AJT
N° B 02-16.431
COUR DE CASSATION
Chambres civiles
MÉMOIRE AMPLIATIF
POUR : Monsieur Robert ALESSANDRI
CONTRE : Monsieur Jean-Jacques VELASCO
I.- FAITS
La revue UNIVERS OVNI, dont Monsieur ALESSANDRI, exposant, est Directeur
de la publication et Directeur en chef, a publié un article injurieux
et diffamatoire à l'encontre de Monsieur VELASCO, responsable d'un
service du Centre National d'Études Spatiales.
Par exploit du 29 décembre 1997, Monsieur VELASCO a fait assigner
Monsieur ALESSANDRI devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en
paiement, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, d'une somme de
100.000 F. à titre de dommages-intérêts, et a ordonné,
à titre de réparation civile complémentaire, la publication
de sa décision dans le plus prochain numéro de la revue UNIVERS
OVNI.
Sur appel de Monsieur ALESSANDRI, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, par
arrêt du 20 mars 2001, a confirmé le jugement, tout en ramenant
à la somme de 10.000 F. le montant des dommages-intérêts
alloués à Monsieur VELASCO.
C'est l'arrêt attaqué.
DISCUSSION
II.- MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
d'AVOIR condamné
Monsieur ALESSANDRI pris tant en sa qualité de directeur et rédacteur
en chef de la revue trimestrielle Univers OVNI qu'à titre personnel
comme auteur des articles incriminés parus dans les numéros
2 et 3 de ladite publication à payer à Monsieur VELASCO la
somme de 10.000 F. (1.524,49 €) à titre de dommages-intérêts,
et ordonné en outre à titre de réparation civile complémentaire
la publication de la décision dans le prochain numéro de la
revue Univers OVNI,
AUX MOTIFS QUE
«les dix phrases citées textuellement dans l'assignation
comportant des termes estimés injurieux, qualifiés comme tels
par le premier juge, n'autorisent pas le plaignant à fonder sa demande
sur l'article 1382 du Code civil, mais plus exactement sur la loi du 29 juillet
1881, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés
par ce texte particulier ne pouvant être réparés sur
les textes du droit commun de la responsabilité délictuelle;
qu'il incombe au juge de restituer leur exacte qualification aux faits et
actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que
les parties en auraient proposée; que le caractère parfaitement
injurieux, non sérieusement contesté par Robert ALESSANDRI,
d'ailleurs, a été admis par le premier juge selon des motifs
pertinents que la Cour adopte expressément; que la mauvaise foi étant
présumée, dans la diffamation comme dans l'injure, la seule
cause d'exonération n'est pas la bonne foi, réservée
à la seule diffamation, mais l'excuse de provocation, qui n'est ni
démontrée, ni seulement alléguée, l'indignation
proclamée face à l'hérésie d'une thèse
adverse dans le cadre d'une polémique scientifique touchant un sujet
marginal rattrapé par l'ésotérisme ne pouvant manifestement
être assimilé à une atteinte personnelle de nature à
justifier une telle riposte»,
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer
lui-même le principe de la contradiction; qu'en l'espèce, Monsieur
VELASCO fondait sa demande en réparation sur les règles de
la responsabilité civile délictuelle de droit commun; qu'en
condamnant Monsieur ALESSANDRI par application des dispositions de la loi
du 29 juillet 1881, et en substituant ainsi d'office le fondement juridique
de la demande, sans avoir au préalable invité les parties à
en discuter contradictoirement,
la Cour d'appel a violé l'article
16 du nouveau Code de procédure civile.
III.- Observations
Monsieur VELASCO avait engagé une action en responsabilité
délictuelle de droit commun, pour obtenir réparation d'allégations
prétendument injurieuses.
Ce fondement était totalement erroné, les abus de la liberté
d'expresion prévus et réprimés par la loi du 29 juillet
1881 ne pouvant être réparés sur le fondement de l'article
1382 du Code civil (Cass. Ass. plén. 12 juillet 2000, Bull. n° 8).
Cela avait échappé au premier juge, mais non à la Cour
d'appel, qui a révélé que
«les dix phrases citées
textuellement dans l'assignation comportant des termes estimés injurieux,
qualifiés comme tels par le premier juge, n'autorisent pas le plaignant
à fonder sa demande sur l'article 1382 du code civil, mais plus exactement
sur la loi du 29 juillet 1881, les abus de la liberté d'expression
prévus et réprimés par ce texte particulier ne pouvant
être réparés sur les textes du droit commun de la responsabilité
délictuelle».
Mais la cour d'appel a confirmé le jugement, en retenant
«qu'il
incombe au juge de restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties
en auraient proposée».
Cependant, si le juge peut requalifier, c'est à la condition de respecter
le principe de la contradiction, conformément aux exigences de l'article
16 du nouveau Code de procédure civile.
Cette obligation s'imposait d'autant plus que la mise en oeuvre de la loi
du 29 juillet 1881 conduisait à l'application de la prescription de
trois mois et d'un certain nombre de règles de forme totalement étrangères
à l'action en responsabilité fondée sur l'article 1382
du Code civil.
En l'espèce, il ne résulte pas de l'arrêt que la Cour
d'appel ait avisé les parties de ce qu'elle entendait modifier le
fondement juridique de la demande de Monsieur VELASCO.
La violation du principe du contradictoire est flagrante.
PAR CES MOTIFS
Et tous autres à déduire, produire ou suppléer, le cas échéant d'office,
Monsieur ALESSANDRI conclut qu'il
PLAISE À LA COUR DE CASSATION,
CASSER ET ANNULER
l'arrêt attaqué avec toutes conséquences de droit.
Productions :
1.- arrêt attaqué
2.- jugement entrepris
3.- conclusions d'appel de M. ALESSANDRI
4.- conclusions d'appel de M. VELASCO
Pour copie conforme
SCP PASCAL TIFFREAU
Avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation