Ce dimanche-là à 17 h 47 locales (même
heure en France), des milliers d'Espagnols dans pratiquement tout le
pays ont vu une boule de feu éclatante traverser le ciel peu avant le coucher du soleil.
Voici pour vous repérer une carte de l'Espagne, avec la limite
jour/nuit à l'heure dite (nous verrons que ça aura son
importance). Vous pouvez l'ouvrir dans une fenêtre séparée en cliquant dessus.
Errements initiaux
Le lendemain, les informations se sont multipliées dans la
presse et sur Internet.
El Mundo publiait notamment
un long article indiquant que le météore aurait
traversé l'Espagne du nord-ouest à l'est, et que
plusieurs débris seraient retombés, provoquant des
départs de feu... Ces cartes présentaient les zones de
ces « impacts », activement fouillées par la Garde
Civile.
On voit que la trajectoire supposée du météore
reflétait assez bien l'alignement apparent des
témoignages...
Le phénomène a été vu à
St-Jacques de Compostelle, au nord-ouest, notamment par les spectateurs
d'un match de football. Parmi eux se trouvait le directeur de
l'observatoire de la ville, José Angel Docobo, qui avait vu le
météore à environ 30° au-dessus de l'horizon
en direction de l'est. L'astronome estimait par ailleurs sa masse entre
50 et 100 tonnes, ce qui était sans doute un peu
exagéré. On peut trouver ses premières
déclarations
sur le site d'
El Correo Gallego.
C'est dans les régions de León et de Palencia (nord-nord-ouest de
Madrid) que le phénomène a été le plus
spectaculaire, et accompagné d'un fort bruit d'explosion. C'est
là que le principal départ
d'incendie a été signalé, et que la
Garde civile a cru trouver des traces d'un impact.
Le phénomène a aussi été vu dans l'est de l'Espagne, et jusqu'aux îles Baléares...
Cet alignement approximatif des premières observations
signalées avait inspiré les premières annonces de trajectoire, mais on ne
citait pratiquement aucun témoin ayant mentionné la direction de l'observation ou le cap
suivi par l'objet ! Cet alignement était en fait fortuit, puisqu'on
trouvait aussi de nombreux témoignages au Portugal, aussi bien
dans le nord que dans le centre du pays (mais très peu
semble-t-il dans le sud)... La barrière linguistique a
sûrement joué un rôle dans les incohérences des premières informations.
Le directeur de l'observatoire de Lisbonne, Rui Agostinho, estimait que
« les Espagnols faisaient une estimation très
exagérée », et que l'objet devait peser quelques
centaines de kilogrammes... C'était sans doute ici sous-estimé,
peut-être parce que le phénomène a
été moins lumineux au Portugal qu'en Espagne !
Le fait qu'il faisait nuit dans le nord-est de l'Espagne et aux
Baléares
(et aussi en France, nous y reviendrons) rendait en outre le
phénomène visible de beaucoup plus loin dans ces
régions, parachevant cette répartition trompeuse.
Dès le lendemain des faits, une équipe du Conseil
supérieur d'enquêtes scientifiques (CSIC,
Consejo Superior
de Investigaciones Científicas) a été
dépêchée afin de déterminer si le
météore avait été responsable de l'incendie
ayant brûlé trois hectares de forêt à
Minglanilla, et si l'on trouvait des traces d'impact comme la Garde
civile l'avait suspecté. Mais le six,
ce groupe concluait qu'il n'y avait dans cette région
aucun indice d'impact météoritique, et que l'incendie
n'avait aucun lien avec le phénomène.
Il faut dire que les incendies causés par des
météorites sont très exceptionnels. La grande
majorité des météorites arrivent au sol froides,
quelquefois même glacées. En effet, seule la couche
superficielle est chauffée par le frottement de l'air, et la
chaleur n'a pas le temps de gagner les régions centrales. Quand
elles atteignent le sol, les météorites ont
généralement perdu la plus grande partie de leur vitesse
et ne sont donc plus que très peu échauffées, et
elles refroidissent presque instantanément.
Seules des météorites de grande taille peuvent percuter
le sol à grande vitesse et être encore brûlantes en
surface, et dégager en outre beaucoup d'énergie lors de
l'impact. Elles peuvent alors
provoquer un incendie, mais c'est rarissime.
Le seul cas attesté dans l'histoire récente est
celui d'une météorite, que l'on a retrouvée, ayant
déclenché un incendie le 17 avril 1934 près de
Séville, en Espagne justement. Le château de Milan
(Italie) aurait de son côté été
dévasté par un incendie en 1525 (ça ne date pas
d'hier !) par le fait d'une météorite malencontreusement tombée dans la salle des munitions !
