Roswell : Le ballon Mogul se renforce
(01/01/2011)
Vous pouvez traduire ce texte dans la langue de votre choix :
Depuis plus de trente ans que l'affaire du crash de Roswell a
été déterrée, elle fait l'objet d'un
affrontement permanent entre les partisans des thèses
conspirationnistes qui y voient la
preuve irréfutable que les gouvernements nous cachent depuis
plus d'un demi-siècle la vérité sur les
extraterrestres, et les sceptiques qui refusent d'accorder le moindre
crédit à tous les témoignages
concordants sur l'étrangeté des débris... Mon
impression est que les uns
et les autres, aveuglés par leurs convictions toutes faites, n'ont pas
cherché des explications raisonnables aux détails
apparemment étranges des témoignages...
Petit résumé de l'affaire
Le 24 juin 1947, l'observation de Kenneth Arnold marquait le début de
l'histoire des « soucoupes
volantes »... Au cours des jours suivants, toute la
presse s'interrogeait sur ces engins bizarres qui semblaient survoler
quotidiennement les États-Unis... C'est dans ce
contexte enthousiaste que, le matin du 8 juillet, un
communiqué officiel de la base militaire de
Roswell, au Nouveau Mexique, annonçait à la presse qu'un de
ces « disques volants »
avait été récupéré !
Les débris ont
été découverts peu de temps auparavant (le 14 juin
d'après son témoignage dans le journal local, ou aux
environs du 3 juillet d'après d'autres sources) par un fermier
du nom de
William « Mac » Brazel, dans un
ranch dont
il avait la charge. Brazel n'a guère accordé d'attention
à ces débris, craignant juste que ses
moutons n'en avalent, et c'est sur les conseils d'un
voisin qu'il a profité d'un dépacement en ville
pour parler de sa trouvaille au shérif du
comté, le dimanche 6 juillet (ou le lendemain d'après un
article de journal de l'époque)... Le
shérif a téléphoné à la base
militaire, laquelle a dépêché
immédiatement le Major Jesse Marcel, officier de renseignement,
et le
Capitaine Sheridan Cavitt, chef du contre-espionnage de la base, pour
récupérer ces débris...
N'ayant pas pu atteindre la zone dans la journée, ils ont
passé la nuit avec Brazel dans un petit abri, et c'est le
lendemain qu'ils ont ramené à la base ce qu'ils avaient
pu ramasser comme débris.
Et c'est donc le matin du 8 juillet que le chargé des relations
publiques de la base, Walter Haut, a envoyé le
communiqué annonçant officiellement que
l'armée avait récupéré les
restes d'un « disque volant » !
Toute la presse a repris l'information et de nombreux
journalistes se sont rendus à Roswell, mais en fin
d'après-midi ce même 8 juillet, les
débris étaient exposés lors
d'une conférence de presse à la base de
Fort Worth, où ils avaient été
acheminés, et on apprenait qu'il s'agissait d'un simple
ballon météo accompagné d'un
réflecteur pour radars.
Et pendant plus de trente ans, cette histoire a
été reléguée parmi les
anecdotes les plus insignifiantes de la première
« vague » de soucoupes volantes... Mais elle a
refait surface en 1978, lorsque l'ufologue
et physicien Stanton Friedman a rencontré le major Jesse
Marcel, un des militaires ayant
récupéré les débris, lequel était
persuadé que l'explication officielle était fausse et que
ce qu'il avait ramené à sa base était
les restes d'un vaisseau extraterrestre !
Des enquêteurs ont alors retrouvé de nombreux
témoins, directs ou non, et ce cas est devenu la principale
affaire de crash de soucoupe volante,
celle que beaucoup d'ufologues considèrent comme la preuve de la
présence d'extraterrestres. Cette publicité a bien
sûr engendré un certain nombre de témoignages
très douteux voire complètement farfelus, ayant
donné lieu à maintes interprétations... Nous
évoquerons un peu les histoires de corps et de sites multiples
à la fin, mais intéressons-nous d'abord à ce qui
constitue le coeur de cette affaire : la description des
débris découverts par Mac Brazel.
Des débris vraiment étranges
Un certain nombre de personnes ont pu
les observer : famille, amis et voisins de Mac Brazel,
militaires ayant participé à leur
récupération ou à leur
acheminement vers d'autres bases, et quelques journalistes...
Le fermier Mac Brazel lui-même a décrit
ce qu'il a trouvé dans le journal local (Roswell
Daily Record) du 9 juillet :
Brazel raconta que le 14 Juin lui et son fils de 8 ans, Vernon, se trouvaient
à une douzaine de kilomètres de la ferme de
J. B. Foster, dont il s'occupe,
lorsqu'ils arrivèrent sur une grande zone d'épave
brillante composée de bandes de caoutchouc, de feuilles
métalliques, d'un papier plutôt résistant et de baguettes.
À l'époque Brazel était
pressé de faire sa ronde et
il n'y prêta pas beaucoup d'attention. Mais il remarqua ce qu'il
avait vu et le 4 Juillet lui, sa femme, Vernon, et sa fille Betty,
âgée de 14 ans, retournèrent sur les
lieux et ramassèrent une petite partie des débris.
Le jour suivant il entendit parler des disques volants pour la
première fois, et il se demanda si ce qu'il avait trouvé
pourrait être les restes de l'un d'eux.
Le lundi il se rendit en ville pour vendre de la laine et il en profita
pour aller voir le shérif George Wilcox et
« chuchota sur un ton
de confidence » qu'il pourrait bien avoir
trouvé un disque volant.
Wilcox prit contact avec la base de l'armée de l'air de Roswell et
le major Jesse A. Marcel et un homme habillé en civil
l'accompagnèrent chez lui [Brazel],
où ils ramassèrent le
reste des morceaux du « disque »
et rentrèrent chez lui pour essayer de le reconstituer.
D'après Brazel ils ne parvinrent tout simplement pas à le
reconstituer du tout. Ils tentèrent d'en faire un cerf-volant, mais n'y
parvinrent pas et ne trouvèrent aucun moyen de le
remettre en ordre d'une manière satisfaisante.
Le Major Marcel l'apporta alors à Roswell et ce fut la
dernière fois qu'il en entendit parler jusqu'à ce que
l'histoire se répande qu'il avait trouvé un
disque volant.
Brazel dit qu'il ne l'avait pas vu tomber du ciel et ne l'avait pas vu avant
qu'il se déchire, il ne savait donc pas quelle taille
ou forme il pouvait avoir, mais il pensait qu'il pourrait être
aussi grand qu'un plateau de table. Le ballon qui le soutenait, si
c'est comme cela que ça fonctionnait, devait avoir dans les
quatre mètres de long, pensa-t-il, mesurant la distance d'après
la taille de la pièce où il était assis.
Le caoutchouc était de couleur gris fumé et
éparpillé sur une zone de
200 mètres de diamètre environ.
Lorsque les débris furent rassemblés les feuilles
métalliques, le papier, la bande et les baguettes constituaient
un paquet long d'un mètre et de vingt centimètres
d'épaisseur, tandis que le caoutchouc faisait un paquet de 45
à 50 centimètres de long et à peu près
20 centimètres d'épaisseur. En tout, estima-t-il,
l'ensemble devait peut-être peser 2,3 kilogrammes.
Il n'y avait dans la zone aucun signe de quelque métal qui aurait
pu être utilisé pour un moteur et aucun signe de quelque
propulseur d'aucune sorte, bien qu'au moins un aileron de papier
ait été collé sur une des feuilles
métalliques.
Il n'y avait aucun mot nulle part sur l'instrument, bien qu'il y
eût des lettres sur certaines parties. Beaucoup de bande
adhésive et certaines bandes avec des fleurs imprimées
dessus avaient été utilisées dans la construction.
Aucun câble ou fil ne fut trouvé mais il y avait des oeillets
dans le papier indiquant qu'un certain type d'attache aurait pu
être utilisé.
Brazel dit qu'il avait trouvé auparavant deux ballons d'observation
météo sur la ferme, mais que ce qu'il avait trouvé
cette fois-ci ne ressemblait pas du tout à l'un d'entre eux.
« Je suis sûr que ce que j'ai trouvé n'était
pas un ballon d'observation météo, »,
a-t-il déclaré. « Mais si je trouve
quelque chose d'autre à part une bombe ils auront du mal à me faire
dire quelque chose dessus. »
Il n'y a là pas grand-chose qui évoque un vaissseau
extraterrestre ! Mais avant de faire ces déclarations, Brazel
avait été « cuisiné »
toute la journée à la base militaire, ce qui explique sa
dernière phrase, et les tenants du crash extraterrestre
supposent donc qu'on lui avait ordonné de
minimiser l'étrangeté de ce qu'il avait trouvé. C'est
possible, mais gardons tout de même à l'esprit que
cet article de presse présente le seul témoignage de
l'époque... Tous les autres témoins ont été
interrogés au mieux trente ans après les faits,
quelquefois encore beaucoup plus.
Mac Brazel est mort avant la reprise des enquêtes,
mais deux de ses enfants ont pu témoigner.
Sa fille Bessie, qui avait quatorze ans à l'époque,
décrivait ainsi les débris en 1979 :
Il y avait ce qui semblait être des morceaux de papier
paraffiné renforcé et des sortes de feuilles d'aluminium.
Quelques-uns de ces morceaux portaient des
inscriptions ressemblant à des chiffres et des lettres, mais nous ne pouvions en
tirer aucun mot. Sur
certains morceaux des feuilles
métallisées était collé une sorte de ruban
adhésif, et quand on les portait à la lumière ils laissaient
apparaître comme des fleurs ou dessins
couleur pastel. [...] Cela évoquait des chiffres écrits en
colonnes comme pour poser une addition. Mais ça ne ressemblait
pas du tout aux chiffres que nous utilisons. Ce qui m'a donné l'idée qu'il
s'agissait de nombres, je pense, était la façon dont ils étaient
rangés en colonnes. Non, ce n'était
absolument pas un ballon ; nous avions vu pas mal de ballons
météo — aussi bien au sol que dans les airs. Nous avions même trouvé
quelques ballons de type japonais qui étaient tombés dans la zone une fois. Nous avions aussi
récupéré quelques-uns de ces ballons-météo en caoutchouc très
fin portant des paquets d'instruments. Ce n'était rien de tout
cela. Je n'avais jamais rien vu ressemblant à cette sorte de chose auparavant — ni depuis.
En 1993, elle a fait une nouvelle
déclaration, sous serment :
Les débris ressemblaient à des morceaux d'un grand ballon
qui aurait éclaté. Les morceaux étaient petits, le
plus grand dont je me souvienne
avait pour taille à peu près le diamètre d'un
ballon de basket-ball. La plupart étaient
faits d'une sorte de matériau à double face, d'aspect
métallique d'un côté et de caouchouc de l'autre.
Les deux faces étaient de couleur gris argent, le métal
plus argenté que le caoutchouc. Des bâtons, comme des
baguettes de cerf-volant, étaient attachés à
certaines pièces avec du ruban adhésif
blanchâtre. Ce ruban était large de deux à trois
pouces et portait des dessins ressemblant à des fleurs.
[...]
Le matériau en caoutchouc
métallisé ne pouvait être déchiré
comme une feuille d'aluminium ordinaire. Je ne me
souviens de rien d'autre concernant la solidité ou d'autres
propriétés de ce que nous avons ramassé.
Nous avons passé plusieurs heures à ramasser les débris
et les mettre dans des sacs. Je pense que nous avons rempli à
peu près trois sacs. Nous avons spéculé un peu sur ce que pouvaient
être ces matériaux. Je me rappelle mon père disant :
« Oh ! C'est juste un tas de déchets. »
[...]
Mon père commentait
à sa façon cette histoire :
« Ils ont fait un tapage d'enfer pour rien du tout ».
Beaucoup d'enquêteurs
convaincus de l'exotisme du crash de Roswell mettent en doute le
témoignage de Bessie parce qu'ils voient des contradictions avec
d'autres témoignages et entre ses deux récits successifs,
mais ces divergences n'ont rien d'anormal pour des témoignages
aussi tardifs. En, fait, ses deux descriptions sont très
similaires, hormis le fait qu'elle dit dans la première que
ça n'était pas un ballon et dans la seconde que ça
ressemblait aux débris d'un ballon, ce qui n'est pas vraiment
incompatible. Et elles s'accordent très bien aux
déclarations de son père à l'époque, qui décrit
des débris n'ayant rien d'extraordinaire, auxquels il n'a
d'ailleurs « pas prêté beaucoup d'attention »
dans un premier temps, et qui lui aussi évoque une ressemblance avec
un ballon tout en affirmant que ça ne pouvait pas en être un.
L'autre fils de Brazel, Bill, n'était pas présent au
moment du crash ni de la récupération des débris,
mais il a raconté qu'il en avait recueilli certains peu de temps
après, avant d'être contraint deux ans plus tard de les
donner
à un militaire qui avait entendu parler de sa trouvaille. Il les
décrivait ainsi :
— des morceaux de quelque chose ressemblant à une feuille d'étain, sauf
qu'on ne pouvait pas la déchirer... Vous pouviez la froisser
et la relâcher et elle reprenait immédiatement sa
forme d'origine... Assez flexible, mais vous ne pouviez pas la plier ou
déplier comme du métal ordinaire. Plutôt comme du
plastique, mais c'était certainement métallique.
Papa m'a dit une fois que l'armée lui avait dit que
ça n'était rien qui soit fabriqué par eux.
— un peu de matériau ressemblant à du fil.
Ça ressemblait à de la soie, mais ça
n'était pas de la soie, un matériau
très solide sans brins ou fibres comme il y en a dans la
soie. C'était plutôt comme du fil
électrique, tout d'une pièce ou substance.
— de petites pièces évoquant le bois de
balsa pour le poids, mais un peu plus sombre et beaucoup plus
solide... C'était flexible mais ça ne pouvait
pas se casser. Ça ne pesait rien mais vous ne pouviez pas
les entailler avec votre ongle.
Quelques imaginatifs disent que le fil bizarre
fait d'une seule pièce évoque
de la fibre optique... Mais il évoque surtout du fil
de nylon, qui n'était encore pas très répandu
à l'époque et qui pouvait donc surprendre par son aspect.
Mac Brazel avait raconté son histoire à ses
voisins, les Proctor, et ce sont ces
derniers qui lui ont conseillé d'aller en parler au
shérif, lui disant qu'il y avait une récompense
pour ceux qui rapporteraient des débris de
« soucoupes volantes ».
Il leur avait montré un morceau que Loretta
Proctor a décrit ainsi :
La pièce qu'il a amenée était semblable
à du plastique de couleur bronze, brun clair. C'était très
léger, comme du bois de balsa. Ça
n'était pas un gros morceau, peut-être
à peu près dix centimètres de long, et
peut-être un peu plus large qu'un crayon.
Nous l'avons entaillé avec un couteau et nous avons tenu une
allumette dessus, et ça ne brûlait pas. Nous
savions que ça n'était pas du bois.
C'était lisse comme du plastique. [...] Je
n'ai jamais rien vu de semblable.
C'est le seul objet qu'elle a vu, mais Brazel lui avait parlé
d'autres types de débris : un autre matériau trouvé
dans la propriété ressemblait à une
feuille d'aluminium très flexible, mais que l'on ne pouvait ni
écraser ni brûler. Il y avait aussi quelque chose qu'il décrivait
comme un ruban sur lequel figuraient des impressions. La couleur des
impressions était une sorte de pourpre. Il disait que
ça n'était pas de l'écriture japonaise ;
à la façon dont il décrivait cela, ça évoquait
plutôt des hiéroglyphes.
L'allusion à l'écriture japonaise vient sans doute du
fait
que pendant la guerre, les Japonais avaient lâché des
ballons
incendiaires et explosifs qui devaient déclencher de grands feux
de forêt aux les États-Unis après avoir
été portés par les jet-streams (vents très
violents qui circulent en altitude au-dessus de l'Équateur,
découverts sans les années 20
par un météorologiste japonais).
Cette opération fascinante, le projet Fugo, n'avait
pas eu un grand succès : quelque 500 ballons sur les
10000 lancés avaient atteint les États-Unis, un
résultat proche des prévisions, mais ils avaient fait peu
de
dégâts en raison du climat humide des zones
touchées, et on avait demandé à la presse de ne
pas en parler pour minimiser l'impact psychologique de ces attaques.
Une autre voisine des Brazel ayant
témoigné est Sally Tadolini, âgée de neuf ans
à l'époque mais qui avait été très
impressionnée par l'espèce de
tissu d'aluminium que Bill Brazel, le fils de Mac, avait
montré à sa famille :
Ce que Bill nous montra était un morceau de ce que je pense
toujours être un genre de tissu. C'était quelque chose comme une feuille
d'aluminium, quelque chose comme du satin, quelque chose comme du cuir bien
tanné pour sa résistance, et pourtant ça ne ressemblait précisément à
aucun de ces matériaux. Bien que je ne m'en souvienne pas avec
certitude, je pense que ce tissu mesurait environ dix centimètres par
vingt à vingt-cinq. Ses bords, qui étaient lisses,
n'étaient pas exactement parallèles, et sa forme
était vaguement trapézoïdale. Il avait
à peu près l'épaisseur d'un gant de peau
très fin, de couleur gris argent mat, avec un côté
légèrement plus foncé que l'autre. Je ne me
souviens pas qu'il y eût des dessins ou gravures dessus.
Bill le fit passer à la ronde, et nous pûmes le manipuler. Je
faisais beaucoup de couture et c'est pourquoi il me fit une forte
impression. Il ne ressemblait à aucun tissu que j'aie
touché avant ou depuis. Il était très soyeux ou
satiné, avec la même texture des deux côtés.
Quand je le froissais dans mes mains, l'impression était comme quand vous froissez un gant de
cuir dans la main. Lorsqu'on le relâchait, il
reprenait sa forme originelle, s'aplanissait rapidement en ne gardant aucun pli.
Je fis cela plusieurs fois, et les autres également.
Walt Whitmore Jr, le fils du patron d'une radio à Roswell, a vu
lui aussi quelques débris apportés à son père
par Brazel :
Une substance ressemblant à une feuille
métallique très mince mais
extrêmement solide. [...] Des poutrelles qui semblaient être de bois ou d'une substance
ressemblant à du bois sur lesquelles étaient inscrits ce qui ressemblait à des chiffres posés
comme pour une addition ou multiplication. [...] La pièce la
plus large [...] ressemblait beaucoup à une feuille de plomb, mais ne pouvait
pas du tout être déchirée. Elle était extrêmement
légère.
Le témoin qui a relancé l'affaire en 1978 est, on l'a vu, le Colonel Jesse
Marcel, un des deux militaires qui sont allés ramasser les
débris. C'est ainsi qu'il les
décrit dans son interview à William Moore
(coauteur du premier livre sur l'affaire en 1980) en 1979 :
Il y avait tous types de choses – de petites tiges de 10 ou
12 mm de côté avec des sortes de hyéroglyphes dessus
que personne n'a pu déchiffrer. Elles ressemblaient à du
bois de balsa, et avaient à peu près le même poids,
mais il ne s'agissait pas du tout de bois. Elles étaient
très dures, bien que souples, et ne brûlaient pas. Il y
avait beaucoup d'une substance ressemblant à du parchemin qui
était de couleur marron et très résistante, ainsi
qu'un grand nombre de petits morceaux de feuilles métalliques,
sauf qu'il ne s'afissait pas de feuilles métalliques. [...] Un
des autres camarades, Cavitt, je crois, avait trouvé une
boîte métallique noire de plusieurs pouces carrés.
[...]
Une chose qui m'a impressionné
à propos des débris est le fait que
beaucoup ressemblaient à du parchemin. Beaucoup d'entre eux
avaient des petits membres avec des symboles que nous
appellerons hyéroglyphes car je ne pouvais les
interpréter, ils ne pouvaient être lus, c'étaient
juste des symboles, quelque chose qui signifiait quelque chose, et ils
n'étaient pas tous les mêmes, mais avec le même
motif général, je dirais. Les bras sur
lesquels c'était peint — eh bien, ces symboles
étaient rose et pourpre, lavande plus précisément.
Et donc ces petits bras ne pouvaient être brisés, ne
pouvaient être brûlés. J'ai même pris mon
briquet et essayé de brûler le matériel que nous
avions trouvé et qui ressemblait à du parchemin et du
balsa, mais ça ne brûlait pas, ça ne fumait
même pas. Mais quelque chose d'encore plus étonnant est que le morceau
de métal que nous rapportâmes était
si mince, juste comme une feuille d'étain dans un paquet de
cigarettes. Je n'y fis pas très attention au début,
jusqu'à ce que l'un des G.I. vienne me voir et
me dise : « Vous savez, ce métal
qui était là-dedans ? J'ai
essayé de plier cette matière mais ça ne plie pas. J'ai
même essayé avec une masse. Impossible d'y faire
une bosse... » Cette pièce métallique particulière avait,
je dirais, à peu près
deux pieds de long et peut-être un pied de large. Cette
matière ne pesait pratiquement
rien, c'était vrai de tout le matériel que nous avions rapporté... Elle
était si mince. Donc j'ai essayé de plier cette chose.
Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour la plier, elle ne pliait
pas et vous ne pouviez pas la déchirer ou la couper. Nous avons
même essayé de faire une bosse avec
une masse de seize livres, et il n'y avait toujours pas de bosse
dessus... Ce qu'était cette chose, c'est encore un
mystère pour moi. Maintenant par plier je veux dire faire un
pli. On pouvait fléchir ce truc en avant et en arrière,
même le plisser, mais vous ne pouviez pas imprimer un pli dessus
qui restait, ni le cabosser du tout. Je devrais presque le
décrire comme un métal ayant les propriétés
du plastique. Un des camarades essaya de mettre certains des morceaux
ensemble, comme un puzzle. Il a réusi à mettre
près de 10 pieds carrés ensemble, mais ce n'était
pas assez pour avoir une idée générale de l'objet
lui-même. Quoi que c'était, c'était gros.
La même année (1979), il avait été
interrogé par le journaliste Bob Pratt, qui a
rédigé un article pour le National Enquirer.
– Pratt : Quand vous êtes arrivés là-bas,
qu'avez-vous vu ? Des bouts de métal ? Quoi au juste ?
– Marcel : J'ai vu... Eh bien, nous avons trouvé du métal,
des petits morceaux de métal, mais nous avons surtout
trouvé un matériau difficile à décrire. Je
n'avais jamais rien vu de pareil et je ne sais toujours pas ce que
c'était. Nous l'avons ramassé malgré tout. Une
chose, une chose...
– Pratt : C'était quelque chose de fabriqué ?
– Marcel : Oh, oui, sans aucun doute. Mais il y a une chose que je me rappelle
très distinctement. Je voulais voir brûler un peu de ce
truc, mais tout ce que j'avais, c'était un briquet pour allumer
mes cigarettes, vu que je suis un gros fumeur. J'ai allumé le
briquet sous ce truc et il n'a pas brûlé.
– Pratt : Y avait-il des marques ?
– Marcel : Oui. Quelque chose d'indéchiffrable. Je n'avais jamais rien vu
de tel. Oh, moi je les appelle des hiéroglyphes. J'ignore s'ils
ont jamais été déchiffrés.
– Pratt : Mais il y avait des marques ?
– Marcel : Oh, oui... des petites barres, solides, qu'on ne pouvait ni
plier ni briser, mais cela n'avait pas l'air d'être du
métal. On aurait plutôt dit du bois.
– Pratt : Grandes comment ?
– Marcel : La taille était variable. Pour autant que je me souvienne,
cela pouvait aller d'un demi-centimètre à un
centimètre d'épaisseur. Il y avait pratiquement toutes
les longueurs. Aucune n'était très longue.
– Pratt : Quelle était la taille de la plus grande ?
– Marcel : Je dirais un peu moins d'un mètre.
– Pratt : Quel était leur poids ?
– Marcel : Nul. On ne le sentait même pas – exactement comme du balsa.
– Pratt : Le morceau d'un mètre... était-il plus large ?
– Marcel : Oh, non. C'était une barre solide, rectangulaire, tout comme
il y a des baguettes carrées (Marcel fait un croquis). Les
longueurs variaient et sur la longueur, certaines d'entre elles
portaient ces petites marques, des marques en deux couleurs pour autant
que je m'en souvienne. Pour moi c'était comme du chinois,
ça n'avait pas de sens.
– Pratt : Est-ce que tout avait cette forme, longue et fine ?
– Marcel : Toutes les barres étaient comme ça. Il y avait un autre
truc qui ressemblait beaucoup à du parchemin, mais lui non plus
ne brûlait pas. De toute évidence… je
présume, je ne suis pas… j'étais
familiarisé avec pratiquement tous les systèmes
d'observation météo utilisés par l'armée et
il n'y avais là rien que je puisse identifier comme du
matériel météo.
– Pratt : Vous
pilotiez depuis 1928, depuis vingt ans lorsque c'est arrivé.
Avez-vous reconnu des parties d'un avion ?
– Marcel : Non, ça ne pouvait pas provenir d'un avion.
– Pratt : Ni d'un ballon météo ou expérimental ?
– Marcel : Je n'en ai pas eu l'impression, non. Déjà, si
ç'avait été un ballon, cela n'aurait pas
été poreux comme les morceaux que nous avons
ramassés. Ils étaient poreux.
On remarque
qu'il ne parle pratiquement pas dans cette interview des feuilles de
métal qu'on ne pouvait pas plier, ça ne semble donc pas
l'avoir marqué autant que ça !
Concernant la porosité du matériau, il y est revenu
en 1981 dans une interview par la journaliste Linda Corley, en
précisant bien que cela se rapportait aux feuilles d'apparence
métallique, sur lesquelles il apporte des
précisions :
Le matériau était inhabituel. Bien sûr l'armée
de l'air a dit que c'était un ballon. Ce n'était pas
possible. Cétait poreux. Ça ne pouvait garder l'air. Ce
matériau était du tissu... J'ai essayé de souffler au travers.
Ça passait au travers. J'ai essayé de souffler en le portant à
ma bouche. [Corley lui demanda de clarifier : Quel morceau ? Cette feuille
semblable à du tissu ?] Non, non... Ce qui ressemblait à une
enveloppe de ballon. Un tissu... Ça ne pouvait retenir l'air... C'était
un matériau ressemblant à du tissu, mais c'était
aussi métallique. C'était un tissu métallique. L'air passait au travers.
J'ai même essayé de le brûler. Il ne brûlait pas. Un ballon doit avoir...
du gaz pour s'élever dans l'air... Même de l'air chaud. Cela ne pouvait
rien retenir de tel. C'était poreux.
Jesse Marcel avait été si impressionné par ce qu'il avait
vu qu'il avait ramené quelques débris chez lui pour les
montrer à sa famille. Son fils, Jesse Marcel Jr, devenu
médecin et qui avait à l'époque 11 ans,
évoque trois types de débris qu'il a eus en main :
Il y avait trois catégories de débris : une matière fine,
semblable à une feuille métallique grise ; un matériau cassant
semblable à du plastique brun-noir, comme de la bakélite ; et il y
avait des fragments de ce qui apparaissait comme des poutrelles en I.
Sur la surface interne des poutrelles en I, il y avait des sortes d'écritures.
Les caractères étaient d'une teinte pourpre-violette, et avaient l'air
en relief. Les symboles étaient composées de formes géométriques
courbes. Ça ne ressemblait pas au russe, au japonais ni à tout autre langage
étranger. Ça ressemblait à des hiéroglyphes, mais il n'y avait
pas de caractères ressemblant à des animaux.
Jack Trowbridge, militaire qui travaillait pour Jesse Marcel,
indique qu'il faisait une partie de bridge chez Marcel lorsque celui-ci
a ramené les débris, qu'il décrit ainsi :
Ainsi quand il est arrivé il était assez tard je crois, et
nous avons arrêté la partie de bridge, pour sortir voir
ce que Jessie avait rapporté. Et c'était d'un grand
intérêt.
Cela avait l'apparence de l'aluminium, il
y avait des fragments comme du revêtement d'engin volant ou quoi
que cela ait pu être, et également certaines poutrelles,
avec des images de... comme des hyéroglyphes. Je les ai prises
pour des hiboux, mais qui sait. Vous savez, c'était
intéressant de pouvoir mettre les mains sur ce matériel.
Et ce matériel avait certaines propriétés
particulières. Par exemple il ressemblait à des
emballages de barres de céréales.
Mais si vous le
teniez dans vos mains aussi fort que vous le pouviez, puis que vous le
relâchiez, il revenait à l'origine, à sa forme
originale. Instantanément !
L'autre
militaire allé récupérer les débris,
Sheridan Cavitt,
a longtemps nié avoir été impliqué dans
l'affaire, jusqu'à ce qu'il soit interrogé par
l'armée et non par des enquêteurs privés... Une
attitude
que l'on peut expliquer par sa volonté de préserver le
secret
auquel il était tenu, ou peut-être n'avait-il tout
simplement pas
envie de répondre à des gens qu'il considérait
comme des
« clowns » (le mot est de lui) !
Notons que d'après Marcel, Cavitt, qui était pourtant un
bon ami,
avait au moment de l'incident refusé de lui montrer son rapport
parce
qu'il dépendait d'autres supérieurs que lui (Cavitt
était directeur du service de contre-espionnage de la base).
Cavitt dit de son côté dans le rapport de l'armée
qu'il n'a pas rédigé de rapport parce que pour lui les
débris étaient ceux d'un ballon météo.
Il écrit dans un courrier de
présentation pour le rapport de l'armée de l'air :
Quand nous sommes arrivés sur les lieux nous avons
trouvé quelques débris qui m'ont paru ressembler à
des bâtons de bambou de section carrée d'un quart à
un demi-pouce de côté, qui étaient très
légers, ainsi qu'une sorte de matériau
réfléchissant métallique qui était aussi
très léger. Je me rappelle aussi vaguement d'une sorte de
boîte noire (comme un instrument météo).
Et dans l'interview :
Il y avait une certaine quantité de, comme je me rappelle,
bâtons en bambou, et une sorte de matériel
réfléchissant ressemblant, eh bien au premier abord, vous
penseriez probablement que c'était du papier d'aluminium,
quelque chose de ce type.
Un journaliste, Jason Kellahin, qui a reçu et même
hébergé Brazel à Roswell, dit qu'il serait
allé sur le site des débris
alors que les militaires les ramassaient :
Cela n'avait pas l'air exceptionnel. Juste du tissu de couleur
argentée et du bois très léger... Un bois léger comme celui dont
on fait les cerfs-volants... Je n'y ai pas touché. En fait les
militaires nous avaient interdit de toucher à rien. [...] Mais c'était un ballon. Cela
ressemblait plus à un cerf-volant qu'à autre
chose.
Et dans son affidavit (déclaration sous serment en
présence d'un témoin) :
Il y avait énormément de débris sur le site
— des morceaux d'un tissu de couleur argent,
peut-être du tissu aluminisé. Certains de ces morceaux
avaient des tiges attachées à eux. J'ai pensé
qu'ils pouvaient être les restes de la charge d'un ballon de
haute altitude, mais je n'ai rien vu, morceaux de caoutchouc ou
analogues, qui évoquerait ce qui pourrait être les
débris du ballon lui-même.
Enfin, Irving Newton, officier météo de la base de Fort Worth,
a manipulé les débris en présence du
général Ramey (celui qui a fait la seconde
déclaration de presse, disant qu'il s'agissait d'un ballon
météo) et de Jesse Marcel :
Je leur ai dit que c'était un ballon et une cible Rawin. J'ai
pensé à ça parce que j'en avais vu beaucoup avant.
Elles sont lancées normalement par un équipage
spécial et suivies par une unité radar au sol.
Elles indiquent les vents d'altitude les plus élevés.
Nous ne les utilisons pas à Fort Worth.
Néanmoins, je les connais bien parce que
je les ai utilisées ainsi que leurs
produits dans plusieurs projets auxquels j'ai participé.
[...] La cible était utilisée pour la
réflexion des radars et je pense que chaque jambe de la cible
était longue d'à peu près 48 pouces.
Ça ressemblait à un « jack
d'enfant » [les « jacks » sont des
pièces d'un jeu évoquant les osselets, formés
comme la structure des cibles radar de six « jambes »
à angle droit] avec un
matériau métallique entre les jambes. Les jambes
étaient faites d'un matériau paraissant être comme
des baguettes de cerf-volant en bois de balsa mais beaucoup plus dur.
Pendant que j'examinais les débris, le major Marcel prenait des
morceaux de baguettes de la cible et essayait de me convaincre que quelques
inscriptions sur la baguette étaient des écritures
extraterrestres. Il y avait des figures sur les baguettes de couleur
lavande ou rose, paraissant être des marques
délavées par le temps, sans séquence ou raison. Il
ne m'a pas convaincu qu'il s'agissait d'écritures extraterrestres.
Newton a reconnu immédiatement une cible radar et des
morceaux de ballons en néoprène
décomposés, à l'odeur caractéristique.
Quelques autres témoins
plus tardifs et moins certains ou indirects ont décrit les
débris... Certains évoquent quelque chose de
très similaire à ceux dont nous avons parlé, d'autres
donnent des détails franchement fantaisistes (débris qui
n'auraient pas pu être entamés avec un chalumeau
oxhydrique, ou avec des tirs de carabine, ou associés à des
corps d'extraterrestres...) Tout cela semble assez fantaisiste
et très incohérent.
Si l'on résume, les principaux types de débris
trouvés à Roswell sont :
— des morceaux d'une sorte de plastique ou caoutchouc
brunâtre ;
— des feuilles métalliques très fines qui reprenaient
leur forme après qu'on les eut pliées ou
froissées ;
— des bandes d'adhésif dont certaines portaient
d'étranges symboles roses alignés ;
— des baguettes très légères, ayant l'apparence du bois
ou du plastique, mais très résistantes et portant
quelquefois des inscriptions roses.
Le projet Mogul relance les ballons
Pendant longtemps, les sceptiques ont pensé que cette affaire se
résumait comme le disaient les démentis de
l'époque à un simple
ballon météo, ce qui n'était guère
satisfaisant. Mais en 1994, des enquêteurs ont
trouvé un type de ballon bien particulier qui expliquait bon
nombre d'étrangetés des
témoignages : les ballons Mogul. Cette thèse
a été particulièrement bien
développée par Karl Pflock dans son livre Roswell
in perspective, et confirmée par
l'armée de l'air qui a publié un volumineux rapport la
même année (maintenant disponible sur Internet,
notamment sur Google
books) en réponse à une enquête du Congrès.
Le programme Mogul était destiné à
détecter les ondes de choc des explosions nucléaires et des tirs de
missiles à l'aide de capteurs sonores maintenus à une altitude
constante dans la stratosphère... Il
s'agissait à l'époque d'un programme secret mené
avec le concours de l'Université de New-York, mais utilisant
du matériel météorologique courant.
Les premiers vols étaient composés de classiques ballons
météo en néoprène, leur trajectoire était
suivie soit à l'aide de cibles radar, des réflecteurs
constitués de papier métallisé tendu sur une
armature de balsa, soit par une radiosonde, un émetteur
radio couplé à un appareillage
météorologique. Quant aux capteurs sonores, il
s'agissait de « bouées acoustiques »,
transmettant par radio les sons captés, utilisées
normalement pour détecter des sous-marins (un microphone
spécifique devait les remplacer plus tard, mais pour les
premiers essais on utilisait du matériel existant). Il y
avait en outre un réservoir de lest rempli de sable ou de
kérozène, plusieurs petits
parachutes, et beaucoup de câble en nylon tressé pour
relier tout cela. Tout ce matériel était très banal, et
les techniciens de l'université de New-York qui assemblaient les
ballons et enregistraient les mesures pensaient participer à
un simple programme de recherche en météorologie.
Ce qui faisait la particularité de ces ballons, c'était leur
dimension : il s'agissait d'un train d'une trentaine de ballons portant
des instruments et trois cibles radar, dont la structure totale pouvait
s'étendre sur une hauteur de plus de 200 mètres !
Il y a eu en fait un certain nombre de configurations essayées, et
des vols d'essai avec un nombre de ballons et une charge réduits...
Mais surtout, ce projet avait utilisé des cibles radar
particulières, renforcées avec du ruban
adhésif portant des motifs roses... L'explication
était que ces cibles assez similaires à des cerfs-volants
étaient assemblées par un fabricant de jouets, lequel avait
utilisé de l'adhésif décoré qu'il avait en
surplus ! Un détail qui ne s'inventait
pas, et qui évoquait trop bien les mystérieuses « inscriptions
pourpres » mentionnées
par pratiquement tous les témoins des débris pour
qu'il ne s'agisse que d'une coïncidence. Beaucoup d'ufologues qui
avaient cru dur comme fer au crash d'un vaisseau
extraterrestre ont alors convenu qu'on tenait vraiment l'explication.
Les vols de ballons du projet Mogul ont commencé au Nouveau-Mexique en juin 1947
(il y en avait eu quelques-uns en avril en Pennsylvanie) et se
sont prolongés jusqu'en 1948, mais seuls les premiers vols
utilisaient des ballons en néoprène et des
cibles radar. D'après les documents relatifs à ce
projet qui ont été retrouvés à
l'université de New York, le vol numéro 4,
lancé le 4 juin, pourrait correspondre aux débris
retrouvés près de Roswell... C'est toutefois loin
d'être certain, de même qu'il n'est pas certain que le vol
en question ait concerné un train de ballons Mogul complet.
J'en discuterai plus loin, mais quoi qu'il en soit ce
sont presque uniquement les ballons et les cibles radar qui
évoquent les débris trouvés à Roswell.
Et la similitude est vraiment frappante : on trouve les
feuilles de métal fin, le néoprène des ballons qui
se dégrade au soleil correspond bien aux débris
brunâtres d'une sorte de plastique, les baguettes de balsa
ressemblent aux baguettes évoquées par tous les
témoins (y compris dans leurs dimensions, quand elles sont mentionnées), et surtout le ruban adhésif
décoré de motifs roses, servant à renforcer le
collage du papier métallisé sur les baguettes, évoque
bien les séries de « hiéroglyphes » roses
qui ont tant frappé les témoins... Seuls les câbles
de nylon qui assemblaient les différents éléments
des trains de ballons font défaut, mais on les trouve tout de
même dans le témoignage de Bill Brazel... Peut-être
ont-ils été oubliés par les militaires qui ont
ratissé la zone parce qu'ils étaient beaucoup moins
visibles que les autres débris.
Il faut être vraiment aveugle pour ne pas comprendre qu'il n'est pas
possible que toutes ces similitudes relèvent de la coïncidence... Mais
il faut être tout aussi aveugle pour croire que pratiquement tous
les témoins qui ont eu en mains les débris ont pris du papier
aluminisé très fragile pour une matière infroissable et
très résistante... Ou encore du balsa, très reconnaissable et
connu aussi bien pour sa légèreté que pour son
extrême fragilité, pour un matériau très
résistant et n'étant pas du bois.
Alors, Mogul doit être l'explication, mais il y a quelque chose qui cloche.
Les cibles radar
L'essentiel des matériaux étranges mentionnés par
les témoins s'expliquerait par les cibles radar. Voyons donc
comment étaient faites ces cibles « Rawin »
(pour RAdar WINd targets), de type ML-307B.
Leur fonction était de réfléchir
les ondes vers leur source, pour que les ballons puissent être
suivis par les radars... La façon la plus simple d'obtenir cela est
d'utiliser des trièdres droits : trois surfaces réfléchissantes qui se
coupent à angle droit, comme l'angle d'un cube vu de l'intérieur :
Un rayon qui frappe un tel trièdre est
réfléchi par les trois surfaces et renvoyé vers
sa source... C'est ainsi que sont faits
généralement les catadioptres qui
réfléchissent les lumières des
phares d'automobile... De tels trièdres forment aussi par
exemple les réflecteurs laissés sur la Lune pour
réfléchir des faisceaux lasers et
permettre de déterminer avec précision la
distance Terre-Lune... Si vous vous regardez dans un
trièdre, vous verrez toujours votre image tête en
bas avec votre oeil à l'angle du trièdre.
Si l'on veut un ensemble de trièdres qui puisse
réfléchir les ondes dans toutes les directions, le plus
simple est d'assembler trois baguettes à angle droit, puis
de tendre des triangles de papier métallisé entre chaque paire
de baguettes. L'ensemble formera un octaèdre, avec huit
trièdres réflecteurs :
Mais lorsqu'il s'agit de suivre des ballons depuis des radars au sol,
il est inutile de réfléchir des ondes venant d'en
haut... La première option qui vient à l'esprit est de
supprimer la moitié de l'octaèdre, en ne gardant que
quatre trièdres formant une pyramide carrée
dirigée vers le bas :
On supprime ainsi la moitié d'une
des trois baguettes, et quatre des douze panneaux triangulaires.
D'après Charles Moore, l'ingénieur d'étude de
« l'équipe ballon »
de l'Université de New-York,
cette solution a été utilisée avec la
première génération de ces cibles, le
modèle ML-307A... L'inconvénient était que
l'importante surface horizontale en haut ralentissait
l'élévation du ballon.
Une autre solution consistait à conserver encore quatre
trièdres, mais disposés de cette manière :
C'est un peu moins économique puisque les trois baguettes doivent être
conservées intégralement, et qu'il faut cette fois un
total de neuf panneaux triangulaires pour former les
réflecteurs, mais par contre une telle forme « fend
l'air » et ralentit donc beaucoup moins l'ascension du ballon.
C'était donc ainsi qu'étaient formées
les cibles Rawin utilisées en 1947 (modèle
ML-307B), accrochées au ballon par trois fils
attachés aux pointes du haut. Pour permettre le pliage
de ces cibles, deux des baguettes étaient coupées en
deux et articulées au moyen d'une pièce métallique
centrale, et trois des panneaux étaient pliées
en deux lorsque la cible était pliée : celle-ci prenait
alors la forme d'un triangle ayant la dimension de deux panneaux.
Pour en savoir plus sur la façon dont ces cibles étaient
montées et pliées vous pouvez consulter le site de David Rudiak
Roswell Proof.
On connaît d'autre part leur dimension.
Les panneaux réfléchissants étaient
des demi-carrés de 24 pouces de
côté, soit 61 cm. Il y
en avait neuf (trois par trièdre), leur surface était donc
celle de quatre carrés et demi de 61 cm de côté,
soit 1,67 m2.
En fait, ces panneaux n'étaient faits que de quatre
pièces : une, carrée, formant quatre panneaux, deux
triangulaires formant deux panneaux chacune, et une triangulaire de
taille plus réduite formant un dernier panneau.
