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Si Jean-Pierre Petit gardait une certaine réserve (pas assez au goût
de beaucoup !) tant qu'il était un scientifique en activité,
c'est terminé : il se lâche complètement dans ce
livre qui coïncide avec son passage à la retraite (lequel ne
devrait pas changer grand-chose à ses activités puisqu'il était
depuis longtemps privé de crédits).
L'idée de ce livre est née après que l'auteur eut participé
en 2001 à un colloque sur la propulsion avancée en Angleterre,
au cours duquel il a appris que la Russie et les États-Unis avaient poursuivi
sous couvert militaire les recherches en MHD, aboutissant à des armes
inimaginables autrement.
Il s'était rendu à ce colloque afin d'en apprendre plus sur
un projet d'avion hypersonique russe nommé « Ajax », capable
de dépasser dix mille kilomètres à l'heure grâce à
un astucieux « pontage MHD » (un générateur à
l'avant, ralentissant l'air en générant de l'électricité,
et un accélérateur à l'arrière, utilisant l'électricité
fournie par le générateur), permettant à un réacteur
d'avion de fonctionner très au-delà de sa vitesse limite normale...
Les mauvaises langues diront que ce principe était déjà
bien connu des années avant la sortie du livre de Petit, et ils auront
en grande partie raison (Petit est d'ailleurs déçu de n'avoir
jamais pensé à ce principe lui-même), mais ce concept
n'avait guère attiré l'attention que d'un cercle restreint
de spécialistes, et sa révélation dans un livre grand
public est un événement, qui commence d'ailleurs à provoquer
pas mal de remous...
Mais outre un exposé très clair de ce concept, Petit a ramené
de ce colloque des révélations extraordinaires de deux intervenants
américains, qu'il désigne sous les pseudonymes de « Joe
Black » (notons que dans le film
Rencontre avec Joe Black, ce dernier n'est autre que la mort !)
et « Harold Penninger ».
Le premier affirme qu'il a conçu une torpille MHD capable d'aller
à 2000 km/h en 1980, par l'utilisation d'un « pontage »
très similaire à celui du projet Ajax, mais inversé,
dont il décrit le fonctionnement avec précision.
Le second révèle que si l'avion Ajax russe est resté
à l'état de projet, les Américains ont réalisé
l'équivalent, l'avion Aurora qui suscite bien des rumeurs depuis des
années, qui volerait suivant le même principe depuis 1990. Il
ajoute par ailleurs que cet avion peut être satellisé « au
prix d'une poussée additionnelle délivrée par des fusées »,
ce qui n'est pas crédible... Petit s'en est d'ailleurs rendu compte
depuis (voir les explications dans
le texte que j'y ai consacré),
mais cela ne remet pas vraiment en cause la crédibilité de
Penninger, ni celle de Petit... On peut douter que Penninger ait directement
participé au programme Aurora, mais les indications qu'il donne semblent
plausibles.
Ici s'arrêtent les informations vraiment solides, qui ne concernent
pas vraiment les ovnis mais qui nous donnent une idée du retard qu'ont
pris les Européens et la recherche civile en matière de MHD,
et des avancées que cette technologie nous réserve...
« Black » et « Penninger » vont bien plus loin dans leurs
« révélations », en admettant que cette technologie
aurait été inspirée par l'épave extraterrestre
récupérée à Roswell... Mais ils ne font alors
qu'acquiescer à ce que leur « souffle » Petit, sans ajouter
une information nouvelle... Tout ce que cela nous apprend, c'est qu'ils sont
convaincus, ou en tout cas jouent le jeu en face de quelqu'un qui est convaincu,
de la réalité de cette histoire d'apports technologiques issus
d'une épave extraterrestre... Une conviction qu'ils partagent avec
une grande proportion de la population américaine, toutes classes
confondues, sans pour autant posséder d'autres « preuves »
que ce que l'on trouve dans les livres consacrés à Roswell
ou sur Internet... Black et Penninger ne sont du reste pas des inconnus en
ufologie : tous deux se sont toujours intéressés aux systèmes
de propulsion plus ou moins spéculatifs qui nous permettraient de
gagner les étoiles, sans cacher leurs possibles liens avec le phénomène
ovni même dans des communications très scientifiques ; le premier
a fait partie du bureau d'étude des ovnis au sein de la NASA, le second
trouvait des informations scientifiquement intéressantes dans les
écrits du contacté très décrié Billy Meier.
Le simple fait d'aller participer à ce colloque anglais, à
connotation « ufologique » marquée et même revendiquée
(Petit y faisait pour sa part un exposé sur le transfert hyperspatial
illustré directement par des dessins « ummites » !), impliquait
une certaine dose d'acceptation concernant les visites extraterrestres. Alors,
que ces deux Américains croient à l'histoire de transfert technologique
issu de l'épave de Roswell n'a pas de quoi nous étonner, et
ils précisent bien qu'eux-mêmes n'ont rien vu...
Ne restent donc pour attester la thèse défendue par Petit que
les témoignages issus de Roswell, et ils sont bien maigres... L'idée
que l'épave en question ait eu une forme de navette plutôt que
de « soucoupe » ou de ballon provient de quelques rares témoignages
que même le chef de file français des « pro-roswelliens »
Gildas Bourdais ne prend guère au sérieux, et il n'y a vraiment
rien qui permette de penser que les Américains ou les Russes aient
eu besoin d'une épave extraterrestre pour avancer en matière
de MHD (pas plus qu'en matière de transistors, de fibres optiques
ou de lasers, d'ailleurs). Bref, tout cela est très douteux et ne
repose que sur le présupposé, tant par Petit que par ses informateurs,
qu'une épave extraterrestre a bien été récupérée
à Roswell, auquel ils n'apportent aucun nouvel élément
probant.
Ensuite, Petit aiguille ses informateurs sur un problème qui lui tient
à cœur depuis des années, et qui lui a été « soufflé »
par les Ummites : l'idée que les militaires américains
fabriquent de l'antimatière en quantité depuis longtemps, et
qu'ils l'utilisent tant pour fabriquer des bombes que pour sillonner le système
solaire dans tous les sens pendant que les civils en sont encore à
ramer avec leurs propulseurs chimiques. Mais cette fois, les Américains
ne semblent pas prêts à suivre Petit, qui décrit ainsi
leur réaction : « Black et Penninger ont cessé de
sourire. Ils me regardent comme si j'étais le Diable en personne.
[...] La gêne s'installe entre nous. » Petit suppose que ses informateurs
sont effarés qu'il connaisse un tel secret, mais on peut aussi bien
y voir le signe qu'il a dépassé leur capacité d'acceptation...
Il sera difficile de trouver dans le monde un autre physicien que Petit qui
croie que la matière se transforme spontanément en antimatière
lorsqu'elle est soumise à une très haute pression, et Petit
reconnaît que cette idée ne repose sur aucune théorie
physique, et n'est que suggérée par des courriers ummites ou
apparentés. Bref, c'est encore bien plus hypothétiques que
le transfert technologique depuis l'épave de Roswell, et mon impression
personnelle est que Petit a un peu tendance à voir de la désinformation
partout, sauf dans les textes ummites !
Certes, Joe Black glisse une information que Petit reprend au vol pour accréditer
son idée : les Américains ont fabriqué un drone discoïdal
de 5 mètres de diamètre qui vole à Mach 10 en air dense...
Cela évoque irrésistiblement « l'aérodyne MHD »
que Petit avait imaginé dans les années 70, dont le seul problème
était de nécessiter une source d'énergie électrique
de puissance très supérieure à celle que peut produire
une masse raisonnable de carburant chimique. Petit y voit donc la preuve
que c'est l'antimatière qui fournit cette énergie, mais il
me semble plus raisonnable de supposer qu'il s'agit de l'énergie nucléaire,
que les militaires américains ont très certainement continué
d'exploiter après son abandon « officiel » en matière
de propulsion aérienne (voir
le texte que j'ai consacré à cette idée).
Et plus loin, le même Joe Black donne à Petit les performances
des propulseurs à MHD censés fonctionner à l'antimatière...
Mais il s'agit peu ou prou de celles que l'on peut attendre des moteurs ioniques
à énergie nucléaire étudiés par la NASA
(ou d'autres organismes) dans le cadre de projets de voyages habités
vers Mars, que Black connaît bien puisqu'il travaille justement à
la NASA. Que les militaires aient déjà développé
de tels moteurs qui restent à l'état de projets dans le civil,
c'est bien possible, mais l'antimatière n'est pas indispensable à
leur utilisation.
Là s'arrêtent les « révélations », plus
ou moins crédibles, des Américains rencontrés au colloque
sur la propulsion avancée, mais Petit continue...
D'abord, il revient en détail sur le texte qui l'a convaincu de la
fabrication d'antimatière en masse... Il s'agit d'un texte émis
sur Internet en 1999 concernant la comète SL9, qui s'est écrasée
sur Jupiter en 1994. Petit a des raisons de penser que ce texte provient
de la même source que les lettres ummites (que les Ummites se soient
mis à Internet n'aurait rien de surprenant), ce qui est sûr
c'est qu'il en est très inspiré. L'auteur suppose que cette
comète n'en était pas une, mais cachait des essais d'armes
apocalyptiques à antimatière testées par les Américains
sur Jupiter. On peut avoir quelques doutes à ce sujet, comme le montre
Alain DH
sur le site Ufocom ; l'idée n'étant pas aussi incroyable que
« DH » le suppose, ni aussi vraisemblable que le laisse penser
Petit, et méritant en tout cas réflexion, nous y consacrerons
bientôt un article tentant d'apporter un point de vue original.
Ensuite, Petit développe une autre idée, prise on ne sait où :
nous serions sur le point de recevoir une pluie de comètes, issues
du morcellement d'un planétoïde à l'orbite très
elliptique... Je ne crois pas qu'une source « ummite » soit à
l'origine de cette idée. L'histoire d'une « dixième planète »
à l'orbite très elliptique a été défendue
par quelques astronomes, mais n'a guère obtenu de succès qu'auprès
d'auteurs pas très sérieux du courant « conspirationniste ».
Les nouveautés qu'apporte Petit à cette idée n'emportent
guère la conviction... Pour qu'un planétoïde ait conservé
son orbite très elliptique depuis l'origine du système solaire,
il devrait être placé sur une orbite très inclinée,
sans quoi l'influence des planètes géantes aurait peu à
peu circularisé son orbite ou l'aurait éjecté du système...
Petit en est d'ailleurs conscient, mais ne se rend pas compte des implications :
qu'un planétoïde à l'orbite très inclinée
par rapport aux planètes croise l'orbite de la Terre relève
d'un hasard très improbable... Qu'il croise AUSSI l'orbite de Jupiter,
au point de s'être fragmenté en passant trop près de
la planète (comme la Comète SL9 selon l'hypothèse « conventionnelle »),
cela relèverait vraiment d'une malchance extraordinaire !
D'autre part, Petit voit dans la multiplication ces dernières années
des annonces d'astéroïdes qui « frôlent » la
Terre l'imminence de l'événement, ce qui est absurde : s'il
s'agissait de morceaux de cet hypothétique planétoïde,
ils pourraient certes devancer le « gros de la troupe » de plusieurs
dizaines d'années, mais ils resteraient sensiblement sur la même
orbite ; ces astéroïdes seraient alors similaires aux « essaims »
d'étoiles filantes : ils se manifesteraient toujours à
la même période de l'année et proviendraient de la même
direction... Et ça n'est pas ce que l'on observe... La multiplication
des annonces provient simplement du fait que nos instruments d'observation
s'améliorent, permettant de détecter de plus en plus de géocroiseurs
(c'est ainsi qu'on appelle ces astéroïdes passant près
de la Terre) qui seraient restés ignorés peu de temps auparavant.
Quoi qu'il en soit, cette idée d'une proche catastrophe cosmique permet
à Petit de proposer un scénario intéressant concernant
les motivations des extraterrestres : connaissant le danger qui nous
menace, ils auraient décidé malgré la fameuse « loi
de non-intervention » que tout le monde connaît depuis Star Trek
de donner à la principale puissance mondiale les moyens de détourner
les comètes meurtrières... L'idée est originale, mais
elle n'est pas aussi cohérente qu'il y paraît : d'après
Petit, les extraterrestres auraient fourni le secret de la propulsion MHD
utilisée dans l'Aurora, qui a surtout servi à fabriquer des
avions-espions et des torpilles. Pour détourner une comète,
ça serait plutôt la fabrication d'antimatière qui serait
utile, mais ce secret-là aurait été trouvé fortuitement
après un essai nucléaire souterrain qui aurait fait plus de
dégâts que prévu !
Bref, il y a dans ce livre un foisonnement d'idées qui ne sont pas
toutes également crédibles, mais qui donnent en tout cas à
réfléchir... On peut y ajouter d'intéressantes réflexions
sur le B-2, ainsi que des révélations sur des essais nucléaires
furtifs en France (une idée très inquiétante et qui
repose hélas sur une accumulation d'indices très convaincants),
mais c'est un peu hors-sujet et on trouvera de nouveaux développements sur
le site de Jean-Pierre Petit.
Et comme toujours, tout cela est assorti de nombreuses annexes techniques
mais très compréhensibles, Petit n'ayant rien perdu de son
talent de vulgarisateur.
Bref, un livre indispensable, mais à lire avec un esprit à
la fois ouvert et critique... Il faudrait assortir toutes les idées
développées d'une « note de crédibilité »...
C'est plus ou moins ce que j'ai essayé de faire, mais bien sûr
mes « notes » ne peuvent être que très subjectives...
À chacun de donner les siennes.
Robert Alessandri, 25 avril 2003