m à l'est de la gare ; durée : une bonne seconde ;

- 4 à 6 km, de l'ouest à l'est ; durée : 3 à 6 secondes ; vitesse sur ce dernier trajet : des centaines de km/h.

Dessin du témoin, objet lenticulaire suivi d'une traînŕe

Sur ce schéma que j'ai fait, l'engin semble trop loin et pas assez gros.

À signaler qu'il a en somme suivi les rails du chemin de fer conduisant à Tananarive, et que sur le dernier trajet, après le virage sur la gauche, il y a des rizières et la campagne.

Travaillant au bureau du trésorier de la CGT de la Compagnie, il y avait une dame d'une quarantaine d'années, Réunionnaise. Un jour ou deux après, on se fit confidence. Elle était avec son mari dans son jardin et elle me dit avoir bien vu le phénomène, et qu'il y avait beaucoup de personnes qui l'avaient vu.

Je crois que la presse ne parla que d'une panne générale électrique, rien d'autre.

La panne électrique se fit, je crois, 3 à 4 secondes après que j'ai vu l'engin. Quand nous courûmes sur la terrasse, elle commença seulement, et dura une dizaine de minutes. Nous étions assis sur le bord de la terrasse, je m'en rappelle bien, le travail dentaire ne pouvant se faire sans courant.

Je vis donc l'engin 3 à 4 secondes avec la lumière dans la pièce, et une quinzaine de secondes dans l'obscurité totale (sauf le ciel gris clair). Plus clair encore là où l'engin disparut à l'est de Tana.

L'engin était une masse sombre se détachant sur un ciel gris clair. Taille apparente 200 à 300 millièmes, ce qui fait environ, à la distance de 500 mètres, une centaine de mètres de longueur (je suis artilleur). Il y avait une dizaine de lumières, comme des hublots éclairés. À la queue de l'engin, il y avait une traînée d'étoiles, bleues, rouge sombre et blanches, comme les étincelles produites par le meulage d'une pièce de fer. Longueur de ces étincelles : le double de l'engin, donc 150 à 200 mètres.


Ce témoignage précis, fait presque vingt ans après l'observation, appelle quelques commentaires... Tout d'abord, les directions indiquées semblent en désaccord total avec celles données par Edmond Campagnac... Mais dans le numéro 330 de LDLN, un lecteur a mentionné avoir vérifié sur place, et constaté que le cabinet du dentiste, unique dans l'avenue et déjà en place à l'époque, avait une vue sur l'ouest et non sur l'est comme l'indique ce témoin. Il semble bien que Monsieur Grimout ait systématiquement inversé les points cardinaux, ce qui est comme nous l'avons vu fréquent dans la situation particulière de Madagascar, et on pouvait s'en douter au fait qu'il indique que le ciel était plus clair à l'est, direction de disparition de l'objet : le soleil venait de se coucher, c'était donc à l'ouest que le ciel devait être plus clair ! Donc, dans cette déposition et le schéma qui l'accompagne, inversez systématiquement l'est et l'ouest, le nord et le sud.

M. Grimout mentionne bien une panne d'électricité, et pas seulement d'éclairage, en donnant le détail a priori convaincant que le dentiste avait de ce fait dû arrêter son travail... Toutefois, il s'agit du seul témoin qui parle explicitement d'une coupure d'électricité, et compte tenu du temps écoulé on peut conserver un petit doute à ce sujet : le témoin dit aussi que c'est à la vue de l'objet que tous se sont précipités sur la terrasse, et il est douteux que le dentiste ait voulu reprendre son travail immédiatement après une observation aussi extraordinaire.

M. Grimout mentionne aussi une accélération et un virage vers la gauche à la fin de l'observation, tout comme M. Campagnac. Mais lui aussi était persuadé que l'objet était passé à faible distance, à moins de 500 m, alors qu'en le voyant disparaître derrière l'horizon il devenait clair qu'il était beaucoup plus lointain... Dans la situation des témoins, la seule explication possible était que l'objet avait viré vers la gauche et pris de la vitesse, tout en arrêtant de descendre. Cette impression pouvait en outre être accentuée par une baisse de luminosité de l'objet. Et l'impression de proximité était naturelle étant donné la taille apparente énorme de l'objet, affirmée par les deux témoins.

Concernant la description, contrairement à M. Campagnac M. Grimout mentionne plusieurs lumières, comme des hublots éclairés sur une masse sombre, ce qui peut trahir une fragmentation de l'objet.

Enfin, la durée d'observation indiquée est de quinze à vingt secondes... Même si M. Grimout n'a pas suivi la trajectoire aussi longtemps que M. Campagnac, cela indique sûrement une exagération de l'estimation de ce dernier, et une durée réelle plus courante pour un météore...

D'autres témoignages venant cette fois de la population malgache ont été recueillis par une association locale à la suite d'une correspondance en 1988 et 1989 avec François Toulet, et publiés dans le même numéro de LDLN.

Le premier témoin est un policier, M. Razafimashatratra, qui était de garde devant un cinéma de l'avenue de la Libération lorsqu'il a vu à 18 h le 16 août 1954 une « soucoupe volante ». C'est ce qu'il a écrit en note sur un calendrier qu'il a conservé, il ne donne aucun autre détail mais c'est ce qui a permis de connaître la date précise du phénomène (rappelons que Campagnac se souvenait simplement que c'était un lundi du mois d'août, ce qui était bien le cas le 16). Ce policier a rédigé un rapport détaillé, mais celui-ci a brûlé dans un incendie de l'Hôtel de Ville...

Le second, Mme Jeanne Rafaramala Noro, était à l'époque secrétaitre à l'Hôtel de Ville de Tananarive :

Je me souviens très bien de la date et même de l'heure de cet incident. C'était le lundi 16 août 1954. D'ailleurs, c'est mon anniversaire. Il était exactement 18 h et quelques minutes. Je venais de sortir de mon bureau à l'Hôtel de Ville, sur l'avenue de la Libération (actuellement avenue de l'Indépendance). J'ai suivi l'avenue pour rejoindre mon domicile à Antanimena. À quelques mètres du portail de l'Hôtel de Ville, mon attention a été attirée par un objet volant très lumineux de couleur verte, juste au-dessus de ma tête, à environ 100 mètres. Le ciel était très clair, pas un seul nuage. À ce moment-là, les rues étaient pleines de monde, car c'était la sortie des bureaux. Cet objet volait très rapidement et sans bruit. J'avais très peur, car je n'avais jamais vu un tel objet. Cet engin venait de l'est, du côté d'Anaty Rova (Palais de la Reine), et passa juste au-dessus de l'avenue, puis au-dessus de la gare de Soarano, se dirigea vers l'ouest et disparut derrière les collines.

Il s'agit d'un objet très lumineux, en forme de cigare de 30 ou 40 m environ, suivi de quelques étincelles rouges. J'ignore si cet objet possède des hublots, mais j'avais très peur et m'étais cachée sous un arbre. Cet objet a suscité un bruit de panique à Tananarive.

Ce qui est intéressant dans ce témoignage, c'est que cette dame se trouvait tout près du lieu d'observation de Campagnac (l'Hôtel de Ville est juste à côté de l'agence d'Air France), qu'elle a vu comme lui l'objet apparaître du côté du Palais de la Reine et disparaître derrière une colline à l'ouest... mais qu'elle ne mentionne pas le moindre virage !

Troisième déposition, de M. Rafalimanana :

De 1948 à 1959, j'étais photographe au studio « Photo Hova » sis en bordure de l'avenue de la Libération. Je me souviens bien avoir vu cet objet qui survolait l'avenue de la Libération ce 16 août 1954 vers 18 heures environ. Ce jour-là, je faisais une commission pour acheter des produits photographiques, comme tous les lundis, au magasin René Depui, à quelques dizaines de mètres de notre studio.

À peine sorti de ce magasin, j'ai vu cet objet à quelques dizaines de mètres au-dessus de ma tête. Un objet de forme ovale, de couleur orange lumineuse, suivi de plusieurs étincelles rouges et aveuglantes. Cet objet se déplaçait très vite et sans bruit. Il suivait l'avenue puis disparaissait à l'ouest au-dessus de la gare Soarano. J'ai eu tellement peur car l'éclairage s'était éteint à son passage. Beaucoup de passants ont vu cet objet. C'est la première fois de ma vie que j'ai vu pareil engin. J'ignorais encore l'histoire d'une soucoupe volante.


Là encore un survol estimé à très basse altitude, mais pas de mention d'un virage...

Et enfin le quatrième témoignage, de Joseph Rabenaviro :

Il y a bien longtemps de cela, j'habitais à Sakay, car mon père était le gardien des zébus des Européens qui étaient les colons en ce lieu. Il surveillait ainsi des milliers et des milliers de zébus. Chaque soir, j'aidais mon père dans son travail. Ce 16 août 1954, j'avais alors 18 ans, à peu près à 6 h 1/2 du soir, alors que le jour commençait à s'obscurcir, brusquement les zébus prirent peur. Les voilà s'enfuyant, parce qu'il y avait quelque chose d'assez long très clair et extrêmement brillant, qui descendait vite et très bas juste au-dessus des nombreux zébus. Cette chose avait une allure puissante et rapide, les zébus étaient surpris et se dispersaient, et beaucoup s'étaient enfuis et on ne les voyait plus. Cette chose ne faisait aucun bruit : elle venait de l'est et s'en allait vers l'ouest.

Le lendemain, c'est-à-dire le 17 août 1954 arrivèrent à Sakay ces étrangers colons propriétaires des zébus. Nous leur avons expliqué ce qui s'était passé. Mais ces étrangers ne nous crurent pas et immédiatement, ils chassèrent mon père de son travail et définitivement de Sakay. Ce jour-même du 17 août, ma famille quitta Sakay et nous partîmes habiter Tsiroanomandidy où nous habitons toujours. Je précise que mon père est décédé en 1979.

Tout est vrai dans ce que je dis là et je signe.

Voilà un exemple tragique de ce qui se passait dans les colonies... Ce témoignage confirme l'affolement des zébus à Sakay, mais pour le reste il évoque tout à fait un météore.

Un autre témoin a été entendu par le CREPS, comme l'a signalé un certain « Cosmos » (connu aussi sur d'autres forums sous le nom de « Mantell ») lorsque j'ai parlé de cette observation dans le forum Les Mystères des Ovnis (avant d'en être exclu pour être trop souvent en désaccord avec l'opinion générale). Je résume notre échange :

Cosmos :

J'ai récupéré personnellement un témoignage sur l'affaire de Madagascar lors d'un entretien avec un ancien pilote d'Air France présent sur les lieux à cette époque.

Ce témoin que j'ai personnellement rencontré en 2004, n'est pas Campagnac.

Il était également « présent » sur le terrain lors de l'affaire de Madagascar.

Il connaissait très bien les personnes citées et avait lui-même observé l'objet.