Et les trois baguettes formant
l'armature avaient pour longueur deux fois le côté des
panneaux, soit 122 cm, totalisant donc 366 cm de baguette de balsa... Si ces
baguettes avaient une section carrée de 8 mm de
côté, elles totalisaient 234 cm3
de balsa. Le balsa ayant une densité de 0,15, la masse de ces
trois baguettes devait atteindre 35 g. Il y avait aussi
d'autres baguettes, plus fines, joignant différents
sommets de l'octaèdre pour assurer la rigidité de
la structure... Il n'est pas nécessaire que tous les
côtés de l'octaèdre (il y en a 12) soient
ainsi renforcés, un bon compromis est 6
pour que chaque extrémité des baguettes principales soit
reliée aux deux autres baguettes. C'est bien ainsi que les
cibles Rawin étaient formées, avec deux de ces baguettes
secondaires qui étaient mises en place et collées
après le dépliage de la cible. Les côtés de
l'octaèdre ont une longueur de 86,2 cm (61x√2),
six côtés totalisent donc 5,1 m...
Même si ces baguettes secondaires
étaient plus fines que les baguettes principales, il est
difficile d'imaginer que la structure complète ait pesé
moins de 50 g. Or, Charles Moore, par qui on connaît l'essentiel
des informations sur leur utilisation dans le programme Mogul, nous
apprend aussi que le cahier des charges des cibles
Rawin spécifiait qu'elles devaient peser environ 100 g.
Si la structure de balsa pesait 50 g, cela laissait 50 g
pour l'ensemble des panneaux réflecteurs... Pour une surface de
1,67 m2, cela correspond à un
grammage de 30 g/m2 :
à peu près le tiers du papier que nous utilisons
pour la bureautique, ou le double du papier à cigarettes...
Pas très résistant, d'autant qu'il s'agissait de
papier doublé d'une feuille métallique... Pour
comparaison, le papier alu utilisé couramment pour la cuisine, qui se
déchire à la moindre traction, pèse de
l'ordre de 50 grammes par mètre
carré ! En résumé, les panneaux
réflecteurs des cibles Rawin devaient être faits
d'une sorte de papier à cigarettes doublé d'aluminium (ou
autre métal), du style de celui qui enveloppe les
chewing-gums... Et le tout devait être d'une
résistance assez ridicule !
De telles cibles radar ont été fabriquées par
l'Army Signal Corp pendant la guerre
(des ballons ainsi équipés ont servi notamment
à mesurer les vents pour le débarquement en
Normandie), et ont été ensuite largement utilisées
aussi par les services de météorologie. Mais en 1947,
elles restaient encore surtout utilisées par les militaires
parce qu'ils étaient à peu près les seuls à
disposer de radars. Du fait qu'elles
étaient très similaires à des
cerfs-volants, l'armée avait fait appel à des
fabricants de jouets pour les fournir ! Les enquêteurs en ont
retrouvé deux qui fabriquaient de telles cibles à
l'époque du crash de Roswell :
Alox
et Merri Lei.
Notons que ces deux constructeurs ne fabriquaient pas
les premières versions des cibles radar, très
légères et non moins fragiles comme nous venons de le voir...
Le premier fabriquait le modèle « C »,
utilisé peu après le
programme Mogul : le bois n'était pas du balsa mais sans
doute du pin, et à lire les explications les
réflecteurs étaient faits de « tissu et feuilles
de métal ». De telles cibles pesaient sûrement plus
de 300 g. On en voit une ici, avec des baguettes secondaires larges et plates :
Il y avait aussi sur ce modèle des ailerons que l'on
voit bien sur la partie supérieure, dont la fonction
était de mettre la cible en rotation lors de son ascension.
Ces ailerons étaient absents des modèles
précédents (modèle B) qui ont
été utilisés avec le programme Mogul.
Et le second, Victor Hoeflich, fondateur de la
société Merri Lei, interviewé le 18
juillet 47, précise que ses cibles étaient faites
de balsa, de papier d'imprimerie et de papier alu ordinaire, et pesaient 12 onces,
soit 340 grammes, ce qui semble cohérent (nous avons
toujours 50 g de balsa ou guère plus, les panneaux de papier
alu + papier normal pouvaient peser de l'ordre de 160 g/m2,
ce qui correspond à peu près à du papier alu
standard doublé de papier bureautique et de colle ;
c'est mieux que du papier à cigarette, mais encore pas très
résistant tout de même !)
Des cibles pas ordinaires pour le programme Mogul
C'est Charles Moore, ingénieur d'étude du programme Mogul
à l'université de New-York, qui est à l'origine de
l'utilisation des cibles Rawin dans ce projet. Elles
étaient alors très utilisées par
l'armée pour le suivi des ballons
météo, mais Moore avait été
amené à les associer par trois, voire plus, afin
d'améliorer leur efficacité. On voit ici les cibles
attachées à un train de ballons en cours de préparation.
La dernière cible, en bas à droite, n'est pas
complètement dépliée... On distingue bien les
baguettes formant les arêtes, qui doivent avoir de l'ordre de
5 mm de largeur. Notons que ce vol a été fait plus
d'un an après celui qui serait impliqué dans le crash, il
est donc possible que les cibles aient été
modifiées entre-temps.
C'est Moore qui a compris lorsque des enquêteurs l'ont
interrogé au sujet du crash de Roswell que
« ses » cibles
radar étaient à l'origine de l'affaire... Cela parce
qu'elles avaient la particularité d'avoir été
renforcées par le fameux scotch décoré qui
évoque tant ce qu'ont décrit les témoins des
débris... Il se souvient parfaitement de ce détail,
simplement parce que ça l'avait toujours intrigué... Il
l'explique dans son interview pour l'armée :
Je me rappelle que chaque fois que je préparais une de ces cibles
pour le vol, je me demandais toujours pourquoi ces figures étaient
sur le ruban... Il y avait toujours cette question du pourquoi de
leur présence là. Quand les marquages pourpre-rose sur
les débris ont fait surface, je me suis immédiatement
rappelé ces sortes de marques.
Et il n'était pas le seul à s'en souvenir... Le
colonel Trakowski, chargé de projet du
programme Mogul, écrit de son côté :
Je me rappelle si clairement
quand le fournisseur de ces cibles a été choisi,
et Jack [le Major Jack Peterson, qui était
chargé de se procurer les cibles radar]
pensait que c'était la meilleure blague du monde qu'ils aient
affaire à un fabricant de jouets pour faire ces cibles radar.
Mais c'était encore une meilleure blague quand il apparut qu'en
raison des rationnements de matériaux durant la guerre,
l'adhésif qu'ils utilisaient pour assembler ces cibles, le
matériau réflectif sur les tiges de balsa, était
une sorte de ruban rose pourpre avec des motifs de coeur et fleurs dessus...
Et Peterson lui-même l'évoquait dans une
lettre qu'il avait adressée à Moore.
Moore pense que son équipe a été
la seule à utiliser des cibles ayant cette particularité,
et on n'en a effectivement pas trouvé trace ailleurs. À
la suite de sa découverte, Moore a coécrit un livre sur
l'affaire Roswell, défendant bien sûr
l'hypothèse Mogul : Ufo Crash at Roswell, The
Genesis of a Modern Myth. Voici ce qu'il y
écrit au sujet des cibles :
À partir de notre récente reconstitution des
événements, il apparaît que, pour
l'expédition de 1947 à Alamogordo, Peoples avait
repéré un stock de quelques cibles radar ML-307 qui
étaient un surplus provenant des efforts de développement
du Evans Signal Laboratory en 1944 et 1945. Pour autant que j'aie pu le
déterminer lors des discussions récentes avec Fletcher et
l'un de ses chargés de projet, Edwin J. Istvan, ces cibles
étaient des prototypes de préproduction,
fabriqués par un fournisseur du quartier de la confection de
Manhattan. Istvan a dit que les vents provoquaient la dislocation en
vol des premiers modèles commerciaux de cibles portées
par des ballons, de 1944, si bien qu'il a fallu les
modifier. Ces changements, pour le modèle B des cibles,
comportaient un renforcement avec du ruban adhésif du collage des feuilles
de papier couvert d'aluminium sur des
baguettes de balsa. Le fabricant avait apparemment utilisé du
ruban qu'il avait en stock ; ce ruban, qui ne fut plus
utilisé pour les fabrications suivantes, portait au dos un motif distinctif de fleurs stylisées
abstraitement, de couleur rose pourpre.
Notons que Moore précise bien qu'il s'agit là juste d'une
tentative de reconstitution des événements, et il précise par
ailleurs dans son témoignage pour l'armée :
Vous devez considérer que tout ce que je vous dis est avec la
mémoire d'il y a presque cinquante ans. Je dirai les choses au
mieux de mes souvenirs, mais d'un autre côté, si une autre
évidence indique que ma mémoire est
défectueuse, je l'accepterai sans mal.
Une autre source de renseignements sur la genèse de ces cibles est
le colonel Trakowski, qui a été chargé de projet du
programme Mogul. Il nous explique qu'Istvan, à qui on doit
le choix des fournisseurs, travaillait dans le bureau
du Colonel Duffy, lequel était chargé de
récupérer pour l'Air force les technologies
utilisées pendant la guerre par le Signal Corps
de l'armée, parmi lesquelles il y avait ces
fameuses cibles. Normalement, le Signal Corps aurait dû
trouver lui-même un fabricant pour les cibles. Mais ce
service manquait quelque peu d'efficacité, si bien que le
personnel du Colonel Duffy outrepassait souvent ses fonctions... C'est
ce qu'avait fait Ed Istvan en cherchant lui-même un fournisseur capable
de fabriquer ces cibles radar, en l'occurrence un fabricant de jouets, et
cette initiative avait causé beaucoup de remous au sein de
la hiérarchie d'après Trakowski.
Moore dit pour sa part dans son interview que d'après le
lieutenant radar Tibbetts, les cibles de modèle B, d'une forme
très différente des précédentes, ont
commencé à être fabriquées à la fin
1945. C'est aussi Tibbets qui lui aurait dit qu'il y avait beaucoup de
problèmes de casse en 1944 (sur les modèles A donc), et
qu'ils avaient dû les renforcer.
Tout ceci permet de dater l'origine des cibles radar particulières de
Mogul. Le colonel Duffy, pour qui Istvan travaillait, a
occupé sa fonction jusqu'en août 1946, après quoi il a
été chargé de projet du programme Mogul jusqu'en janvier
1947, remplacé par Trakowski. Les cibles radar de
modèle B ayant commencé à être produites en
novembre 1945, ça serait entre cette date et août 46 que les
cibles particulières équipées du scotch
décoré ont été produites.
Lorsqu'il est interviewé pour le rapport de l'armée, Moore précise :
Et les cibles pesaient nominativement peut-être un quart de livre (110 g)
Q: Ces cibles pesaient seulement quatre ou cinq onces (110 à 140 g) ?
R: C'était dans le cahier des charges. Poids approximatif, 100 grammes.
Celle-ci [une cible radar plus récente, datant de 1953, sans doute celle
fabriquée par Alox], comme je l'ai dit, était quelque chose de plus lourd que
celles que nous avions.
Et plus loin, en comparant toujours avec la cible de 1953 qu'il a
retrouvée, il précise que le matériau
réflectif de celles qu'il utilisait était plus fin, plus
proche de simple papier d'aluminium.
Et au sujet des baguettes, toujours en comparant avec cette cible plus
récente : là où on dirait des baguettes de pin, la
matière sur celles que nous avions c'était du balsa et quelque chose
de plus petit en diamètre.
Bref, à en croire Moore, ces cibles issues d'une
préproduction étaient juste renforcées avec du papier
adhésif, mais en dehors de cela elles avaient la légéreté
des cibles de première génération, et
étaient de ce fait beaucoup plus fragiles que celles qui ont suivi.
Et là, il y a quelque chose qui cloche !
On peut comprendre que des cibles radar très fragiles puissent
être utilisées avec des ballons
météo, afin de minimiser la masse : un ballon
météo simple n'est pas très grand, il suit les mouvements de l'air
et même s'il y a du vent la cible radar est emportée
avec le ballon... Et pourtant, nous avons vu que même pour cet
usage les cibles avaient paru excessivement fragiles, et
on a de ce fait utilisé des matériaux beaucoup plus
résistants pour les suivantes : papier fort ou tissu pour les
réflecteurs, pin plutôt que balsa pour la structure.
Mais les trains de ballons Mogul avaient
pour certaines configurations une hauteur de 200 m... Il peut
alors y avoir de grosses
différences dans les mouvements de l'air entre les
différents niveaux du train, soumettant les cibles radar
à des vents importants...
La force exercée par le vent est à peu près
égale à SV2/10, avec S en m2,
V en m/s et la force en kilogrammes-force... Pour un vent de
36 km/h (10 m/s),
chaque décimètre carré exercera donc une force de
100 g... Vu les dimensions des cibles radar, la force
exercée sur un élément réflecteur (0,22 m2)
dépassait deux kilogrammes-force pour un tel vent assez
modéré (avec des rafales à 72 km/h, il
faut multiplier par quatre)... Il n'est pas difficile de comprendre
qu'avec une sorte de papier à cigarettes et
des baguettes de balsa, ces cibles auraient été
mises en pièces !
Notons que le vent dépasse couramment 150 km/h dans la
haute atmosphère... Certes, il y a moins de variations qu'au
niveau du sol et la densité de l'air est moindre, mais il serait
étonnant qu'en plusieurs heures de vol, passant du jour à
la nuit, les cibles n'aient pas subi systématiquement des
tensions capables de les disloquer...
Il me paraît donc évident que les cibles radar
décrites par Moore auraient été totalement
inutilisables dans le cadre du programme Mogul. Et il est clair aussi que
ça ne sert à rien de renforcer le collage si les
éléments eux-mêmes continuent à avoir la
résistance du papier à cigarettes et si l'armature est
faite du bois le plus fragile que l'on puisse trouver ! J'ai
essayé de coller du papier d'imprimante sur une baguette de
balsa de 8 mm de section avec de la colle à bois, et de tirer
dessus... Le résultat est sans appel : la colle tient bon,
mais le balsa craque !
Notons qu'il faut une force de l'ordre de l'ordre du kilogramme,
appliquée à l'extrémité
d'une baguette de balsa de 8×8 mm et 30 cm de longueur (la
moitié de la longueur des
« bras » des cibles radar) pour la
briser ! Je l'ai vérifié, et
l'ingénieur Robert Galganski l'a testé
également (lire son
article en anglais), en vérifiant aussi que cela ne change
pas beaucoup si elle est enduite de colle.
Alors, soit ces cibles de préproduction particulières
avaient déjà bon nombre de caractéristiques
des modèles qui seraient produits en série quelques
années plus tard, soit elles ont
été modifiées pour le programme Mogul
en raison de leur fragilité excessive.
Dans cette deuxième hypothèse, on
peut imaginer que l'équipe responsable des ballons Mogul aurait
été la première à se heurter, lors des
premiers vols en avril 1947, à la fragilité excessive des
premières générations de cibles, en raison de la
dimension extrême de ses trains ou grappes de ballons. Dans
l'urgence, elle aurait contacté le
même constructeur de jouets qui avait fait ces cibles de
présérie un an auparavant, pour lui demander d'en
fabriquer une série utilisant des matériaux plus
résistants, aussi bien pour les panneaux réflecteurs que
pour la structure... Et ce constructeur aurait continué à
utiliser le ruban adhésif décoré qu'il avait
toujours en stock !
Moore aurait seulement gardé le souvenir
de la première série de cibles utilisées, mais on
trouve la mention d'un changement de matériaux dans l'interview
du directeur du projet, Athelsthan Spilhaus :
Les réflecteurs radar étaient faits d'un matériau
réflectif et ils ont changé au cours du temps mais je ne
me rappelle pas les détails des changements. [...]
Les réflecteurs servaient au suivi et étaient faits
de papier ou tissu métallisé.
Notons que ni Moore ni Spilhaus n'avaient été
chargés de mettre au point les cibles radar et de les améliorer du fait
de leur trop grande fragilité. Ils les recevaient et les
utilisaient, s'il y avait un problème ils trouvaient
quelqu'un pour le résoudre, ensuite ils n'avaient pas besoin
de savoir ce qui avait été fait et
comment !
Le choix d'un fabricant de jouets pour fournir les matériaux
était sûrement dicté par le fait que ces cibles
ressemblaient à un cerf-volant plus qu'à tout autre chose... Ce
fabricant devait donc avoir une certaine compétence en
matière de cerf-volant... Et toute personne connaissant un
peu la fabrication des cerfs-volants vous dira que le balsa pour
l'armature et le papier pour la voilure sont les PIRES des
matériaux que l'on puisse utiliser dès lors que
l'on cherche autre chose qu'un jouet jetable à utiliser
uniquement sous une légère brise !
Nouvelle matière à réflexion
En ce qui concerne les panneaux réflecteurs, ce qui vient à l'esprit
c'est du tissu plutôt que du papier... Ça n'est pas sans
raison que les voiles des voiliers ou des cerfs-volants sont en toile
plutôt qu'en papier... La résistance du papier diminue en outre
considérablement à l'humidité, très importante la nuit ou dans les nuages.
Les toiles de cerfs-volants les plus courantes sont faites de tissu de
nylon pesant de l'ordre de 40 g/m2,
soit la moitié du papier bureautique courant, et sont beaucoup plus
résistantes. Elles sont enduites de polyuréthane pour
être imperméables à l'air, ce qui n'est pas
nécessaire dans le cas qui nous occupe.
Aluminiser du tissu ne présente pas plus de difficulté que
du papier (ou du verre, comme pour les miroirs)... Ça peut se faire
par dépôt de métal
vaporisé ou par réaction chimique, des techniques
maîtrisées depuis longtemps... La couche de
métal est alors très fine, quelques microns, le tissu
n'en est guère alourdi et cela ne nuit pas à sa
capacité réfléchissante.
De nos jours, on trouve sur tous les marchés du tissu métallisé.
Et il s'agit bien de tissu recouvert de métal : le fait de
réfléchir la lumière est intimement lié à la
présence d'électrons libres, caractéristique des
métaux. Et donc ces tissus métallisés réfléchissent
les ondes radar aussi bien que le papier d'aluminium. On les utilise
d'ailleurs souvent comme « protections
anti-ondes » depuis que les maniaques du « principe de
précaution » dénoncent les « dangers
possibles » des rayonnements électromagnétiques !
Cela peut d'ailleurs créer des situations amusantes : un
jour que j'attendais dans une banque, une jeune femme était
bloquée dans le sas parce qu'elle déclenchait le
détecteur de métaux... On lui avait demandé de
déposer son sac à main, ses clés, son
téléphone, et rien n'y faisait ! Elle portait des
pantalons de toile argentée... Malheureusement
(je pense bien sûr au point de vue expérimental), le
vigile l'a finalement laissée entrer sans lui demander d'enlever
ses pantalons, mais je suis sûr qu'ils étaient en
cause... Les détecteurs utilisés sont
sensibles à la surface du
métal plutôt qu'à sa masse : j'en ai
fait l'expérience en étant bloqué dans le
même sas parce que j'avais avec moi une plaque de circuit imprimé
vierge, de la bakélite recouverte d'une très fine couche de cuivre.
Le nylon est aujourd'hui le matériau le plus utilisé pour les toiles de
cerfs-volants, en 1947 c'était peut-être moins
évident. Inventé en 1935, le nylon a d'abord
été commercialisé en 1938 sous forme de poils de brosses à
dents, puis de fil de pêche et de suture... Mais c'est en 1940 qu'il a
été popularisé dans l'industrie textile avec les
fameux « bas nylon ». La production a été
arrêtée pendant la guerre, où le nylon a surtout servi
à faire des toiles de parachute, mais elle
a repris immédiatement après et le bas nylon a connu un
grand succès : des bas « soyeux, brillants, légers,
infroissables », disaient les publicités de DuPont... Une couche de métal en plus, et vous
avez presque la description testimoniale des débris de Roswell !
En bref, le matériau idéal pour constituer les réflecteurs des cibles radar
était du tissu de nylon similaire à celui utilisé pour faire
les bas, très léger, recouvert d'une fine couche d'aluminium... Le
genre de matériau qui devait pouvoir être obtenu
facilement en 1947, mais qui était encore quelque chose de
très nouveau et dont l'aspect pouvait surprendre.
Le personnel de l'université participant au projet Mogul ne
pouvait en tout cas pas ignorer l'existence d'un tel matériau,
puisqu'il en a utilisé ! En effet, certains des ballons
qui ont été testés pour ce projet, fabriqués
par les laboratoires Seyfang, étaient recouverts d'une telle toile :
Dans le rapport de l'armée, la légende
accompagnant cette photo indique que ces ballons étaient
facilement confondus avec des soucoupes volantes en raison de leur
forme et de leur couverture extérieure métallique.
Il est précisé ailleurs que ces ballons étaient
constitués d'une toile de nylon métallisée et
enduite de néoprène. Une autre légende de photo indique : les
ballons de nylon enduit de néoprène fabriqués par les laboratoires
Seyfang ont été utilisés avec un système de
valve pour éviter le déchirement. Le tissu a
été enduit de peinture métallique pour minimiser
les effets des rayonnements. Notons que pour que la toile soit bien
réfléchissante, il devait réellement s'agir d'une
métallisation plutôt que d'une simple peinture ayant
l'aspect de métal. Le rapport indique aussi, à propos du
vol Mogul 79 qui a utilisé ce ballon, une forte
élévation de température « en
dépit du revêtement d'aluminium du ballon ».
On comprend aussi que ces ballons étaient conçus pour
résister à une certaine pression et ainsi ne pas varier
en volume en fonction de la température... La toile devait
être pour cela très solide...
L'équipe de Mogul utilisait donc de la toile de nylon
aluminisée et caoutchoutée, parfaite pour réaliser des cibles
radar ! Les vols de ces ballons se situent entre décembre
1947 et septembre 1948... Avec 22,5 pieds de diamètre
(7 mètres), un seul ballon pouvait fournir suffisamment de
toile pour construire une soixantaine de cibles radar. On ne sait pas quand
ils ont été reçus, on sait par contre que
l'armée en a reçu dix et que seulement quatre ont
volé... Et on sait aussi qu'il y a eu une discussion sur
la fabrication de grands ballons
avec le représentant des laboratoires Seyfang le 26 mars 47,
plus de deux mois avant le vol du ballon Mogul n°4 qui
pourrait être responsable des débris
trouvés à Roswell.
Une autre commande de ballons Seyfang
mentionnée date de fin mars 47, mais il s'agissait alors
de ballons plus petits et faits de tissu de soie enduit de
néoprène (il n'est pas dit qu'il était
métallisé). Il ne s'agit donc sans doute pas du
même type de ballons, mais la toile devait être à
peu près aussi résistante, et il est
indiqué que ce tissu pesait « 3 onces »,
ce qui signifie probablement 3 onces
par yard carré, soit 106 grammes par mètre
carré... C'est nettement plus que le papier à cigarettes
métallisé qui aurait dû être utilisé
pour réduire le poids des cibles aux 100 grammes
édictés par le cahier des charges, mais nettement moins,
tout en étant beaucoup plus résistant, que du vulgaire
papier d'aluminium collé sur du papier fort, comme certains
l'envisagent. Cela donnerait un poids de
« voilure » d'environ 180 grammes
par cible radar, qui reste raisonnable compte tenu que la masse
totale des trains de ballons Mogul avec leur charge d'instruments
dépassait 30 kilogrammes.
Notons que Gildas Bourdais, notre spécialiste national de Roswell,
écrit dans ses livres : D'autre part, il existait aussi
des ballons en néoprène recouverts d'une couche
métallisée pour servir de réflecteur radar...
Un ballon métallisé serait
très peu efficace pour la détection
radar : les cibles sont efficaces
parce qu'elles renvoient les ondes vers le radar émetteur, alors
qu'un ballon réfléchissant ne ferait que les disperser dans toutes les
directions... Nous avons vu que la véritable utilité de
cette couche métallisée était d'empêcher
l'échauffement... Mais on peut se demander si Bourdais a tiré ce
détail de son imagination (il me semble personnellement qu'il n'en a pas
beaucoup !), ou si quelqu'un parmi ses nombreux contacts (Bourdais fait partie
de ceux qui ont le plus enquêté sur cette
affaire) ne lui aurait pas dit que le revêtement
métallisé de certains ballons aurait servi de réflecteur radar, ce qui
serait la stricte vérité dans mon hypothèse !
Il me semble en fait très incertain que de la toile de ballons ait
été utilisée pour fabriquer des cibles radar, mais on voit en
tout cas qu'il n'était pas difficile à l'époque de se
procurer de la toile de nylon métallisée, permettant de
fabriquer des cibles radar qui n'auraient pas été
déchiquetées au moindre coup de vent comme les
premières du genre !
Moore ne parle jamais de tissu, mais on peut se demander
s'il n'y fait pas une allusion involontaire lorsqu'il explique qu'il
garde un souvenir particulier du scotch de renforcement appliqué
aux coutures des réflecteurs et qui portait des symboles tels que arcs,
fleurs, cercles et diamants. Des coutures sur du papier ? Mais
surtout, lorsqu'on lui demande si les cibles étaient
fabriquées par un fabricant de jouets, il répond :
Eh bien, c'était soit un constructeur de jouets soit un
fabricant de prêt-à-porter dans le quartier de confection de
Manhattan, ou c'était par un fournisseur de nouveautés.
J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on serait
allé contacter un fabricant de prêt-à-porter dans
un quartier de confection pour fabriquer des sortes de cerfs-volants
en papier et balsa ! C'était par contre sûrement le bon
endroit pour trouver, faire découper et coudre du tissu ! Et
si le tissu aluminisé n'était encore pas assez
courant pour être trouvé chez un confecteur de
vêtements, c'était peut-ête la raison du fournisseur
de nouveautés, une de ces sociétés à
l'affût de tous les trucs nouveaux susceptibles de devenir
des gadgets à la mode !
Rappelons aussi que le directeur du
projet, Athelsthan Spilhaus, indiquait que le matériau
réflectif des cibles radar avait changé au cours du
temps, et qu'il était fait de papier ou de tissu
métallisé.
Si l'on se tourne maintenant vers ceux qui ont eu en mains les
débris du crash, il est tout à fait remarquable qu'aucun
d'entre eux ne mentionne du papier au sujet des feuilles d'aspect
métallique, mais par contre un certain nombre évoquent du
tissu : Jesse Marcel lui-même
décrit ces feuilles comme « ressemblant à du tissu,
mais c'était aussi métallique. C'était un tissu
métallique », Sally Tadolini
décrit « un morceau de ce que je pense toujours être
un genre de tissu » qu'elle compare aussi à du satin, et le journaliste Jason
Kellahin parle de « morceaux d'un tissu de couleur argentée,
peut-être du tissu aluminisé ».
Et la plupart des témoins (Jesse Marcel, Mac Brazel
d'après Loretta Proctor, Sally Tadolini, Bill Brazel, Jack Trowbridge)
étaient surpris par le fait que ce matériau se dépliait
spontanément après avoir été plié.
Une caractéristique évoquant bien plus le tissu que le
papier ! D'autres (Bessie Shreiber, Walt Whitmore, Jesse
Marcel Jr), ne mentionnent pas une telle propriété, mais
évoquent la résistance extrême de ce
matériau, qui s'accorde encore beaucoup mieux avec du
tissu qu'avec du papier.
Notons au sujet du matériau qui se dépliait
spontanément que des ufologues fantaisistes
y voient une référence aux matériaux «
à mémoire de forme », mais c'est de
l'ignorance : ce
terme s'applique à un matériau qui peut
être déformé et conserve la forme qu'on lui donne,
mais reprend sa forme initiale lorsqu'il est porté à une
certaine température... Le fait pour un matériau de
reprendre spontanément sa forme après avoir
été déformé, ça s'appelle tout
simplement l'élasticité ! Les témoins sont
simplement surpris que ces feuilles qui ont l'aspect de métal
soient justement élastiques, contrairement aux feuilles de
métal, mais ils n'en font pas pour autant un matériau aux
propriétés extraordinaires : on a vu que Sally Tadolini
compare cela à un gant de cuir, et Jesse Marcel parle de
métal qui aurait les propriétés du plastique. De
la matière en
feuille qui reprend sa forme quand on la froisse, on en connaît
depuis
longtemps, on l'appelle le caoutchouc : essayez donc de froisser
un
ballon de baudruche dégonflé, vous verrez qu'il reprendra
aussitôt sa forme ! Bien sûr, une feuille de
caoutchouc est
aussi élastique dans tous les sens, ce dont il n'est pas
question
au sujet des débris de Roswell, mais pour conserver son
« infroissabilité » tout en
l'empêchant de
s'étirer il suffit de la doubler d'un tissu fin... Une feuille
de tissu enduit
de caoutchouc a toutes les qualités réputées
extraordinaires des débris de Roswell !
Il n'y a pas de raison que le tissu métallisé utilisé pour
des cibles radar ait été couvert de caoutchouc, sauf peut-être si
une enveloppe de ballon avait été utilisée... Il y a
un doute concernant les ballons Seyfang dont on vient
de parler : il est dit qu'ils étaient faits de toile
enduite de néoprène, mais les photos semblent
plutôt montrer que la toile enveloppait simplement un ballon de
caoutchouc interne, auquel cas elle n'avait pas besoin d'être
elle-même étanche. Mais le rapport de l'universtié
de New-York décrit bien, à plusieurs reprises,
ces ballons comme étant « en nylon enduit de
néoprène » (neoprene coated nylon)
alors que d'autres ballons en néoprène enveloppés dans une
toile de nylon (non métallisée) sont bien
décrits ainsi (encased in a nylon shroud, shrouded
neoprene balloon...)
Concernant les témoignages, seule Bessie Schreiber, la fille de Mac Brazel,
a parlé dans son témoignage le plus tardif d'un aspect de caoutchouc d'un
côté... Mais Jesse Marcel indique pour sa part que la matière
à l'aspect de feuille métallique était poreuse, et ne
pouvait donc pas provenir d'un ballon... Étant donné que
c'est un des détails qui lui ont fait écarter
l'idée d'un ballon, on peut penser que ce souvenir est
fiable... Notons que du tissu métallisé reste
poreux tant que la couche de métal est fine, par contre pour
du papier c'est beaucoup moins évident, et c'est encore une
raison de douter que les cibles radar responsables de l'affaire aient
été faites de papier !
Dans tous les cas, du tissu, qu'il soit ou non enduit de caoutchouc, est
bien plus « infroissable » que du papier, et nous avons vu
que le tissu de nylon dont on faisait les
bas était lui-même vanté pour son
« infroissabilité » par
son fabricant DuPont... Ce qui
était sûrement quelque peu
exagéré, mais les
témoins peuvent aussi avoir exagéré
dans leurs souvenirs remontant à trente ans ou plus.
Et un tissu un peu nouveau recouvert d'une
couche de métal avait de quoi étonner les
témoins, bien plus que du papier métallisé
similaire à celui que l'on trouvait dans les paquets de
cigarettes !
À la recherche d'un bois étrange et incassable
L'autre élément principal des cibles Rawin, c'est
l'armature, faite de baguettes de balsa aussi sûrement
que les réflecteurs étaient faits de
papier ! Mais les souvenirs de Charles Moore sont encore la
source presque unique de cette supposition.
Le balsa est connu pour être le bois le plus léger qui existe, avec une
densité de seulement 0,15 (à peu près
le sixième de celle de l'eau)... Il convient donc
parfaitement pour faire des cibles radar très
légères, ce qui était la contrainte
principale pour les cibles Rawin classiques, mais dès que la
résistance prend de l'importance il devient à peu
près la pire des solutions. Ce qui importe, c'est le
rapport résistance/densité, désastreux dans le cas du balsa !
On sait que les cibles Rawin
étaient assemblées par un fabricant de jouets
parce qu'elles étaient très semblables à des
cerfs-volants... Et tous les amateurs de
cerfs-volants savent bien que le balsa est le pire des bois que l'on
puisse utiliser pour la fabrication de ces objets, étant
donné sa fragilité ! Et le meilleur, c'est le
bambou : sa densité est nettement plus élevée que
celle du balsa, elle varie entre 0,5 et 0,8 selon les
variétés, ce qui reste tout de même
très léger, mais sa résistance est
exceptionnelle... On connaît les échafaudages de
bambou utilisés en Asie pour la construction même
des plus hautes tours.
Pour peu que le fabricant de jouets ait pu disposer
de baguettes de bambou, il était judicieux de les proposer
en remplacement du balsa lorsqu'on lui a demandé de concevoir
des cibles plus solides que celles qu'il fournissait alors.
Il est vrai que l'on trouve beaucoup plus facilement des
baguettes de balsa que des baguettes de bambou, mais il faudrait savoir
ce qu'il en était en
1947... Ce qui est sûr c'est qu'on trouve de tout en bambou,
comme des parquets et beaucoup de jouets en provenance de chine...
Des baguettes en bambou refendu (c'est-à-dire du bambou non
entier), on en fabrique beaucoup de petite taille pour les baguettes
alimentaires, et on en trouve aussi dans toutes les jardineries sous
forme de tuteurs, dont la longueur peut atteindre 90 cm. Les amateurs de
cerfs-volants les utilisent souvent,
quand ils ne taillent pas eux-mêmes des bambous entiers... Et
c'est aussi ce que font les amateurs de cannes à pêche de
tradition, qui sont encore très nombreux (eux taillent des
baguettes de section triangulaire, qu'ils assemblent par six). Bref, il
n'est pas douteux que des baguettes de bambou ayant les dimensions
décrites pour les cibles radar peuvent se trouver, pas
très facilement de nos jours mais je ne sais pas ce qu'il en
était en 1947 aux États-Unis.
Nous avons vu pourtant que les cibles de la génération
suivante étaient faites avec du bois de pin, au moins aussi
dense que le bambou et beaucoup moins résistant. Si on l'a
préféré au bambou, c'est sûrement pour des
questions de disponibilité. Mais il s'agissait alors de faire
fabriquer les cibles en grande série, sûrement plusieurs
milliers, et peut-être par différents fabricants. Pour une
petite série, il ne devait pas être très difficile
de se procurer des baguettes en bambou, et pour une application
où la résistance était primordiale le
choix s'imposait.
J'ai fait des tests, avec un matériel sommaire, pour comparer
la résistance du bambou à celle du balsa :
La baguette, en balsa ou en bambou, a une section de 4x4 mm,
et les dossiers de chaise sont distants de 20 cm... La baguette de
balsa s'est cassée avec un poids de 1,1 kg, et la baguette
de bambou a trop plié, sans se casser, avec un poids de 10 kg.
Le bambou est donc dix fois plus résistant que le
balsa... Même s'il est trois à cinq fois
plus lourd, on est largement gagnant ! En utilisant des baguettes plus fines
que celles de balsa, on pouvait avoir des cibles à la fois plus légères
et plus solides, et en utilisant plutôt des baguettes de même section,
on obtenait des cibles plus lourdes mais BEAUCOUP plus solides. Le bambou que j'ai
utilisé (une baguette alimentaire, ce
qu'il y a de plus facile à trouver) a une densité
proche de 0,8, ce qui en fait un maximum pour ce type de bois...
D'autre part, si on l'examine de près, le bambou présente un aspect assez
étrange... Un peu comme un matériau composite (ce
qu'il est en réalité... On utilise même ses fibres
pour les intégrer à des matériaux composites
de synthèse !), avec ses grosses fibres bien visibles
en coupe et son aspect plastifié :
(Vous remarquerez que j'ai trouvé des baguettes portant
d'étranges motifs pourpre, je soigne les détails !)
Les témoins ayant décrit les débris en
forme de baguettes étaient pour la
plupart étonnés par leur
légèreté et leur grande résistance (une
baguette en bambou de près d'un centimètre carré de
section est très difficile à briser), mais aussi par
leur aspect, couleur de bois mais qui ne ressemble pas à du
bois... Ce sont là des détails qui paraissent
incompréhensibles dans le cas du balsa (même enduit d'une
sorte de colle ou de vernis), et qui s'expliquent beaucoup mieux avec du bambou.
Bill Brazel parle de pièces
évoquant le bois de balsa pour le poids, mais un peu plus
sombre et beaucoup plus solide ; Loretta Proctor d'une sorte de plastique de couleur bronze, brun clair, très
léger, comme du bois de balsa mais qui n'était
pas du bois, lisse comme du plastique et qui ne brûlait pas ;
Walt Whitmore de poutrelles qui semblaient être
de bois ou d'une substance ressemblant à du bois ; Jesse Marcel
de poutrelles ressemblant à du bois de balsa, et d'une légèreté comparable,
mais qui n'étaient pas du tout du bois, très dures et flexibles, et qui ne
brûlaient pas ; son fils de poutrelles métalliques en I
dont certaines portaient des sortes de hyéroglyphes de couleur
violette ou pourpre (et quand on a voulu le convaincre que
c'étaient des baguettes de balsa avec du scotch
décoré qu'il avait vu, il a dit que sa mémoire
pouvait le tromper mais que si ç'avait été du
balsa il l'aurait reconnu parce qu'il en utilisait couramment pour faire des
maquettes) ; Cavitt de débris semblables à des
bâtons de bambou de section carrée, très
légers ; Jason Kellahin de bois très
léger, comme celui dont on fait les cerfs-volants ; et Irving
Newton de matériau paraissant être comme des baguettes de
cerfs-volants en bois de balsa mais beaucoup plus dur.
Si on fait une synthèse, ça ressemblait à du bois
sans en être, léger comme du balsa mais très
résistant... Pratiquement tous les témoignages
s'accordent sur cette résistance, qui évoque bien
plus le bambou que le balsa...
Moore avait de son côté
supposé que les baguettes étaient
enduites d'une colle ou d'un vernis destiné à rendre
le bois imperméable et peut-être plus solide... Cette
explication pourrait à la rigueur rendre compte de l'aspect
étrange décrit par les témoins, mais des tests
ont montré qu'un tel revêtement ne faisait que doubler la
résistance du balsa, ce qui reste très fragile, et le
rendait par contre
beaucoup plus lourd. D'ailleurs, Moore précise aussi que
seules certaines parties des baguettes étaient enduites d'une
sorte de colle à bois, ce qui donne à penser que cette
colle avait pour fonction de coller, justement, les panneaux,
plutôt que de renforcer et protéger les baguettes.
Jesse Marcel dit quant à lui qu'il a tenté de
brûler une des baguettes, en vain...
Or, le bambou brûle aussi bien que le balsa.
« L'incombustibilité » des baguettes fait partie des
rares détails que mon hypothèse n'explique pas, mais elle est
beaucoup moins bien attestée que leur résistance. Notons
que dans ses deux témoignages espacés de plusieurs
années, Marcel évoquait cette anecdote à propos de deux types de
débris différents ! On peut remarquer que le
néoprène est un caoutchouc qui résiste bien à la chaleur,
jusqu'à environ 150°... Il se pourrait donc que cette
mention de débris qui ne brûlait pas se
réfère plutôt à un débris d'enveloppe
de ballon, d'autant qu'une relative incombustibilité pouvait
paraître surprenante pour un matériau
ressemblant à du plastique.
Enfin, lorsque j'ai suggéré pour la
première fois cette utilisation de bambou (Univers Ovni
n°2, octobre 1997), je ne savais pas qu'un des témoins
avait dit que les baguettes trouvées sur le crash étaient
en bambou ! Il s'agit d'ailleurs du seul témoin qui identifie la
matière de ces baguettes !
Les autres parlent d'une sorte de matière plastique ayant la couleur du
bois, d'une matière ressemblant à du bois mais qui
n'en était pas, etc... Pour Cavitt, ça
ressemblait à du bambou et à rien d'autre.
Cavitt était le chef du contre-espionnage, il accompagnait Marcel pour
récupérer les débris... Et il dit qu'il a
reconnu tout de suite les restes d'un ballon météo et de
sa cible... Son témoignage est contesté parce qu'il
contient quelques contradictions, habituelles pour des faits remontant à plus de
quarante ans, mais sur ce détail
particulier je ne vois vraiment pas pourquoi il aurait menti... Il
a eu les débris en mains, cela personne ne
le nie, il a toujours affirmé qu'il s'agissait de
débris de cibles radar, si les cibles radar avaient
été faites en balsa comme tout le monde le dit
pourquoi donc aurait-il inventé cette mention du
bambou ? Je suis tenté de penser que Cavitt était le seul
à avoir eu l'occasion, pour une raison ou une autre,
d'examiner le bois de bambou de près, et avait reconnu son
aspect caractéristique et étrange.
J'ai déjà défendu la remise en cause des
matériaux constitutifs des cibles radar en 2005 dans la
liste de discussion Ovni-sciences, maintenant disparue... Il en est
résulté un article sur le site de Patrick Gross :
Si les
tiges étaient en bois, quel bois
était-ce ? Gross
ne conclut pas, se contentant de remarquer que tous les témoins
parlant de la construction des cibles radar indiquent qu'elles
étaient faites de balsa, mais que la plupart s'inspirent
directement ou non des souvenirs de Moore... Il ne précise pas
non plus que cette idée s'appuie sur le fait que le balsa aurait
été trop fragile pour rendre ces cibles utilisables avec
des trains de ballons de grande dimension, et ne discute pas de
l'idée d'utilisation de tissu métallisé pour les
éléments réflecteurs qui dérive du
même raisonnement.
Les photos de Fort Worth : quand on se trompe de cible
Parlons maintenant du matériel qui a été
présenté à la presse à Fort Worth le 8 juillet, et dont les photos ont
été largement diffusées. Six photos
ont été prises, on voit ici celle
où les débris sont le plus visibles, avec à
droite le Général DuBose et à gauche
le Général Ramey.
Ce que montrent ces photos, ce sont les débris d'une
cible radar tout à fait ordinaire. On y voit du papier
métallisé manifestement
très fin, d'aspect très fragile, tout froissé et
déchiré... Sûrement typique des
premières cibles radar fabriquées, dont la masse
était de 100 grammes ou guère plus. On voit aussi des débris
brunâtres qui sont certainement les restes de ballons en
néoprène dégradés par le soleil, des
baguettes de bois, et des bandes
adhésives, mais pas trace de petits dessins dessus, bien que les
photos originales soient d'une excellente définition.
Alors, les sceptiques persuadés que l'essentiel des
débris recueillis sur le ranch provenait de cibles radar et de ballons ne
doutent pas que ces photos présentent bien ce qui a
été trouvé, et les tenants du crash extraterrestre
sont persuadés qu'on a substitué aux débris
réels ceux d'une cible radar ordinaire...
Et l'idée d'une substitution repose sur des arguments
très forts...
