Durée des rentrées atmosphériques et des météores
(27/05/2003)
Vous pouvez traduire ce texte dans la langue de votre choix :
S'il est un élément essentiel et pourtant mal connu en matière
de rentrées de satellites ou de météores, c'est bien
la durée que peuvent atteindre ces phénomènes :
qu'il s'agisse de la durée totale ou de la durée maximale d'observation
pour un même témoin.
I - Rentrées atmosphériques
Parlons d'abord des satellites. Un satellite décrit une orbite elliptique autour
de la Terre. Si la Terre n'avait pas d'atmosphère,
ce mouvement n'aurait pratiquement pas de fin (le mouvement perpétuel
existe; ce que les lois de la physique connue interdisent, c'est qu'il reste
perpétuel tout en fournissant de l'énergie). De fait, les satellites
en orbite très haute, par exemple géostationnaire, resteront
quasi-éternellement en orbite si l'on ne s'occupe pas un jour de « faire
le ménage ».
Par contre, un satellite orbitant à quelques centaines de kilomètres
de la surface terrestre subira l'influence de l'atmosphère, qui le
freinera peu à peu et le rapprochera du sol. Le mouvement ne sera
plus perpétuel parce que, justement, le satellite communiquera de
l'énergie à l'atmosphère, sous forme de chaleur.
Pour un satellite en orbite circulaire, la trajectoire sera une spirale qui
se resserrera de plus en plus vite en approchant de la Terre :
Paradoxalement, ce freinage par l'atmosphère aura pour effet... d'accélérer le satellite !
Il est facile de comprendre à quoi correspond la vitesse d'un satellite
en orbite circulaire, appelée vitesse orbitale. Il suffit de savoir
qu'un satellite, comme tout objet, « tombe » vers le sol, en étant
soumis à l'accélération de la pesanteur terrestre, de
9,81 m/s par seconde. S'il n'était pas ainsi attiré par
la Terre, sa trajectoire serait rectiligne. Mais s'il va à une certaine
vitesse sur une trajectoire perpendiculaire au rayon terrestre, l'amplitude
de sa chute compensera exactement l'éloignement du centre de la Terre
du fait de son déplacement : il se retrouvera donc à la
même distance de ce centre, et sa situation n'aura pas changé.
On peut visualiser cela sur ce schéma :
D, c'est la trajectoire qu'aurait parcourue le satellite s'il n'avait pas
été attiré par la Terre ; d, c'est la déviation
sur cette trajectoire du fait de l'attraction terrestre ; et R, c'est la distance
du centre de la Terre, à laquelle le satellite doit se retrouver à
la suite de ces deux déplacements. Si vous n'avez pas oublié
le « théorème de Pythagore » que vous récitiez
à l'école (dans un triangle rectangle, le carré de l'hypothénuse
est égal à la somme des carrés des deux autres côtés),
vous n'aurez aucun mal à trouver D par rapport à R et d :
(R+d)2 = R2+D2 ⇒ R2+d2+2Rd = R2+D2 ⇒ D2 = 2Rd+d2.
Pour que le calcul soit correct, il faut choisir des valeurs de D et d très
petites par rapport à R, auquel cas le terme d2 devient négligeable devant 2Rd, et on peut simplifier : D = √(2Rd).
Choisissons par exemple pour simplifier les calculs les distances parcourues
en une seconde. Au sol, à 6370 km du centre de la Terre, la pesanteur
est égale à 9,81 m/s2. Mais on sait aussi qu'elle
diminue en fonction du carré de la distance, si bien qu'à 6500 km
du centre de la Terre, elle ne sera plus égale qu'à 9,81*(6370/6500)2 = 9,42 m/s2.
Ce qui signifie qu'en une seconde, la vitesse de chute du satellite sera
passée de 0 à 9,42 m/s, si bien qu'elle aura été
en moyenne de 4,71 m/s. C'est donc de cette distance d que le satellite
sera tombé en une seconde.
Et on peut donc calculer D, la distance qu'il aura dû parcourir en
une seconde afin de conserver la même distance par rapport au centre
de la Terre :
D = √(2Rd) = √(2*6 500 000*4,71) = 7825 m.