Il confirme donc les manoeuvres effectuées par l'ovni, et la récupération des témoignages par le religieux de l'observatoire.

Retrouvé habitant alors, sur le bassin d'Arcachon.

Venu au CREPS de Bordeaux, nous présenter en détail, ce fameux cas de 1954...!!


Moi :

Ah c'est passionnant, on voudrait en savoir plus ! Quelles sont donc les manoeuvres qu'il confirme ? Parce qu'il est un fait que Campagnac a fait le dessin de ces manoeuvres sur une carte très schématique et imprécise faite de mémoire, et avec l'idée que l'objet survolait la ville à une altitude d'une centaine de mètres seulement. On aimerait donc connaître la description de l'observation de ce nouveau témoin, et pas seulement un « il confirme les manoeuvres » !

Est-ce qu'il se trouvait avec Edmond Campagnac lors de son observation ? S'il est resté sur l'île plus longtemps que ce dernier peut-il nous en dire plus sur la façon dont le phénomène a été traité, y a-t-il eu un compte-rendu dans la presse, quelles ont été les conclusions de l'enquête du directeur de l'observatoire, peut-il confirmer le nombre de témoignages recueillis ?

Où peut-on trouver son témoignage ?

Voilà qui pourra faire avancer les choses...


Cosmos :

Je vois que tu doutes de cette affaire

Notre équipe de l'époque avait reconstitué l'ensemble du témoignage point par point grâce à ce témoin. Comme nous cherchions à « savoir », nous étions parfaitement convaincus de la réalité du fait, car cet homme encore vivant à cette époque (2004) était sincère et très expérimenté de la chose aérienne.

Ne voulant point rentrer dans la polémique, je te laisserai donc, plutôt « croire » les dires de l'instituteur omniscient que tu sembles si bien connaître.


Moi :

Personne ne doute de l'affaire et nous sommes tous, Éric Maillot compris je suppose, convaincus de la réalité des faits : il y a eu un phénomène observé par des milliers d'habitants, ça a affolé les zébus, il y a eu une panne d'éclairage ou peut-être de courant, le Révérend Coze, directeur de l'observatoire, a recueilli des tas de témoignages, tout le monde est bien d'accord là-dessus.

Ce qui n'est pas évident c'est le fait que l'objet ait effectué des virages, et le doute ne vient pas juste de l'observation du grand-père de Maillot... Joël Mesnard qui est tout à fait convaincu du caractère « ufologique » de l'affaire fait part dans le n° 328 de sa revue du témoignage d'une Malgache recueilli en 1989 par le petit groupe ufologique local, qui a bien vu l'objet apparaissant près du palais de la Reine et disparaissant du côté de la gare après avoir « survolé l'avenue », soit précisément la trajectoire indiquée par Edmond Campagnac, mais sans les virages mentionnés par ce dernier !

On a bien peu de témoignages sur cette affaire, alors un de plus ne peut qu'apporter de la lumière... Si tu as fait toute une reconstitution avec une équipe, avec un témoin jusqu'ici inconnu, je ne vois pas en quoi ça te gêne de nous faire part du résultat... Et je ne vois pas non plus où il est question de polémiquer !

Plus de réponse de Cosmos, et le CREPS, association bordelaise qui a disparu peu après cette rencontre, n'en a à ma connaissance jamais publié de compte-rendu... Dommage !

À la Réunion, toute proche de Madagascar, un journaliste a voulu à l'occasion du cinquantenaire de l'observation interroger des personnes ayant vécu à Tananarive à l'époque (article paru dans le Journal de l'Ile le 16 août 2004) :

Des ovnis survolent Tananarive — 50 ans après, le mystère demeure

Il y aura cinquante ans demain, un événement hors du commun aurait eu lieu à Tananarive. L'anniversaire ne fera certainement l'objet d'aucune commémoration dans la capitale malgache, et pour cause : beaucoup des témoins de l'époque ne sont plus en vie. Les faits relatés par la suite n'ont jamais été confirmés officiellement et provoquent encore une hilarité générale, ou un démenti catégorique, c'est selon.

Il s'agit d'un cas assez exceptionnel d'observation collective d'un objet volant non identifié (Ovni). Le
Journal de l'île a pu reprendre contact, par téléphone, avec l'un des témoins les plus crédibles de cette scène, aujourd'hui âgé de 87 ans et installé en métropole. Il se nomme Edmond Campagnac et se souvient parfaitement du 16 août 1954.

« Un très gros ballon de rugby d'aspect métallique »

Polytechnicien, chef des services techniques d'Air France à Madagascar au moment de l'événement, il se trouve près de l'artère principale de l'agglomération, l'avenue de la Libération, en fin d'après-midi.

« Ça s'est passé alors qu'il faisait encore jour, à la sortie des bureaux. Des dizaines de milliers de personnes l'ont vu, à un peu plus de 250 mètres de hauteur, raconte-t-il. Cela avait la forme d'un très gros ballon de rugby d'aspect métallique. »

Différents témoignages parleront bien de cet objet, ainsi que d'une « boule verte électrique » se dirigeant vers le sol avant de disparaître derrière le Palais de la Reine. Mais la « chose » réapparaît une minute plus tard, fait le tour des collines de Tana, puis survole l'avenue de la Libération à une altitude plus basse, devant la foule. Edmond Campagnac, qui a réitéré son récit maintes fois (notamment dans l'émission
Les dossiers de l'écran), remarque alors que la couleur verte électrique provient d'une sorte de plasma en forme de lentille, de 40 mètres de long, suivi de cet engin qui ressemble à un ballon de rugby métallique. Le tout est totalement silencieux.

Ce survol aurait été accompagné d'anomalies relatées elles aussi par différents témoins.

Le responsable de l'observatoire mène l'enquête.

Les éclairages électriques se sont éteints puis rallumés et les chiens ont hurlé à la mort. Lorsque l'objet a survolé le parc à bestiaux - destinés au marché, dans la journée -, ceux-ci ont eu une réaction de panique, notamment les zébus. L'engin est ensuite reparti vers l'ouest. Deux à trois minutes plus tard, une forme identique a été remarquée 150 kilomètres plus loin, au-dessus d'une ferme-école, provoquant une panique encore plus considérable dans les enclos.

« Il y a eu un rapport de fait par le responsable de l'observatoire astronomique, le père Coze, après une enquête », précise Edmond Campagnac. Les personnels d'Air France ont été bien sûr interrogés, tout comme les éleveurs et les agriculteurs témoins.

« Nous nous sommes rendu compte que certains Malgaches avaient déjà observé ce genre de phénomène. Nous, les Occidentaux, nous baissons trop la tête », explique cet ancien ingénieur qui a grandi en Extrême-Orient. Il n'existerait aucune photographie de cet événement : « Parmi les Européens, tout le monde sortait du travail, nous n'avions donc pas un appareil en bandoulière à ce moment-là. » Selon lui, le responsable de l'observatoire a ensuite transmis les témoignages à l'armée de l'Air. Depuis, ces documents n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque communication de la part des autorités militaires ou politiques. Pour quelle raison ? Edmond Campagnac répond en citant Paul Valéry : « La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. »

Il faut dire que le contexte de la Guerre froide n'a pas simplifié les choses. Un climat de suspicion généralisée aurait amené certains témoins à déclarer qu'il pourrait s'agir de prototypes soviétiques ! Il n'empêche que le nombre très élevé de témoins ne peut que surprendre.

Quel crédit peut-on apporter au témoignage d'Edmond Campagnac ? Qui est-il réellement ? Scientifique de formation, il déclare avoir été prisonnier pendant la guerre en Allemagne. Il aurait été libéré par les Russes.

Après avoir terminé sa formation à Polytechnique, M. Campagnac est embauché par l'un des anciens responsables de l'Aéropostale, Didier Daurat. Il est envoyé à Madagascar comme directeur technique. Il s'occupe notamment de la formation du personnel local et de la maintenance des avions. Air France compte sur lui pour former ses commandants de bord (il est lui-même pilote).

La difficulté de retrouver des témoins

Il sera ensuite affecté à Saïgon pendant quatre ans. Au cours des années 50, les témoignages sur les Ovnis sont nombreux. Le polytechnicien y est confronté : « Déjà, à la Libération, des pilotes m'en avaient parlé », se souvient-il. Mais lorsqu'il explique en avoir lui-même vu un autre en Asie, le doute quant à sa crédibilité ne peut que persister.

« Nous étions dans l'avion avec des Américains. Les passagers ont soudain aperçu une sorte de cylindre d'une cinquantaine de mètres de long, qui semblait suspendu au-dessus de la forêt. Les conditions étaient mauvaises, mais des clichés ont été pris. Bien que le plexiglas des hublots ne soit pas d'une transparence parfaite, on voyait bien ce que c'était. » Une rencontre du troisième type, passe encore. Mais deux...

L'ingénieur ne s'arrêtera pourtant pas là. Convaincu de la réalité de ce qu'il a aperçu à Tananarive et en Asie, il participe aux activités du Groupe d'étude des phénomènes aérospatiaux (GEPA), qu'il présidera jusqu'en 1975, en prenant la succession du général Chassin. Cet officier — qui fut commandant et coordinateur de la défense aérienne des forces alliées en Europe centrale auprès de l'OTAN (de 1956 à 1958) — s'était notamment fait connaître pour son militantisme en faveur de l'Algérie française.

Edmond Campagnac affirme que le gouvernement — le ministre de la Recherche plus précisément — lui aurait autorisé l'accès aux archives de la gendarmerie, qui collectait par procès-verbaux les témoignages de ce type.

« Ce que j'y ai découvert a confirmé mon impression », dit-il simplement. Les membres du GEPA, précisons-le, étaient persuadés de la réalité des Ovnis et souhaitaient la prouver. La crédibilité scientifique de cet organisme — non officiel — reste donc toute relative.

L'événement de Tananarive aurait tout de même été pris très au sérieux par le général de Gaulle, qui souhaitait créer une unité de recherche indépendante des Américains, sur cette question. L'idée prendra réellement forme quelques années plus tard au sein du Centre national d'études spatiales.

L'un des derniers responsables de ces services au CNES apporte d'ailleurs aujourd'hui son soutien à Edmond Campagnac (lire ci-après). Ce qui donne une nouvelle crédibilité aux témoignages relatifs à ce 16 août 1954.

Pour en avoir le coeur net, nous avons posé la question aux éventuels témoins de cette étrange rencontre (ils ne sont plus très nombreux) qui vivaient à Tana à l'époque. Les six personnes interrogées à la Réunion, par le biais de leurs proches, ont toutes répondu en éclatant de rire ou en affirmant que les faits sont complètement infondés. Toutes vivaient à Tana au moment des faits, l'une d'elles travaillait même comme speakerine pour l'un des médias de l'époque. D'autres témoignages ou réfutations pourraient être encore trouvés sur place, mais pour l'instant, le mystère demeure.


Il semble donc que ce phénomène dont la réalité ne fait aucun doute ait beaucoup marqué certains témoins, mais que dans l'ensemble il a été oublié.

On trouve par contre une référence probable à cette observation dans un article paru dans la revue malgache Fandrosoam-Baovao du 21 janvier 1955 :

C'est pour la troisième fois qu'on a entendu parler de soucoupe volante visitant Madagascar. La première a été aperçue au-dessus de Fort-Dauphin au mois de Septembre 1954 vers 4 h du matin, la seconde au-dessus de Tananarive vers la fin de l'année qui vient de s'écouler, et la troisième au-dessus de Majunga [il y a déjà quelques jours].

Curieusement, il est signalé pour la fin de l'année, ce qui n'est pas vraiment le cas du mois d'août, et après un cas qui s'est produit en septembre 1954. La date du 16 août serait-elle alors erronée ? Après tout, il est possible que le policier qui l'a annotée sur son calendrier ait observé un autre phénomène, mais il y a aussi l'employée de la mairie qui est sûre de la date parce que c'était son anniversaire...

Petite synthèse

Bref, il y a enfin des témoins qui confirment, c'est formidable ! Mais ils confirment quoi ? Qu'un phénomène lumineux impressionnant a été vu par un grand nombre de personnes, que les zébus ont été affolés, qu'il y a eu une panne d'éclairage ou d'électricité dans la ville... Bref, tout ce dont personne ne doutait ! Par contre, la description de l'objet ou la trajectoire en zig-zag au-dessus de la ville, bref les éléments qui s'opposent à l'explication par un météore, ils ne les confirment pas vraiment !

Essayons de faire une synthèse des cinq témoignages un peu détaillés que l'on a désormais...

Aspect de « l'objet » : pour Edmond Campagnac, une lentille verte suivie d'un fuselage à l'éclat métallique suivi de flammèches oranges ; pour M. Grimout, une « masse sombre » se détachant sur le gris du ciel, munie d'une dizaine de lumières et une gerbe d'étincelles bleues, rouge sombre et blanches ; pour le premier témoin malgache, un objet très lumineux de couleur verte, en forme de cigare, suivi d'étincelles rouges ; pour le second, un objet lumineux ovale de couleur orangée, suivi d'étincelles rouges aveuglantes ; et pour le dernier enfin, un objet long très clair et extrêmement brillant.

Ces descriptions ne s'accordent pas vraiment, et il ne faut pas s'en étonner après autant d'années, mais dans l'ensemble elles évoquent bien un météore.

Dimension : elle n'est donnée que par Edmond Campagnac qui estime la longueur de l'objet à 100 m hors flammèches pour une distance de 250 à 300 m, et M. Grimout qui l'estime identique pour une distance de 500 mètres, plus une queue d'étincelles deux fois et demie plus longue. Cela fait respectivement un angle de 20 ou 12 degrés pour l'objet, et 40 degrés avec la traînée d'après M. Grimout. Il s'agit dans tous les cas de dimensions impressionnantes, et les deux témoins peuvent passer pour assez fiables concernant ce genre d'estimation, l'un étant professionnel de l'aviation et pilote et l'autre artilleur. C'est sans doute un peu exagéré, mais pas impossible pour un météore.

Trajectoire : d'après Campagnac, l'objet est apparu à l'est (sans doute plutôt au sud-est), a été masqué momentanément par les collines au sud, puis après être réapparu a piqué sur le marché, a adopté une trajectoire parallèle à l'avenue de la Libération (sud-est/nord-ouest), et a enfin viré à gauche pour disparaître vers l'ouest ; M. Grimout a vu l'objet apparaître vers l'ouest (en corrigeant son inversion des points cardinaux), suivre une direction sud-nord en passant devant lui, puis virer à gauche pour disparaître vers l'ouest ; la secrétaire de la mairie a vu l'objet apparaître au sud-est, suivre l'avenue en direction du nord-ouest, et disparaître à l'ouest ; le photographe l'a vu suivre l'avenue et disparaître à l'ouest ; le témoin de Sakay, enfin, a vu l'objet suivre une direction est-ouest. Il y a un bon accord sur une trajectoire sud-est/nord-ouest, avec une apparition vers le sud-est du côté du palais de la Reine, et une disparition vers l'ouest-nord-ouest un peu à gauche de la gare, soit un angle parcouru de 157,5° environ.

Heure : Il était 18 h pour Edmond Campagnac, « 18 h 30 à 19 h environ » pour M. Grimout, 18 h d'après la note sur le calendrier du policier, « 18 h exactement et quelques minutes » pour la secrétaire à la mairie qui venait de sortir de son bureau, 18 h environ pour le photographe, et « à peu près 6 h et demie du soir » pour le témoin de Sakay. Il y a donc une bonne convergence pour un peu plus de 18 h, considérons 18 h 10 comme plausible.

Durée : seuls deux témoins l'indiquent : Edmond Campagnac qui l'estime dans son témoignage initial à deux minutes dont trente secondes masqué par une colline, et M. Grimout qui estime son observation à guère plus de quinze secondes ; il n'a pas suivi la trajectoire aussi complètement que M. Campagnac, mais tout de même avant le passage au plus près, et puisqu'il se trouvait au deuxième étage il a pu voir l'objet s'éloigner plus longtemps. Les autres témoins n'indiquent pas la durée, mais font référence à un objet rapide : « cet objet volait très rapidement et sans bruit » ; « cet objet se déplaçait très vite et sans bruit » ; « cette chose avait une allure puissante et rapide ». Pour une longueur angulaire de 12° estimée par Campagnac, l'objet avait une dimension réelle égale au cinquième de sa distance au plus près... Et pour un angle parcouru de 157,5°, la distance parcourue est d'environ dix fois la distance au plus près, et donc 50 fois la longueur de l'objet. Et si l'objet a parcouru 50 fois sa longueur en 2 minutes comme l'indique Campagnac, on peut le comparer à un Boeing 747 se déplaçant à 100 km/h, ça n'est généralement pas ce qu'on appelle une « allure rapide ». Du reste, Campagnac estime la vitesse réelle de l'objet à 400 km/h, pour une dimension de 100 m à peine supérieure à celle d'un 747, il y a donc une incompatibilité flagrante avec la durée esttimée. Tout ça donne bien l'impression que les deux minutes indiquées par Campagnac sont très exagérées. On peut plutôt considérer que c'est M. Grimout qui est proche de la réalité, et estimer la durée de la trajectoire vue à 40 secondes ; ça serait alors comparable à un objet de 100 m de longueur allant à 400 km/h, comme l'indique Campagnac.

Panne d'éclairage : Campagnac parlait d'une extinction brutale de tout l'éclairage de la ville, M. Grimout indique une panne générale d'électricité au moment où l'objet passait au plus près, et qui s'est prolongée une dizaine de minutes, et un témoin malgache indique une panne d'éclairage au passage de l'objet... Ça n'est que dans des dépositions tardives que Campagnac a ajouté le détail d'une extinction successive des lumières au moment du passage, qui est contredit par tous y compris dans son propre témoignage initial. À oublier donc, et il reste une incertitude sur la nature de la panne : éclairage public ou électricité ?

La recherche officielle en rajoute une couche

Les revues d'ufologie telles que Phénomène Spatiaux et Lumières dans la nuit étant très peu connues du public, c'est surtout parce que Campagnac a intéressé les officiels à son observation que celle-ci a fini par être connue, du moins avant l'avènement d'Internet.

En france, depuis 1977, il y a un organisme officiel chargé de l'étude des ovnis, appelés pour faire plus sérieux les « PAN » (phénomènes aériens non identifiés). Il s'agit du GEPAN (Groupe d'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés), devenu ensuite le SEPRA (Service d'expertise des phénomènes de rentrée atmosphérique, puis Service d'étude des phénomènes rares atmosphériques) et maintenant le GEIPAN (Groupe d'études et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), placé sous la direction du CNES (Centre national d'étude spatiales). Le GEIPAN n'a rien publié sur le cas de Tananarive, mais le directeur du SEPRA, Jean-Jacques Velasco, a participé à une enquête du groupe Cometa (Comité d'études approfondies)... Ce comité regroupant pour l'essentiel d'anciens auditeurs de l'IHDEN (Institut des hautes études de la Défense nationale) a été créé dans l'intention de sensibiliser les pouvoirs publics aussi bien que la population au problème des ovnis et à ses implications militaires... Son unique fait d'armes est d'avoir publié en 1999 un rapport d'un sérieux discutable paru sous le titre « Les OVNI et la défense, à quoi doit-on se préparer ? », remis pompeusement au Président de la République et au Premier ministre qui n'avaient rien demandé, puis largement distribué dans le public sous la forme d'un numéro hors-série du magazine VSD. Il ne s'agissait donc pas vraiment d'un rapport d'étude officiel, mais ses participants avaient pour la plupart des haute fonctions dans les milieux militaires, et le directeur du SEPRA en faisait partie. Voici donc comment l'observation de Tananarive est présentée dans ce pseudo-rapport officiel, maintenant disponible en téléchargement gratuit sur le site du Geipan (note : dans cette version du rapport, le cas de Tananarive est daté par erreur du 14 août au lieu du 16 août ; le rapport original était entaché de nombreuses erreurs de dates, qui ont été corrigées dans la version publiée par VSD par son rédacteur en chef Bernard Thouael) :

3.1 Phénomène observé par de nombreux témoins à Tananarive (16 août 1954)

Témoignage devant le comité

Mr Campagnac (C), ancien officier d'artillerie et ancien chef des services techniques d'Air France à Madagascar, aujourd'hui retraité, est venu témoigner devant le comité.

Le phénomène décrit ci-après s'est produit le 16 août 1954 à Tananarive. Il a été observé par plusieurs centaines de témoins.

À 17 h, alors que le personnel de l'agence d'Air France attend l'arrivée du courrier, quelqu'un aperçoit dans le ciel une « grosse boule » verte se déplaçant à grande vitesse. La première pensée des témoins est qu'il s'agit d'un météorite. Le phénomène disparaît derrière une colline, ils pensent qu'elle va percuter le sol et qu'ils vont en percevoir le choc.

La boule verte, pourtant reparaît une minute après. En passant plein travers des observateurs, elle se révèle être « une sorte de ballon de rugby métallique précédé d'une lentille verte nettement détachée avec des flammèches s'échappant à l'arrière ».

D'après l'estimation des témoins, le « ballon » avait la longueur d'un avion DC4, soit une quarantaine de mètres. La lentille verte se détachait à l'avant à un peu moins de 40 m, avec à l'arrière des flammèches assez longues. L'engin a survolé Tananarive à une hauteur estimée de 50 à 100 m, estimation rendue possible par comparaison avec la hauteur d'une colline avoisinante.

Au fur et à mesure que l'engin se déplaçait, les lumières des magasins s'éteignaient, et les animaux manifestaient une réelle inquiétude.