C'est d'abord ce que Jesse Marcel a toujours dit, comme dans son interview de 1979 par William Moore :
Tout
fut envoyé à Wright-Patterson pour analyse. Juste
après que nous soyions arrivés à Carswell, Fort
Worth, on nous dit d'apporter ce truc jusqu'au bureau du
général — qu'il voulait y jeter un oeil. Nous le
fîmes et le déversâmes sur le sol sur un papier
marron. Ce que nous avions n'était qu'une petite partie des
débris — il y en avait beaucoup plus en tout. Il y avait
un B-29 rempli à moitié dehors. Le général
Ramey permit à certains membres de la presse à
l'intérieur de prendre une photo de ces trucs. Ils prirent une
photo de moi sur le sol tenant certains des débris
métalliques les moins intéressants. La presse fut
autorisée à photographier cela, mais ne fut pas
autorisée assez loin dans la salle pour les toucher. Ce qu'il y
a sur cette photo-là était des morceaux de ce que nous
avions trouvé. Ce n'était pas une photo truquée.
Plus tard, ils enlevèrent nos débris et les
remplacèrent par certains des leurs. Alors ils permirent plus de
photos. Ces photos furent prises alors que la véritable
épave était déjà sur sa route vers Wright
Field. Je n'étais pas sur celles-là. Je pense qu'elles
furent prises avec le général et un de ses aides. J'ai vu
beaucoup de ballons météo, mais je n'en ai jamais vu un
comme ça auparavant. Et je ne pense pas qu'eux non plus.
Il
y a certes quelques incohérences dans son
récit, normales au vu du temps écoulé. En
particulier, la photo sur laquelle il figure est de la même
série et présente les mêmes débris que
celles qu'il dit avoir été prises après la
substitution. Mais en tout cas sur le fait qu'il y ait eu subtitution
il
était tout à fait affirmatif.
Et quoi qu'on ait pu en dire il en allait de même du
Général DuBose, chef d'État-Major de
la base de Fort Worth.
Lorsqu'il a été interrogé en 1979 par
William Moore, l'auteur du premier livre
sur Roswell, DuBose a déclaré que les débris avaient
été acheminés à Wright Field
(base devenue ensuite Wright Patterson), et que
l'histoire du ballon météo n'était qu'une
invention pour écarter les journalistes. Une version qu'il a
confirmée en 1990 lorsqu'il a été
interrogé par Randle et Schmitt, puis dans une
déclaration sous serment :
La matériel montré sur les photographies prises dans le
bureau du major-général Ramey était un ballon
météo. L'explication du ballon météo pour
le matériel était une histoire de couverture pour
détourner l'attention de la presse.
Et dans une interview au reporter Billy Cox :
Il y avait une foule de gens qui descendaient à notre QG en
demandant de l'information à Ramey, le harcelant pour des
informations que nous n'avions pas. Je ne savais pas ce que c'était.
Blanchard [commandant de la base de Roswell] ne
savait pas. Ramey ne savait pas... Nous ne savions pas que diable cela pouvait
être. Personne ne le savait. Mais je peux dire cela : ça
n'était sûrement diable pas un ballon
météo... Mc Mullen [commandant adjoint du
Strategic Air Command, ayant demandé à ce que les
débris soient expédiés à Wright Field]
dit, voyez, pourquoi n'arriveriez-vous pas avec quelque chose, quoi que
ce soit que vous pourriez utiliser pour que nous n'ayons plus la presse
sur le dos ? Alors nous sommes arrivés avec cette
histoire de ballon météo, qui je pense était une sacrée
bonne idée. Quelqu'un est allé en chercher un et on
l'a laissé tomber de quelques centaines de pieds pour faire en
sorte qu'il ait l'air de s'être écrasé, et
c'est ce que nous avons utilisé.
Mais voilà que dans une
interview à James Shandera, co-auteur avec William Moore d'un
nouveau livre paru en 1991, DuBose aurait déclaré que les
débris photographiés dans le bureau de Ramey
étaient ceux provenant de Roswell, qu'il n'y avait
eu aucune substitution... Mais il dit aussi que ces débris
n'étaient pas ceux d'un ballon
météo !
Bref on y perd son latin... Cette déclaration est contraire à
toutes les autres faites par DuBose. Notons tout de même que
cette interview n'est pas enregistrée, et que Shandera et
Moore sont connus pour leurs déformations. Peu après,
Randle et Schmitt ont à nouveau interrogé DuBose, qui a
déclaré sans aucune ambiguïté que les
débris présentés dans le bureau de Ramey
n'étaient pas les débris ramassés à
Roswell, et que lui-même n'a jamais vu ces derniers !
On peut donc supposer que DuBose n'a pas vu les débris que l'on
a ramenés de Roswell, que ceux-ci n'ont pas été
déballés à Fort Worth, du moins pas en sa
présence, et que les débris présentés
à la presse sont ceux d'un ballon météo et d'une
cible détériorés pour l'occasion.
L'examen des photos ne fait que renforcer nos doutes... On sait que les ballons
Mogul, tout comme les simples grappes de ballons lancées par le
même groupe, emportaient trois cibles radar (voire plus)...
Cela parce que les premiers essais avec une seule cible n'avaient pas
donné satisfaction avec le radar mis à la disposition de
l'équipe, utilisé pour suivre les tirs d'essai de
V-2. Et la matière de trois cibles serait
assez représentative des débris
récupérés sur le ranch de Brazel d'après
les témoignages... Mais ce que l'on voit sur les photos de
Fort Worth, c'est ce qui pourrait constituer une cible et une seule, mais
presque complète ! Rappelons qu'une cible radar, c'est 9
réflecteurs totalisant 1,7 m2, ici on voit au moins 8
réflecteurs et on ne doit pas être loin de la surface
totale ; quant aux baguettes, une cible en contient
11 totalisant un peu moins de 9 mètres, et sur les
photos on en dénombre au moins dix totalisant plus de
6 mètres (ce ne sont que les parties visibles, d'autres sont
masquées par le papier ou débordent des photos).
En fait, tout porte à croire que ces photos montrent
l'intégralité d'une cible radar et rien de plus.
Quant au petit tas de débris brunâtres
typique des débris dégradés au soleil
des ballons en néoprène, il ne représente sans
doute pas plus qu'un ballon unique
(un poids de 350 g), deux au maximum. On est
loin du tas de 20 cm d'épaisseur et 50 cm de longueur
mentionné par Mac Brazel pour le type de débris
qui pourrait s'y rapporter, lequel aurait pu former l'enveloppe d'un
ballon long de 3,5 m « si c'est comme cela
que ça fonctionnait ».
Et l'ensemble des débris étalés dans le
bureau de Ramey devait peser nettement moins d'un kilogramme,
beaucoup moins que l'ensemble des débris d'après toutes
les
estimations des témoins ayant participé
à la récupération
ou au transport des débris du crash
(plus de deux kilogrammes d'après le premier témoignage
de Mac Brazel à la presse, pour une partie
incomplète des
débris, et encore beaucoup plus, de quoi remplir à
moitié un avion B-29, d'après le témoignage tardif
de Jesse Marcel). On est loin aussi de la dimension d'un plateau de
table estimée par Mac Brazel pour l'ensemble des
débris métalliques, qui serait beaucoup plus
proche de la surface totalisée par trois cibles radar
(5 m2 environ).
Certes, l'explication donnée
à la presse à l'époque était que les
débris présentés étaient ceux d'un ballon
météo porteur d'une cible radar, il ne
fallait donc pas en montrer plus pour ne pas
risquer de révéler l'existence d'un programme ultrasecret !
Mais on imagine la difficulté
qu'il y aurait à sélectionner les débris
complètement mélangés de trois cibles radar pour
en former une seule... Il était certainement plus simple de
prendre une cible radar neuve et de la froisser et déchirer
pour lui donner l'aspect du matériel ramené de
Roswell ! Et rappelons que c'est précisément ce qu'a
déclaré DuBose à un journaliste (même si son
histoire de cible qu'on aurait larguée d'un avion est
certainement une interprétation personnelle complètement
invraisemblable : outre qu'il est bien plus économique et
amusant de détériorer une cible radar en jouant au
football avec, un objet aussi grand et léger ne souffrirait
pas beaucoup d'une chute, quelle que soit sa hauteur !)
Et cela nous amène à une remarque faite par David
Rudiak : on voit sur ces photos deux baguettes fines isolées, qui
ne sont collées à rien (une tout au fond que l'on voit
presque intégralement, l'autre est en grande partie couverte
de débris), ce qui était
précisément le cas avec les cibles radar neuves : deux
des baguettes secondaires devaient être mises en place et
collées après dépliage de la cible... Et si elles
n'étaient pas collées elles ne tenaient à rien !
On a aussi cherché en vain le moindre signe du « scotch à
fleurs » qui a tant fait parler de lui... On voit bien du ruban
adhésif, mais pas le moindre symbole visible dessus, alors que
les photos originales sont d'une très bonne
définition, au point qu'on arrive à lire en partie le texte du
message que tient le Général Ramey à la main !
Enfin, le papier métallisé visible sur ces photos est un peu trop
froissé à mon goût... Je comprends que du papier
fragile ait pu être déchiré en étant
traîné par le vent dans les cailloux et les broussailles,
mais froissé à ce point ça me paraît
suspect... Ça évoque plutôt ce qu'aurait
fait quelqu'un sans trop réfléchir à qui on
aurait donné une cible radar neuve en lui demandant de faire
en sorte qu'elle ait l'air d'avoir été
complètement déchirée et abîmée.
Bref, tout permet de penser que ce que montrent les photos, ce sont les débris
d'une cible Rawin, mais pas une de celles qui étaient
utilisées avec les ballons Mogul...
D'où provenait
cette cible ? C'était peut-être une des
premières
cibles utilisées, en mauvais état justement
à cause de sa fragilité excessive... Mais plus
probablement
une cible neuve de fabrication courante, qu'il devait être facile
de se procurer à
Fort Worth. Il est vrai que Newton a déclaré que ces
cibles n'étaient pas utilisées sur cette base, mais
pourtant les militaires de Fort Worth on fait la démonstration
d'un lâcher de ballon avec cible radar à la
presse le 10 juillet, moins de deux jours après leur
conférence de presse sur les débris
retrouvés à Roswell !
Quant aux
débris de ballons décomposés que l'on voit aussi
sur les photos, caractéristiques d'une exposition
prolongée au soleil, c'était peut-être moins
évident de s'en procurer étant donné qu'il n'y a a priori
pas de raison de conserver des restes de ballons
détériorés, mais on peut peut-être obtenir
un état similaire en mettant par exemple des ballons dans un
four !
La raison d'une substitution pouvait être simplement de ne pas devoir
évoquer autre chose qu'un ballon météo
des plus banal, conformément à l'explication donnée
à la presse... Mais surtout, il est vraisemblable que les
débris récupérés ne pouvaient pas
être montrés à la presse pour la simple raison
qu'ils étaient déjà partis pour examen à la
base de Wright Field.
C'est ce qu'a clairement expliqué Jesse Marcel dans son interview par Moore :
Ces
photos furent prises alors que la véritable épave
était déjà sur sa route vers Wright Field.
[...]
C'est
le général Ramey qui a émis l'histoire de
couverture au sujet du ballon juste pour nous débarasser de la
presse. On a dit à la presse que c'était juste un ballon et
que le vol pour Wright-Patterson avait été annulé
; mais tout ce qui arriva réellement fut que je fus
enlevé du vol et que quelqu'un d'autre le prit jusqu'à
W.-P.
Et ça semble confirmé par un
télex déclassifié du FBI émis le jour-même, qui ne manque pas
d'intérêt :
Information concernant disque volant.
Le Major Curtan, des
Quartiers généraux de la 8e Air force,
a prévenu notre bureau par téléphone qu'un
objet supposé être un disque volant a été
récupéré près de Roswell, Nouveau Mexique,
ce jour. Le disque est de forme hexagonale et était suspendu
à un ballon par un câble, lequel ballon avait environ
vingt pieds de diamètre. Le Major Curtan a en outre indiqué que
l'objet trouvé ressemble à un ballon météo
de haute altitude avec un réflecteur radar, mais qu'une
conversation téléphonique entre son bureau et
Wright Field n'avait pas confirmé cette
idée. Le disque et le
ballon sont transportés à Wright Field par avion
spécial pour examen des informations fournies par ce bureau en
raison de l'intérêt national en jeu, et le fait qu'une
agence de presse nationale, Associated press, et d'autres tentent
aujourd'hui de révéler l'histoire de la localisation du
disque. Le Major Curtan a indiqué qu'on demanderait à
Wright Field de
tenir le bureau de Cincinnati au courant des résultats de
l'examen. Aucune enquête complémentaire n'est
menée.
Ce
télex précise bien qu'il y avait un doute sur
l'identité de l'objet et qu'il était de ce fait
transporté à Wright Field pour examen. Le
télex a été émis à
18 h 17 alors que la
conférence de presse avait lieu vers
18 h 30, il est donc
évident que les débris du crash avaient
déjà quitté la base au moment de cette
conférence.
Notons qu'il est curieux que ce télex mentionne un ballon de vingt pieds
de diamètre, alors qu'aucun témoignage ne suggère quelque chose
d'aussi grand et que des ballons aussi gros étaient rarement utilisés
en météorologie. Par contre des ballons de 15 ou 20 pieds de diamètre
ont été utilisés à partir du 5 juillet pour le projet Mogul !
Il semble donc que lors de l'émission de ce télex, on savait déjà
que les débris pouvaient bien être en relation avec ce programme.
Le colonel Trakowski, un des responsables du
programme Mogul, indique pour sa part avoir reçu un appel de celui qui a été
appelé à la base de Wright Field pour identifier
ces débris, le Colonel Duffy, lui indiquant qu'un des ballons qu'il
avait envoyés avait été pris pour un disque
volant... Il se trouve que Duffy était bien la personne
la mieux placée à Wright Field pour examiner les
restes d'un « disque volant », et qu'il
connaissait parfaitement les cibles radar particulières utilisées par
l'équipe de Trakowski puisque c'était dans le bureau
qu'il dirigeait alors que les fournisseurs de ces cibles avaient
été contactés, et que la fameuse histoire du
scotch à fleur avait beaucoup fait rire ! En outre,
juste avant d'être affecté à la base de
Wright Field, il avait occupé le poste de
chargé de projet pour le programme Mogul, auquel
Trakowski l'avait ensuite remplacé ! Ceci dit, il aurait pu aussi
reconnaître les constituants d'un ballon Mogul à la
bouée acoustique qui pouvait faire partie des débris,
puisqu'il est peu vraisemblable qu'une autre équipe que celle de
Mogul ait accroché un tel capteur sous-marin à des
ballons stratosphériques !
De son côté, comme il l'a écrit à
l'enquêteur Robert Todd, Duffy n'avait pas gardé le souvenir de cette
conversation avec Trakowski, mais il se souvenait par contre
très bien d'avoir été appelé cet
été-là pour examiner des débris
de matériel météo qui avaient été pris
pour un « disque volant ».
Il fallait qu'il y ait un doute sur l'identité des débris
pour qu'ils aient ainsi été envoyés à
Wright Field pour une analyse approfondie, et dans ce cas il est
douteux qu'on ait attendu de les exposer pour une conférence de
presse avant de les envoyer ! Les débris avaient donc
vraisemblablement déjà été
expédiés à Wright Field lorsque cette
conférence de presse s'est tenue, et on conçoit
qu'il était difficile pour
l'armée de dire qu'un avion avait été
spécialement affrété pour transporter en urgence
de simples débris d'un ballon météo que les
responsables d'une grande base militaire avaient
été incapables d'identifier ! Alors, pour présenter
quelque chose à la presse, on avait trouvé d'autres
débris de cibles radar et ballons endommagés, ou on avait
volontairement détérioré une cible neuve.
Et le dernier argument suggérant une substitution, c'est que presque tous les
témoins qui ont eu les débris du crash en main ont
été étonnés par le fait que les sortes de feuilles de
métal étaient difficiles à déchirer et
reprenaient lentement leur forme quand on les froissait, alors que ce
que l'on voit sur les photos de Fort Worth ce sont des feuilles
métallisées toutes froissées et
déchirées, de plus sans aucun adhésif
décoré !
Un témoin particulier est Irving Newton, l'officier
météo de la base qui a immédiatement
identifié un ballon météo et sa cible radar
lorsqu'on lui a montré les débris à
Fort Worth. Lui a vu le « scotch à
fleurs », et se rappelle que c'est ce
détail qui incitait Jesse Marcel à douter de
l'explication par un ballon météo... Il faut
croire que Newton a vu les vrais débris à Fort Worth, avant
qu'on les ait substitués à d'autres, et c'est tout à
fait compréhensible : Newton n'était pas un journaliste,
ça n'est pas pour la conférence de presse qu'il a
été convoqué (il dit que des photographes
étaient présents, mais il pouvait s'agir de photographes
de l'armée), mais pour identifier les débris
ramenés de Roswell...
C'est ce que suggère son témoignage quand on l'a appelé
d'urgence au bureau du Général en
lui demandant de laisser tomber ce qu'il faisait :
J'ai été abordé au bureau du Général par
un Lieutenant-Colonel ou un Colonel qui m'a dit que quelqu'un avait
trouvé une soucoupe volante au Nouvau-Mexique et qu'ils
l'avaient amenée au bureau du Général.
Et qu'un vol avait été affrété pour
l'envoyer à Wright Patterson AFB, mais le
Général suspectait
que cela pouvait être un équipement
météorologique ou quelque chose de cette nature
et voulait le faire examiner par du personnel
météorologique qualifié.
C'est même peut-être
après son intervention qu'on aurait décidé
d'organiser une conférence de presse en présentant les
débris d'une cible Rawin ordinaire à la place des
débris déjà partis à Wright Field par avion.
Je serai donc à ma connaissance le premier sceptique à
considérer qu'il y a eu une substitution... d'une cible
radar (ou plutôt de trois) par une autre cible radar ! Les premières
étaient faites de tissu métallisé, de
bambou et de scotch à fleurs, convenant pour l'utilisation
dans des trains de ballons Mogul, et la seconde était faite
de papier métallisé très fin et de
balsa, de celles qu'on lançait
régulièrement avec des petits ballons
météo.
Et c'est certainement l'existence de ces photos qui a
empêché de penser que les cibles radar
étaient faites notamment de tissu, alors que nous avons vu
qu'il y a de très bonnes raisons de le penser... Les sceptiques n'ont
simplement pas voulu imaginer qu'il y avait eu substitution, pensant que cela
renforcerait l'hypothèse extraterrestre, et tous
ceux qu'ils ont convaincus de l'explication du crash par un ballon
Mogul, Charles Moore le premier, ont cherché absolument à
faire coller ce qu'ils connaissaient des cibles radar avec ce que l'on voyait
sur ces photos ! Et s'ils n'ont pas été capables en
quinze ans de remettre en cause leurs certitudes, c'est sans doute
parce qu'ils ne sont nullement gênés à considérer qu'il y a
des quantités d'imbéciles : ici, ce
seraient tous les témoins civils ou militaires
qui auraient confondu des débris de balsa cassés
et du papier aluminium tout froissé et déchiré
avec des baguettes très résistantes et des feuilles
métalliques indéchirables et infroissables, mais aussi
tous les scientifiques et techniciens, à commencer par Moore,
qui auraient utilisé pendant des mois des cibles
radar bien trop fragiles pour leur usage sans se rendre compte du
problème !
Notons enfin que ces photos ont suscité bien d'autres
commentaires... Notamment parce qu'on voit sur l'une d'elles le papier
que tient le général Ramey dans la main, et qu'il
est en partie lisible sur les photos originales scannées en haute
résolution... Ça semble être un télex
que Ramey a émis à l'intention de la base où les
débris ont été acheminés, on y lit quelques
portions de phrases qui ne prêtent guère à
interprétation ni à conflit comme « wether balloon », mais
une autre qui a été beaucoup plus commentée est
« victims on the wreak » (victimes de
l'épave)... Toutefois, certains y lisent plutôt
« remains », soit
« débris », ce qui serait beaucoup moins
étrange ! Le photographe lui-même, James Bond Johnson, a
créé avec d'autres ufologues le Roswell Photo
Interpretation Team,
et en examinant les photos en haute
résolution ils sont arrivés à la conclusion
qu'elles présentent bien les débris du crash, mais
qu'il s'agit réellement d'un vaisseau extraterrestre et pas
d'une simple cible radar ! Cette conclusion résulte d'une
interprétation vaseuse de détails agrandis au-delà
du raisonnable, à rapprocher des interprétations de
photos de la Lune ou de Mars sur lesquelles certains rêveurs voient des
constructions étranges, des machines de terrassement ou des visages... Cette
équipe a eu l'intérêt de diffuser assez largement
les images en haute résolution de ces photos, mais leur
conclusion est considérée comme absurde par la grande
majorité des ufologues (qu'ils soient sceptiques ou croyants)...
Bond Johnson est décédé en 2006, et le RPIT n'a
plus fait parler de lui... Le débat reste par contre vif sur
le contenu du télex tenu par Ramey, mais aucun
élément vraiment convaincant n'en est ressorti.
Pourquoi personne ne s'en souvient ?
Ma supposition est donc que les cibles radar utilisées pour les
ballons Mogul étaient faites de matériaux bien plus
résistants que celles qui étaient utilisées
à l'époque pour les ballons météo, et que
c'était une nécessité incontournable. Soit elles
auraient été des prototypes fabriqués
en été 1946 et préfigurant la
génération suivante de cibles (le
modèle C), comme le supposait Moore, soit
même elles auraient été modifiées
spécialement dans le cadre du programme Mogul quelques semaines
seulement avant leur utilisation pour le vol de juin 1947.