Ça sera donc la vitesse de satellisation à cette altitude :
7,8 km/s, ou 28 000 km/h. L'attraction de la Terre étant perpendiculaire
à cette vitesse, le satellite ne sera ni accéléré
ni ralenti par cette force, et il tournerait donc sans fin sur son orbite
circulaire s'il n'était pas freiné par l'atmosphère.
La pesanteur diminuant en fonction du carré de la distance, on trouve
facilement que la vitesse de satellisation diminue en fonction de la racine
carrée du rayon de l'orbite : à 26 000 km du centre de la Terre,
un satellite en orbite circulaire se déplace à 14 000 km/h.
Et c'est ainsi que lorsque le satellite se rapproche lentement du sol, freiné
par l'atmosphère, il accélère... Ce qui diminue, ça
n'est pas la vitesse, mais le moment angulaire (produit de la vitesse par
le rayon de l'orbite).
On parle de rentrée dans l'atmosphère lorsque l'échauffement
dû au frottement de l'air devient tel que le satellite émet une
lumière propre qui le rend visible (avant cela, un satellite n'est
visible que s'il est éclairé par le Soleil alors que l'observateur
est plongé dans la nuit). Bien sûr, cela ne se produit pas brutalement
et l'altitude critique dépend des caractéristiques du satellite (essentiellement
le rapport masse/surface) et des nombreux facteurs influant sur l'atmosphère,
mais la densité de l'atmosphère variant rapidement avec l'altitude
(elle est divisée par 2,71, la base des logarithmes naturels, tous
les 8 km environ ; cette valeur est appelée l'échelle de hauteur)
la marge d'incertitude est minime. Par convention, on fixe l'altitude du début
d'une rentrée atmosphérique à 120 km du sol au
niveau de l'équateur, soit à peu près 130 sous les latitudes
moyennes. Le rayon équatorial de la Terre étant de 6378 km,
il est pratique et très correct de considérer que l'orbite
d'un satellite a un rayon de 6500 km peu avant la rentrée.
Certes, un satellite n'a pas forcément une orbite circulaire ; plus
généralement, elle sera elliptique, et pour qu'il soit influencé
par l'atmosphère il suffit que son périgée (point le
plus proche de la Terre) soit proche du sol, quelle que soit la valeur de
l'apogée (point le plus éloigné) et donc le grand axe
de l'orbite. Ce qui nous intéresse alors, c'est la vitesse au périgée,
lorsque le satellite plonge dans l'atmosphère. Pour que le satellite
suive une telle orbite, il faut qu'il s'éloigne de la Terre plus vite
qu'il ne « chute », et donc que sa vitesse au périgée
soit supérieure à la vitesse de satellisation circulaire. Mais
si cette vitesse atteint une certaine valeur, le satellite n'en sera plus
un, il quittera définitivement la Terre, sur une orbite parabolique
ou hyperbolique. Cette vitesse limite, appelée vitesse de libération,
est égale à la vitesse de satellisation multipliée par
la racine carrée de deux (1,414). Soit, près du sol, 11 km/s
ou 40 000 km/h.
On peut donc dire que lorsqu'il effectuera sa rentrée, un satellite
aura une vitesse comprise entre 28 000 et 40 000 km/h. Mais en fait, le freinage
par l'atmosphère d'un satellite en orbite elliptique aura pour effet
de ralentir le satellite au niveau du périgée, ce qui diminuera
le grand axe de l'ellipse sans modifier l'altitude du périgée.
Et donc, l'orbite se circularisera peu à peu, comme indiquée
sur le schéma suivant :
Ça ne sera que lorsque l'influence de l'atmosphère sera permanente,
donc lorsque l'orbite sera pratiquement circulaire, que le satellite se rapprochera
du sol suivant la classique trajectoire en spirale. Donc, quelle que soit
la forme initiale de l'orbite, la rentrée s'effectuera lorsque le
satellite sera en orbite circulaire basse, d'environ 6500 km de rayon et
à la vitesse de 28 000 km/h.
Il peut arriver que l'on veuille provoquer la rentrée d'un satellite
en orbite elliptique sans attendre que le freinage atmosphérique fasse
son oeuvre (ce qui peut être assez long puisqu'il ne se produit que
sur une petite portion de l'orbite), afin de diminuer le nombre d'objets
inutiles en orbite risquant de provoquer des collisions. La technique est
alors de diminuer la vitesse à l'apogée par un petit propulseur,
ce qui réduit cette fois la distance du périgée. La
rentrée se fait alors à une vitesse supérieure à
la vitesse de satellisation, mais on peut alors choisir le moment
de la rentrée et on a tout intérêt à faire en sorte
qu'elle se produise au-dessus d'un océan ou d'une région inhabitée,
pour éviter tout risque, même minime, d'accident. Et donc, de
telles rentrées « forcées » ne seront pas vues au-dessus
des zones peuplées.
Il résulte de tout cela que la vitesse d'un satellite rentrant dans
l'atmosphère au-dessus d'une région peuplée est toujours
la même. Cette universalité des rentrées atmosphériques rend extrêmement simples les calculs
relatifs à un tel phénomène, comme le tracé de
la trajectoire au sol ou l'heure de passage.
Intéressons-nous maintenant à la durée de la rentrée et à l'évolution de la vitesse.
La durée de la rentrée est le temps nécessaire
pour que le satellite chute de 120 km. On appelle portée longitudinale la distance parcourue,
laquelle dépend des caractéristiques du satellite, de sa résistance
à la chaleur, etc. J'emprunte le tableau suivant au livre du CNES Mécanique spatiale tome II, p. 1147 :
La « finesse » est le rapport de la portance (force verticale exercée
par l'atmosphère sur des profils particuliers) sur la traînée
(résistance de l'air à l'avancement) : il ne concerne que les
rentrées de la navette spatiale ou d'un autre type de « planeur ».
L'avantage de ces rentrées « planées » est qu'elles
sont prolongées, ce qui entraîne une diminution de l'échauffement
et de la décélération maximale. Mais pour un satellite
courant dont la forme n'est pas étudiée pour cela, la portance
et donc la finesse seront globalement nulles, comme c'est le cas sur ces quatre courbes.
La portée varie alors essentiellement en fonction du « coefficient
balistique » du satellite. Il s'agit du rapport surface/masse multiplié
par le coefficient de traînée CD, ce dernier étant
toujours à peu près égal à 2,5 pour un objet
de forme quelconque. Par exemple, pour un étage de fusée qui
présenterait à l'atmosphère une section moyenne de 20 m2
et une masse de 4 tonnes, le coefficient balistique serait de
20*2,5/4000, soit à peu près 0,01 m2/kg, et
la portée longitudinale proche de 4000 km. Un satellite, plus
compact, aurait une trajectoire de rentrée plus longue.
Bien sûr, cela s'applique à des objets qui conserveraient leur
intégrité tout au long de la rentrée, ce qui n'est généralement
pas le cas ; pour un objet qui se fragmente ou subit une forte « ablation »
(c'est le terme désignant la perte de matière au cours d'une
rentrée atmosphérique, par échauffement), il faudrait
étudier le coefficient balistique des fragments ou des restes. En
règle générale, le rapport surface/masse, et donc le
coefficient balistique, augmente lorsque la taille des objets diminue (que
ce soit par ablation ou fragmentation), mais ça n'est pas le cas avec
les étages de fusée qui ont à l'origine une densité
très faible, puisqu'il s'agit essentiellement de réservoirs vides. On peut
calculer grossièrement que les tuyères d'éjection, en
général les seuls débris qui atteignent le sol du fait
de leur résistance à la chaleur, ont un coefficient balistique
proche de celui de l'étage de fusée complet. On peut donc admettre
une distance de 4000 km comme assez typique de la trajectoire d'une rentrée
atmosphérique, aussi bien dans le cas d'un étage de fusée
que d'un satellite.
On voit sur cet autre tableau que j'emprunte à l'excellent
cours sur les satellites
de Robert Guiziou que la vitesse diminue très peu jusqu'à 60 km
d'altitude (le livre déjà cité du CNES donne des
indications similaires) :
Et puisqu'à cette altitude, la rentrée est presque achevée,
le retard causé par ce ralentissement en fin de trajectoire n'excèdera
pas une minute par rapport à la durée que mettrait le satellite
pour parcourir cette distance à une vitesse constante de 7,8 km/s.
La rentrée durera donc de l'ordre de 10 mn pour un parcours
de 4000 km.
Cela n'est bien sûr le cas que pour un satellite qui ne serait pas
entièrement consumé dans l'atmosphère bien avant d'atteindre
le sol. Cela exclut tous les petits objets en orbite, débris divers
ou sacs d'ordures (il y en a toujours un certain nombre en orbite, contenant
en particulier les diverses déjections des astronautes lors des vols
habités ; mais n'ayez aucune crainte de recevoir des excréments
provenant d'un vol spatial sur la tête : ils sont brûlés
et complètement décomposés lors de leur rentrée,
bien plus efficacement que dans n'importe quel incinérateur). Par
contre, tous les gros satellites, d'une masse d'une dizaine de tonnes ou
plus, ainsi que les étages de fusée dont certaines pièces
sont très résistantes à la chaleur, effectuent une trajectoire
de rentrée complète. Mais à part dans le cas de satellites
vraiment très gros, la masse des débris atteignant le sol est
faible ainsi que leur vitesse finale, si bien que les risques encourus sont
minimes et que personne ne cherche à contrôler une telle
rentrée. Les rentrées de satellites n'ont jamais entraîné
de mort ou blessure grave, ni de dégâts importants au sol (si
toutefois cela devait arriver, le pays propriétaire du satellite serait
responsable).
Estimons maintenant pendant combien de temps un observateur bien placé
peut voir une rentrée atmosphérique. La donnée essentielle est
la distance à laquelle le phénomène apparaît à
l'horizon. Et cette distance se calcule facilement en fonction de l'altitude,
encore grâce au bon vieux théorème de Pythagore :
Après simplification, on trouve : d2 = 2Rh+h2. (Ici encore, pour une altitude faible par rapport au rayon terrestre, le terme h2 peut être négligé).
Ainsi, à une altitude de 120 km, le phénomène
sera visible à 1200 km... De l'autre côté de la
trajectoire, l'altitude aura diminué ; après un parcours de
quelque 2000 km, elle sera d'environ 80 km, correspondant à
une distance de visibilité de 1000 km. Donc, un même témoin
peut suivre un phénomène de rentrée atmosphérique
typique sur 2200 km (et nous avons vu que la trajectoire complète
est généralement nettement plus longue). Et la vitesse de ce
phénomène étant de 7,8 km/s, pratiquement invariable,
la durée maximale de visibilité sera de 280 s, soit 4'40"...
Nous verrons par ailleurs que la luminosité à une telle distance
est très suffisante pour rendre le phénomène visible
lorsqu'il est causé par un objet de plusieurs tonnes (la rentrée
d'un sac d'ordures ou d'un quelconque débris sera visible comme une simple étoile filante).
Bien sûr, il faut pour cela que le témoin soit idéalement
placé, avec un horizon parfaitement dégagé des deux
côtés, et qu'il remarque la rentrée dès son apparition
à l'horizon, à une distance telle que sa luminosité
n'excédera pas celle d'une étoile brillante... De telles conditions
étant tout de même exceptionnelles, la durée d'observation
excédera rarement 3 mn, avec une moyenne de 1 à
2 mn (c'est tout de même beaucoup plus que les « quelques secondes »,
ou après correction « une minute tout au plus » indiquées
par le prétendu expert en rentrées atmosphériques du
CNES !)
II - Les météores
Si les rentrées atmosphériques de satellites ont des caractéristiques
pratiquement invariables, il en va tout autrement des météores,
les phénomènes lumineux provoqués par la rentrée
(ou plutôt l'entrée) des « cailloux » provenant de
l'espace.
Pour éviter toute confusion, quelques précisions terminologiques
s'imposent. Dans un sens général, un « météore »
désigne tout phénomène se produisant dans l'atmosphère,
comme les nuages, l'arc-en-ciel ou la foudre. Mais au sens astronomique,
il s'agit de la trace lumineuse produite dans l'atmosphère par ce
que l'on appelle couramment les « météorites ». En
réalité, la météorite devrait désigner
les restes que l'on trouve au sol, et il n'existe pas de terme précis
pour désigner l'objet lui-même pénétrant dans
l'atmosphère. On a proposé pour cela le terme de « météoroïde »,
qui reste peu répandu.