Après avoir survolé Tananarive, l'engin est reparti vers l'ouest.

Détail surprenant, en passant au-dessus du parc à zébus de la ville, l'engin provoqua parmi eux une violente réaction de peur, alors qu'habituellement ils ne réagissaient pas lorsque les avions d'Air France survolaient leur parc.

Deux ou trois minutes après, un engin identique a été observé à 150 km de là au-dessus d'une ferme-école. Là encore, les troupeaux ont été pris de la même panique.

Si l'engin observé était le même que celui de Tananarive, sa vitesse devait être de l'ordre de 3 000 km/h.

Aux dires de C, le genéral Fleurquin, commandant en chef à Madagascar, a réuni une « commission scientifique » pour mener une enquête sur ces phénomènes.

Aucune trace de cette enquête n'a pu être retrouvée dans les archives de l'Armée de l'Air, cependant le numéro 6 du bulletin du Gepa (Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux) du 2ème semestre 1964 a décrit cette observation.


On remarque que si on nous parle « d'estimation des témoins », c'est sur un seul témoignage que ce résumé repose, et en outre dans une version tardive et édulcorée... C'est ainsi que l'on trouve encore le détail fantastique des « lumières des magasins qui s'éteignaient au fur et à mesure que l'engin se déplaçait », en contradiction totale avec le témoignage initial de Campagnac, dont la référence est pourtant citée, et avec quelques autres témoignages recueillis ensuite. Bref, une « enquête » tout à fait représentative du sérieux du rapport...

Jean-Jacques Velasco, alors directeur du SEPRA, a pour sa part rapporté cette observation dans son livre Ovnis l'évidence, réédité plus tard sous le titre Troubles dans le ciel (livre dans lequel il prétendait « prouver scientifiquement » que les ovnis sont des vaisseaux extraterrestres intéressés par nos explosions nucléaires, en présentant des statistiques truquées) :

L'affaire extraordinaire que je vais évoquer maintenant a été connue près de dix ans après les faits par le témoignage d'un homme qui confia son récit à un groupe d'enquêteurs du Gepa (Groupe d'étude des phénomènes aériens). Après un long et minutieux travail de recherche, on retrouva d'autres témoins, une dizaine en tout, qui confirmeront la véracité de l'événement.

Le 16 août 1954, en début de soirée, Edmond Campagnac, ancien élève de l'École polytechnique, directeur technique d'Air France à Tananarive, île de Madagascar (alors territoire français d'outre-mer), observait un drôle d'objet survolant la ville.

J'ai eu l'occasion de rencontrer Campagnac, à plusieurs reprises, et j'ai été frappé par la précision de son récit. Cet homme de quatre-vingts ans se souvenait comme au premier jour de ce qu'il avait vu en compagnie d'une grande partie de la population de la capitale malgache.

Voici les faits :

Comme chaque soir, sur le pas de la porte de l'agence Air France située avenue de la Libération, Edmond Campagnac attend avec d'autres employés l'arrivée du courrier postal. Non loin se tient le marché journalier avec ses senteurs enivrantes et son animation colorée. Il y a là des milliers de badauds.

Il est un peu plus de 18 heures. La nuit vient de tomber. La soirée est douce, le ciel transparent. Surgit soudain une grosse boule lumineuse de couleur verte, venant de l'est. Sa trajectoire est inclinée à 45°. On s'attend à ce qu'elle touche le sol dans une fantastique explosion... Ce qu'elle ne fait pas. Survolant le palais de la reine, l'objet s'éloigne pour disparaître rapidement de la vue des témoins. Il est de retour moins d'une minute après. Cette fois-ci, il fait le tour des collines qui ceinturent la ville puis passe silencieusement, à une altitude de deux cent cinquante mètres environ, au-dessus du marché, tourne vers le nord et longe l'avenue de la Libération.

Les centaines de témoins sont littéralement médusés. Campagnac décrit l'objet comme un plasma verdâtre de la taille d'un avion, suivi par une sorte de fuselage métallique (en forme de ballon de rugby). Des étincelles blanches, rouges et bleues accompagnent l'ensemble dont la vitesse est estimée à environ 400 kilomètres à l'heure. L'éclairage public s'éteint puis se rallume au bout de quelques minutes. Les chiens hurlent à la mort. À la sortie de la ville, un troupeau de zébus est pris de panique : les animaux enfoncent les barrières et se répandent dans Tananarive...

Les autorités locales de l'époque diligentèrent une enquête menée par le directeur de l'Observatoire de Tananarive, le révérend-père Coze, lui-même témoin de la scène. Lorsqu'il rentra en France, Edmond Campagnac confia son témoignage aux plus hautes autorités civiles et militaires, ainsi qu'au Gepa. Depuis, une dizaine de témoins ont été retrouvés qui confirment la totalité de l'observation au-dessus de Tananarive. Ce cas préfigure des centaines d'autres qui seront enregistrés, plus tard, à travers le monde entier.

Il s'agit de la première observation collective de grande ampleur.

Selon les enquêteurs du Gepa, plusieurs dizaines de milliers de témoins, d'une grande diversité ethnique, culturelle et sociale, ont assisté à la scène. Grâce à la position de nombreux observateurs, on a pu reconstituer la trajectoire précise du phénomène : descente brutale à 45° suivie d'un fort ralentissement puis trajectoire horizontale et plusieurs virages lors du survol de la ville, à quelques dizaines de mètres d'altitude. Au passage de l'ovni, on note un effet physique majeur : l'extinction des lampadaires.

Depuis cette époque, Edmond Campagnac cherche à comprendre ce qu'il a vu. Il est peu probable qu'il obtienne un jour la réponse... L'hallucination peut être mise hors de cause. Aucun phénomène naturel ne saurait avoir les caractéristiques de l'objet observé...

Alors ?


Alors, on s'étonne que Velasco nous explique qu'après plus de quarante ans Campagnac « se souvenait comme au premier jour de ce qu'il avait vu en compagnie d'une grande partie de la population malgache » mais ne cherche pas pour s'en assurer à comparer son récit à celui qu'il faisait seulement dix ans après l'observation ! On s'étonne aussi qu'il écrive que la « dizaine de témoins qui ont été retrouvés [...] confirment la totalité de l'observation au-dessus de Tananarive », alors que nous avons vu que c'est bien loin d'être le cas... On s'étonne qu'il nous dise que l'objet s'est éloigné pour disparaître rapidement de la vue des témoins, et revenir une minute plus tard, alors qu'autant que je sache Campagnac s'en est toujours tenu à dire que l'objet avait simplement été masqué par une colline, durant 30 secondes dans son premier témoignage et une minute dans les versions plus tardives. Et on s'étonne enfin qu'il affirme que « grâce à la position de nombreux observateurs, on a pu recontituer la trajectoire précise du phénomène », avec plusieurs virages et à seulement quelques dizaines de mètres d'altitude, alors qu'à une exception près les quelques observateurs qui ont témoigné étaient regroupés dans la même zone et décrivaient pourtant des trajectoires assez différentes... That's ufology, comme dirait un vilain sceptique de mes amis.

Et en 2001, Velasco participait avec Edmond Campagnac à un débat télévisé sur la chaîne documentaire Planète Forum... Il indiquait les détails de ce cas qui lui paraissaient significatifs :

— Le fait du passage de l'objet entre des témoins visuels et des collines, permettant une évaluation des distances et donc des dimensions.

Ça n'apparaît nullement dans le premier témoignage de Campagnac, et autant que je sache pas non plus dans les suivants : l'objet a été momentanément masqué par une colline, et à la fin il a disparu derrière une autre colline, jamais il n'est passé devant.

— Le trajet même de l'objet, descendant à grande vitesse à la verticale pour ensuite effectuer un trajet plus lent et à l'horizontale.

Descente à la verticale je n'ai vu ça nulle part, et nous avons vu comment la « plongée » vers le marché pourrait s'expliquer par l'impression que l'objet s'était rapproché rapidement.

— Le phénomène physique des éclairages s'éteignant au passage de l'OVNI et se rallumant après.

Dans le témoignage initial et dans ceux qui ont été récoltés plus tard il est juste question d'une panne générale d'électricité ou d'éclairage, les lumières qui s'éteignent les unes après les autres au passage de l'objet pour se rallumer après c'est un embellissement tardif du témoignage de Campagnac et lui seul.

— Les phénomènes de réactions des animaux.

Des zébus qui s'affolent au passage d'un phénomène lumineux d'une taille impressionnante, qu'est-ce que ça a d'étonnant ?

— Le nombre colossal de témoins.

Nombre qui implique justement un objet passant à très haute altitude, comme un météore !

— La nature culturellement diverses des témoins : « M. Campagnac à peut-être lu de la science-fiction, mais il est assez douteux que les paysans malgaches aient tous été influencés par les comics de science-fiction US. »

Une boule lumineuse suivie de flammèches, quand on n'est pas complètement obsédé par les ovnis ça évoque plus un phénomène astronomique que les comics de science-fiction, et c'est bien ce que les « paysans » malgaches ont décrit... Du reste, les Malgaches ne sont pas tous des paysans incultes comme semble le penser Velasco, puisque les seuls qui ont témoigné sont respectivement policier, secrétaire à la mairie, photographe et fils de gardien de troupeau !

— Le fait que le cas ne se produise pas aux États-Unis, suspecté d'être un terrain sociologique favorable à de tels phénomènes considérés alors comme illusoires ou frauduleux.

Eh bien non ici nulle illusion ou fraude, juste quelques erreurs d'interprétation... comme c'est d'ailleurs très généralement le cas en matière d'ovnis, aux États-Unis comme ailleurs !

On peut aussi citer parmi les comptes-rendus « quasi-officiels » le résumé de la « Commission Sigma » de la 3AF (Association aéronautique et astronautique de France). La 3AF est une respectable « société savante » regroupant pour l'essentiel des professionnels de l'aéronautique et de l'espace, et quelques-uns de ses membres très intéressés par les ovnis ont voulu créer en son sein une commission dédiée à ce phénomène. Cette « Commission PAN/Sigma » a été créée en 2008, et elle était supposée publier son rapport fin 2012... Il s'agissait visiblement de réitérer l'expérience du rapport Cometa. Mais ce fameux rapport, terminé en décembre 2012, a été remis au président de la 3AF, qui a décidé devant son manque de rigueur de ne pas le publier et de renouveler la composition du groupe, devenu Commission Sigma2 ! Ça n'est pas tout à fait ce qui est écrit dans la présentation de cette nouvelle commission, mais c'est bien ce qu'on lit entre les lignes...

Bref, voici comment le cas était présenté très brièvement dans un petit « rapport d'étape », parmi les « cas français les plus significatifs » où l'on trouve aussi la rentrée atmosphérique du 5 novembre 1990 :

Madagascar / Le 16/08/1954 / entre 20 à 30.000 témoins à la sortie des bureaux à Tanananarive / À la vue de l'engin, des troupeaux de buffles ont complètement saccagé les barrières des enclos / Dégâts considérables (témoins M. Edmond Campagnac).