Bref, compte tenu de la dimension estimée de l'objet,
l'incendie allégué n'était pas vraiment
impossible, mais restait très improbable. On
sait maintenant qu'aucun incendie n'a été provoqué
par le météore, bien que des météorites aient atteint le sol (précisons que le terme de
météore désigne le phénomène
lumineux, celui de météorite les éventuels
fragments trouvés au sol).
Ajoutant encore à la confusion, la chaîne
télévisée
Antenna 3
diffusait le 5 une
vidéo prétendue d'un autre météore qui
aurait été filmé le 3 à 18 h 07, la veille
de celui que tout le monde avait vu... Voici deux parties d'images
extraites de ce film :
Ça n'a manifestement rien à voir avec un
météore, et il s'agit certainement de la simple
traînée d'un avion éclairée par le soleil
couchant. La nette division en deux de cette traînée est
caractéristique... Cette volonté de présenter
à tout prix des images, fussent-elles sans rapport avec
l'événement,
rappelle un peu les photos des lumières clignotantes d'avions
que certains journaux peu scrupuleux ou mal informés (
VSD et
Paris-Match) ont présentées à plusieurs reprises comme des photos
de la rentrée de satellite du 5 novembre 1990, avec la caution
de l'expert du CNES en rentrées atmosphériques !
L'affaire se précise
Mais les premières
déductions correctes allaient venir d'une autre vidéo,
celle-là authentique, tournée dans la ville de
León, dont on a vu qu'elle
était de toute façon proche du survol du
phénomène... En voici une image. Vous pouvez
télécharger la vidéo en cliquant dessus.
Cette vidéo est intéressante parce qu'elle montre dans la
direction visée un mur éclairé, apparemment
presque perpendiculairement (on ne voit pas d'ombre projetée par
les balcons), par le soleil. Le soleil se trouvant alors au sud-ouest
(précisément azimut 237°), on pouvait en
déduire que la prise de vue était faite vers l'est... Et
cela signifiait que le météore se déplaçait
sensiblement du sud-ouest au nord-est, contrairement à tout ce
qui avait été dit !
Et le 9 janvier, Victor Ruiz, un passionné de météores habitué de la liste de diffusion
Meteorobs, relevait un détail encore plus important : on voit juste à gauche de la fenêtre de
l'avant-dernier étage du bâtiment éclairé
par le soleil un petit point lumineux... Ce point garde une position
fixe par rapport au bâtiment alors que le caméscope bouge
beaucoup, il ne peut donc pas s'agir d'un reflet... Et Ruiz a compris
que ce point lumineux n'était autre que la Lune... Un coup de chance puisqu'on
connaît parfaitement sa position à ce moment : 23° de
hauteur et azimut de 79°. Et puisque le météore passe juste
à côté, on peut affirmer que la
trajectoire était bien sud-ouest/nord-est... Et ça donne
aussi une idée de la luminosité de l'objet, surtout
lorsqu'il émet un « flash » impressionnant ! C'est
bien un météore très exceptionnel qui a
survolé l'Espagne.
D'autre part, la forte détonation entendue après le
passage du bolide dans cette région trahit un passage à
moins de 50 km d'altitude, la densité atmosphérique
étant trop faible pour transmettre l'onde de choc
au-delà. Le
phénomène étant sans doute passé à
environ 60° de hauteur angulaire, on peut en déduire que la
projection au sol de la trajectoire passait à moins de 30 km de
cette ville.
Cette
détonation a sans doute aussi inspiré les
rumeurs d'impact dans ces régions : en effet, le son parvient plusieurs minutes après la
disparition de l'objet à l'horizon, donnant l'impression qu'il s'est écrasé au sol. Il est vrai que les
météores
peuvent aussi faire entendre du bruit de façon presque
instantanée, les rayonnements radio qu'ils émettent
provoquant parfois des vibrations en touchant certains terrains
particuliers ; mais il s'agit alors de bruits légers,
grésillements ou sifflements, n'évoquant pas du tout une
explosion.
Notons qu'on a diffusé une autre photo censée représenter le
météore passant près de la lune, mais prise cette fois
de Madrid par Enrique Gómez à 18 h 04 (détail) :
Mais là encore il s'agit manifestement d'autre chose (un quart
d'heure après le passage du bolide si l'heure indiquée
est exacte), sans doute encore la traînée d'un avion reflétant le soleil ! Il
est tout à fait impossible que le même objet ait
été vu en direction de l'est très lumineux
à León, et à la même hauteur angulaire, dans la
même direction mais beaucoup moins lumineux à Madrid qui
se trouve à l'est de León !
Il y a enfin une autre photo prise près de León, qui recoupe tout à fait la vidéo :
Photo de Salvador Diez ; crédit :
Red de Investigacion
sobre Bólidos y Meteoritos (Spanish Fireball Network).
