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Le fondateur du Gepan effectue un retour qu'il voudrait fracassant :
avec une théorie inédite de la gravitation qui
expliquerait la propulsion des ovnis... Disons tout de suite que c'est
un peu raté !
Tout commence par des considérations assez naïves sur le
voyage interstellaire... Après avoir déterminé
qu'il faudrait être capable d'aller à une trentaine
d'années-lumière pour trouver des planètes
similaires à la Terre (ce qui repose sur des hypothèses
assez raisonnables), il multiplie par dix cete distance en supposant
que les voyageurs devraient visiter une dizaine de ces planètes
avant d'en trouver une qui soit vraiment
« hospitalière »... Il n'imagine même pas qu'on
puisse, sinon déterminer à distance la composition de
l'atmosphère (il écarte cette possibilité de
façon un peu sommaire), au moins envoyer de petites sondes
automatiques pour sélectionner les destinations
« intéressantes », avant d'envisager les voyages
habités ! Même si les possibilités techniques du
voyage interstellaire se limitaient à cinquante
années-lumière, la conclusion incontournable est que la
Galaxie peut être entièrement colonisée en quelques
millions d'années !
Mais donc, après avoir « déterminé »
ainsi que les distances à franchir devraient être d'au
moins 300 années-lumière, Poher en déduit que pour
ramener de tels voyages à des durées compatibles avec la
longévité humaine, il faut faire appel à la
contraction relativiste du temps lorsqu'on approche de la vitesse de la
lumière. Ainsi, les voyageurs devraient atteindre 99% de cette
vitesse pour que la durée du voyage soit divisée par
sept... Ils parcourraient donc les 300 années/lumière en
une quarantaine d'années, alors que trois siècles
s'écouleraient sur leur planète d'origine.
Or, nous explique-t-il, pour atteindre une telle vitesse, il faudrait
une énergie représentant plus de six fois celle contenue
dans la masse du vaisseau, ce qui rend d'après lui totalement
impossible d'emporter à bord du véhicule la source de
cette énergie... Poher pourrait démontrer de la
même manière qu'il est impossible de satelliser un objet
avec des carburants chimiques, l'énergie cinétique
nécessaire étant très supérieure à
celle que peuvent fournir ces carburants ! c'est là
méconnaître le principe fondamental des fusées :
seule la charge utile doit atteindre la vitesse finale, et la plus
grande partie de la masse est laissée derrière à
une vitesse très inférieure. En fait, on peut
théoriquement atteindre n'importe quelle vitesse avec n'importe
quel type de carburant, pour peu que l'on en ait suffisamment ; la
quantité de carburant atteint des valeurs inimaginables pour des
voyages interstellaires utilisant la propulsion chimique, mais si l'on
disposait d'un carburant idéal capable de transformer
intégralement sa masse en énergie (on sait le faire en
associant en quantités égales la matière et
l'antimatière), on peut calculer qu'il en faudrait une masse
égale à deux cents fois celle de la charge utile pour
atteindre les 99% de c estimés nécessaires par Poher...
C'est beaucoup, mais pas impossible comme il l'affirme
péremptoirement.
On peut aussi reprocher à Poher de ne pas faire la moindre
allusion à d'autres possibilités de « suspendre le
temps » pour les voyageurs, à croire qu'il n'a jamais vu
2001 l'Odyssée de l'espace ou
Alien ! Certes, on ne sait pas encore « congeler » ainsi un
être humain sans le tuer, mais il me semble raisonnable de
considérer que ça sera possible avant que l'on puisse
envisager sérieusement un voyage interstellaire.
Interrogé à ce sujet sur la radio « Ici et
Maintenant », Poher a répondu à peu près :
« quel intérêt, alors qu'il est possible de ralentir
le temps sans aucune contrainte physiologique en approchant la vitesse
de la lumière ? » L'intérêt, c'est que si on
peut se passer de la contraction relativiste du temps, on peut se
contenter d'atteindre par exemple 70% de la vitesse de la
lumière sans que la durée réelle du voyage soit
considérablement allongée, et cela nécessite CENT
FOIS MOINS d'énergie (une quantité d'antimatière
égale à celle de la charge utile suffirait) !
Donc, Poher conclut par un raisonnement très contestable que le
voyage interstellaire nécessite de pouvoir puiser à
volonté de l'énergie dans le milieu interstellaire. Il se
trouve que la mécanique quantique indique que le
« vide » contient des quantités fabuleuses
d'énergies, et de nombreux chercheurs travaillent ainsi aux
possibilités, pour l'instant très incertaines, d'extraire
cette « énergie du vide ». Dans un registre plus
conventionnel, Robert Bussard avait imaginé dès 1960 des
vaisseaux spatiaux dotés d'un gigantesque collecteur
d'hydrogène interstellaire, lequel serait utilisé pour
alimenter un propulseur thermonucléaire... Tout cela ne convient
pas à Poher, qui n'en dit aucun mot.
