Depuis quelque temps, allez savoir pourquoi, certains scientifiques se posent
des questions sur le sérieux du SEPRA (et de son directeur
Jean-Jacques Velasco, ce qui revient un peu au même puisque le
SEPRA est réduit depuis longtemps à son directeur) dans
les domaines qu'il est censé expertiser : les rentrées
atmosphériques et les « phénomènes rares
atmosphériques ».
Pour répondre à ces interrogations, l'ancien directeur
général du CNES, Gérard Brachet, avait
demandé en 2001 un audit sur les activités de ce service.
C'est ce que
le Figaro avait révélé
le 20 novembre 2002...
Selon cet article, l'audit avait été demandé
« face à des pressions internes au CNES pour supprimer le
SEPRA ». Je ne serais d'ailleurs pas étonné que les
suites du procès que m'a intenté M. Velasco pour avoir
dénoncé sa totale incompétence en matière
de rentrées atmosphériques y soit pour quelque
chose...
Si on consulte le
Petit Larousse,
un audit est une « procédure de contrôle de la
comptabilité et de la gestion d'une entreprise, et de
l'exécution de ses objectifs ». En clair, il s'agit de
vérifier si une entreprise ou un service accomplit correctement
sa mission.
En matière scientifique, il est courant qu'un service ou un
chercheur sur lequel des doutes sont émis fasse l'objet d'un
audit visant à évaluer son travail. Jean-Pierre Petit,
par exemple, a fait l'objet d'un audit lorsqu'il a
révélé avoir trouvé l'inspiration de
presque toutes ses recherches dans des textes revendiquant une origine
extraterrestre... En fait, il avait demandé lui-même cet
audit pour mettre fin à la campagne de discrédit qui le
touchait (l'audit dirigé par son directeur de section ayant
été plutôt favorable, le discrédit
s'était un peu calmé, mais les crédits
n'étaient pas arrivés pour autant !) Il raconte cet
épisode dans
le Mystère des Ummites, annexe 2.
Bien évidemment, lorsqu'un audit est demandé sur un
chercheur ou un service, on en confie la direction à une
personne indépendante, spécialiste des problèmes
étudiés mais pas directement impliquée dans les
activités du service et ne faisant pas partie de l'entourage du
chercheur... C'est une règle évidente de
déontologie, qui semble aller de soi.
Mais quand il s'agit du SEPRA, le CNES semble oublier les règles
de déontologie les plus évidentes... On a donc
confié la direction de cet audit sur le Sepra, le service
dirigé par Jean-Jacques Velasco, à François
Louange...
François Louange est un expert en photographie, notamment en
imagerie par satellite, directeur de la société
Fleximage... Il n'y a rien à redire sur ses qualités
professionnelles, mais pour la neutralité c'est autre chose...
Louange a collaboré très tôt avec le GEPAN,
l'ancêtre du SEPRA, puisqu'il a rédigé en mars 1983
sa
note technique n°18
portant sur l'utilisation d'un réseau de diffraction pour la
restitution des spectres photographiques des ovnis. L'idée
d'équiper ainsi les appareils photo de tous les gendarmes avait
été proposée dès 1976, à la
création du GEPAN, par Claude Poher... On peut supposer que
Jean-Jacques Velasco, qui était entré au GEPAN comme
technicien supérieur en optique, y a aussi apporté sa contribution, et a
donc très vite collaboré avec François Louange !
Une collaboration qui n'a jamais cessé : en 1997, Velasco et
Louange étaient tous deux invités à
présenter (ou plutôt à vanter) les travaux du SEPRA
au congrès de Pocantico... En 1998, ils ont participé
à un déjeuner-débat organisé au Fouquet's par le
magazine
VSD, dont on peut lire le compte-rendu dans son premier numéro hors-série Ovni (
OVNI, les preuves scientifiques),
sous le titre « Des scientifiques brisent le mur du silence »
(le débat est abrégé ; une version plus
complète se trouve dans le livre de Bernard Thouanel
Objets volants non identifiés ; les autres participants étaient pour la plupart des membres ou des proches du groupe Cometa).