Donc, un météoroïde est un objet provenant du ciel
qui plonge dans l'atmosphère, et qui peut avoir n'importe quelle taille :
de celle d'un grain de poussière pour tous ceux qui constituent justement une
bonne part de la poussière que l'on trouve dans les greniers, jusqu'à
celle d'une montagne pour l'astéroïde qui a provoqué
la disparition des dinosaures, en passant par celle d'un grain de riz
pour les plus petits objets provoquant les « étoiles filantes »
(les météores de faible amplitude) et celle d'un gros rocher
(quelques tonnes) pour ceux dont les restes atteignent le sol sous forme
de météorites (les objets plus petits sont entièrement
consumés, « ablatés », au cours de leur traversée
de l'atmosphère).
Nous ne nous intéresserons qu'à ceux de taille relativement
importante, causant un météore bien plus lumineux qu'une banale
étoile filante, que l'on désigne alors sous le nom de « bolide »
ou « boule de feu »... Il s'agit typiquement d'objets pesant de
quelques kilogrammes à quelques tonnes, et il en tombe à
peu près tous les jours quelque part dans le monde.
Contrairement aux rentrées de satellites, ces objets n'ont aucune
raison de s'approcher de la Terre sous une trajectoire pratiquement parallèle
au sol, et ça sera même plutôt l'exception : pour
qu'il suive une telle trajectoire rasante, il faut en simplifiant qu'un météoroïde « cible »
l'atmosphère, soit une couronne de quelque 150 km d'épaisseur
autour d'un cercle de 6500 km de rayon. Ça donne à peu près
un rapport de surface de 1/20, et autant pour la probabilité.
Et bien sûr, c'est la condition nécessaire pour que le phénomène
dure longtemps : un objet qui heurtera la Terre en plein centre ne parcourra
au mieux que l'épaisseur de l'atmosphère, qu'il traversera
en quelques secondes, et gardera une position fixe par rapport à
un observateur situé juste au-dessous de lui (précisons au
passage que les météorites ont fait un peu plus de dégâts
que les rentrées atmosphériques, mais aucune victime attestée
dans l'histoire récente).
Intéressons-nous donc aux quelque 5% de météoroïdes
qui atteignent l'atmosphère tangentiellement, responsables pour cette
raison de ce que l'on appelle les « météores lents ».
Cette « lenteur » résulte donc de la
longueur de la trajectoire dans l'atmosphère, plutôt que de la vitesse.
Mais la vitesse joue aussi son rôle, d'autant qu'elle est très variable dans le cas des météores.
Nous avons vu qu'un satellite effectuait nécessairement sa rentrée
à une vitesse comprise entre 28 000 km/h et 40 000 km/h, cette dernière
étant la vitesse de libération. Un météoroïde
se situe simplement de l'autre côté de cette barrière.
En effet, s'il faut lancer un objet à la vitesse de libération
(quelle que soit d'ailleurs la direction dans laquelle on le lance) pour
qu'il quitte la Terre sans garder de vitesse résiduelle, un objet
provenant de l'espace extérieur et s'approchant à une vitesse
initiale faible atteindra le sol à la vitesse de libération
(et ce, quelle que soit sa direction). C'est la vitesse que lui donnera l'attraction
terrestre.
40 000 km/h, c'est donc la vitesse minimale théorique
des météoroïdes lorsqu'ils pénètrent dans
l'atmosphère. Le fait qu'un objet s'approche de la Terre à
une vitesse pratiquement nulle signifie que son orbite initiale était
quasiment identique à celle de la Terre. Cela nécessite que
l'objet ait été presque capturé par la Terre en suivant
une trajectoire bien particulière dans le système Terre-Lune.
Un tel événement est possible, mais en général
les astéroïdes ont une trajectoire très elliptique, presque
parabolique, si bien que leur vitesse au niveau de l'orbite terrestre est
proche de la vitesse de libération du Soleil à ce niveau. Et
cette vitesse, c'est la vitesse de la Terre autour du Soleil, de 30 km/s,
multipliée par √2, soit 42 km/s. L'objet s'approchera de la Terre
à une vitesse minimale s'il se déplace dans la même direction
qu'elle, et cette vitesse sera alors la différence des deux :
42-30 = 12 km/s. Mais la pesanteur terrestre l'accélérera,
la vitesse finale étant égale à la racine carrée
des carrés de la vitesse initiale et de la vitesse de libération
terrestre : √(122+112), soit 16 km/s ou 59 000 km/h. Il est très exceptionnel
qu'un météoroïde plonge dans l'atmosphère à
une vitesse inférieure.
Quant à la vitesse maximale, elle sera atteinte par un objet provenant
de l'espace lointain et heurtant cette fois la Terre de front sur son orbite.
Notons qu'il ne peut alors pas s'agir d'un astéroïde, puisqu'ils
orbitent pratiquement tous dans le même sens que la Terre, mais les
comètes et les débris qu'elles laissent derrière elles
ont des orbites très aléatoires et sont aussi responsables
de météores spectaculaires (mais elles ne laissent jamais de
météorites, leur matière très fragile étant
entièrement consumée bien avant d'atteindre le sol). Cette
vitesse maximale sera donc cette fois égale à 42+30 = 72 km/s,
et même 73 en tenant compte de l'accélération supplémentaire
que lui fournit la Terre.
73 km/s, cela fait 260 000 km/h, environ neuf fois la vitesse des rentrées
atmosphériques... La vitesse des météoroïdes sera
donc comprise entre 40 000 km/h et 260 000 km/h, avec une moyenne un peu
supérieure à 100 000. Les étoiles filantes de l'essaim
des Léonides, au mois de novembre, ne sont pas loin du record avec
une vitesse de 71 km/s (les essaims d'étoiles filantes sont des débris,
pour la plupart de petite taille, échappés de comètes,
et qui heurtent la Terre toujours aux mêmes dates lorsque celle-ci croise
l'orbite de la comète responsable).
Notons que cette vitesse joue un peu sur l'altitude à laquelle le
phénomène devient visible, puisque la résistance de
l'air est proportionnelle à sa densité mais aussi au carré
de la vitesse. Si la vitesse est neuf fois plus importante que dans le cas
d'une rentrée atmosphérique, on obtiendra une même résistance
de l'air, donc un même échauffement, dans une atmosphère
81 fois moins dense. Cela correspond à un gain d'altitude égal
au facteur d'échelle de l'atmosphère (de l'ordre de 8 km) multiplié
par le logarithme naturel (ou « népérien ») de 81,
soit 35 km. De fait, les étoiles filantes les plus rapides, comme
les Léonides, se consument à environ 170 km d'altitude.
Intéressons-nous maintenant à la distance maximale que peut
parcourir un tel objet dans l'atmosphère. Cette distance concernera
bien sûr les objets les moins rapides (qui sont aussi, on l'a vu, très
rares). Et ce sont aussi les plus simples à étudier puisque
leur trajectoire sera une parabole. On peut considérer que le phénomène
sera visible à 130 km d'altitude, et la trajectoire sera maximale
lorsque le périgée de cette parabole passera très près
de la surface terrestre ; disons sans trop forcer la chance à 20 km
d'altitude (6390 km du centre de la Terre). Il s'agit donc de calculer, pour
une parabole dont la distance minimale au foyer est de 6390 km, quel angle
correspond à une distance de 6500 km :
On trouve cela facilement dans les propriétés des paraboles :
2R = d+d*cosinus θ ⇒ θ = arc cosinus(2R/d-1).
Avec R = 6390 km et d = 6500 km, on
trouve 14,95°, le double en considérant les
deux moitiés de la courbe. La distance parcourue sera donc
approximativement
de 6500*2*π*14,95*2/360 = 3400 km, et la durée de
300 s (cinq minutes) à la vitesse de 11 km/s.
Ça sera bien sûr le
cas pour un astéroïde qui ne serait pas ralenti par
l'atmosphère
(ce qui implique qu'il soit très gros)... On pourrait obtenir
une
valeur encore un peu plus élevée en tenant compte du
freinage
atmosphérique, mais les circonstances choisies étant
très
exceptionnelles ne forçons pas trop sur la chance.
Notons qu'avec une vitesse plus courante de 16 km/s au périgée,
la courbe serait une hyperbole, un peu plus ouverte que la parabole, et l'angle
serait de ce fait réduit. La trajectoire serait alors de l'ordre de
2500 km, parcourue en deux minutes et demie.