Dans un cas comme dans l'autre, on aurait contacté un fabricant
de jouets spécialisé en cerfs-volants pour lui demander de fournir
des matériaux plus résistants pour la fabrication de ces
cibles que le balsa et le papier utilisés dans les
premières productions. Il savait comme tout amateur de
cerfs-volants que le bambou était le bois le mieux adapté pour
réaliser des cerfs-volants à la fois légers et solides, alors
que le balsa était sûrement le pire choix qu'on pouvait
faire. Il savait aussi que pour que les cibles résistent
au vent il était nécessaire de remplacer le papier par de
la toile, en particulier de la toile en nylon récemment apparue
mais qui avait déjà beaucoup servi à la confection de parachutes...
La toile métallisée aurait été coupée
et cousue par un confecteur de vêtements, et fournie par lui ou
par un distributeur de nouveautés, à moins qu'elle ne soit provenue d'un
type particulier de ballons testé dans le cadre du programme Mogul.
Tout cela se tient assez bien, mais il reste à expliquer pourquoi aucun
élément probant ne vient confirmer une telle hypothèse...
Gardons à l'esprit que c'est 47 ans après le crash
que la thèse du ballon Mogul a émergé, et
après une telle période beaucoup de témoins
directs sont morts, la mémoire des survivants est très
déformée, et les documents manquent. L'essentiel de ce que l'on sait des
cibles radar particulières utilisées pour le programme
Mogul provient de la mémoire de Moore (et lui-même
précise qu'on ne peut lui accorder qu'une confiance
limitée) et de quelques documents et
photos d'époque (sur lesquels Moore s'appuie d'ailleurs souvent
pour essayer de raviver ses souvenirs), donc certains ont pu comme on
vient de le voir apporter de la confusion plutôt que des
éclaircissements !
On ne connaît même pas l'identité du
fabricant des cibles : certains sont persuadés de le tenir en
la personne de Victor Hoeflich, fondateur de Merri Lei, simplement parce
qu'en juillet 47 il fabriquait des cibles pour l'armée et qu'il pensait
qu'elles avaient été prises pour des soucoupes
volantes ! Mais nous avons vu que le lot de cibles radar
utilisées par Moore et son équipe avait
été fabriqué en
été 46 (ou plus tard mais par le fabricant qui
s'en occupait cet été-là, celui qui
utilisait du scotch décoré). On a
retrouvé deux entreprises qui ont à un moment ou
un autre participé à la production de ces cibles
radar, mais il y en a sans doute eu d'autres, et chacune d'elles aurait
pu reconnaître une de ses cibles dans les photographies
publiées comme explication du « disque volant »
tombé à Roswell (ou d'autres, puisque d'autres cibles radar ont
été prises pour des soucoupes volantes).
Moore utilisait les cibles, il se rappelait de
détails comme le scotch décoré parce que ça
l'avait beaucoup intrigué, il se rappelait que celles de
première génération avaient posé des
problèmes et avaient dû
être renforcées, on ne pouvait guère attendre plus
de
lui après presque cinquante ans ! Quant aux documents qui
restent sur l'assemblage des ballons, ils sont très disparates
et incomplets : un plan de montage d'une cible radar du
modèle postérieur à celui utilisé (sans
aucune mention du type de bois utilisé, ni de la composition des
panneaux, et si du ruban adhésif est mentionné c'est pour
le collage des « ailerons » qui n'existaient pas
sur les modèles précédents), quelques
photos de qualité médiocre, c'est à peu
près tout.
Mais nous avons tout de même vu que Moore évoquait
l'adhésif de renfort décoré en disant qu'il
était « appliqué aux coutures des
réflecteurs », et précisait que parmi les
fournisseurs contactés pour la fabrication de cibles radar il y
avait un confecteur de prêt-à-porter, ce qui donne tout de
même fortement l'impression qu'on faisait quelque part usage
de tissu !
On peut se demander si Moore ne faisait pas la confusion entre des cibles radar
initiales trop fragiles et les cibles renforcées qui ont été
utilisées dans le projet Mogul, en
écrivant : les cibles que nous utilisions apparaissaient
plus fragiles que les modèles suivants.
Une confusion inspirée peut-être par sa conviction que les cibles
qu'il utilisait étaient visibles sur les photos prises à
Fort Worth, montrant justement des cibles très fragiles.
On peut remarquer aussi que même les
témoins qui décrivent le mieux des cibles radar nous font
douter qu'ils parlent des débris visibles sur les
photographies : Bessie Schreiber, la fille de Mac Brazel, parle du « papier
métallisé » comme des feuilles ayant l'aspect de
métal d'un côté et de caoutchouc de l'autre, et
qu'on ne pouvait pas déchirer... Cavitt nous dit que les
baguettes semblaient en bambou en non en balsa, et Newton nous dit
qu'elles étaient semblables à du balsa dont on fait les
cerfs-volants mais beaucoup plus dur ! Et rappelons que le responsable
du projet se souvient qu'il y a eu des changements dans la constitution
des cibles radar, et que les panneaux réflecteurs étaient
faits de papier OU DE TISSU métallisé.
Alors, finalement, les indices permettant de mettre en question le dogme des
cibles radar faites de papier et de balsa ne manquent pas, et ce qui
surprend c'est plutôt que depuis plus de quinze ans que la thèse Mogul a fait
surface et déchaîné les passions, personne à ma
connaissance ne se soit demandé par exemple ce que diable venait
faire un confecteur de vêtements
dans la fabrication de sortes de cerfs-volants en balsa et papier !
Moore est décédé il n'y a pas longtemps,
comme pratiquement tous les autres témoins directs, et on ne
saura jamais ce qu'il aurait pensé de tout cela...
Je suis de mon côté bien mal placé pour faire
moi-même des recherches et pour les valider... Mais
peut-être que ça sera fait par d'autres...
Les témoins étaient-ils idiots ?
Les croyants au crash extraterrestre nous assènent à longueur de
temps leur argument choc : comment des militaires chevronnés, occupant
les plus hauts grades dans la base militaire responsable des
bombardiers atomiques, pourraient avoir pris des débris de
ballons météo et de cibles radar pour une soucoupe volante ?
Et en réaction, les sceptiques s'acharnent à essayer de
discréditer les témoins, notamment Jesse Marcel sous le
prétexte qu'il a quelque peu embelli son CV...
Mais le problème disparaît dès que l'on
remet le terme de « soucoupe volante » dans le contexte de
l'époque : en 1947, une soucoupe volante, ça
n'était pas nécessairement un vaisseau
extraterrestre, c'était juste quelque chose d'inconnu qui
survolait les États-Unis, et on offrait même des récompenses à qui en rapporterait une !
Ce qui inquiétait beaucoup les militaires de l'époque, c'était
l'idée que ces objets puissent être des armes soviétiques.
On connaît par exemple le
« mémo Schulgen »
dans lequel les militaires s'inquiètent que les
Soviétiques soient en train de construire 1800 bombardiers
inspirés des projets des frères Horten, pionniers des
ailes volantes en Allemagne... Ce mémo demande que des
informations particulières soient recherchées « pour tout
avion dont la forme s'approcherait d'un ovale, disque ou soucoupe », et
note que de tels engins pourraient utiliser « une construction en
composite ou en sandwich utilisant des combinaisons variées de
métaux, plastique et peut-être bois de balsa » ! Les
frères Horten utilisaient en effet beaucoup de bois et de
résines plastiques dans leurs avions (y compris à
réaction !) pour alléger la structure
sans faire appel à des techniques difficiles (ici leur
planeur « Parabola », celui qui était
suspecté dans une version motorisée
d'être construit par les Soviétiques...
Peut-être d'ailleurs parce que sa forme évoquait
les objets observés le 24 juin par Kenneth Arnold,
à l'origine de la première vague de
« soucoupes volantes »).
Ce mémo montre bien qu'il ne paraissait à l'époque
pas du tout absurde que des « soucoupes volantes » soient
en particulier constituées de bois ! Il
date d'octobre 47, quelques mois après le crash de Roswell,
mais les Américains connaissaient les travaux des Horten depuis
1946, et se sont inquiétés de la possibilité que
les Soviétiques aient continué leurs travaux dès
le début de la guerre froide, en juin 1947. Quant aux « soucoupes
volantes », le même mémo indique que les
premières observations dataient de la mi-mai 1947 (d'autre documents
déclassifiés mentionnement même le mois d'avril).
Il est donc très possible que dès le mois de juillet, des
informations aient circulé sur la possibilité que les
« disques volants » soient des engins très
légers utilisant des matériaux peu conventionnels comme du bois ou des
assemblages de métaux et de plastiques
feuilletés, et dans ce cas l'officier de renseignements Jesse
Marcel aurait été
bien placé sur la base de Roswell pour en avoir connaissance. La
ressemblance avec les débris trouvés sur le ranch de
Brazel avait de quoi l'intriguer !
Certes, Marcel était convaincu en 1978 que ce qu'il avait
ramené à la base de Roswell était les restes d'un
vaisseau extraterrestre, et pas d'un engin secret soviétique...
Mais en 1978, on savait bien que les soviétiques n'avaient pas
construit d'avions extraordinaires inspirés des frères
Horten, et pour Marcel qui était persuadé que ce qu'il
avait transporté en 1947 était quelque chose d'inconnu il
ne restait plus que l'hypothèse extraterrestre... Je ne suis pas
sûr qu'il en était déjà convaincu en 1947. Il
est vrai que Newton, l'officier qui a immédiatement reconnu les
débris d'une cible radar, explique que Marcel essayait
de le convaincre que quelques inscriptions sur la baguette étaient des
écritures extraterrestres,
mais lui aussi témoigne trente ans après, quand la
signification de « soucoupe volante » a pris un
sens
nouveau, et peut avoir déformé les propos de Marcel...
Outre le fait que terme « d'Alien writings »
employé par Newton peut désigner en anglais une
écriture étrangère et pas forcément
extraterrestre.
Tout ce que l'on peut dire c'est que Jesse Marcel ne s'expliquait pas les
signes bizarres alignés sur certaines baguettes... Et on peut en
sourire maintenant qu'on connaît l'explication, mais il faut
reconnaître qu'il n'était pas
évident de la trouver... À mon sens, les idiots étaient
plutôt ceux qui ne se posaient aucune question sur ces signes !
Et Marcel doutait de l'explication officielle pour une autre raison : il
explique qu'il ne pouvait pas s'agir d'un ballon parce que les
débris qu'il avait vus étaient poreux ! Or, nous avons vu que le
néoprène des ballons se détériorait après une
exposition au soleil, devenant vraisemblablement poreux et en tout cas tout
à fait impropre à former l'enveloppe d'un ballon. Ce
détail, Marcel pouvait l'ignorer sans pour autant être un
imbécile ! Il faisait du reste plutôt allusion aux feuilles métalliques,
qui étaient elles aussi vraisemblablement poreuses (plus encore
si elles étaient faites de tissu plutôt que de papier !)
Une
autre source d'interrogation que l'on trouve dans les
témoignages est que cet engin qui tombait du ciel et ne semblait
pas être un ballon n'avait aucun élément qui
évoque un moteur, une hélice ou quoi que ce soit qui
aurait pu le sustenter.
Si on ajoute comme je le suppose que les réflecteurs étaient faits d'un tissu
métallisé encore peu courant (sans doute du
nylon), dont l'aspect et « l'infroissabilité »
pouvait surprendre à l'époque, et que les baguettes
étaient faites non de balsa mais d'un bois léger mais très
résistant et d'aspect assez étrange, cela pouvait augmenter sa
perplexité... Marcel, comme les autres témoins, avait
d'excellentes raisons de douter de l'explication par un ballon
météo ou tout autre engin connu... Et qu'il se soit persuadé avec le
temps et l'évolution des idées sur les « soucoupes
volantes » qu'il avait récupéré les restes d'un
vaisseau extraterrestre était tout à fait naturel.
Dans tous les cas, ces débris extrêmement légers, sans
rien qui ressemble à un moteur, et faits d'une matière
poreuse, évoquaient bien peu une « soucoupe volante »
telle qu'on la conçoit maintenant ! Imaginez qu'on
interroge un témoin d'atterrissage en lui demandant si ce qu'il
a vu ne pouvait pas être un ballon, et qu'il réponde :
« non, ça ne pouvait être qu'une soucoupe
extraterrestre, puisque c'était poreux » !
En outre, si les débris avaient des caractéristiques aussi
extraordinaires que certains voudraient le faire croire
(résistance incroyable, « mémoire de
forme »...), ça serait vraiment dénigrer le
professionnalisme de Jesse Marcel d'imaginer qu'il ait pu faire un
détour par chez lui pour montrer ces matériaux de haute
étrangeté, intéressant sans aucun doute la
défense nationale, à son jeune fils et sans doute
d'autres personnes !
Quoi qu'en disent les croyants,
les débris des cibles radars Mogul pouvaient tout à fait
passer pour ceux d'une « soucoupe volante » dans son acception de
l'époque, et quoi qu'en disent les sceptiques Marcel et les
autres étaient loin d'être des idiots pour avoir
douté de l'explication par un ballon !
Incertitudes sur le vol Mogul numéro 4
Charles Moore s'est donné beaucoup de mal pour tenter de démontrer
que c'est le train de ballons Mogul numéro 4, lancé
le 4 juin, qui a été retrouvé à Roswell...
Ce choix s'imposait parce que ce vol était le dernier qui utilisait
à la fois des cibles radar et des ballons en
néoprène.
Lors de l'étude du programme Mogul, il était prévu
que la mesure d'altitude des ballons serait fournie par une
radiosonde, un émetteur radio fournissant des données
atmosphétiques (température, pression...).
Ç'a été fait lors des premiers vols sur la
côte est, mais lorsque l'équipe a
déménagé au Nouveau-Mexique, le récepteur
au sol des radiosondes s'est avéré trop lourd pour être
transporté par avion... C'est alors qu'on a pensé
à suivre les ballons avec le radar dont la base d'Alamogordo disposait
pour les tirs d'essai de fusées V-2.
Mais même en multipliant le nombre de cibles, la
portée du radar n'était pas
satisfaisante, et les techniciens se sont
rabattus sur l'utilisation de radiosondes avec un récepteur
bricolé, qui ne permettait pas d'exploiter tout leur potentiel mais
s'avérait suffisant. Et ce système a été
utilisé dès le vol suivant, le numéro 5, qui
a décollé le 5 juin, portant donc
une radiosonde à la place des trois cibles radar. Ces
dernières n'ont plus été utilisés
qu'occasionnellement sur des vols Mogul, mais encore largement pour des
vols d'essais et de mesure des vents.
Quant aux ballons en néoprène, extensibles, ils ont été
remplacés à partir du vol numéro 8, lancé
le 3 juillet, par des ballons en plastique non élastiques et de
grande taille, qui permettaient de mieux contrôler
l'altitude de stabilisation et résistaient au soleil ! Et quel
que soit le type de ces ballons, qui a varié, aucun n'aurait pu
évoquer un des matériaux trouvés à Roswell,
alors que la description par plusieurs témoins d'une grande
quantité de morceaux de plastique brunâtres
évoque parfaitement l'enveloppe en néoprène des
ballons météo ayant passé un certain temps au soleil.
En outre, le vent souffle dans des directions assez variables dans la
région d'Alamogordo, mais lors du lancement du vol
numéro 4 c'était à peu près
dans la direction du site du crash. Moore a d'ailleurs tenté dans
son livre de reconstituer précisément la trajectoire du vol
numéro 4 en s'appuyant sur les données
enregistrées par les stations météo proches, pour obtenir une
arrivée sur le champ de débris. Et en appliquant les mêmes
méthodes au vol numéro 5, il retrouvait à peu près
sa trajectoire réelle enregistrée. C'était un
bel exercice, mais Moore avait fait beaucoup de suppositions assez gratuites
pour arriver au résultat désiré, et son travail a
été beaucoup critiqué, même
si c'était quelquefois de façon excessive.
Tout ce que l'on peut dire, c'est que Moore a montré que le
ballon Mogul numéro 4 pouvait bien avoir terminé sa
course sur le site des débris, comme il aurait pu tomber un
peu partout ailleurs dans un rayon assez large.
Le problème avec ce vol numéro 4, c'est qu'on n'en
connaît pas grand-chose. Il n'est pas référencé
dans le rapport de l'université parce qu'il n'a pas fourni de
résultat exploitable, et on peut se demander si
l'interprétation de Moore, comme
pour les cibles radar, ne résulte pas plus d'une tentative
de reconstitution que de souvenirs réels. On peut remarquer
qu'il avait bien peu de souvenirs, voire pas du tout, de ce vol lorsqu'il avait
été interrogé pour le rapport de
l'armée, alors qu'il est très prolixe en
détails dans son livre paru un peu plus tard :
Je me souviens distinctement que Richard Smith, mieux connu comme J.R.,
voyait le train de ballons du 4 juin dans un théodolite par un
matin clair et ensoleillé, et que le Capitaine Larry Dyvad,
notre contact avec le SCR-584 des Watson Lab [le radar qui suivait les cibles],
indiquait que le radar avait perdu les cibles alors que J.R. les avait
en vue. C'est aussi mon souvenir que le train de ballons était
suivi jusqu'à à peu près 75 miles (120 km) au
nord-est d'Alamogordo par l'équipage du B-17. Autant que je me
souvienne de ce vol, l'équipage du B-17 a terminé sa
poursuite alors que les ballons étaient toujours en l'air (et
alors que J.R. les voyait toujours dans le théodolite) aux
environs de Capitan Peak, Arabela, et Bluewater, au Nouveau-Mexique.
Étant un habitant de la côte est, je n'avais jamais
entendu des noms de lieux aussi exotiques, aussi leurs noms sont
gravés pour toujours dans ma mémoire. Il s'agit de la seule
occasion où j'ai jamais entendu parler de ces endroits.
D'après les notes du journal de Crary, la raison de la fin de la
poursuite était une faible réception des
informations acoustiques télémétrées par le
récepteur dans l'avion. Nous n'avons jamais retrouvé ce
vol et, en raison de la bouée acoustique, la charge utile et
les ballons étaient tous des équipements non
récupérables, nous n'étions plus concernés
par eux mais commencions les préparations pour le prochain vol.
Des souvenirs bien précis, mais David Rudiak remarque que dans le
cas du vol numéro 17 qui a eu lieu trois mois plus tard, le
contact par avion a aussi été perdu alors que le ballon
se trouvait aux envions d'Arabela et Bluewater, ces lieux dont Moore
dit ne plus avoir jamais entendu parler ! Il se demande donc, avec quelque
raison, si Moore n'aurait pas pu confondre ces deux vols dans sa mémoire.
Le journal de Crary auquel Moore se réfère constitue la seule mention du vol
numéro 4 dans des documents d'époque. Albert P. Crary était
géophysicien, il avait participé à des essais de
détection de l'onde de choc d'explosions nucléaires ou de
tirs de missiles par des détecteurs acoustiques au sol...
C'est-à-dire exactement ce que l'on cherchait à faire dans
le programme Mogul avec des ballons stratosphériques. Il avait donc
tout naturellement intégré le programme, et il
était chargé de faire exploser des charges qui devaient
être détectées aussi bien par des capteurs au sol
que par les ballons Mogul, et de faire coïncider certains des tirs
d'essais de V-2 effectués dans la base avec les vols Mogul, aux
mêmes fins de détection. Il tenait un journal qui
résumait quotidiennement, et très succinctement,
ses activités.
Voici le contenu de ce journal pour la période concernée :
Lundi 2 juin :
Avons changé le calendrier de tirs pour les coordonner avec les
vols de ballons. Un ballon est prêt à partir. Il y a un
récepteur au sol et un récepteur dans l'avion. [...]
Mardi 3 juin :
Debout à 2h30 prêt à faire voler le ballon mais
abandonné en raison d'un ciel nuageux. Suis sorti sur le site
de Tularosa et ai fait sauter des charges de 6h à 12h. Tir de 5h30
raté — problème pour trouver l'artilleur.
Mercredi 4 juin :
Dehors sur le site de Tularosa et tirs de charges entre 0h et 6h ce matin.
Pas de vols de ballons à nouveau en raison des nuages. Avons
fait voler une bouée acoustique courante dans une grappe de
ballons et avons eu une bonne chance pour la réception au sol
mais faible dans l'avion. Dehors l'après-midi avec Thompson.
Ai fait sauter des charges de 18h à 24h.
Jeudi 5 juin :
Debout à 4h pour tirer 2 charges pour un vol de ballon.
Assemblage complet de ballons d'altitude constante installé
à 5h. Ai tiré des charges à 5h37 et 5h52 [...]
Si on lit bien, ce texte dit que le vol du 2 juin, monté et
prêt à partir le matin du 3, a été annulé en raison
des nuages, et le lendemain il n'y a pas eu de vol de ballon
à nouveau en raison des nuages, mais on a fait voler une
bouée acoustique avec une grappe de ballons.
C'est ce qui fait dire à certains qu'il n'y a pas eu de vol
numéro 4 ! En fait, il y a bien eu un vol
puisqu'une bouée acoustique ne flotte pas toute seule dans
l'air, mais on peut s'interroger sur la composition de ce vol. Pour
Moore et tous les sceptiques, Crary veut dire, de façon
très ambiguë, que le vol constitué et annulé
la veille a à nouveau été retardé en raison
des nuages, mais qu'il a été lancé un peu plus
tard lorsque le ciel s'est dégagé comme le montrent les
relevés météo de l'époque.
