Météore en Espagne (suite) :
où sont les météorites ?
(22/02/2004)



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Aller à la première partie

Les premières découvertes
Parlons d'atmosphère
Application à notre météore
La feuille de calcul s'agrandit
Nouveaux compromis
Lieu d'impact
Chasse aux météorites ?
Orbite en 3D

Additif du 17/03/2004

  Quand l'astronomie rejoint l'ufologie


Les premières découvertes

Étant donné qu'il n'y a plus guère de nouvelles informations sur le météore d'Espagne et qu'il y a pourtant sûrement pas mal de choses à dire, je me suis décidé à pousser un peu plus loin mes hypothèses (à défaut d'investigations), pour essayer d'estimer vraiment où les météorites avaient pu tomber... Parce que des météorites, il y en a déjà un certain nombre, et d'autres restent sûrement à découvrir !

Quelques jours après la chute, un journaliste du nom d'Abel Tarilonte, qui se trouvait dans la région et avait assisté au phénomène, a pu retrouver deux petits fragments, pesant 20 et 40 grammes. Ces fragments ont été examinés par Javier García Guinea, professeur de minéralogie du Musée national des sciences naturelles de Madrid, qui a confirmé qu'il s'agissait bien de météorites, et que leur chute était très récente d'après le peu d'oxydation de leur surface. D'après les premiers résultats, il s'agirait d'une chondrite ordinaire, composée essentiellement d'olivine (cristal, silicate de fer et de magnésium), de troilite (sulfure de fer), de métaux (fer, nickel et chrome) et de roches...

Il s'agit d'une classe de météorites très ordinaire, et devant le peu d'enthousiasme provoqué par sa découverte, Tarilonte a décidé d'en faire cadeau aux chercheurs.

Le lieu précis de la découverte n'a pas été révélé, il se situerait dans les « montagnes de Palencia », lesquelles couvrent une grande surface.

Depuis, neuf autres pierres ont été découvertes par des chercheurs du SPMN (qui a annoncé la nouvelle sur son site le 4 février) et le Musée national des sciences naturelles. Le lieu, « une zone très précise du nord de la Palencia », est aussi gardé secret pour éviter les recherches « sauvages »...

Le SPMN espère aussi toujours disposer d'informations suffisamment précises pour estimer non seulement la trajectoire exacte, mais aussi l'orbite de l'objet avant qu'il ne rencontre la Terre. Il a besoin pour cela d'un maximum d'enregistrements (photos ou vidéos) du passage du phénomène, et pour en recueillir encore ce groupe a lancé un concours récompensant la meilleure vidéo et la meilleure photographie du phénomène.

Essayons donc de préciser un peu mieux que nous ne l'avons déjà fait le lieu de chute. En suivant notre trajectoire estimée, laquelle ne doit pas être trop éloignée de la vérité, on remarque qu'une chaîne de montagnes, les monts Cantabriques, se trouve sur le chemin de l'objet, et sans doute pas très loin du point de chute en tenant compte du freinage atmosphérique. Il y a dès lors une forte probabilité que l'objet, ou plutôt les objets qui ont survécu à la fragmentation, aient terminé leur course sur le flanc de ces montagnes. Et il s'agit bien des seules montagnes présentes dans la province de Palencia, tout à fait au nord. On peut donc supposer que s'il a fallu autant de temps pour retrouver aussi peu de météorites, et si les recherches continuent après un mois et demi, c'est parce que la zone est couverte de neige. Dans ce cas, il faudra sans doute attendre le printemps pour qu'elle soit vraiment ratissée.

Parlons d'atmosphère

Jusqu'à présent, nous avions négligé dans nos calculs l'influence de l'atmosphère terrestre, laquelle n'intervient que dans la dernière partie de la trajectoire. Il est temps de la prendre en compte, ce qui nous permettra d'effectuer quelques révisions.

La force exercée par l'atmosphère sur un objet en déplacement est proportionnelle à la densité de l'atmosphère, à la section maximale de l'objet perpendiculaire au déplacement, ou surface frontale, au carré de sa vitesse, et à un coefficient dépendant de la forme plus ou moins effilée de l'objet : le coefficient de traînée ou « coefficient de pénétration dans l'air ».

On écrit plus précisément :

F = 1/2 CD.ρ.S.V2.

ρ (rhô) est la densité de l'atmosphère, ou plutôt sa masse spécifique (c'est la même chose mais en unités différentes : la masse spécifique est la masse d'un volume unitaire, la densité est la masse spécifique comparée à celle de l'eau), et CD est le coefficient de traînée... Pour un objet de forme à peu près quelconque, il est à peu près égal à 2,5 ; on cherche à le réduire dans le cas des véhicules en déplacement dans l'air, mais ça n'est pas ce qui nous intéresse ici.

Le reste doit bien sûr être exprimé dans un système d'unités cohérent, soit pour le système international des kilogrammes par mètre cube pour la masse spécifique, des mètres carrés pour la surface frontale, et des mètres par seconde pour la vitesse, avec un résultat en newtons.

Ce qui nous intéresse n'est pas la force mais plutôt l'accélération, que l'on obtient en divisant la force par la masse de l'objet (et en ajoutant par convention un signe moins pour signifier que c'est une décélération). Bien sûr, la masse sera donnée en kilogrammes, et le résultat pour l'accélération sera en m/s2.

On voit que la seule variable dépendant du milieu extérieur est la masse spécifique de l'atmosphère, déterminée par l'altitude. Au sol, elle est égale à 1,293 kg/m3, mais elle est divisée par e, la base des des logarithmes népériens (2,718), tous les 8 km. C'est ce que l'on appelle l'échelle de hauteur de l'atmosphère. On pourrait très bien l'exprimer dans une autre base logarithmique, par une conversion très simple : si vous voulez par exemple connaître l'échelle de hauteur en base 10 (pour savoir de combien on doit s'élever pour que l'atmosphère soit dix fois moins dense), vous devez multiplier les 8 km en base e par dix et diviser par e ; vous obtenez 29,5 km. Les logarithmes népériens sont simplement les plus « naturels » (on les qualifie aussi ainsi), parce que la pente de la courbe logarithmique est alors égale au logarithme lui-même (si vous ne comprenez pas, ça n'a aucune importance).

La densité de l'atmosphère à une altitude donnée (h, en kilomètres) sera donc égale à :

ρ0/eh/8.

Donc, un météoroïde sera de plus en plus freiné à mesure qu'il s'enfoncera dans l'atmosphère. La perte de vitesse se traduira par un échauffement (proportionnel à la perte d'énergie cinétique, égale à m.v2/2) qui fera fondre ou évaporer l'objet en surface... On appelle cette perte de matière l'ablation. Plus l'objet est petit, plus le freinage auquel il est soumis est important, et plus l'ablation est rapide. La masse critique pour qu'une partie de l'objet puisse atteindre le sol dépend bien sûr de sa résistance (à la chaleur aussi bien qu'aux chocs), de sa vitesse initiale et de l'angle de pénétration dans l'atmosphère, mais elle est de l'ordre d'une tonne...

Un objet suffisamment gros et compact, de l'ordre d'au moins cent tonnes, peut atteindre le sol entier et sans avoir beaucoup perdu de sa matière ni de sa vitesse ; dans ce cas l'impact forme un véritable cratère, et il n'est pas rare qu'on ne trouve pas non plus de météorite parce que l'objet est complètement pulvérisé par le choc. De tels impacts sont heureusement rares.

Un objet de taille intermédiaire sera suffisamment ralenti pour atteindre le sol sans trop de dégâts (en tout cas si personne ne le reçoit sur la tête, mais la probabilité est suffisamment faible pour que les météorites n'aient fait aucune victime attestée dans l'histoire récente), et assez discrètement puisqu'ayant perdu pratiquement toute son énergie cinétique il ne sera plus échauffé et ne sera donc plus lumineux (c'est pour cela qu'il est rarissime que les météorites provoquent des incendies)...

Il est fréquent aussi qu'un de ces objets de taille intermédiaire subisse lorsqu'il pénètre dans la basse atmosphère (à une altitude de l'ordre de 30 à 50 km, quand la décélération est maximale) une décélération tellement importante (plusieurs centaines de g) qu'il se fragmente, provoquant comme une explosion de lumière puisque les fragments beaucoup plus petits que le corps d'origine sont alors soumis à une décélération encore supérieure. La fragmentation produit une sorte de réaction en chaîne, totalement destructive ou ne laissant subsister que quelques fragments suffisamment gros et solides pour avoir résisté au choc. Ces fragments subissent alors une décélération rapide, et achèvent leur course non loin du lieu de la fragmentation.