Il veut encore nous persuader que le voyage interstellaire
nécessite des accélérations fabuleuses afin de
réduire la durée du voyage à quelques dizaines de
jours, sans quoi la masse de « consommables » (eau et
nourriture) à embarquer atteint des valeurs
déraisonnables. Mais il considère pour cela nos
possibilités actuelles de recyclage, comme si aucun
progrès n'était possible dans ce domaine avant qu'on soit
capable d'entreprendre un voyage interstellaire... Notons que
l'hibernation résoudrait ou réduirait aussi ce
problème.
C'est donc avec de nouvelles considérations pour le moins
contestables que Poher affirme que les vaisseaux interstellaires
devraient être capables d'atteindre une
accélération d'au moins cent fois la pesanteur terrestre,
très au-delà de ce que l'organisme humain peut supporter.
Et il en déduit que la seule possibilité permettant les
voyages interstellaires serait de pouvoir utiliser un « champ de
force » de nature gravitationnelle, qui agirait sur toutes les
particules.
Et Poher nous explique alors que si l'on pouvait créer ainsi un
« champ de gravité » artificiel très puissant,
il serait possible de l'utiliser aussi pour protéger le vaisseau
des rayonnements très intenses qui poseraient sans cela un
problème insoluble : le champ gravitationnel, en
déformant l'espace autour du vaisseau, dévierait les
photons et les particules à haute énergie heurtant le
vaisseau... Mais il ne donne aucune évaluation chiffrée
de l'efficacité d'un tel « bouclier
gravitationnel »... Et pour cause : on peut calculer que pour
être efficace (dévier les particules de quelques
mètres), le « champ gravitationnel » artificiel
devrait s'étendre jusqu'à des centaines de milliers de
kilomètres à l'avant du vaisseau ! D'autre part, il
commet une autre erreur grossière en indiquant que cette
déviation des particules par le « bouclier
gravitationnel » se traduirait par un « rayonnement
synchrotron et rayonnement de freinage à large bande » :
des particules déviées par un champ gravitationnel
suivent les « géodésiques » de l'espace
courbé, elles ne rayonnent pas !
Poher conclut donc la première partie de son livre par la
certitude que des vaisseaux interstellaires doivent utiliser un
« champ gravitationnel » pour se propulser, et puiser leur
énergie dans le vide. Et puisque ses recherches sur les ovnis
l'ont convaincu que nous avons des « visiteurs », il faut
nécessairement que cette possibilité existe : si l'on ne
connaît aucune théorie physique permettant cela, c'est
qu'elle reste à découvrir... Et c'est donc ce que tente
Poher dans la deuxième partie du livre en nous exposant sa
« théorie des universons », rien moins qu'une nouvelle
théorie de la gravitation !
On peut d'emblée émettre quelques doutes sur une
« théorie quantique de la gravitation » qui ignore
totalement ET la mécanique quantique ET la relativité
générale ! Il serait plus correct de parler d'une
« théorie corpusculaire de la gravitation » : Poher
imagine que l'espace est traversé par un flux permanent de
particules qu'il appelle les « universons », lesquels
exerceraient une « pression » sur les particules de
matière. Il n'est pas le premier à proposer une telle
interprétation de la force de gravitation, qui peut très
bien rendre compte d'une force inversement proportionnelle au
carré de la distance s'exerçant entre deux corps... mais
qui devient totalement incapable de rendre compte des observations
dès que la situation est un peu plus complexe. Poher introduit
une variante en considérant que les « universons »
sont captés et réémis par les particules de
matière, mais ça ne change pas grand-chose... En fait,
c'est plutôt pire : sa théorie, telle qu'il l'expose, est
tout à fait incapable de rendre compte de l'attraction
gravitationnelle de deux corps, ce qui est gênant pour une
« théorie de la gravitation »
Explique-t-elle autre chose ? Poher évoque longuement le
problème du ralentissement observé, et jusqu'à
présent inexpliqué, des sondes spatiales envoyées
aux confins du système solaire, notamment Pioneer 10 et 11... Il
n'est pas le premier à constater que la valeur de ce
ralentissement semble proche de la constante de Hubble (la vitesse de
fuite des galaxies en fonction de la distance) multipliée par la
vitesse de la lumière. S'il ne s'agit pas d'un hasard, ce
constat tend à montrer que ce ralentissement des sondes
spatiales a quelque chose à voir avec l'expansion de l'univers.
Et Poher l'explique par sa théorie des universons : par des
calculs de mécanique tout à fait classique, il arrive
à la conclusion qu'en raison de l'expansion de l'univers, toute
masse accélérée subira une
accélération supplémentaire, dans le même
sens, égale à Hc. Il s'appuie pour cela sur
l'augmentation avec le temps des distances traversées par ses
« universons » dans les particules de matière... Mais
cela suppose que les dites particules « grossissent » en
même temps que l'univers, ce qui n'a rien d'évident ! En
fait, étant donné que sa « théorie »
n'est qu'une ébauche, il peut jouer à loisir sur tout un
tas de suppositions pour arriver au résultat voulu... Qui est de
« prédire » le ralentissement des sondes spatiales !