Mais il est curieux que Crary ne parle que d'une bouée acoustique
portée par une grappe de ballons, alors que pour le vol
numéro 5 du lendemain il précise que c'est un
« assemblage complet de ballons d'altitude constante » qui a
été lancé ! Les sceptiques notent que le terme
« grappe » (cluster)
s'appliquait indifféremment à un petit groupe de ballons
tels que l'université en lançait souvent avec seulement
des cibles radar, qu'à des trains Mogul complets, comme en
témoigne la légende du schéma du train
numéro 2.
Tournons-nous vers ce que dit un des auteurs du
rapport de l'armée, Richard Weaver, en s'appuyant sur les indications de Moore :
Les « vols de service » étaient composés de ballons,
réflecteurs radar, et charges utiles spécialement dédiées
aux tests de capteurs acoustiques (aussi bien les bouées acoustiques que les
appareils des Watson Labs qui ont suivi). « L'appareillage
emporté » était non récupérable, et
certains ne portaient pas d'étiquettes
« récompense » ou
« retourner à » parce
qu'il n'y avait pas d'association entre ces vols et les vols à altitude
constante enregistrés qui étaient complètement
répertoriés. Les vols de ballons de la NYU sont listés
séquentiellement dans leurs rapports (i.e. A, B, ou 1, 5, 6, 7, 8, 10...),
pourtant des lacunes ont existé pour les vols 2 à 4 et 9.
L'interview du Professeur Moore indique que ces trous sont les
« vols de service » non enregistrés.
On comprend donc bien qu'il s'agissait ici d'un vol de service, mais aussi que ces
vols, en tout cas pour certains, n'emportaient
pas tout l'appareillage d'un vol complet et n'étaient
destinés qu'à tester les capteurs acoustiques... Il y a
pourtant eu un de ces vols de service non répertorié, le
numéro 2, qui était un vol Mogul complet, puisqu'on
possède sa constitution (cliquez dessus pour avoir l'image en grand) :
Alors, on peut sans doute considérer que certains de ces
vols de service étaient des vols de test, et que d'autres n'ont été
considérés comme des vols « service »
que parce qu'ils n'ont pas fourni de données
exploitables. Il ne reste plus qu'à trouver dans quelle
catégorie classer le vol numéro 4 !
Moore considère en fait que tous les vols de
« service » étaient des trains de ballons
complets, et que les vols 3 et 4 sur lesquels on n'a aucun
renseignement étaient similaires à ce vol
numéro 2, hormis qu'ils ne portaient pas de radiosonde. Le
vol numéro 5 était de son
côté très similaire mais au contraire
il emportait une radiosonde et pas de cibles radar. Mais nous avons vu
qu'il y a des raisons de ne pas se fier aveuglément aux
« souvenirs » de Moore, et on peut donc se demander
si le vol numéro 4
n'était pas une simple grappe de ballons emportant une
bouée acoustique, comme semblent très clairement
le suggérer le journal de Crary et les indications de Weaver.
On peut dans ce cas donner une interprétation différente
des événements... Le train de ballons complet, préparé dans la
journée du 2 juin, devait être lancé le
matin du 3 comme c'est précisé dans le journal de
Crary, mais un ciel nuageux avait empêché le vol. Le
lendemain, le vol était à nouveau reporté, et par
ailleurs on avait décidé d'abandonner l'utilisation
des cibles radar au profit d'une radiosonde, pour un vol qui serait
lancé dès le lendemain... Dans ce cas, ne
valait-il pas mieux renoncer purement et simplement au vol d'une
formule obsolète et utiliser tous ses
éléments pour le vol du lendemain ? Sa
constitution était pratiquement la même, il
suffisait de remplacer les trois cibles radar
par une radiosonde et rajouter quelques ballons...
Et en allant plus loin, rien n'indique que ça n'était
pas déjà une radiosonde que portait le vol
prévu pour le 3 juin, plutôt que des cibles
radar... La présence de ces cibles n'a
été supposée que pour expliquer les
débris retrouvés à Roswell. Autrement
dit, le train de ballons qui devait initialement être
lancé le 3 serait simplement celui qui a été lancé le 5 !
Après tout, s'il a pu attendre un jour, il pouvait bien attendre un jour de plus !
Bien sûr, on ne peut pas reporter indéfiniment un vol prêt à
être lancé, du fait que l'hélium s'échappe peu à peu.
Pour de tels trains de ballons ayant pour fonction de conserver le plus
longtemps possible une altitude constante dans l'atmosphère, la
force ascensionnelle doit être connue précisément,
et il est douteux que le gonflage puisse être repris pour compenser
la perte d'hélium lorsque les ballons ont été
attachés. On peut toutefois penser que la perte est minime
en deux jours pour des ballons qui sont peu gonflés, et en
tout cas si ça n'était pas possible
après deux jours ça ne l'était sans doute pas non
plus après un jour, auquel cas il fallait de toute
façon remonter entièrement le train de ballons.
Un vol Mogul de recherche (ce qui n'est pas un vol de service)
nécessitait des conditions météo
optimales : il devait notamment être suivi visuellement
à grande distance avec un théodolite. Ces conditions
n'étaient sans doute pas remplies le 4, même si le
ciel s'était un peu dégagé. Par contre, un vol
ayant simplement pour but de tester une bouée acoustique devait
être moins contraignant : ces appareils avaient de toute façon
une autonomie limitée à trois heures...
On aurait donc décidé le matin du 4, pour ne pas
s'être levé pour rien, d'assembler rapidement
une petite grappe de ballons n'emportant rien d'autre qu'une
bouée acoustique et des cibles radar, ne
nécessitant pas un ciel aussi clair qu'un vol de
« recherche » et répondant parfaitement à
la définition de Weaver d'un vol de « service »
et aux indications du journal de Crary.
Est-ce que cette vision d'une simple grappe de ballons avec une charge
minimale est quelque chose de concevable, et est-ce que ça
présentait un intérêt ? Il y a eu une
discussion à ce sujet entre Alain Delmon, un des rares
ufologues qui n'ait pas d'opinion tranchée au sujet de
Roswell (c'est sûrement le cas qui suscite le plus
d'intégrisme, dans un camp comme dans l'autre !),
qui penche comme moi pour une simple grappe de ballons,
et Gilles Fernandez, auteur d'un récent livre très
documenté sur Roswell, sceptique qui suit
aveuglément les opinions de Moore. Vous pouvez lire
les textes de l'un et de l'autre
ici,
je me contenterai de répondre aux quelques passages
où Fernandez pense réfuter cette idée :
Un vol avec « seulement » une bouée-sonar ne pourrait pas donner
lieu à une réception au sol. Il faut un radio-transmetteur
pour cela donc, par exemple. Cela n'est pas mentionné dans le
journal. Il faut sans aucun doute un ou deux ballasts également
qui se vident lentement, et d'autres appareillages puisqu'en tout
état de cause, il a été suivi par avion, des
enregistrements au sol sont constatés lorsqu'il est en altitude,
c'est à dire un vol, qu'il soit service ou pas, ne se
démarquant pas « foncièrement » de ce qui se fait
(réception au sol de signaux, suivi par avion) pour des vols
recherche ou service et à assemblage plus complexe que celui
proposé par Alain Delmon. Il faut également une
triangulation theodolite (données horizontales) + suivi visuel
avion + suivi au sol (pour avoir les données d'altitudes) par
radar ou bien radio-sondes, comme j'y reviendrai.
Tout cela est faux... Les bouées acoustiques sont autonomes, elles
comprennent un microphone, une batterie et un émetteur. Les
bouées utilisées, de modèle AN/CRT1, sont bien
connues puisqu'il s'agit des premières bouées
acoustiques et qu'elles ont été utilisées pendant
très longtemps, elles font partie du patrimoine historique de
l'armée américaine et on trouve facilement leur
description. On sait donc que la portée de l'émetteur était de
10 miles (16 km), et le récepteur était très petit. Pour
les recevoir au sol, il suffisait donc d'avoir un deuxième
récepteur, et c'est exactement ce que précisait
Crary le 2 juin : Il y a un
récepteur au sol et un récepteur dans l'avion !
Et il est tout à fait clair dans le journal
de Crary que la « réception au sol » se
rapporte aux signaux de la bouée acoustique et non à des données
télémétriques : le 5 juin, pour le vol
numéro 5 donc, Crary écrit que « le
récepteur de l'avion n'a pas
fonctionné du tout, et le récepteur au sol a
marché sur une courte période mais n'a pas
enregistré les explosions ».
Curieusement, Moore avait fait la même erreur dans son
interview pour le rapport de l'armée, en commentant
ainsi le journal de Crary :
Tous les ballons lancés pendant cette
période devaient être des ballons
météo, des ballons météo de
350 grammes, quelques-uns avec des cibles radar juste pour tester
le radar dehors et quelques-uns, j'avais tout oublié de
cela, mais le journal de Crary dit que nous avions des microphones de
bouées acoustiques sur certains d'entre eux. Aussi cette
boîte noire de Cavitt a vraiment commencé
à retenir mon attention.
Q : Ça ne pourrait pas être une radiosonde ?
R : Ça ne pourrait pas être une radiosonde.
Q : À quoi ressemble une radiosonde ?
R : Elle peut être blanche, habituellement une boîte
en carton ou plastique, et le fait que nous nous soyons
impliqués dans le radar est parce que nous n'avons pas pu
avoir notre équipement de radiosonde. Nous n'avions pas
toute l'installation pour ça.
Q : Vous dites que vous ne l'avez pas apportée avec vous.
R : Nous n'avons pas apporté le récepteur. Je dois
me corriger, nous avons attaché des radiosondes à
eux, aux vols portant des microphones puisqu'il y a un rapport dans ce
résumé de réception de radiosonde. Un
enregistrement de radiosonde. Aussi je reviens là-dessus.
Oui, nous avions une radiosonde. Mais nous avions fait
voler celui mentionné ici, « le 4 juin, dehors dans
le périmètre de Tularosa, pas de vol de ballon,
à nouveau, en raison des nuages ». Il entend par
là aucun de leurs vols. Alors « nous avons fait voler un
microphone courant de bouée acoustique dans une grappe de
ballons et avons eu une bonne réception au sol mais faible
en avion ».
En fait, Moore semblait penser que seuls les microphones des
bouées acoustiques avaient été
utilisés, et qu'il fallait donc leur associer un
émetteur : ces microphones sont de petits objets
reliés à la bouée elle-même
par un câble de 6 m, enroulé avant que la
bouée ne touche l'eau. La bouée, qui flotte comme
son nom l'indique, contient une batterie d'une autonomie de 3 h et un
émetteur. Mais c'est bien la bouée
complète, avec son émetteur, qui était
utilisée avec les ballons Mogul avant que le microphone
spécialement conçu n'arrive. Il suffit pour s'en
convaincre de regarder les schémas de montage des ballons
(par exemple le numéro 2), où cette
bouée est représentée
schématiquement, comparée à une photo
de cette bouée :
Le cylindre entouré de rouge évoque parfaitement,
en forme comme en dimension, la bouée acoustique... Il
s'agissait d'un cylindre de 1 m 20 de longueur et
15 cm de diamètre. L'espèce d'anneau qui la
surplombe sur le schéma devait servir à protéger
l'antenne, qui se déploie à la partie supérieure, et
la longueur du câble (50 pieds, soit 15 mètres) la
séparant du ballast devait être prévue
pour laisser le microphone pendre librement. Et sa masse, de 6,3 kg,
est un peu inférieure aux 7,9 kg indiqués comme
charge (payload 17,5 lbz ; notons que 1,6 kg de poids
supplémentaire pour juste accrocher la bouée au train de
ballons ça paraît beaucoup, mais dans le schéma du
train n°5, ce qui semble être la même
charge est indiqué avec une masse de 15 livres, soit un kilogramme de moins).
Notons que Moore est revenu sur cette idée que les vols
munis d'une bouée emportaient aussi une radiosonde,
puisque dans son livre il indique que les vols 3 et 4 n'en avaient pas.
Quant aux ballasts et autres appareillages, ils ne sont destinés
qu'à maintenir longtemps le ballon à altitude constante, ce
qui n'était pas nécessaire si on savait que ce vol ne
fournirait que des informations sur la réception de la
bouée sur une durée de trois heures.
Fernandez note encore :
De même, il est peu économique et
déraisonnable de penser, en terme de
coût humain également, qu'en quelques heures, il a été
désassemblé un train de ballons
déjà gonflé et tout prêt à
décoller, pour en ré-assembler un autre, et tout cela en quelques
heures dans la nuit du 3 au 4, train composé de matériaux
« expendable » (consommable, sacrifiable) par ailleurs. Cela
n'a que peu de sens. En effet, il faut s'efforcer de comprendre ce que
représente un train complexe de ballons gonflés, tel qu'il était
prévu le 3 juin (impossibilité de le lancer à cause de la couverture
nuageuse) que l'on se prépare à relancer le 4 juin dans la nuit, mais
que l'on désassemblerait la nuit parce que le temps est à nouveau
nuageux, pour en réassembler un autre car le ciel se découvre.
J'ai déjà répondu à cela en
supposant que le train de ballons n'avait pas été
désassemblé, mais qu'au contraire il avait
volé le 5 juin sous le nom de numéro 5. En outre,
Fernandez semble penser que puisque le
matériel était consommable, on pouvait le jeter
sans regret dans un vol qui n'aurait aucune utilité pour la
recherche... Mais tant que ce matériel n'est pas
utilisé on peut toujours le récupérer, et
ça n'est sans doute pas inutile : il y a le ballast, un
certain nombre de petits parachutes et des mécanismes assez
complexes destinés à libérer certains
ballons à des altitudes précises, le tout
représente un ensemble de matériel qui
pèse une dizaine de kilogrammes et sûrement une
certaine somme ! Et tout cela, à part peut-être un
parachute par précaution, était parfaitement inutile pour
procéder à un test de bouée acoustique !
Tous ces appareils destinés à maintenir de
l'appareillage à une altitude constante ne sont utiles que
pour des vols de recherche, et constituaient la difficulté
principale du programme Mogul. Pour tester la réception
d'une bouée acoustique jusqu'à la
stratosphère, on n'a aucun besoin de tout cela, un simple
assemblage de ballons, vite monté, suffit.
Combien de ballons sont nécessaires pour
soulever cette charge de quelque 9 kilogrammes en comptant le poids de
trois cibles radar (je compte 300 g par cible) et d'un petit parachute ?
Un ballon gonflé à l'hélium
s'élève parce que l'hélium est
beaucoup plus léger que l'air, par la poussée
d'Archimède. L'air pèse environ 1,2 kg par
mètre cube, l'hélium seulement 0,2 kg, la force
d'ascension sera donc d'environ un kilogramme par mètre
cube... Un ballon de 6 pieds de diamètre
représente un volume d'environ 3 m3,
il peut donc s'il est complètement gonflé
soulever 3 kg... Mais cela, c'est valable pour les ballons qui
ne s'élèvent pas très haut... Dans la
stratosphère à 35000 pieds (12 km, c'est
l'altitude que les ballons Mogul devaient atteindre), la pression de
l'air tout comme sa densité est divisée par
quatre, si bien que si l'hélium n'est pas retenu
son volume sera de son côté
multiplié par quatre ! Alors, soit le ballon
éclate, ce qui est généralement le cas
des ballons en caoutchouc, soit son enveloppe est suffisamment
résistante pour maintenir l'hélium sous pression
et dans ce cas la poussée d'Archimède diminuera
avec l'altitude... La solution, c'est de gonfler le ballon au quart de
sa capacité maximale lorsqu'il est au sol, il atteindra
alors son volume nominal en altitude. Il est inutile de faire de
savants calculs, le schéma du vol numéro 2
indique que les ballons principaux du train étaient
gonflés pour une force ascensionnelle libre (free lift)
de 900 g. Le free lift, c'est le
poids qu'un ballon peut soulever en plus de son propre poids. Et pour
gonfler un ballon convenablement, c'est très simple : on lui
attache un sac de sable de 900 g, et quand le sac se soulève
le ballon est assez gonflé ! Pour soulever les 9 kg de notre
charge utile, il fallait donc dix ballons...
Mais il ne suffit pas de maintenir la charge en l'air, il faut encore qu'elle puisse gagner
rapidement une haute altitude... On utilisait pour les trains de
ballons Mogul deux ou trois ballons supplémentaires plus
gros associés à un système de
libération à l'altitude voulue et un parachute. Il
était possible de s'en servir ici avec sans doute un seul
ballon, mais plus simplement on pouvait rajouter deux ou trois ballons
normaux un peu plus gonflés que les autres, qui seraient donc
les premiers à éclater.
On se retrouve donc avec peut-être treize ballons, un ou deux
petits parachutes, trois cibles radar et une bouée acoustique, et
c'est tout... C'est beaucoup moins coûteux et plus facile
à monter qu'un train de ballons Mogul complet.
Fernandez avance aussi qu'un tel test d'une simple bouée
acoustique serait complètement inutile, ces appareils
étant utilisés depuis longtemps... Certes, mais
il s'agit d'appareils qui sont largués depuis des avions,
destinés à flotter sur l'eau avec leurs microphones
déployés à six mètres de
profondeur pour détecter des sous-marins... Je doute qu'on
ait eu souvent l'occasion de les tester
dans la stratosphère pour détecter des explosions ! Donc,
des essais avec une configuration simple n'étaient sûrement pas
inutiles, outre que ça correspond tout à fait
à ce qu'explique Weaver d'après les indications
de Moore au sujet des vols de service.
On peut d'ailleurs très bien imaginer que le ballon qui
avait été préparé le 2 juin
était ce vol de service réduit plutôt
qu'un vol Mogul complet, puisque rien n'indique que les
vols numéro 3 et 4 étaient constitués
sensiblement de la même manière que le 2, il
s'agit juste d'une supposition de Moore. Mais
ça nous ramène à donner aux
indications de Crary sur le vol « qui n'a pas eu lieu
à nouveau » une interprétation qui me
paraît pour ma part un peu tirée par les cheveux.
Un tel ensemble aurait-il pu tomber à Roswell ? A priori,
ce qui change par rapport à un train Mogul
complet c'est qu'il va rester moins longtemps dans la
stratosphère... On pourrait penser que ça
signifie qu'il ira moins loin, mais en fait comme l'a
montré Moore les vents de haute altitude allaient en
direction à peu près opposée aux vents au sol, si
bien qu'en jouant sur l'altitude atteinte, la vitesse d'ascension et
celle de descente on pourra toujours s'arranger pour que le ballon
arrive sur le lieu des débris, qui était dans la
direction générale du vent. Et s'arranger ne veut
pas dire tricher, ça veut dire qu'en l'absence d'indications
sur la composition exacte du train de ballons et sur son heure de
départ tout ce que l'on peut dire est qu'il est possible que
ce ballon soit tombé là.
Un tel ballon « réduit »
expliquerait bien mieux la description des débris qu'un
ballon Mogul complet : la grande majorité de ces
débris évoquent uniquement les composants des
cibles radar et les enveloppes de ballons.
Certains imaginent que la grande quantité d'une sorte de
« parchemin » que mentionne Jesse
Marcel pourrait désigner les parachutes,
mais ces parachutes étaient en soie, ça n'évoque
pas vraiment du parchemin, et on peut plutôt penser que Marcel
parlait des débris abîmés des ballons,
qu'il n'évoque pas autrement. Et il en va de
même pour les débris d'une sorte de
« bakélite » fondue et
brûlée décrits par
Jesse Marcel Jr : certains veulent plutôt y voir des morceaux du
réservoir de lest, mais il n'y avait aucune raison que celui-ci se soit brisé.
La seule mention de quelque chose qui pourrait être un appareillage est la
« boîte noire » à laquelle fait allusion
Cavitt en la comparant à un appareil de météo...
Serait-ce la bouée acoustique ? Peut-être, mais il n'est pas
habituel de parler de boîte pour désigner un cylindre.
Notons que Weaver écrit dans le rapport de l'armée : Le matériel et une
« boîte noire », décrite par
Cavitt, était, dans l'opinion scientifique de Moore,
très probablement le vol 4, un
« vol de service »
qui incluait le cylindre métallique d'une
bouée acoustique et des portions d'instruments
météo enfermés dans une
boîte, qui ne ressemblait pas à celles des
classiques radiosondes météo qui
étaient en carton. Ça semble
inspiré de l'idée de Moore que la
bouée acoustique, qu'il ne se rappelait pourtant pas avoir
utilisée lors de son interview, n'était pas autonome et
était associée à d'autres instruments.
Et c'est en contradiction avec les schémas de compositon des
ballons qui montrent que la bouée acoustique
n'était pas du tout enfermée dans une
boîte ! Voilà qui permet encore de relativiser la
confiance que l'on peut accorder aux souvenirs de Moore !
L'autre auteur du rapport, James McAndrew, évoque
plutôt une « boîte noire de "coupure"
contenant des portions d'instruments météo »,
l'appareil destiné à
libérer une partie des ballons à une certaine
altitude (il est bien possible que notre « ballon
réduit » en ait porté une pour libérer un ballon
d'ascension ; un train de ballons Mogul complet en portait trois).