Jean-Jacques velasco et François louange.
Photo (extrait) D.R., © G.S. Presse Communication
Voici comment Louange résume dans ce débat le
congrès de Pocantico, organisé par Peter Sturrock :
« Il y a actuellement une réflexion menée par des
scientifiques américains de très haut niveau. Ils ont
fait la constatation très claire que le GEPAN et le SEPRA
étaient des exemples, qualitativement, de ce qu'il aurait fallu
faire et de ce qu'ils n'ont jamais réussi à faire. »
Évidemment, sur le papier, les cas étudiés par les
« scientifiques du CNES », tels qu'ils étaient
présentés aux Américains, étaient des
modèles... Pourvu qu'on ne puisse pas vérifier les
sources pour constater que la présentation de ces cas
et des enquêtes était très enjolivée !
Le 29 mars 1999, j'avais moi-même écrit à
François Louange pour lui demander d'expertiser dans le cadre du
procès qui m'opposait à Velasco la photo que ce dernier
présentait à la presse depuis des années comme un
exemple de rentrée atmosphérique, avec des explications
du plus haut ridicule, alors qu'il s'agissait à
l'évidence des lumières clignotantes d'un avion :
Je connaissais pertinemment les liens que Louange entretenait avec
Velasco et cette demande relevait presque de la provocation, mais il
m'avait tout de même répondu... Après avoir
rejeté ma demande en prétextant la réquisition
presque totale de son équipe et de son matériel pour
étudier les images satellites durant le conflit du Kosovo, il
écrivait :
« Je regrette beaucoup qu'un conflit d'une telle importance ait pu
surgir entre vous-même et Monsieur Velasco, que je connais bien
depuis longtemps, et qui se bat avec un charisme extrême pour
faire avancer la connaissance sur un sujet controversé, sous une
pression permanente venant autant de l'intérieur de son agence
que de l'extérieur ».
Voilà donc à quelle personne neutre et
indépendante le CNES a confié l'audit sur le SEPRA :
celui qui collabore depuis très longtemps avec son directeur,
qui l'accompagne fidèlement dans toutes ses actions pour la
promotion du SEPRA, et qui lui trouve « un charisme
extrême » !
L'audit n'a pas été publié, mais il est dit dans
le Figaro que parmi la trentaine de personnalités
interrogées par François Louange, « pratiquement
toutes ces personnalités estiment qu'il faut poursuivre
l'activité du SEPRA », et lui donner plus de moyens. On ne
dit presque rien de cette « trentaine de
personnalité s», si ce n'est qu'il s'agit de
« scientifiques (parmi lesquelles Gérard Mégie, le
président du CNRS, ou René Pellat, le haut-commissaire
à l'énergie atomique [et ancien membre du comité
scientifique du GEPAN !]), militaires de haut rang, députés
et journalistes ».
Gageons que parmi les scientifiques, on trouve aussi Jean-Claude Ribes,
l'astronome très impliqué dans la recherche
extraterrestre que l'on a vu souvent sur les plateaux de
télévision en compagnie de Velasco, et dont ce dernier a
largement vanté les idées... Mais pas Jean-Claude Pecker,
astrophysicien membre de l'Académie des sciences qui a prévenu
Gérard Brachet du manque de sérieux dont faisait preuve
le SEPRA, ni bien sûr Jean-Pierre Petit qui a bien connu les
rouages du GEPAN puis du SEPRA en raison de ses centres d'intérêt
communs avec cet organisme.
Gageons aussi que parmi les « militaires de haut rang », on
trouve essentiellement (sinon uniquement), les membres du groupe Cometa
(auquel on doit le fameux « rapport confidentiel » publié par
VSD et « remis au Président de la république et au
Premier Ministre » sans que l'un ou l'autre ne l'ait
demandé, cette autre trouvaille de la bonne fée du SEPRA
pour assurer sa promotion en ces temps difficiles.