Quant à la durée d'observation, elle est encore déterminée
par la distance de visibilité, égale à 1300 km pour
une altitude de 130 km. Les 3700 km de la trajectoire dans l'atmosphère
ne pourront donc pas être suivis en totalité par un témoin,
et on peut estimer compte tenu de la perte d'altitude que la trajectoire
suivie ne dépassera pas 2000 km, aboutissant à une durée
de visibilité de trois minutes dans les conditions optimales. En considérant
plutôt une vitesse de 16 km/s, cette durée sera réduite
à deux minutes et correspondra cette fois à peu près à
la totalité de la trajectoire de l'objet dans l'atmosphère.
Bien sûr, nous avons fait appel à des hypothèses extrêmes
dont la combinaison relèverait presque du miracle. On connaît
toutefois quelques météores qui ont été observés
pendant environ deux minutes, mais il s'agit de cas rarissimes.
Il est à noter que tout comme dans le cas des rentrées atmosphériques,
les caractéristiques « extrêmes » des météores
sont bien mal connues, comme on peut s'en rendre comte en citant ce passage
du livre de Peter Sturrock La Science face à l'énigme des ovnis
(p. 316) :
Durée : Quand une météorite fonce dans l'atmosphère,
sa trace lumineuse ne dure que quelques secondes. Deux en moyenne pour les
« pluies d'étoiles filantes », dix pour la majorité
des « bolides » plus substantiels. Leur vélocité
est d'environ 74 kilomètres/seconde (40 miles) [nous avons vu qu'il
s'agit de la vitesse maximale, et il n'est pas rare qu'ils soient
cinq fois moins rapides]. Aucun météore ne parcourt 180 degrés
d'un horizon à l'autre [faux, même si c'est très rare].
J'en ai longuement discuté avec le Dr William M. Protheroe, professeur
d'astronomie à l'université d'État de l'Ohio. Le Dr Hynek
a également étudié la question. Ils ont conclu
que la durée maximale de visibilité d'une tête de météore,
dans les conditions les plus favorables, serait de l'ordre de 30 à
40 secondes
[faux, comme l'attestent quelques cas qui restent toutefois très
exceptionnels : notamment l'astéroïde de 5 mètres de diamètre
qui a traversé le ciel des États-Unis pendant précisément
101 secondes avant de repartir dans l'espace, bien visible en plein jour,
le 10 août 1972 ; sa trajectoire est parfaitement connue du fait qu'il
a été photographié par des témoins au sol et
suivi par le détecteur infrarouge d'un satellite militaire].
Précisons tout de même que dans le cas considéré
(l'observation à Mansfield par le pilote d'hélicoptère
Coyne) il semble vraiment invraisemblable, mais pour d'autres raisons, qu'un
météore en soit responsable. Cette explication soutenue par
Philip Klass, d'autant plus irréfléchie qu'il évoque
l'essaim des Orionides dont la vitesse (66 km/s) est aussi très proche
de la limite maximale, révèle les excès auxquels peut
se livrer ce personnage dans sa volonté de trouver des explications
à toutes les observations d'ovnis (ce qui ne l'empêche pas de
proposer dans bien des cas des explications très vraisemblables).
Conclusion
Nous voyons que la distinction entre météores et rentrées
atmosphériques n'est pas toujours certaine, d'autant plus que les
autres caractéristiques peuvent être très proches : tout
au plus peut-on dire que la rentrée d'un satellite ou plus encore
d'un étage de fusée se traduit généralement par
une fragmentation importante, ce qui est rarement le cas d'un météore.
En ce qui concerne la durée maximale d'observation, rappelons
donc qu'elle est d'environ 4'40" pour une rentrée de satellite, et
3' pour un météore, mais que dans ce dernier cas elle est
généralement très inférieure. On peut considérer
que lorsque les témoins font état d'observations durant plus
d'une minute et dont la trajectoire est très longue, il s'agit presque
certainement d'une rentrée atmosphérique, laquelle sera de
toute façon facile à identifier. Si on ne trouve pas, il s'agira
d'un météore très exceptionnel... Ou, peut-être,
d'un ovni !