On trouve aussi un témoignage indirect d'un
militaire qui aurait participé au transport des
débris de Fort Worth à Wright Field qui parle
d'une sorte de « bouteille thermos géante »
parmi ces débris, ce qui évoque cette
fois fortement la bouée acoustique. McAndrew
remarque à ce sujet que contrairement aux autres
éléments constituant un ballon Mogul qui
étaient du matériel météo
courant, cette bouée était quelque chose de
très inhabituel dans un ballon et pouvait compromettre le
secret du programme Mogul. Cela pourrait expliquer que cette
bouée ait été dissimulée.
L'ensemble de débris trouvés à Roswell devait peser un peu
plus de deux kilogrammes selon le témoignage du fermier.
On ne s'en éloigne pas trop avec la grappe de ballons que nous
avons envisagée, qui devait comprendre 4 kg de ballons, 1 kg
de cibles radar, et peut-être 1 kg de plus pour un petit
parachute, un système de libération des ballons
d'ascension et une centaine de mètres de câble en nylon.
Par contre, le ballon Mogul numéro 4, s'il avait la
même composition que le numéro 2 hormis la radiosonde,
devait peser en tout de l'ordre de 22 kg une fois le ballast
vidé : la bouée acoustique, 7 kg de ballons, les
cibles radar, trois parachutes, trois systèmes de libération, le
réservoir de ballast avec le système de contrôle de
sa vidange progressive, 250 m de câble en nylon... Ça fait
beaucoup de choses qu'on ne retrouve pas sur le champ de débris !
Plus un certain nombre d'étiquettes incitant à
rapporter le matériel contre une récompense
(maigre il est vrai, on parle de 5$) :
Ces étiquettes qui n'étaient pas attachées aux « vols de
service » composés uniquement de matériel
« jetable » : ballons, cibles radar et éventuellement
bouée acoustique.
On peut alors s'étonner que les
sceptiques s'acharnent à vouloir montrer que ce qui est
tombé sur le ranch était un ballon Mogul complet, alors
que cela est tellement contraire aux témoignages et que nous
venons de voir qu'il y a de très bonnes raisons de douter
que le fameux vol n°4 ait été complet ! On a
l'impression qu'ils ont fait du professeur Moore, celui qui a fourni la plupart des
renseignements sur le programme Mogul, leur prophète, et que de
ce fait il est sacrilège de remettre en question ses paroles !
Et il est tout aussi étonnant que les croyants au crash
extraterrestre pensent remettre en cause l'hypothèse
Mogul en voulant démontrer que le « vol
numéro 4 » n'a pas volé ou se résumait
à une simple grappe de ballons emportant des cibles radar et peut-être une
bouée acoustique, alors qu'un tel ensemble est beaucoup plus en
accord avec ce qu'a trouvé Mac Brazel dans le ranch dont il s'occupait !
Enfin, il est aussi possible que le matériel
retrouvé à Roswell ait été
une simple grappe de ballons portant uniquement des cibles radar. En
effet, outre les vols numérotés qui devaient
emporter un minimum de matériel, on sait que
l'équipe de l'université a procédé à
de nombreux lâchers de grappes de ballons en
néoprène (3 à 5 ballons et 3 cibles
radar) pour mesurer les vents ou tester le suivi des cibles.
Étant donné que l'essentiel des débris
retrouvés à Roswell évoquent ceux
des ballons et des cibles radar, il se pourrait bien qu'un de
ces simples vols d'essai soit à l'origine de l'affaire. Il y a
toutes les raisons de penser que les cibles radar étaient
les mêmes, celles portant le fameux scotch
décoré (du reste nous avons vu que bien peu de
ces cibles ont été associés
à des vols Mogul complets), on ne possède qu'un
témoignage douteux évoquant ce qui pourrait
être une bouée acoustique parmi les
débris retrouvés, l'idée est
donc défendable. Dans ce cas le vol numéro 4
du 4 juin n'est pas en cause, et cette grappe de ballons peut avoir
été lancée n'importe quand entre le
premier juin et le trois juillet (un peu moins tout de même
pour que l'enveloppe des ballons se soit dégradée
au soleil)... Voilà qui peut donner
raison à ceux qui pensent que le « crash »
a eu lieu le 2 ou le 3 juillet, mais il ne s'agissait pas pour
autant d'un vaisseau extraterrestre !
Explosion ou pas ?
Un autre sujet de discorde chez les spécialistes de Roswell
concerne l'importante dispersion des débris, qui impliquerait selon
certains une explosion. Que ces débris très légers
aient été éparpillés par le vent en un mois
n'a rien de surprenant, surtout sachant qu'il y avait eu un gros orage
dans la nuit du 2 au 3 juillet, mais c'est leur quantité qui
pose problème, comme si ballons et cibles avaient
été réduits en miettes. L'explication
imaginée par Moore est que les ballons
s'étaient dégonflés lentement,
laissant traîner par terre un certain temps les appareillages et
les cibles qui auraient été déchiquetées
dans les buissons... Une explication pas vraiment convaincante !
A priori, on ne voit pas trop ce qui
aurait pu exploser dans les ballons Mogul... Rien dans
l'appareillage transporté n'était
explosif. Il pouvait y avoir quelques kilogrammes de
kérosène utilisé comme lest (pourquoi du
kérosène, on ne sait pas trop)... La quantité
variait de deux à cinq kilogrammes au décollage, ce lest
était vidé peu à peu pour compenser les pertes de gaz
porteur dans le temps et la diminution du volume des ballons avec la chute de
température ; il pouvait donc en rester après
quelques heures de vol mais ça ne devait pas être
beaucoup. En outre, ce lest n'était utilisé que pour les
trains de ballons complets : il y en avait peut-être un dans le cas
du vol du 4 juin, mais pas avec les grappes de ballons.
Quant aux ballons eux-mêmes, ils étaient d'après les
documents et les témoignages qu'on possède gonflés
à l'hélium, gaz non inflammable... Mais
n'étant plus à une remise en question près,
je vais défendre l'idée que les ballons
étaient gonflés à l'hydrogène !
L'hydrogène a plusieurs avantages sur l'hélium : il est deux
fois plus léger et donc un peu plus efficace
pour l'élévation des ballons, et beaucoup plus
facile à produire. Mais son
désavantage est justement d'être explosif en
présence d'air. Il a de ce fait été beaucoup
délaissé depuis l'incendie du Zeppelin Hindenburg en
1937, en grande partie responsable du déclin des grands dirigeables (en fait, le
Hindenburg était conçu pour être gonflé
à l'hélium, mais l'hydrogène avait
été utilisé en raison d'un embargo des
Américains sur l'hélium après la prise
de pouvoir par Hitler).
Dans les documents du projet Mogul, il est
précisé que l'hélium a été choisi
pour des raisons de sécurité en raison de la grande
taille des ballons... Mais les demandes d'autorisations de
lâchers de ballons au contrôle du trafic aérien,
publiées dans le rapport de l'Air Force, précisent
qu'ils devaient être gonflés à l'hydrogène. Il y a
donc eu hésitation, et c'est bien la grande taille des ballons
qui a fait opter pour l'hélium.
Mais il se trouve justement que les premiers ballons Mogul, dont celui qui est
supposé avoir provoqué notre affaire, étaient
faits de ballons en néoprène assez petits, de six pieds
de diamètre, contre vingt ou plus pour ceux qui ont
été utilisés plus tard : il ne faut que 100 grammes
d'hydrogène pour gonfler un ballon de six pieds (en tenant
compte du fait qu'ils n'étaient gonflés que partiellement), contre quatre
kilogrammes pour un de vingt pieds, ça fait une sacrée
différence en terme de dangerosité ! Certes, le petit
volume des ballons était compensé par leur nombre, mais
pour ces premiers essais les ballons étaient gonflés
à distance les uns des autres, si bien qu'une éventuelle
explosion d'un ballon ne pouvait pas se propager aux autres. On peut
d'ailleurs se demander si cette distance de vingt pieds (6 m) entre les
ballons, qui paraît quelque peu excessive et qui explique la
hauteur démesurée du train complet,
n'était pas une mesure de sécurité
pour éviter justement une explosion en série. Il n'y
avait en tout cas aucune raison que ces ballons n'aient pas été
gonflés à l'hydrogène, moins coûteux que
l'hélium, comme c'était prévu initialement !
Alors, une vingtaine de ballons de deux mètres de diamètre
gonflés à l'hydrogène qui explosent, plus
peut-être quelques kilogrammes de kérosène,
ça doit faire un certain bruit et disperser pas mal de
débris... Encore faudrait-il expliquer comment des ballons
séparés par une certaine distance auraient explosé
simultanément, alors que je viens de dire que ça
n'était pas possible !
Je suis tenté de penser que les ballons auraient été frappés par
la foudre... On peut imaginer le résultat d'un coup de foudre
sur un train ou grappe de ballons... La corde en nylon, si elle était
mouillée, pourrait avoir été presque
entièrement vaporisée, ce qui expliquerait son absence ;
les ballons éclateraient et seraient réduits en lambeaux ;
quant aux cibles radar, on peut supposer que les divers panneaux
métallisés seraient partiellement fondus, ne laissant que
des morceaux épars, et le pivot central, une pièce métallique
assurant l'assemblage des tiges de bois, aurait sûrement fondu,
provoquant la dislocation immédiate des cibles... Et finalement,
le fait que les ballons aient été gonflés à
l'hélium ou à l'hydrogène n'a plus vraiment
d'importance, mais ça m'amusait de remettre en question encore une
des nombreuses certitudes des spécialistes de Roswell !
Il n'y avait apparemment pas d'orages dans la région de Roswell au moment du vol
numéro 4, mais compte tenu de la distance séparant les
stations météo il ne me semble pas exclu qu'il y ait eu un orage isolé.
Il est aussi possible que le ballon n'ait pas été
frappé par la foudre en vol, mais plutôt au sol,
auquel cas ç'aurait pu être plusieurs jours
après son atterrissage : une fois que la bouée
acoustique, la charge la plus lourde, avait touché le sol,
les ballons et les cibles radar pouvaient encore flotter en l'air
pendant un temps assez long, jusqu'à ce que les ballons se
dégonflent ou que leur enveloppe se dégrade.
Et un train de ballons de quelque 200 m de hauteur s'il
s'agissait d'un train Mogul complet, ou tout de même 100 m
pour une version plus limitée si les ballons
étaient assemblés de la même
manière, ça pouvait attirer la foudre pour peu
que le câble ait été mouillé !
Et dans le cas où le vol numéro 4, sous une forme
ou une autre, ne serait pas en cause, on sait qu'il y a eu un gros orage le 2 juillet,
quand Brazel dit avoir entendu un bruit d'explosion... Cette date pour le crash est surtout soutenue
par les défenseurs d'un crash extraterrestre, mais nous
avons vu que l'équipe Mogul lançait
régulièrement de simples grappes de 3
à 5 ballons emportant trois cibles radar pour mesurer les vents.
Toutefois, les débris n'étaient peut-être pas
aussi détériorés qu'on le dit, auquel cas
cette discussion n'a pas lieu d'être... D'après les
témoignages, il y en avait un grand nombre
éparpillés sur une large surface, mais ce sont surtout
ceux qui évoquent des restes de
ballons qui étaient très fragmentés, et cela pourrait
s'expliquer par leur dégradation au soleil. Les débris
attribuables aux cibles radar indiquent qu'elles étaient
complètement disloquées, ce qui n'est pas
surprenant si elles ont été traînées par des vents parfois
violents durant un mois, mais les panneaux n'étaient
peut-être pas aussi déchirés qu'on le
dit... Ce sont surtout encore les photographies prises à
Fort Worth qui donnent cette impression, mais nous avons vu
que ces photos ne présentent certainement pas les vrais
débris ! Et rappelons-nous que trois
cibles radar, cela représente 33 tiges de bois de
60 cm à 1,2 m de longueur, 12 pans de
papier ou tissu métallisé, les plus grands étant
des carrés de 90 cm de côté et les plus petits des
triangles de 90 cm de base et la moitié de hauteur, et une
dizaine de mètres de ruban adhésif... Ajoutez
quelques centaines de débris de caoutchouc racorni,
dispersez tout ça sur quelques centaines de
mètres dans toutes les directions, et vous avez un
champ de débris qui s'accorde assez bien avec les
témoignages !
Bref, tout cela reste à discuter, mais quoi qu'il en soit c'est en
s'attachant trop aux détails qu'on en vient à douter que
des avions aient pu entraîner l'effondrement du World
Trade Center ou que les Américains aient mis le pied sur la
Lune ! Pour n'importe quel événement complexe dont on ne
voit que le résultat, comme un crash d'avion, on
trouvera toujours des détails qu'on ne pourra pas expliquer...
Ça n'est pas la preuve qu'il y a quelque chose d'inexplicable,
mais simplement qu'on ne pense jamais
à tout (surtout quand on ne pense pas beaucoup, comme
ça semble être le cas de beaucoup d'ufologues) !
Où sont passés les cadavres ?
Évoquons rapidement la thèse qu'outre les débris
découverts par Mac Brazel, une véritable épave de
vaisseau extraterrestre aurait été trouvée sur
un site proche, avec à l'intérieur des cadavres
d'extraterrestres... Le problème, c'est qu'alors qu'on a un
certain nombre de témoignages concordants portant sur les
débris du ranch, les quelques témoins ayant
mentionné ces cadavres et vaisseaux présentent
dans leur récit d'énormes contradictions ou
invraisemblances. Il s'agit souvent aussi de témoignages de
deuxième main, qui n'ont surgi que lorsque l'affaire du crash de
Roswell a été popularisée par des livres à
succès. Chaque nouveau livre favorable à la
thèse extraterrestre présente ainsi de nouveaux
témoignages de ce type, lesquels sont totalement
discrédités par les enquêtes
suivantes ! Il en résulte une multiplication des sites
de crash simultanés, au point que certains croyants en sont
venus à imaginer que deux vaisseaux extraterrestres se seraient
percutés ! Tout cela ne plaide guère pour la
crédibilité de ces thèses.
Bien sûr, les croyants invoquent le fait que tous ces témoins
étaient tenus au secret, et ne se sont confiés à
leurs proches que sur leur lit de mort... Mais pendant les trente
années où l'affaire de Roswell était
complètement tombée dans l'oubli, des témoins
morts il a dû y en avoir un certain nombre, pourquoi aucun d'eux
n'a laissé un tel « testament » avant que l'affaire
ne soit connue du public ?
Pour expliquer ces témoignages, l'armée de l'air a publié en 1997
un nouveau rapport
intitulé The Roswell report : case closed,
défendant notamment l'idée que ces mentions de corps
récupérés résultaient d'une confusion
temporelle entre le crash du ballon Mogul en 1947 et des accidents
d'avions ou des essais de parachutes avec des mannequins dans les
années 50... Une hypothèse qui n'est pas
complètement absurde compte tenu du peu de
crédibilité des témoignages et du grand nombre
d'essais militaires qui ont été effectués à
la base de White Sands toute proche : des essais d'avions et de
missiles, de fusées emportant des singes...
Il n'est pas impossible non plus que la retombée d'un ballon Mogul ait
été utilisée par l'armée
pour détourner l'attention d'un événement
inavouable (mais pas forcément lié à
des extraterrestres). C'est ce que j'avais suggéré dans mon
article original en 1997, en imaginant même que l'armée
pouvait avoir parsemé le site de débris à l'aspect
étrange pour détourner l'attention... Karl Plock
était lui-même partisan d'une explication semblable
lorsqu'il a écrit son premier livre soutenant la thèse du ballon
Mogul, mais il y a depuis renoncé et il ne semble pas
nécessaire d'avoir recours à de telles hypothèses...
Si on veut tout de même s'y essayer, bien des possibilités peuvent être
évoquées qui ne feraient pas appel à des extraterrestres !
On peut s'amuser par exemple à imaginer qu'un ballon Mogul aurait
provoqué un crash d'avion, et que l'armée aurait étouffé
l'affaire pour ne pas engager sa responsabilité... Ça ne serait
au fond guère plus difficile à croire que l'idée que
l'armée d'un grand pays puisse cacher qu'un de ses
sous-marins ait provoqué le naufrage d'un chalutier
au cours de manoeuvres militaires !
Il est assez intéressant de lire parmi les documents
publiés dans le rapport de l'armée sur Roswell des lettres du
comité de contrôle aérien demandant que les
lâchers de ballons ne s'effectuent que par temps clair... Les
responsables du projet Mogul trouvaient cela trop contraignant et
voulaient obtenir que les vols soient
autorisés lorsqu'il y avait des nuages épars,
mais ils n'ont pas obtenu gain de cause en raison
des risques que des ballons d'une telle dimension faisaient
courir pour l'aviation. C'est en grande partie pour
cette raison que les lancers ont finalement eu lieu sur la base
militaire de White Sands, large terrain militaire dédié
aux tests de missiles. Mais un nouveau message du comité de
contrôle aérien, en date du 21 août, note qu'alors
que les ballons étaient censés rester à
l'intérieur du périmètre de White Sands,
certains étaient descendus hors de cette aire, à
proximité de Roswell, et que cela présentait
donc des risques pour les avions (on peut penser que cela fait
référence au fameux vol numéro 4 qui serait
à l'origine de l'affaire, mais il pourrait aussi s'agir du vol
numéro 5). Et on a vu que ce fameux vol n°4 a
été reporté
en raison d'un ciel nuageux, mais finalement effectué...
Alors, si ce vol avait provoqué un accident, il serait
compréhensible que l'armée ait voulu en effacer les traces.
Imaginons ce qui se passerait si un petit avion de tourisme à
hélice rencontrait au détour d'un nuage un train de
ballons de 200 mètres de hauteur (ou même
« seulement » 100) : la corde se prend
dans l'hélice et s'enroule, entraînant tous les
éléments constitutifs du train, les appareils de mesures
lourds se détachent et tombent à pic, les ballons et les
cibles sont déchiquetés et tombent en lambeaux,
dispersés et poussés par le vent à quelque distance
de là, et le câble reste attaché à
l'hélice et tombe avec l'avion peut-être trois
kilomètres plus loin (ce que les ufologues appelleront le
« troisième site »).
Voila qui pourrait expliquer pas mal de choses !
Le plus difficile à admettre dans un tel
scénario, c'est l'idée que l'armée de
l'air ait pu faire ainsi disparaître toute trace d'un
accident d'avion, jusqu'à l'existence même de
l'avion et de son dernier vol, juste pour ne pas avoir
à reconnaître sa responsabilité (il est
vrai que certains l'imaginent capable de bien pire !)
Même si en 1947 les vols n'étaient pas aussi réglementés
que de nos jours et les radars civils n'existaient pratiquement pas, ça me paraît peu
vraisemblable... Sauf peut-être s'il s'était agi d'un vol militaire,
ou encore d'un vol non déclaré à des fins inavouables, par
exemple pour de la contrebande. Dans ce dernier cas, il n'est même pas
impossible que le crash ait eu lieu au début juin, impliquant le
vol Mogul n°4, et n'ait été découvert qu'un
mois plus tard. Et l'armée n'aurait alors eu aucun mal à
faire disparaître l'épave et les corps. Les quelques
témoignages relatifs à une
épave trouvée sur le « site n°
3 », à environ
trois kilomètres du champ de débris, mentionnent des
corps dans un état de décomposition
avancée et dont le statut supposé extraterrestre
repose sur assez peu d'indications.
Il ne s'agit là que d'une idée en l'air, les
témoignages concernant des corps sont vraiment trop peu
crédibles pour qu'il soit nécessaire de
développer ce genre d'hypothèse, mais ce qui est
sûr c'est qu'il n'y a vraiment rien dans l'affaire de Roswell qui
évoque sérieusement un crash de vaisseau extraterrestre !
Lectures recommandées en français
Gildas Bourdais : le Crash de Roswell, enquête inédite
Bourdais est devenu en France le spécialiste incontournable de Roswell...
Chaque fois qu'un nouveau livre important sur l'affaire paraît en
Amérique, Bourdais en sort un nouveau, en modifiant son
scénario, en parlant des témoins qui ont
été discrédités entre-temps et des nouveaux qui
sont apparus... C'est un convaincu, il est d'une rare partialité
dans ses interprétations, mais il est suffisamment
exhaustif pour que chacun puisse se forger sa propre
opinion. Pour ma part, c'est en lisant son premier livre sur
le sujet que j'ai été convaincu que le crash de Roswell
s'expliquait par un ballon Mogul !
Pierre Lagrange : la Rumeur de Roswell
Côté sceptique, c'est Pierre Lagrange qui s'y est collé... Un
livre intéressant pour rappeler le contexte de la genèse de
l'affaire de Roswell et d'autres cas de crashes allégués,
mais assez pauvre comme référence et peu argumenté...
Karl Plock : Roswell, l'ultime enquête
C'est aussi à Pierre Lagrange que l'on doit la traduction
en français de ce livre qui a lancé
l'interprétation Mogul, et qui reste une
référence incontournable.
Gilles Fernandez : Roswell, Rencontre du premier mythe
Et voilà un nouveau livre sceptique très intéressant,
bien documenté et qui présente de nouvelles idées
renforçant l'hypothèse Mogul. L'auteur, psychologue,
apporte en outre pas mal de réflexions pertinentes sur le
témoignage humain... Mais il en fait un usage largement
abusif pour évacuer les problèmes posés par les
principaux témoignages. À noter
que ce livre était édité de façon assez
confidentielle comme « livre à la
demande », et que son auteur a décidé après trois ans de le rendre disponible en téléchargement gratuit. Vous n'avez donc aucune excuse pour ne pas le lire !