Discussions sceptiques

Depuis la première version de ce texte, il y a eu une intéressante discussion sur le site ufo-scepticisme, n'allant pas toujours dans le sens de mon interprétation (il n'y a que les sceptiques qui se posent des questions ; les croyants se contentent de dire « c'est ridicule » sans jamais argumenter). Les doutes portaient sur quelques points particuliers :

L'affolement des zébus

Marcassite (Éric Maillot) s'étonne de la réaction des zébus, n'ayant pas trouvé d'exemple documenté d'un météore qui aurait affolé des bovins ou d'autres animaux. Sébastien trouve pour sa part des vidéos de pigeons qui s'envolent lors du passage du météore de Tcheliabinsk... La discussion ne me paraît pas concluante : les météores lents et de grande ampleur sont suffisamment rares pour qu'on ne puisse pas connaître avec certitude les réactions qu'ils peuvent provoquer chez les animaux.  Mais c'est vrai qu'une détonation serait plus susceptible d'affoler des bovins, et de fait les gros météores qui pénètrent assez profondément dans l'atmosphère, jusqu'à une altitude de l'ordre de cinquante kilomètres, en produisent souvent une ; il ne s'agit pas d'un impact au sol, mais de l'onde de choc causée par cet objet largement supersonique. La difficulté, c'est que le son ne se propage qu'à un tiers de kilomètre par seconde, et pour une distance au plus près du météore de l'ordre de 100 km au minimum, il faudra cinq minutes pour qu'il parvienne au sol. Mais justement, c'est peut-être parce que la détonation est parvenue bien après le passage de l'objet qu'aucun témoin ne l'a mentionnée : pour tous, l'éventuelle détonation aurait été indépendante de l'objet considéré comme très proche, et elle aurait été simplement oubliée. Quant aux zébus, il n'y a que le fils du gardien de troupeau qui dit vraiment qu'ils ont été affolés par le passage de l'objet, mais trente-cinq ans après les faits il a pu mélanger deux événements qui ont marqué sa vie : le passage de l'objet et plus tard l'affolement des zébus qui a forcé sa famille à déménager. Pour sa part, Edmond Campagnac dit qu'il a appris plus tard que l'objet avait « survolé à très basse altitude le Parc à zébus, semant une indescriptible confusion parmi les animaux », mais il ne donne aucun détail, ne mentionne aucun dégât, et c'est bien plus tard que l'histoire va être amplifiée, sans que l'on sache bien si c'est par Campagnac lui-même ou par ceux qui rapportent l'histoire, comme ici Jean-Jacques Velasco : « Les chiens hurlent à la mort. À la sortie de la ville, un troupeau de zébus est pris de panique : les animaux enfoncent les barrières et se répandent dans Tananarive... » Dans son récit initial, Campagnac disait aussi qu'on l'avait appelé en renfort pour regrouper les zébus qui avaient été dispersés à Sakay après avoir brisé leurs barrières, comme le confirme le fils du gardien de troupeaux. On peut donc supposer que ça n'est qu'à Sakay que les zébus ont été vraiment paniqués, et il est à noter que Sakay est vraisemblablement bien plus près de la trajectoire du bolide que Tananarive, dont l'altitude avait en outre diminué.

La panne d'éclairage ou d'électricité

S'il s'agissait de l'électricité, comme M. Grimout l'affirme, j'ai suggéré que l'affolement des zébus pouvait en être l'origine, mais ça n'est plus valable si c'est cinq minutes ou plus après le passage de l'objet que les zébus se sont affolés ! Mais on peut imaginer d'autres raisons, par exemple qu'un ouvrier travaillant sur la centrale électrique, ou un transformateur, aurait été surpris par le passage de l'objet et provoqué un court-circuit. On sait aussi que les météores émettent de grandes quantités d'ondes électromagnétiques diverses, et on a évoqué cela pour expliquer les sons entendus quelquefois à leur passage, mais il n'y a aucun cas documenté d'une panne électrique causée par un météore. On peut aussi bien sûr invoquer une coïncidence, c'est souvent cela qui transforme un phénomène banal en formidable observation d'ovni.

S'il s'agissait plus simplement d'une panne d'éclairage, j'ai suggéré qu'un météore très lumineux pouvait agir sur une commande automatique de l'éclairage public en fonction de la luminosité ambiante (interrupteur crépusculaire). Marcassite s'interroge à son tour sur cette possibilité, mais Oncle Dom (Dominique Caudron) en doute fortement pour cette époque : pour lui, l'éclairage public était plus probablement commandé à la main. Je ne sais pas, en 1954 les cellules photoélectriques existaient depuis longtemps, les transistors commençaient tout juste à être utilisés mais avant cela les lampes et leurs dérivés étaient utilisées pour les commandes de puissance, notamment dans les locomotives électriques... Bref il faudrait faire des recherches approfondies à ce sujet, en attendant on peut garder un doute. Notons que si l'éclairage était commandé à la main par un employé, il n'est pas interdit d'imaginer que celui-ci venait de le commander et aurait décidé de le couper momentanément pour mieux voir l'objet qui passait dans le ciel ! De son côté, Sébastien se demande si l'extinction des éclairages ne serait pas juste une illusion due à la forte luminosité du bolide, mais avec trois témoins ça me paraît douteux...

La colline ayant masqué l'objet

Sébastien toujours a fait une reconstitution de la trajectoire en fonction du relief avec Google earth...

Trajectoire inclinée passant très au-dessus des collines

La trajectoire qui s'appuyait sur ma première estimation passe clairement trop à gauche, mais quoi qu'il en soit on voit qu'il n'y a aucune colline susceptible d'avoir masqué momentanément l'objet comme l'indique Campagnac. Marcassite se demande s'il ne faudrait pas invoquer deux météores successifs : le premier aurait simplement attiré l'attention avant de disparaître derrière la colline, et le deuxième beaucoup plus spectaculaire serait apparu à peu près dans la même direction une demi-minute plus tard. Il me paraît plus simple de considérer que le témoignage étant très tardif, le témoin aurait évoqué une colline alors que l'objet aurait été masqué plutôt par un arbre ou un bâtiment. Rappelons que Campagnac dit aussi que l'objet a finalement disparu derrière une colline, alors qu'aucune colline n'est visible dans la direction finale.

On trouve maintenant sur Google maps la vue dans la direction de l'observation (le point d'observation est proche de la position de Campagnac, mais au milieu de l'avenue ; ça n'est du reste pas tout à fait le lieu indiqué sur Google maps pour cette vue à 360°) :

Vue des bâtiments

La seule colline visible est dans l'axe de l'avenue (à gauche de la photo), et le palais du Gouvernement et le palais de la Reine se trouvent dessus. Bien sûr tous les bâtiments qui bouchent la vue dans les autres directions n'existaient pas à l'époque... J'ai trouvé une photo d'époque, mais dans la direction opposée, vers la gare :

Vue de l'avenue vers la gare

Il y avait déjà des maisons longeant l'avenue et empêchant de voir les collines derrière, mais on voit qu'il y avait beaucoup de grands arbres. Ceux qui bordent l'avenue à droite de la photo, précisément du côté où se trouvait Campagnac et ses collègues, devaient dépasser vingt mètres de hauteur d'après leur ombre, ils pouvaient bien masquer la vue en direction du sud ! Et ceux que l'on voit au fond à gauche de la gare pourraient de même avoir masqué l'objet à la fin de l'observation, lorsqu'il est censé avoir disparu encore « derrière une colline »...

De la trajectoire...

Si on essaie de concilier un peu tout cela, on trouve que l'objet est apparu dans l'axe de l'avenue en direction du sud-est et a disparu vers l'ouest-nord-ouest, en suivant une direction à peu près sud-est/nord-ouest.

Les témoignages sont trop imprécis et contradictoires pour que l'on puisse espérer trouver une trajectoire précise, mais on va juste essayer de savoir si ça peut être cohérent avec un météore.

Vu la taille apparente de l'objet et la durée de sa traversée de l'atmosphère, il doit avoir pénétré assez profondément, sûrement à moins de 80 km d'altitude. On sait que les gros météores qui pénètrent à mois d'une cinquantaine de kilomètres provoquent une détonation. Ici, personne ne l'a signalée, mais il se peut que l'affolement des zébus ait été provoqué par une détonation peut-être pas trop importante et perçue uniquement à la fin de la trajectoire. Admettons donc que le météore ait été à 30 km d'altitude lorsqu'il a disparu à la vue des témoins, ça ne peut pas être beaucoup plus ni beaucoup moins.

Edmond Campagnac dit que le phénomène a disparu derrière une colline après avoir suivi l'avenue de la Libération, mais on voit bien sur la photo d'époque qu'il n'y a pas de colline visible dans cette direction (à gauche de la gare) : il y a juste les maisons qui longent l'avenue et quelques arbres plus élevés que les maisons, c'est sans doute cela qui a fait penser à une colline. Le toit des maisons doit se trouver à une hauteur d'une douzaine de mètres, soit à 10,5 m au-dessus de l'horizontale des témoins, et en direction de l'ouest-nord-ouest il se trouve à une distance d'environ 150 m. Cela correspond à une hauteur sur l'horizon de 4° (arc tangente(10,5/150)). L'objet devait être un peu au-dessus s'il a disparu dans les arbres, admettons donc 5° au-dessus de l'horizontale.

Pour connaître la distance à laquelle le météore a disparu, en tenant compte de la courbure de la Terre, nous avons donc un triangle dont un des côtés sera cette distance, le second le rayon de la Terre, l'angle entre les deux 95°, et le troisième côté, opposé à cet angle, le rayon de la Terre plus l'altitude de 30 km. Je vous épargnerai les calculs, ça se résout par le théorème d'Al-Kashi dont nous allons reparler et une équation du second degré, on trouve que la distance est de 275 km.

Et s'il était à une altitude de 70 km lors de son passage au plus près, le météore aurait perdu 40 km d'altitude pendant ce parcours de 275 km, soit un angle de descente de 8° (arc tangente(40/275)).

Quant à son apparition, on peut supposer qu'elle a eu lieu lorsque le frottement de l'atmosphère l'a rendu visible, à peut-être 150 km d'altitude. S'il perd 30 km en 275 km, il en perd 80 en 730 km. À cette distance et à 150 km d'altitude, il serait vu à environ 9° au-dessus de l'horizon.

En indiquant en vert les angles de vision lors de son apparition et sa disparition, on trouve donc cette trajectoire qui reste très approximative :

Trajectoire orientée nord-ouest, venant de l'océan et se terminant peu après Sakay

On peut mesurer la distance parcourue, de 940 km, et la distance au plus près de la trajectoire au sol, de 106 km.

S'il était à 70 km d'altitude au plus près, il aurait été vu à une distance réelle de 126 km, et à une hauteur angulaire de 33°, ce qui est assez conforme aux déclarations des témoins : le seul qui donne une donnée exploitable est Edmond Campagnac qui indique une distance de 250 à 300 km pour une altitude de 100 km lors du passage au plus près, ce qui correspondrait à une hauteur angulaire entre 20 et 24°. Les deux témoins malgaches habitant Tananarive disent que c'est passsé « au-dessus de leur tête ». On sait bien que chez beaucoup de témoins ça signifie juste qu'ils ont eu l'impression que c'était très près, il ne faut donc pas imaginer que c'est passé au zénith mais ça ne peut pas non plus être très bas sur l'horizon.

Quant à l'inclinaison de cette trajectoire par rapport au parallèle géographique, elle est de 41°.

On remarque aussi que cette trajectoire fait passer l'objet pratiquement au-dessus de Sakay (ou Saka, une centaine de kilomètres à l'ouest de Tananarive), et à une altitude d'une cinquantaine de kilomètres. Ça expliquerait mieux l'affolement des zébus.

Si on suppose donc que le météore a parcouru une distance de 940 km en 40 s, sa vitesse était de 23,5 km/s. C'est assez faible pour un météore, dont la vitesse est comprise entre 11 et 73 km/s, mais les vitesses les plus élevées correspondent à des astéroïdes qui se déplacent dans le sens inverse de la Terre, et ne sont pas compatibles avec n'importe quelle trajectoire au sol, notamment celle-ci.

...à l'orbite terrestre, puis solaire

On peut essayer de savoir si cette vitesse de 23,5 km/s est compatible avec une orbite d'astéroïde ou de comète. Bien entendu, n'imaginez pas que ça nous permettra de reconstituer vraiment l'orbite qu'avait le météoroïde avant d'approcher la Terre, il faudrait pour cela connaître précisément à la fois sa vitesse, sa direction et son angle d'incidence lors de l'entrée dans l'atmosphère.

Il s'agit juste de vérifier si tout est cohérent, et de s'amuser tout de même à voir comment on peut reconstituer une orbite. Ça demande des calculs assez complexes, mais le logiciel Stellarium, que toute personne un peu intéressée par l'astronomie connaît, va venir à notre secours pour représenter tout ça graphiquement et effectuer les changements de coordonnées nécessaires. Il n'est pas du tout fait pour ça, mais c'est toujours amusant de détourner un objet de sa fonction.

Donc sur Stellarium il faut sélectionner le lieu (Antananarivo), la date et l'heure (18 h 10 locales), enlever tous les objets qui polluent inutilement le ciel comme les étoiles, l'atmosphère et tout le reste (on laissera juste les objets du système solaire pour avoir la position du Soleil)... Et puis on va dans le menu Affichage Repères et on sélectionne tout ce qui nous sera utile : la grille équatoriale, que j'ai colorée en bleu et qui nous donnera les directions géographiques ; la grille écliptique, en rouge, qui permettra de se repérer par rapport au plan de l'orbite terrestre ; et la grille azimutale, en jaune, qui permettra de se repérer par rapport au lieu d'observation.

Et enfin on doit sélectionner la perspective « orthographique » : il s'agit de considérer que le ciel est une demi-sphère et qu'on le voit d'une perspective infinie à travers la Terre, autant dire que ça n'a qu'un intérêt limité en astronomie ! Voici ce que cela donne, en dézoomant complètement pour voir la moitié de la voûte céleste complète :

Globe terrestre inversé avec grille équatoriale, azimutale et écliptique

Ce qui est intéressant, c'est qu'on a l'impression de voir le globe terrestre de l'extérieur ! En réalité c'est de l'intérieur, si bien qu'il faut imaginer qu'il s'agit d'une demi-sphère creuse. La Terre vue de l'extérieur serait vue depuis la direction opposée, et donc il faut juste inverser l'image. Je n'ai bizarrement pas trouvé comment le faire directement avec Stellarium, je l'ai donc fait sur un quelconque logiciel graphique, et j'ai ajouté tout ce qui va nous intéresser :

Globe terrestre avec direction de déplacement de la terre et du météore

On peut vérifier que le lieu d'observation (le « pôle » de la grille azimutale) se trouve bien à la latitude de Tananarive (20° sous l'équateur), et que le soleil, qui est couché, se trouve à un peu plus de 90° de ce point (exactement 101°, puisqu'il se trouve à 11° sous l'horizon).

J'ai commencé par repérer le centre le la sphère, et par tracer une ligne qui va du soleil jusqu'à ce centre et qui continue de l'autre côté jusqu'au point opposé. Et de même une autre ligne qui part du point à 90° du soleil (six cases sur la grille écliptique, qui est quadrillée de 15 en 15° en longitude, tout comme la grille équatoriale alors que la grille azimutale est quadrillée de 10 en 10°)... Cette croix repère le plan de l'écliptique, et la branche qui va vers l'avant, à 90° du soleil, c'est la direction de la Terre sur son orbite, que j'ai marquée par une flèche bleue (en réalité ça n'est pas tout à fait à 90°, puisque l'orbite terrestre est légèrement elliptique, mais on ne va pas chipoter).

Et puis on peut tracer la direction suivie par le météoroïde au niveau de Tananarive, en suivant depuis le pôle de la grille azimutale le méridien incliné de 41° vers le nord-ouest par rapport à celui qui va vers l'ouest (il rejoint l'équateur au point marqué « O ») (flèche verte). Et la totalité de ce méridien représentera le plan de l'orbite du météoroïde à proximité de la Terre, puisqu'il suit une orbite hyperbolique dont un des foyers est le centre de la Terre (un satellite suit de même une orbite elliptique).

Pour aller plus loin, on doit justement s'intéresser aux orbites hyperboliques... Je reprends pour cela quelques schémas et explications déjà utilisées au sujet du météore du 14 janvier 2004 en Espagne :

Exemple d'hyperbole avec ses deux asymptotes, la distance entre le point d'intersection et le sommet, celle entre le pont d'intersection et le foyer où se trouve la Terrela Terre à un des foyers,

La courbe rouge, c'est une hyperbole. Bien sûr, une seule moitié de l'hyperbole est suivie par l'objet, puisque l'autre moitié est en quelque sorte « au-delà de l'infini »... Notons au passage que puisque la force d'attraction est inversement proportionnelle au carré de la distance, un objet qui revient d'au-delà de l'infini subira la même force mais dans le sens opposé : de fait, cette seconde moitié de l'hyperbole est celle que suivrait un objet sur lequel la Terre exercerait une force de répulsion et non d'attraction, de même intensité... Voilà donc la recette de l'antigravitation, il suffit d'aller deux fois plus loin que l'infini !

Ces courbes se rapprochent de deux asymptotes qui se coupent au point C. Le point de la courbe qui se rapproche le plus de C est le sommet de l'hyperbole, et un peu plus loin il y a le foyer, qu'occupe le centre de la Terre.

L'angle p, entre une asymptote et l'axe de symétrie de la courbe, se calcule facilement par une des propriétés des hyperboles : p = arc cosinus(DS/DF).

Et la distance DS est égale à MG/VI2 :

MG est le produit de la constante de gravitation universelle par la masse de la Terre ; on le connaît bien plus précisément que M et G séparés justement parce qu'il détermine les orbites : il vaut 3,986.1011 newtons.mètres carrés par kilogramme dans le système international. Si on exprime tout en kilomètres pour simplifier les notations (il faut juste faire attention de respecter un système d'unités cohérent : en choisissant le kilomètre comme unité de distance tout en gardant la seconde comme unité de temps, on devra exprimer toutes les distances en kilomètres et les vitesses en kilomètres par seconde), il vaudra donc un million de fois moins, soit 398600.

Quant à VI, c'est la vitesse d'approche « à l'infini ». Et cela nous amène à parler de la vitesse de libération, VL : c'est la vitesse que doit atteindre un objet pour ne plus retomber sur la terre, et elle est égale à √(2MG/d) ; d c'est la distance de l'objet au centre de la Terre, ici elle est un peu supérieure au rayon de la Terre, on va arrondir à 6400 km, la vitesse de libération sera donc égale à √(2×398600/6400) = 11,2 km/s. Et la vitesse à l'infini est déterminée par cette vitesse et celle de l'objet au même point, donc ici la vitesse du météore considérée égale à 23,5 km/s : VI = √(V2‐VL2) = √(23,52‐11,22) = 20,7 km/s.

Ça signifie que l'attraction terrestre lui fait gagner 2,8 km/s... Pour un objet qui s'approcherait de la Terre à une vitesse quasi-nulle, le gain de vitesse serait précisément de la vitesse de libération, soit 11,2 km/s.

On peut maintenant trouver la distance entre le sommet de l'hyperbole et le point d'intersection des asymptotes : DS = 398600/20,72 = 930 km...

Passons à l'étape suivante, qui est de trouver le sommet de l'hyperbole, c'est-à-dire le périgée :

Détails sur la courbe au point d'entrée dans l'atmosphère et au périgée.

On connaît R, égal à 6400 km, on connaît i, égal à 8°, on connaît donc t, égal à 90°-i = 82°.

Une propriété des hyperboles est qu'en tout point de la courbe, la différence entre les distances aux foyers est égale à la distance entre les deux sommets : R'-R = 2DS.

Et donc on trouve R' : 2×930+6400 = 8260 km.

Les rayons R et R' sont séparés par l'angle 2t = 164°, on peut trouver le troisième côté du triangle, qui sera égal à 2DF, grâce encore au théorème d'Al Kashi :

Triangle avec l'angle a et les côtés B, A et C (A à l'opposé de a)

A2 = B2+C2‐2×B×C×cosinus a

(Quand a = 90°, on retrouve le théorème de Pythagore). Ça permet de trouver un angle quand on connaît les trois côtés du triangle, ou un côté quand on connaît les deux autres et un angle (c'est quand l'angle connu n'est pas opposé au côté inconnu qu'on doit en plus résoudre une équation au second degré).

Donc : DF = √(R2+R'2‐2RR'cos(2t))/2 = √(64002+82602‐2×6400×8260×cos(2×82))/2 = 7260 km.

De là, le rayon au périgée RP = 7260‐930 = 6330 km.

Et l'angle p = arc cos(DS/DF) = arc cos(930/7260) = 82,6°.

L'angle f se calcule aussi à l'aide de ce même triangle :

f = arc cos((R2+4DF2‐R'2)/(4RDF)) = arc cos((64002+4×72602‐82602)/(4×6400×7260)) = 9°.

Ce qui nous intéresse, c'est l'angle e, entre l'asymptote et la tangente à la Terre : e = p+f‐90° = 82,6+9‐90 = 1,6°.

Maintenant on peut revenir à notre sphère de Stellarium, et représenter dessus l'orientation de l'objet « à l'infini »... Cette direction représente l'objet lorsqu'il n'est pas encore influencé par la Terre, donc lorsqu'il s'approche de la Terre en suivant son orbite par rapport au Soleil.

On reste sur le méridien de la grille azimutale qui définit le plan de l'orbite, et on s'éloigne de 1,6° (l'angle e calculé précédemment) au-dessous du plan du plan de l'horizon (flèche verte). Et ce qui va nous intéresser, c'est sa direction par rapport à l'écliptique... Sur la grille écliptique, l'extrémité de la flèche se trouve à une latitude d'environ 30°, et pour mieux repérer la longitude on peut projeter la flèche verte sur le plan de l'écliptique, en suivant le méridien jusqu'à l'écliptique (flèche violette). Cette flèche forme un angle d'environ 6° par rapport au Soleil, et donc de 96° par rapport au déplacement terrestre (la flèche bleue).

Globe terrestre avec direction du météore à l'infini

Maintenant, on va s'intéresser à ce qui se passe dans le référentiel du Soleil... On doit alors ajouter la vitesse de l'objet approchant la Terre à la vitesse de la Terre elle-même sur son orbite, égale à 29,8 km/s (pour la calculer, c'est facile, le rayon de l'orbite terrestre étant de 149,6 millions de kilomètres, il suffit de calculer la circonférence de l'orbite et de diviser par le nombre de secondes dans une année : 149600000×2×π/365,25/24/3600). On fait ensuite « glisser » les flèches verte et violette pour que leur pointe aboutisse à la naissance de la flèche bleue (il faut additionner les vitesses, pas les soustraire) :

Calcul du vecteur vitesse par rapport au Soleil

Toutes les longueurs sont exprimées en km/s (il s'agit de vecteurs, pas de distances). La flèche rouge représentera alors la vitesse et la direction de l'objet sur son orbite, avant qu'il ne soit pris dans l'attraction terrestre. La flèche orange est la projection de cette vitesse sur l'écliptique, tout comme la flèche violette est celle de la vitesse relative à la Terre, ça ne nous intéressera que comme calcul intermédiaire, de même que le segment d qui représente la composante de ces deux vitesses perpendiculaire à l'écliptique.

La ligne jaune représente la direction du Soleil, perpendiculaire au déplacement de la Terre et dans le plan de l'écliptique, et les lignes cyan qui se trouvent respectivement dans le plan de l'écliptique et dans le plan de l'orbite de l'objet permettront de calculer l'inclinaison de l'orbite (i).

On connaît la vitesse de la Terre (flèche bleue), celle de l'objet en approche de la Terre (flèche verte), ce que l'on cherche c'est la vitesse V de l'objet par rapport au Soleil (flèche rouge), l'angle a qui représentera l'inclinaison par rapport au déplacement de la Terre, et l'angle i correspondant à l'inclinaison de l'orbite par rapport à l'écliptique. Ça demande juste de passer par quelques résultats intermédiaires :

d = 20,7×sin(30°) = 10,3
V'e = 20,7×cos(30°) = 17,9
Ve = √(17,92+29,82-2×17,9×29,8×cos(84°)) = 33,1
b = arc cos((29,82+Ve2‐V'e2)/(2×29,8×Ve)) = arc cos((29,82+33,12‐17,92)/(2×29,8×33,1)) = 32,5°
x = Ve×cos(b) = 33,1×cos(32,5) = 27,9

Et les résultats attendus :

V = √(d2+Ve2) = √(10,32+33,12) = 34,7 km/s
a = arc cos((V2+29,82‐20,72)/(2×V×29,8)) = arc cos((34,72+29,82‐20,72)/(2×34,7×29,8)) = 36,4°
i = arc tan(d/x) = arc tan(10,3/27,9) = 20,3°

Le grand axe d'une orbite se calcule quelque soit le point de cette orbite par cette formule : Ga = 2R/(2‐(V/Vc)2). Ici, puisque nous sommes au niveau de l'orbite terrestre, R est le rayon de l'orbite terrestre, et Vc, vitesse de satellisation circulaire, est la vitesse de la Terre sur son orbite... Donc :

Ga = 2×150/(2‐(34,7/29,8)2) = 466 millions de kilomètres.

Avec ça, la reconstitution de l'orbite est très facile, sachant que cette orbite est une ellipse dont le soleil occupe un des foyers :

Orbite de l'objet et de la Terre

On a besoin de connaître deux propriétés des ellipses : la somme des distances d'un point quelconque aux deux foyers est égale au grand axe, et un rayon qui part d'un foyer est « réfléchi » vers l'autre foyer, c'est-à-dire que le même angle d sépare les directions des deux foyers (lignes vertes) le la tangente à l'ellipse (flèche rouge). Et cet angle, c'est 90° moins l'angle a défini auparavant : 90‐36,4 = 53,6°. Donc, on trace à partir de cet angle le rayon vers le second foyer, jusqu'à avoir parcouru une distance égale au grand axe de l'orbite moins le rayon de l'orbite terrestre (466‐150 = 316 millions de kilomètres), et ça nous donne la position du second foyer... On trouve alors la distance entre les deux foyers (307 millions de kilomètres), et à partir de là le périhélie (point le plus proche du Soleil), égal au grand axe moins la distance entre les foyers le tout divisé par deux (79,5 millions de kilomètres), et l'aphélie égal au grand axe moins le périhélie (386,5 millions de kilomètres). Il ne reste plus qu'à tracer l'orbite. J'ai aussi représenté l'orbite terrestre, mais elle n'est pas tout à fait dans le même plan, les deux plans se coupant sur la ligne pointillée verte.

Remarque (ajout du 10 avril 2020) : il y a une incertitude sur l'heure précise, outre celle inhérente aux témoignages. Stellarium indique pour cette date une heure locale étale à l'heure TU plus 2 h 45 mn, et je me suis donc appuyé là-dessus. Actuellement, l'heure locale est plus simplement TU plus trois heures, et à la suite d'une discussion à ce sujet encore sur Ufo-scepticisme, on ne trouve pas d'information concernant un tel changement. J'ai constaté que sur Stellarium le changement a lieu le premier janvier 1960, ce qui semble indiquer qu'il serait en relation avec l'indépendance de l'île qui a été proclamée cette année, mais « Bob Requin » remarque que le site « timeanddate.com » qui compile tous les changements d'heure qui ont eu lieu dans les différentes parties du monde ne rapporte rien de tel pour 1954.

Bref si on considère que l'heure locale était TU plus trois heures, cela signifie qu'il était un peu plus tôt dans la soirée, le Soleil se trouvait à seulement 7 degrés sous l'horizon plutôt que 11, et dans ce cas la direction de l'asymptote de la trajectoire hyperbolique était de 88° au lieu de 84... On peut donc refaire tous les calculs, le résultat est que la vitesse V de l'objet sur son orbite est de 35,7 km/s au lieu de 34,7, l'angle a entre ce vecteur vitesse et celui de la Terre est de 35,4° au lieu de 36,4, l'inclinaison de l'orbite est de 19,4° au lieu de 20,3, et enfin le grand axe de l'orbite est de 531 millions de kilomètres au lieu de 466... En bref tout cela ne change pas grand-chose.

On peut faire quelques remarques sur ce type d'orbite. L'inclinaison par rapport à l'écliptique est faible et l'orbite va dans le même sens que celle de la Terre, c'est assez caractéristique des astéroïdes... Les comètes ont généralement des orbites plus inclinées et très allongées, proches d'une parabole. Parmi les astéroïdes géocroiseurs (ceux dont l'orbite croise celle de la Terre, ce qui est forcément le cas du nôtre), on distingue les classes Aton dont le grand-axe est inférieur à celui de la Terre, et Apollon dont le grand axe est supérieur. Les seconds sont nettement plus nombreux. Ici, avec un grand axe qui nous rapproche de la ceinture d'astéroïdes, nous avons un astéroïde de la famille Apollon très banal...

Quant à la vitesse maximale d'un météore au niveau de l'orbite terrestre, c'est la vitesse de la Terre multipliée par √2, soit 42 km/s pour une orbite parabolique, qui correspondrait plutôt à un corps cométaire. Dans ce cas, la vitesse du météore dans l'atmosphère serait de 37 km/s.

En approfondissant un peu, on pourrait estimer qu'un astéroïde entrant dans l'atmosphère ce soir-là au-dessus de Tananarive se traduirait typiquement par un météore se déplaçant entre 15 et 30 km/s, d'est en ouest sur une trajectoire inclinée entre +50 et ‐30°... C'est tout à fait conforme à ce qu'on a estimé d'après les témoignages, avec une vitesse de 23,5 km/s et une inclinaison de 41°, les deux étant par ailleurs assez imprécises.

Essaims

J'avais tendance à éliminer l'idée d'un corps cométaire parce que la vitesse me paraissait un peu rapide, mais merci à Éric Maillot (Marcassite sur ufo-scepticisme) de m'avoir poussé à rechercher avec les essaims d'étoiles filantes, et de m'avoir fourni des renseignements précieux...

De quoi s'agi-t-il ? Les comètes sont des corps composés essentiellement de glace et de poussières, et lorsqu'elles s'approchent du Soleil la glace s'évapore et les gaz et les poussières, poussés par le vent solaire, forment la chevelure qui rend les comètes si spectaculaires. Quant aux débris plus gros, ils suivent la comète et s'éparpillent peu à peu tout au long de son orbite pour peu qu'elle soit parcourue un grand nombre de fois. Et si cette orbite croise celle de la Terre, cette dernière passe chaque année au travers, et c'est ce qui provoque les « pluies » d'étoiles filantes, la plus connue étant celle des perséides en été. Les étoiles filantes les plus courantes sont dues à des débris guère plus gros qu'un grain de riz, mais il peut y en avoir de beaucoup plus gros qui peuvent donner lieu à des bolides très spectaculaires.

On donne à ces pluies d'étoiles filantes un nom dérivé d'une constellation (perséïdes pour celles du mois de juillet-août) parce qu'elles semblent toutes provenir d'un même point du ciel, appelé le radiant, qui se situe dans cette constellation. S'il y a plusieurs radiants dans la même constellation, on fait précéder leur nom d'une lettre grecque.

Photo de perséïdes, qui divergent depuis un même point

Et cette direction, c'est simplement celle de l'arrivée de l'orbite de la comète par rapport à la Terre, ou encore de l'asymptote de l'orbite hyperbolique que vont suivre les météores dans leur rencontre avec la Terre. Donc l'azimut du radiant donne la direction de cette asymptote, et sa hauteur sur l'horizon c'est ce que nous avons appelé l'angle e, entre l'asymptote d'arrivée de l'orbite hyperbolique et le plan tangent à la Terre.