C'est ce qui s'est passé avec notre météore, puisqu'on voit cette « explosion » brutale sur la vidéo.

Application à notre météore

Voyons maintenant si nos précédentes estimations concernant le météore restent vraisemblables lorsqu'on fait intervenir le freinage atmosphérique.

Nous avons vu que la masse de l'objet devait être d'environ 10 tonnes (cette estimation se fait d'après la luminosité et la distance).

On sait aussi par les quelques fragments retrouvés qu'il s'agit d'une météorite courante, de type chondrite, dont la densité est de l'ordre de 3,5. Celle-ci contiendrait toutefois d'après les premières déclarations concernant les analyses une quantité inhabituelle de fer dont la densité est nettement supérieure, on peut donc arrondir à 4 (ça ne changera de toute façon pas grand-chose)... Pour une masse de dix tonnes, le volume sera donc de 2,5 m3. Et avec le volume, on peut calculer le rayon, puis la surface frontale (en assimilant l'objet à une sphère) :

r3 = 3V/4π ⇒ r = 0,842 m.

S = π.r2 = 2,227 m2.

Nous avions trouvé raisonnable de considérer qu'au point de référence, lorsqu'il était filmé, l'objet se trouvait à une altitude de 18 km, et filait à une vitesse théorique (sans tenir compte du freinage déjà subi) de 18 km/s. Cette vitesse théorique aboutissait à une vitesse angulaire théorique en azimut sur la vidéo de 11,9°, contre 9° mesurés. La vitesse réelle aurait donc été égale à 18000×9/11,9 = 13600 m/s.

La masse spécifique de l'atmosphère est, à cette altitude :

1,293/e18/8 = 0,136 kg/m3.

On trouve donc pour l'accélération :

-1/2 CD.ρ.S.V2/M = -1/2×2,5×0,136×2,227×136002/10000 = 7014 m/s2...

Il est assez peu vraisemblable que l'objet ait perdu autant de vitesse en une seule seconde alors que la durée de la visibilité sur la vidéo est de 1,4 s, et qu'il n'ait perdu avant cela que 4 km/s alors que l'altitude n'aurait pas beaucoup varié en plusieurs secondes...

Visiblement, un tel freinage serait un peu trop brutal pour que nos estimations soient cohérentes... Voyons ce que l'on pourrait corriger :

— La masse : un objet plus massif ralentit moins... Toutefois, le freinage par l'atmosphère est proportionnel au rapport surface/masse, donc inversement proportionnel au rayon. Et le rayon variant en fonction du cube de la masse, il faut multiplier la masse par 8 pour que le freinage atmosphérique soit divisé par 2... Mais on peut montrer que la luminosité du phénomène, proportionnelle à la perte d'énergie cinétique, varie de son côté beaucoup plus vite, en fonction de la racine cubique du carré de la masse (c'est-à-dire un peu moins vite que la masse). Augmenter la masse suffisamment pour diminuer sensiblement le freinage atmosphérique reviendrait donc à augmenter beaucoup plus la luminosité théorique de l'objet, laquelle serait vite incompatible avec les observations.

— L'altitude : si on augmente l'altitude, on augmente d'autant la distance à laquelle le film a été pris (puisqu'on connaît parfaitement la hauteur angulaire), et donc aussi la vitesse d'après la vitesse angulaire observée sur le film ; et en augmentant la vitesse, on augmente le frottement atmosphérique... Bref on tourne un peu en rond, mais la densité atmosphérique diminue tout de même plus vite que le carré de la vitesse n'augmente, le bilan est donc positif... Mais on ne peut tout de même pas aller trop loin, la vitesse de l'objet étant limitée pour rester cohérente avec la vidéo.

— L'angle de descente : il est sans doute nécessaire de l'augmenter un peu pour que l'objet ait conservé une bonne partie de sa vitesse originelle, sans quoi on devrait considérer qu'il était plus proche, donc à une altitude inférieure, ce qui ramènerait au problème précédent. Nous avons vu que les chercheurs espagnol du SPMN estimaient un angle de descente très supérieur au nôtre, mais difficilement conciliable avec certains témoignages et incompatible avec le cap annoncé (il est bien précisé que leurs calculs sont tout à fait provisoires, et en outre ces chercheurs ne cachent pas qu'ils tiennent pour l'instant à garder la trajectoire exacte secrète).

Il faut sûrement jouer un peu sur tout cela pour obtenir les données les plus cohérentes possibles, et il apparaît clairement qu'on ne peut pas faire ça « au pif ».

Notons qu'il serait possible a priori d'observer le ralentissement sur la vidéo, mais compte tenu du manque de définition de celle-ci et de la taille apparente du météore c'est difficile. J'ai essayé, et il semble bien y avoir un ralentissement assez net, mais difficile à mesurer précisément... Disons qu'il doit être compris entre 20 et 50%.

Pour aller plus loin dans nos supputations, il faut cette fois renoncer à la se servir de la trajectoire hyperbolique suivie par un objet dans le vide, et calculer pas à pas la trajectoire dans l'atmosphère. On peut voir sur le schéma ci-dessous comment procéder :

Modification de la vitesse


À partir de la vitesse et de l'angle de descente à un instant donné (et connus dans le cas du temps de référence), on calcule la vitesse et l'angle de descente après un court intervalle de temps, en tenant compte du freinage dû à l'atmosphère et de l'accélération vers le bas due à la pesanteur. On doit aussi tenir compte de la déviation de la verticale dû à la courbure de la Terre, qu'il est facile de calculer en fonction de la distance horizontale parcourue par l'objet pendant l'intervalle de temps choisi.

En refaisant le calcul pas à pas, on a cette fois une bonne idée de la trajectoire suivie par le météore durant son parcours dans l'atmosphère terrestre.

On peut aussi de façon similaire « remonter le temps », pour calculer la trajectoire avant le point de référence... Et lorsque l'altitude est telle que l'atmosphère n'a plus d'influence sensible, la vitesse du météore doit être identique à celle que donnait la trajectoire hyperbolique ne tenant pas compte du freinage atmosphérique. Si ça n'est pas le cas, il faut modifier au moins un des paramètres initiaux.

La feuille de calcul s'agrandit

Pour rester dans la continuité de ce texte, j'ai rajouté pour faire ces calculs un tableau à la feuille de calcul précédente... Vous pouvez télécharger la nouvelle feuille de calcul (et cette fois il n'y en aura pas d'autre !)

Les données modifiables dans cette nouvelle partie sont la masse du météoroïde, sa densité et l'intervalle de temps considéré.

Cet intervalle doit être le plus petit possible pour que les calculs soient précis, mais diminuer l'intervalle demande d'augmenter le nombre de lignes de calculs pour suivre la trajectoire sur une distance convenable. Un intervalle de 0,2 secondes semble un compromis correct.

À partir de cela, le rayon du météoroïde est calculé, ainsi qu'une constante regroupant les termes invariables dans le calcul du freinage atmosphérique : tous sauf le facteur de diminution de la densité atmosphérique et la vitesse.

La « vitesse à atteindre », celle vers laquelle doit tendre l'objet lorsqu'on « remonte le temps », est assimilée à la vitesse théorique lors de l'entrée dans l'atmosphère sur la trajectoire parabolique.

Les différentes colonnes indiquent à chaque pas :

— le temps par rapport à l'instant de référence, incrémenté ligne après ligne de l'intervalle choisi ;

— l'accélération, résultat du calcul que nous avons vu ;

— la perte de vitesse, décélération subie pendant l'intervalle de temps choisi ;

— la vitesse ;

— l'inclinaison de la trajectoire par rapport à l'horizontale ;

— l'altitude ;

— l'angle de grand cercle parcouru pendant l'intervalle de temps considéré ;

— la distance au sol par rapport au point de référence.

Au point de référence d'où partent les calculs dans un sens et dans l'autre (temps 0), l'inclinaison est celle choisie pour la trajectoire théorique, et la vitesse est la vitesse sur la trajectoire théorique corrigée en fonction du déplacement angulaire sur la vidéo.

Le but est donc de faire varier les paramètres de l'orbite vus précédemment (cap, vitesse et altitude au point de référence) de telle façon que la vitesse du météore tende lorsqu'on remonte le temps (vers le bas du tableau) vers la vitesse théorique. Quand on obtient cela, toutes les données sont cohérentes (ce qui ne signifie malheureusement pas qu'elles correspondent à la réalité !)

Nouveaux compromis

J'ai porté sur la feuille de calcul les résultats qui m'avaient semblé les plus vraisemblables, après moult tâtonnements, mais vous pouvez essayer d'autres combinaisons.

Il semble nécessaire de choisir une altitude un peu supérieure à celle estimée précédemment (18 km), plutôt égale à 25 km (la densité atmosphérique est alors divisée par 23 par rapport au sol). Cela modifie quelque peu les coordonnées du point de référence, et j'ai corrigé en conséquence les coordonnées de la lune vue depuis ce point.

La distance augmente alors également, si bien que la masse de l'objet a pu être sous-estimée. J'ai choisi de considérer une masse de 20 tonnes, mais je rappelle que l'influence de la masse est assez faible. Pour un objet de cette taille, la perte de masse par ablation doit rester négligeable jusqu'à cette altitude de 25 km.

La vitesse théorique doit de ce fait être aussi augmentée ; on obtient un bon compromis pour une vitesse au point de référence égale à 20,7 km/s, aboutissant à une vitesse « à l'infini » de 17,7 km/s.

Enfin, le cap doit être diminué, égal à 46,5°. L'angle de descente s'en trouve porté à 18,9° contre les 13,5 que laissaient supposer une photographie du météore... Ça s'accorde assez mal avec un des témoignages de Bigorre, mais ça rend beaucoup plus vraisemblable l'observation depuis Le Cannet signalée par un lecteur sur le site de LCI. Et ça reste malgré tout très inférieur à l'angle suggéré par les chercheurs espagnols.

Tout cela a pour effet d'augmenter l'altitude à proximité de la ville de León, portée à 45 km, et la distance à laquelle se trouve l'objet lorsqu'il est filmé, portée à 63 km.

On remarque aussi que l'objet se serait morcelé peu avant d'atteindre la décélération maximale égale à 3250 m/s2 (plus de 300 g). Il aurait donc « failli », si mes considérations sont valables (ce qui est je le reconnais très incertain), atteindre le sol entier, et offrir ainsi aux chercheurs une belle météorite de plusieurs tonnes. Ils devront malheureusement se contenter de quelques débris (sans doute tout de même assez nombreux et assez gros pour certains).

Lieu d'impact

Essayons maintenant d'estimer le point supposé d'impact avec les nouvelles données. La trajectoire hyperbolique nous donne un point de chute à 75 km du point de référence, mais cette distance est sûrement nettement plus courte en raison du freinage atmosphérique.

Pour l'estimer vraiment, on pourrait prolonger les calculs pas à pas jusqu'au point d'impact... Il faudrait pour cela rajouter un certain nombre de lignes. Si vous avez une certaine habitude des feuilles de calculs, vous pouvez le faire en insérant des lignes vides puis en copiant sur chacune d'elle les huit cellules remplies d'une ligne quelconque. Les calculs étant tous faits relativement aux données présentes sur la ligne inférieure, il n'y a rien à modifier.

Vous pourriez alors constater une incurvation progressive de la trajectoire. Mais pour avoir une idée correcte de la réalité, il faudrait aussi diminuer la masse de l'objet, puisqu'après la fragmentation ce sont des morceaux nettement plus petits que l'objet initial qu'il faut suivre, et de plus ils perdent rapidement leur masse par ablation. Étant donné que la masse de ces débris peut être très variable, le résultat le sera aussi, et il y aura une « bande d'impacts » plutôt qu'un point unique. En fait, ça sera même plutôt une ellipse très allongée, du fait que les divers débris sont légèrement déviés lorsque la fragmentation explosive se produit.

N'essayons donc pas de trouver un chiffre précis, et estimons que le milieu de cette bande doit se situer à une cinquantaine de kilomètres du point de référence.

Pour calculer les coordonnées de ce point, j'ai encore rajouté une ligne aux calculs situés à droite de la feuille (ligne « Test »).

Pour cette distance de 50 km (que vous pouvez modifier), on trouve une latitude égale à 43,0324°N et une longitude égale à 4,4239°W : soit 43°01,9'N et 4°25,4'W. Un point situé près du « Pico de Tres Mares », en pleine montagne à près de 2000 m d'altitude.

Voici donc la trajectoire révisée que nous obtenons :

Trajectoire plus courte et moins inclinée

Chasse aux météorites ?

Je rappelle que tout cela reste très hypothétique et imprécis, d'une part parce que ça s'appuie toujours essentiellement sur une analyse sans aucun contrôle sur place d'une unique vidéo et quelques indications vagues et disparates, et d'autre part parce que je ne suis pas du tout expert en météorites.

Même si je ne me trompe pas trop dans toutes mes estimations successives, il est extrêmement douteux que la trajectoire soit précise au point d'impact à moins de deux ou trois kilomètres près, et la distance à moins de dix kilomètres... Ça serait déjà très optimiste, et ça laisserait pas mal de surface à explorer, surtout sur des montagnes enneigées !

Si ça vous tente quand même, un bon moyen de détecter les météorites est le détecteur de métaux, puisqu'elles contiennent souvent (et c'est le cas de celle-ci) une bonne proportion de fer. Pour simplement les différencier d'un quelconque caillou bien terrestre, et pour la même raison, un aimant suffit.

Il serait bon aussi d'interroger les habitants des villages situés plus près sur la trajectoire (notamment Guardo) pour essayer de préciser celle-ci. Ensuite, compte tenu du fait qu'il pourrait y avoir un grand nombre de météorites alignées le long de cette trajectoire, le plus simple serait de suivre des lignes perpendiculaires à celle-ci, sur l'incertitude de distance que vous choisirez... Je ne serais pas surpris que les météorites découvertes à ce jour l'aient été près des petits villages situés de part et d'autre de la C 627 (San Salvador de Cantamuda, Los Llazos...) Et je ne serais pas surpris non plus qu'il y ait des météorites un peu au-delà de la province de Palencia, qui pourraient être trouvées à proximité des routes CA 183 et CA 280.

Mais franchement, même sans tenir compte de la forte probabilité que je me trompe assez fortement, l'entreprise aurait peu de chances d'être fructueuse, et je rappelle que le type de météorite concerné n'a que peu de valeur marchande...

Orbite en 3D

Tant que j'y étais, j'ai rajouté dans la feuille de calcul la section concernant le calcul d'orbite en 3D que je n'avais pas eu le temps de faire à la dernière mise à jour...

Je ne détaillerai pas les calculs, mais si ça vous intéresse vous pourrez les comprendre en étudiant les cellules concernées de la feuille de calcul. Par rapport au cas déjà vu d'une orbite dans le plan de l'écliptique, il faut commencer par étudier le « triangle des vitesses » projeté sur l'écliptique, puis en déduire la vitesse et la direction de l'objet sur son orbite réelle.

Le reste n'a pas changé, si ce n'est qu'il faut aussi calculer l'inclinaison orbitale. Puisque l'orbite coupe l'écliptique précisément à la position où se trouve la Terre (ça n'est pas tout-à fait vrai dans le cas d'une orbite très peu inclinée), l'inclinaison sera celle de la direction de l'astéroïde projetée sur un plan perpendiculaire au rayon vecteur de l'orbite.

Avant de calculer l'orbite, il faut convertir les coordonnées locales du radiant (le point d'origine apparente du météore) en coordonnées écliptiques. Et puisque j'ai encore eu la flemme d'automatiser ce changement de coordonnées, il faut encore passer par un logiciel d'astronomie. À partir du point correspondant au radiant calculé du météore, vous devez chercher la distance angulaire de l'écliptique (positive si le radiant est au-dessus de l'écliptique), puis à partir de ce point projeté sur l'écliptique chercher l'angle par rapport au soleil (positif si ce point se trouve à gauche du soleil)... Tous les bons logiciels d'astronomie permettent de calculer les distances angulaires entre deux points de la voûte céleste.

Avec les paramètres que j'ai retenus, on trouve un radiant à un azimut de 227,1° et une hauteur de 12,1°. On obtient alors pour les coordonnées écliptiques une hauteur de 0,2°, et un angle par rapport au soleil de 15°.

On voit donc curieusement que le radiant se trouve très près de l'écliptique (le calcul en 3D n'est pas vraiment nécessaire dans ce cas !), et je ne l'ai vraiment pas fait exprès... Ça tend à confirmer mon intuition de départ sans laquelle je ne me serais jamais lancé dans cette affaire !

Les autres paramètres trouvés sont :

— inclinaison orbitale = 0,1° ;

— angle du grand axe par rapport au point de rencontre de la Terre (le noeud descendant de l'orbite) = 116,6° ;

— grand-axe = 884,8 gigamètres ;

— durée de révolution = 1857 jours (5,08 ans) ;

— excentricité = 0,74 ;

— périhélie = 114,4 gigamètres ;

— aphélie = 770,4 gigamètres.

Une autre curieuse coïncidence est que l'aphélie correspond pratiquement à la distance de Jupiter au Soleil. Bien que Jupiter soit la principale cause des déviations d'astéroïdes, les orbites très elliptiques ont tendance à se circulariser en raison de l'influence des autres planètes, et il n'y a donc pas vraiment de raison d'obtenir un tel résultat. Combiné à la très faible inclinaison de l'orbite, ça pourrait donner à penser que l'astéroïde responsable aurait été dévié par Jupiter assez récemment, mais il y a de grande chances que ça relève surtout de la coïncidence.

Je rappelle d'ailleurs que tout cela reste très incertain et imprécis, bien plus encore que la trajectoire dans l'atmosphère. Mais il sera toujours intéressant de comparer nos estimations très hypothétiques et faites à partir de presque rien avec les résultats des scientifiques espagnols qui étudient les données précises.

Additif (17/03/2004)

Note : un passage concernant la découverte d'un nouveau morceau de cette météorite a été momentanément supprimé à la demande du découvreur... Nous avons accédé à sa demande en attendant plus d'informations, mais nous ne manquerons pas de donner en temps utile toutes les explications sur ce revirement.

Quand l'astronomie rencontre l'ufologie


Je pense avoir montré qu'on peut être ufologue et ne pas ignorer les notions d'astronomie, contrairement à ce que semblent croire beaucoup d'astronomies...

Citons à ce propos, justement, le site du SPMN au sujet de ce météore en Espagne :

Il y a encore quelques années cet événement impressionnant aurait pu facilement et malheureusement être relégué à des observations inexpliquées d'ovnis. Toutefois, ces phénomènes ont cessé d'être NON IDENTIFIÉS aujourd'hui parce qu'actuellement une bonne partie du public dispose de caméscopes avec lesquels filmer ces événements impressionnants. En outre, notre Réseau de recherche sur les bolides et météorites, grâce au travail d'une équipe de jeunes scientifiques espagnols, a entrepris d'utiliser de nouvelles techniques d'images et de traitement informatique, pour donner une explication rationnelle de ces phénomènes sur la base d'arguments solides et convaincants.

Bref, à les croire, s'ils n'avaient pas été là il n'y a aucun doute que ce phénomène n'aurait attiré l'attention que de stupides ufologues bien évidemment incapables de faire la différence entre un météore et un crash de soucoupe volante !

Je suis un peu amer envers ce groupe de recherche espagnol non seulement pour cette phrase qui est assez révélatrice du manque de considération qu'ont la plupart des astronomes pour l'ufologie (pas tous heureusement), mais aussi parce que les courriers que m'a adressé son directeur et webmestre, le Dr Trigo-Rodrigez, n'ont pas été particulièrement courtois.

Dans la première version de mon article sur le météore d'Espagne, j'avais utilisé une photo et une carte extraite de leur site, en précisant bien comme c'était demandé dans les légendes qu'elles provenaient du Red de investigación sobre bólidos y meteoritos et en plaçant des liens pointant sur leur site (ça n'était pas demandé mais ça me paraissait normal), que je citais comme la source d'informations la plus intéressante concernant ce phénomène. J'avais aussi superposé pour comparaison la trajectoire que j'obtenais de façon tout à fait indépendante à leur « trajectoire préliminaire »...

Le Dr Trigo-Rodrigez, que j'avais informé de ce texte, m'avertissait en réponse que « pour publier leur données, photographies et trajectoires je devais leur accorder l'entier crédit, en incluant les noms et affiliations de leur groupe à chaque fois que je le mentionnais » (il me semblait bien l'avoir fait !) et que je ne devais pas ajouter ma trajectoire sur leur image originale, et que si je persistais je m'exposerais à des poursuites judiciaires (encore... On va finir par penser que je les attire !)