Et gageons enfin que parmi les journalistes, on trouve Jean-Claude
Bourret, qui a aimablement (mais sûrement pas gracieusement)
servi de prête-nom pour assurer le succès commercial du
livre de Jean-Jacques Velasco, et Bernard Thouanel,
rédacteur en chef des numéros hors-série de
VSD
consacrés aux ovnis, pour qui le Sepra et sa caution
scientifique officielle est une véritable vache à lait...
Mais pas Robert Roussel, auteur du livre le plus complet et le plus
objectif sur le GEPAN/SEPRA (
OVNI, les vérités cachées de l'enquête officielle), ni Marie-Thérèse de Brosses,
qui s'est aussi beaucoup impliquée dans l'étude des ovnis
et a notamment été à l'origine des principales
révélations sur la « vague belge »...
Bref, cet « audit » dans lequel François Louange
demande que les moyens du SEPRA soient augmentés relève
de la farce, et décrédibilise totalement le CNES... Il
est vrai qu'il est d'après
le Figaro « tombé
aux oubliettes » après le changement de direction du
CNES... Mais il n'empêche que ce « rapport Louange » a
été transmis au CNRS, à l'Académie des
sciences, à la gendarmerie ou encore à l'aviation civile, toujours
pour faire la promotion de ce service de plus en plus contesté,
et que la nouvelle direction ne l'a pas renié...
Monsieur Velasco a beaucoup de chance :
— il a un employeur très compréhensif qui lui permet de se
présenter pendant quinze ans comme expert de stature
internationale dans un domaine (les rentrées
atmosphériques) auquel il ne connaît strictement rien ;
— il jouit d'un titre d'ingénieur obtenu par « promotion
interne » au CNES après une « thèse
d'ingénieur-docteur » que personne n'a jamais vue (encore
une violation caractérisée de la déontologie
scientifique), et auquel il accorde lui-même si peu de
considération qu'il préfère se prétendre
diplômé d'une « école d'optique de
Paris »... qui n'existe pas !
— lorsque des scientifiques commencent à se douter de quelque chose et demandent à ce qu'on fasse un audit sur
les activités de son service, on confie sa direction à
son plus proche collaborateur, celui qui l'accompagne dans toutes ses
entreprises de promotion du SEPRA et lui trouve « un charisme
extrême » ;
— quand il est confronté à la justice, il trouve un
allié pour le moins surprenant en la personne de l'avocat censé
défendre les intérêts de son adversaire (je ne peux
pas affirmer que c'est le cas à chaque fois, mais ça l'a
été dans les deux seules affaires dont j'ai eu
connaissance, et
tout particulièrement la mienne) ;
— il est généralement bien considéré dans le monde de
l'astronomie, en se présentant comme garant d'un minimum de
sérieux dans l'étude des ovnis, alors même qu'il a
écrit
les pires âneries que l'on puisse imaginer en
matière de rentrées atmosphériques et plus
généralement d'astronomie ;
— la plupart de ses « concurrents », les ufologues
« amateurs », ne cessent de le défendre alors que
lui-même ne cesse de les discréditer et les accusant de
« polluer les traces », de « gêner le travail des
scientifiques du CNES » et de « semer la confusion ».
Oui, Monsieur Velasco a vraiment beaucoup de chance... Et moi, je
n'ai
vraiment pas de chance d'avoir découvert le manque total de
connaissances de ce personnage dans le domaine dont il se
prétend expert, et de ne pas avoir voulu me taire comme tous
ces « ufologues » pour qui l'important est « qu'on fasse
une bonne promotion des ovnis »... Et j'ai été
naïf de croire que
la justice pouvait être rendue honnêtement dans une affaire
opposant un simple amateur sans le sou au représentant d'une
institution prestigieuse telle que le CNES, jouissant de tout le
soutien de celle-ci...
Robert Alessandri
Ce texte a été lu
fois depuis le 12/03/2004