Outre la position du radiant, les essaims d'étoiles filantes sont caractérisés par la vitesse d'entrée dans l'atmosphère, qui est la vitesse de l'objet en orbite relativement à la Terre, augmentée de l'accélération fournie par l'attraction terrestre. On a vu comment calculer à partir de cela et de la vitesse de libération la vitesse « à l'infini » de l'orbite terrestre, qui est aussi la vitesse de l'orbite de la comète autour du Soleil relativement à la Terre : VI = √(V2‐VL2).

Les radiants convenables se trouveront donc vers le sud-est et proches de l'horizon : la hauteur sur l'horizon détermine l'angle d'incidence minimal lors de l'entrée dans l'atmosphère, et elle ne peut pas être très élevée pour un météore lent, qui parcourt une grande distance. Voici les radiants répertoriés par Stellarium dans cette région du ciel.

Radiants des pluies de météores vers le sud-est près de l'horizon

Les radiants actifs sont indiqués en bleu, mais j'ai tout de même laissé ceux qui sont inactifs au cas où la date serait proche de leur période d'activité.

Il y a les α capricornides, actives du 3 juillet au 15 août et qui peuvent donner de beaux bolides, et dont la vitesse de rentrée dans l'atmosphère est de seulement 23 km/s, guère plus donc de la vitesse que nous avons prise en compte. Mais à une hauteur angulaire de 28°, c'est trop pour donner un météore qui dure, et l'azimut pratiquement plein est est difficilement conciliable avec les témoignages.

Le seul radiant actif auquel on pourrait penser est celui des theta aquarides du sud, qui se trouve à un azimut de 110° et une hauteur sur l'horizon de ‐12°, avec des météores qui entrent dans l'atmosphère à la vitesse de 41 km/s. Mais 12° de hauteur angulaire sous l'horizon, on peut montrer que c'est impossible. Dans le meilleur des cas, le météore arriverait sous une trajectoire rasante, ce qui signifie qu'il serait vu au périgée. Il faudrait que l'angle p, entre l'asymptote et l'axe de l'orbite, soit au moins égal à 78°.

On le calcule facilement avec les formules déjà vues :

VI = √(412‐11,22) = 39,5 km/s

DS = MG/VI2 = 398600/39,52 = 255 km

DF = DS+R = 255+6400 = 6655 km

p = arc cos(DS/DF) = arc cos(255/6655) = 88°

Il faudrait donc que le radiant soit au maximum à 2° sous l'horizon pour qu'il puisse être impliqué. En fait, plus les météores sont rapides et moins ils sont déviés par la Terre.

Il reste une possibilité plus intéressante, les pisces austrinides. Ces météores sont actifs du 15 juillet au 10 août avec un maximum le 27 juillet, on n'est donc pas très loin. Avec un azimut de 121°, soit une inclinaison de 31°, on n'est pas loin de la direction estimée en essayant d'accorder au mieux les témoignages avec la disposition des lieux (39°), et la hauteur angulaire de seulement 3,5° convient aussi très bien. La vitesse des météores est de 35 km/s à leur entrée dans l'atmosphère, ça n'est pas beaucoup plus que les 23,5 km/s que nous avons estimés. Ça semble donc coller assez bien...

Sauf que... En réalité la position des radiants n'est pas fixe dans le ciel, ils se déplacent selon la période. En effet, l'orbite des météores autour du Soleil reste à peu près dans la même direction, mais n'oublions pas que la position du radiant indique la direction d'où viennent les météores par rapport à la Terre. Et c'est la direction de déplacement de la Terre qui varie par rapport au Soleil : puisque la Terre effectue un tour autour du Soleil en 365 jours, la direction de son déplacement varie d'un peu moins d'un degré par jour. Et donc la résultante du déplacement de la Terre et du météoroïde varie aussi, et malheureusement Stellarium ne tient pas compte de cela (en tout cas pas dans la version que j'ai du module « pluie de météores » que j'ai).

La carte ci-dessous, empruntée au site du Réseau français d'observation de météores (Reforme) indique les déplacements des trois radiants qui nous intéressent (je l'ai redressée pour qu'elle ait à peu près la même orientation que les vues de Stellarium) :

Décalage au cours du temps des radiants des capricornides, pisces austrinides et aquarides du sud

CAP c'est les alpha-capricornides, SDA les aquarides du sud, et PAU les pisces austrinides. Quant à ANT, il s'agit du point antihéliaque, c'est-à dire le point à l'opposé du Soleil... Son déplacement montre la déviation de la direction suivie par la Terre sur son orbite. On voit que tous les radiants se déplacent vers le sud, tout comme le point antihéliaque mais dans une moindre mesure. J'ai donc reporté ces déplacement sur la carte de Stellarium, pour avoir les positions de ces radiants le 16 août :

Radiant des capricornides dévié de 15 degrés vers le sud, celui des pisces austrinides de presque 20 degrés, et celui de delta-aquarides de quelques degrés vers le nord-ouest.

Et là il n'y a plus rien qui convienne ! le radiant des capricornides n'est plus qu'à 12 degrés de hauteur, ce qui le rend beaucoup plus intéressant mais malheureusement il est toujours plein est et ça ne convient pas du tout, celui de aquarides du sud ne change guère et reste bien trop bas, et celui des pisces austrinides se retrouve à une quinzaine degrés sous l'horizon, bien trop bas aussi pour que des météores soient visibles. Et le quart d'heure d'incertitude sur l'heure locale ne changerait rien.

Ceci dit, les essaims ne concernent que les comètes à courte période, qui ont effectué un grand nombre d'orbites autour du Soleil. Il y a aussi des corps cométaires de toutes tailles qui ne sont pas regroupés dans des essaims, mais il s'agit alors en général d'objets qui suivent une orbite presque parabolique. On a vu que cela impliquait une vitesse dans l'atmosphère de 37 km/s, ce qui n'est pas vraiment exclu, d'autant que les corps cométaires de par leur matière très fragile se consument en général plus haut dans l'atmosphère que les astéroïdes, et sont donc vus de plus loin. Mais pour la même raison ils ont tendance à se fragmenter rapidement, je privilégie donc tout de même la piste d'un astéroïde.

Conclusion provisoire

Il n'est guère douteux que le fameux « ovni de Tananarive » n'ait été qu'un météore : l'aspect général du phénomène, l'absence de confirmation par les autres témoins de la trajectoire erratique mentionnée par Campagnac, dont on comprend comment elle a pu résulter d'une mauvaise appréciation de la distance et de la volonté de concilier des témoignages multiples et imprécis, le nombre extrême de témoins qu'il indique, et enfin la cohérence de la trajectoire avec une orbite typique d'un astéroïde géocroiseur, tout tend à valider cette identification.

Il reste que ce météore à sûrement été très exceptionnel : par sa durée, même si Campagnac l'a sûrement exagérée, et par son ampleur.

Si on veut en savoir plus, il faut continuer à chercher... Peut-être pas de nouveaux témoins, après 60 ans il ne doit pas en rester beaucoup et leur témoignage sera sûrement très déformé, mais surtout des archives écrites. Il serait vraiment surprenant qu'il n'y ait aucune trace de ce phénomène dans la presse locale...

Joël Mesnard a fait des recherches aux Archives de la France d'Outre-Mer, il a consulté les journaux locaux aussi bien en français qu'en malgache, et n'a trouvé aucune référence à cet événement ni même à une panne d'électricité... Il a même étendu ses recherches aux mois de septembre et octobre, puis à l'année précédente et suivante, sans succès...

Peut-être faudrait-il aussi consulter les journaux de la Réunion, où le phénomène a sûrement aussi été vu, bien que beaucoup moins spectaculaire. Eric Maillot a contacté un ami pour cela, mais il n'a trouvé aucune archive de l'époque.

Et qui sait, peut-être trouvera-t-on un jour le rapport du Révérend Coze, qui est sûrement plein d'enseignements...

Enfin, contrairement à ce que j'avais pensé avec mes premières estimations, il est très possible que des météorites aient atteint le sol avec la nouvelle trajectoire estimée, en la prolongeant d'une centaine de kilomètres. Mais étant donné que la marge d'incertitude est très grande, il ne faut guère espérer les retrouver dans cette région par ailleurs assez déserte... Sauf encore si on retrouve le rapport du Révérend-Père Coze, qui doit permettre de trouver une trajectoire beaucoup plus précise.

En attendant, on peut méditer sur la façon qu'ont beaucoup d'ufologues de traiter les cas de témoins multiples : pour eux, la masse ne sert qu'à valider un témoignage fantastique mais unique !

Nous en avons vu un exemple dans le contexte de la « vague » du 5 novembe 1990 avec le cas de Gretz-Armainvilliers : 6 témoins groupés décrivent avec une rare précision la rentrée atmosphérique et sa trajectoire exacte, mais l'un d'eux fait pendant les premières secondes de son observation et alors qu'il se déplaçait une petite erreur d'appréciation en inversant le sens de déplacement (lent) de l'objet, et ça devient dans la littérature ufologique « huit témoins voient un énorme engin muni de structures et de faisceaux tronqués vers le sol effectuer deux virages serrés ».

Et toujours pour cette vague du 5 novembre on a aussi le cas d'Aubin « enquêté » par le grand naïf Serje Perronnet... 200 élèves internes d'un lycée technique étaient rassemblés dans la cour lorsque « l'engin » et passé, Perronnet en a retrouvé deux qui décrivent plutôt bien vingt ans après leur observation le phénomène qui a traversé le ciel en une minute et a disparu précisément dans la direction qui était celle de la rentrée atmosphérique, mais un des deux témoins, professeur d'art, ajoute qu'il a revu le phénomène vingt minutes plus tard alors qu'il rentrait chez lui en automobile, et qu'il l'a accompagné encore une vingtaine de minutes dans une direction perpendiculaire à celle de la rentrée... Il dit aussi que plus tard il a rencontré quelqu'un de la DST qui lui a conseillé de ne pas témoigner parce qu'on en avait torturé pour moins que ça, il dit que le lendemain quinze personnes faisaient la queue devant le commissariat de cette toute petite ville pour témoigner et que tous ces témoignages ont été détruits... Et pour Perronnet, cela devient « 200 témoins ont observé  un engin pendant une durée de 45 minutes et dans une direction perpendiculaire à celle de la rentrée atmosphérique » !

Et ici, à Tananarive, nous avons donc peut-être vingt mille témoins qui ont vu un objet survoler la ville à très basse altitude en effectuant plusieurs virages... Et quand cinq de ces témoins sont retrouvés, peu importe que leur description ne confirme pas du tout cette version, l'important est qu'ils confirment qu'il y a eu quelque chose, et que donc tout était vrai ! Gageons que ce cas continuera à être présenté par des générations d'ufologues comme un grand classique, une des meilleures preuves du survol de notre planète par des engins extraterrestres, et de la duplicité des gouvernements qui cherchent par tous les moyens à cacher la vérité !

Robert Alessandri




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Ce texte a été lu fois depuis le 22/11/2013