J'avais donc immédiatement remplacé la carte de leur trajectoire superposée à la mienne par une carte de ma trajectoire sur laquelle j'avais retracé la leur (qu'ils avaient du reste immédiatement modifiée pour l'écarter un peu plus de la trajectoire réelle, dont la mienne s'approchait déjà dangereusement !), et rajouté tous les renseignements possibles sur leur groupe avec l'équipe ayant participé au complet... S'il n'y avait que ça pour leur faire plaisir...

Après cela, le second courrier était tout à fait cordial.

Mais lorsque j'ai informé le Dr Trigo-Rodrigez de mon additif du 25 janvier, il n'était de nouveau pas content et me demandait de corriger sans tarder mon texte parce qu'il estimait que je donnais des informations qui n'étaient « pas très polies sur leur travail », alors que les données qu'ils publiaient n'étaient que préliminaires et ne visaient qu'à essayer d'intéresser le public à l'astronomie... Tout ça apparemment parce que j'avais écrit : « je reste par ailleurs persuadé que le groupe du SPMN devra aussi réviser à la baisse l'angle de descente du météore ». Il me reprochait aussi d'avoir mentionné sans son accord une précision extraite de son courrier sur ce qu'il entendait par « vitesse d'entrée dans l'atmosphère ». Un peu excédé, je supprimai donc cette précision en indiquant qu'il ne semblait pas désireux de lever le doute, et l'informai que pour le reste ils étaient libres de fournir au public une trajectoire faussée mais que j'étais libre de le dire, et que j'avais été suffisamment « poli avec leur travail » en écrivant notamment dans ce même additif, dans un paragraphe intitulé « la suite appartient aux spécialistes » : Les chercheurs espagnols ont de leur côté bon espoir d'arriver à une précision suffisante pour déduire les caractéristiques de l'orbite, ce qui serait je crois une première pour un météore observé de jour... On peut leur faire confiance en tout cas pour tirer le maximum des documents dont ils disposent !

Et je n'en continue pas moins à souhaiter au SPMN une totale réussite dans sa tentative de reconstituer l'orbite de l'objet avant sa rencontre avec la Terre.

Au sujet du rejet qu'ont beaucoup d'astronomes sur la recherche ufologique, je voudrais aussi citer l'exemple du salon Astronomia 2004, qui doit se tenir à Liévin du 14 au 16 mai prochain. Les organisateurs dynamiques de cette manifestation rêvaient d'une grande exposition et de conférences ayant trait aussi bien à l'astronomie qu'à l'ufologie, sous le thème fédérateur de l'exobiologie. Ils avaient pris contact avec des ufologues sérieux en se rendant aux Repas ufologiques parisiens, un site avait été créé pour annoncer ce « plus grand salon astro-ufo de France » et son programme préliminaire, ça s'annonçait comme une réussite... Mais sous la pression très forte des instances scientifiques et des autorités locales, les responsables ont été contraints, pour ne pas dire franchement sommés sous peine de représailles professionnelles, de supprimer la branche ufologie !

Maintenant, le site a disparu, et ce salon n'est plus guère annoncé que dans l'agenda du CNRS, avec un programme exclusivement astronomique et bien conformiste...

Le CNRS qui considère sûrement, après avoir reçu le « rapport Louange », que seul le CNES et son Service d'expertise des phénomènes rares atmosphériques peut étudier les ovnis avec le sérieux qui convient pour avoir le droit de côtoyer les astronomes...

Et pendant que le directeur de ce SEPRA était payé pour déclarer à la presse les pires énormités sur ce météore en Espagne, et arrondissait ses fins de mois en s'appropriant les économies d'un RMIste ayant osé dénigrer son travail d'expert en rentrées atmosphériques, le RMIste ufologue en question, sans autre but que d'initier un peu le public aux méthodes utilisables pour retracer des trajectoires de météores, bref en faisant bénévolement le travail d'information dévolu au SEPRA et que ce dernier n'avait jamais fait en quinze ans d'existence, aidait à la découverte de nouveaux fragments de cette météorite... C'est beau, le monde scientifique et ses grandes institutions au sérieux incontestable...

Robert Alessandri



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Ce texte a été lu fois depuis le 17/03/2004