On a d'ailleurs l'impression que c'est parce qu'il est arrivé en
tripatouillant sa théorie à justifier le ralentissement
des sondes spatiales qu'il s'est décidé à
rédiger ce livre.
Poher nous explique aussi que les planètes, contrairement aux
sondes, ne sont pas soumises à cette accélération
supplémentaire, du fait qu'elles subissent deux
accélérations opposées s'annulant :
l'accélération gravitationnelle et
« l'accélération centrifuge d'inertie »...
Malheureusement, cette « force centrifuge » n'est qu'une
invention pratique pour simplifier les calculs, mais en physique elle
n'existe pas : une planète tournant autour du Soleil est soumise
à une accélération et une seule, l'attraction du
soleil, laquelle s'exerce perpendiculairement au déplacement...
Et donc, il n'y a aucune raison que l'accélération Hc
prédite par la théorie des universons ne s'exerce pas
aussi sur une planète.
Il semble d'ailleurs que Poher soit revenu sur cette affirmation
puisqu'il dit maintenant que l'orbite de la Terre subit une petite
perturbation qui se trouve expliquée par sa théorie (voir
le texte qu'il a publié sur le site
Ufocom)...
Encore une « prédiction après coup », qu'il
utilise sans la moindre justification vérifiable pour promouvoir
son livre !
Dans la troisième partie de son ouvrage, Poher nous parle des
possibilités qu'apporte sa théorie en matière de
propulsion.
Il suggère ainsi qu'il serait possible de produire un champ
gravifique en faisant vibrer les atomes grâce à un champ
électrique alternatif... On attend de voir !
Plus loin, il cherche à expliquer par sa théorie les
caractéristiques des ovnis. Il reprend en fait la plupart des
idées du lieutenant Plantier, qui suggérait dès
1953 que l'utilisation d'un « champ de forces » de nature
gravitationnelle expliquerait les brusques accélérations,
l'absence de bang, etc (l'article de Plantier, paru dans Forces
aériennes françaises, la revue de l'Armée de
l'air, est reproduit sur le site
RR0 ; il a développé ses idées en 1955 dans un livre pratiquement introuvable intitulé
la Propulsion des soucoupes volantes).
La différence, c'est que Plantier n'avait aucune
« théorie de l'antigravitation », alors que Poher
prétend en avoir une... malheureusement pas très
convaincante ! Les quelques « ajouts » que Poher apporte aux
réflexions de Plantier sont erronés : lorsqu'il veut
expliquer le halo lumineux des ovnis par le fort « gradient de la
force gravitationnelle », ça ne tient pas debout.
Bref, la théorie des universons est à ranger parmi les
multitudes de théories de la gravitation faites par des
ingénieurs qui se prennent pour de grands physiciens... Je ne
doute pas que Poher ait fait un très bon travail
d'ingénieur dans le domaine de la propulsion spatiale, mais il
est visiblement incapable de faire de la physique théorique. Je
ne suis pas plus physicien que lui (même sûrement moins),
mais le fait que je trouve des erreurs énormes dans sa
« théorie » laisse imaginer ce que de
véritables physiciens pourront en penser !
Pour ce qui est de la propulsion des ovnis, il est bien possible
qu'elle fasse appel à une forme
« d'antigravitation »... Poher s'efforce de nous le
démontrer par des observations. L'échantillon de cas dont
il se sert pour illustrer ses propos est malheureusement assez
limité, mais l'idée mérite d'être
approfondie. Mais on n'a pour l'instant aucune idée de la
façon dont on pourrait créer une « gravité
artificielle » (je préfère ce terme à celui
d'antigravitation), et ce dont on peut être sûr c'est que
si quelqu'un trouve un jour la solution ça ne sera pas Claude
Poher !
Le livre reste malgré tout intéressant si l'on
élimine tout ce qui concerne la théorie
pseudo-scientifique des universons (laquelle en constitue
malheureusement la majeure partie)... On y trouve bon nombre de
renseignements techniques sur les voyages spatiaux, sur ce fameux
ralentissement des sondes Pioneer dont les revues scientifiques
évitent soigneusement de parler, et aussi sur l'histoire de la
création du GEPAN. Ainsi, on comprend beaucoup mieux les raisons
qui ont poussé Poher a quitter cet organisme peu après
l'avoir créé : son intention avait toujours
été d'essayer de tirer de l'étude des ovnis des
certitudes sur les possibilités techniques de civilisations
avancées, et par là de susciter de nouvelles recherches
en physique théorique... Personne ne voulant le suivre sur une
voie aussi engagée, il a quitté le GEPAN.
En résumé, un livre à lire du début
à la fin mais en sautant le milieu, et une théorie
à oublier ! Et si certains comptaient sur le « retour du
chercheur prodige » pour rehausser l'image scientifique du SEPRA,
ils risquent une sévère désillusion !
Robert Alessandri, 22 novembre 2003