Enfin, la chaîne
Antenna 3 a
mentionné à deux reprises la découverte de
météorites... La
première aurait été trouvée près de
Zamora, au sud de León, ce qui pourrait correspondre assez bien
à la trajectoiredu météore... Toutefois, l'examen
de l'objet semble démentir son origine
météoritique. Une autre, découverte plus
récemment, a traversé une serre à Villalobar,
à une vingtaine de kilomètres au sud de León.
Ça
s'accorderait aussi très bien avec la vidéo et un passage
à proximité de cette ville, mais là encore
l'origine météoritique a été
démentie...
Observations en France ?
Nous en sommes là pour l'instant des informations provenant
d'Espagne (du moins j'en étais-là quand j'ai
commencé à rédiger cet article... Mais j'y ai
consacré plus de temps que je ne l'avais prévu, si bien
que les informations se sont accumulées depuis... Nous ferons le
point à la fin)...
Mais puisque le phénomène se
déplaçait vers le sud-ouest de la France, a-t-on des
témoignages de notre côté des
Pyrénées ? Il semble que oui... Des ufologues ont
parlé de témoignages dans la région de Dax, mais
sans donner de détails... J'attends toujours de connaître des témoignages.
Notons que ce jour-là, il faisait beau sur pratiquement toute
l'Espagne et le sud de la France, comme le montrent ces extraits de
cartes du satellite NOAA (à gauche en début
d'après-midi, à droite tard le soir) :
La météo était donc très favorable à
l'observation du météore, aussi bien en France qu'en
Espagne. D'autre part, en France, le soleil venait de se coucher,
rendant un phénomène lumineux beaucoup plus visible. Les
témoignages semblent pourtant très rares dans notre pays,
ce qui indique que le météore a terminé sa course
avant de l'atteindre... Dommage !
Un témoignage étonnant a été donné
sur le le site de la chaîne d'information
LCI, à la suite
d'un article relatif à ce météore :
le 05/01/2004 à 17h33
J'ai vue aussi la méteorite tomber dimanche soir,lorsque je
rentre chez moi,car j'avais passe la journée a faire du skie
dans les Alpes du Sud a Auron,j'ai bien vue cette boule de feu dans le
ciel,j'ai dis a ma soeur regarde dans le ciel l'étoile
filante,mes vue la dure de vie,j'ai dis ces pas une étoile,cs un
petit méteor car lorsque l'on la bien regarde on voyer bien une
longue trainer et au devant une boule de feu avec 2 couleur jaune
devant et vert en traine,voila(ces pas E.T qui es passer dommage :-(
)bye bye,merci de passe mon message
Stevens, Le cannet-06(france)
J'ai laissé un message pour essayer d'en savoir plus, mais
LCI ne l'a pas passé... Les journalistes sont là pour vendre leurs journaux, pas pour aider la recherche...
Le Cannet se trouve à 1025 km de León ! Ça
n'est pourtant pas impossible, et finalement les Baléares
où des
témoignages ont été attestés ne sont pas
beaucoup plus loin. Certes, il
est impossible de voir à 1000 km un objet qui survole
León
à moins de 50 km du sol... Mais un météore devient
lumineux bien avant de pénétrer aussi profondément
dans l'atmosphère, à partir de 150 km ou plus... C'est
probablement l'altitude qu'avait le météore lorsqu'il
survolait le Portugal. Il pouvait alors être vu jusqu'à
une distance de 1390 km pour peu qu'on bénéficie d'un
horizon dégagé, plus que la distance entre Le
Cannet et Porto (1140 km). Bien sûr, la densité de
l'atmosphère à cette altitude est beaucoup moins
importante qu'à 50 km, et donc l'échauffement est
moindre, mais compte tenu de la taille de l'objet et du fait qu'il
faisait nuit au Cannet (et aux Baléares) il devait atteindre
à cette distance une luminosité proche de celle de
Vénus.
Une photo aurait-elle été prise de France ? Le
4 janvier à 22 h 06, quelques heures seulement
après
l'observation, Le site
Yahoo actualités publiait dans la
rubrique « insolite » le texte suivant (qui n'est plus dans les archives) :
Boule de feu dans le ciel espagnol
MADRID (AFP) - Des centaines de témoignages de personnes ayant
vu une boule non-identifiée dans le ciel espagnol dimanche soir
sont parvenus à la garde civile qui a confirmé qu'un
objet non identifié, sans doute, une météorite,
était tombé dans la région de León dimanche en
début de soirée.
Une boule de feu a été aperçue à la fois
par des gens près de Saint-Jacques de Compostelle (Galice) aussi
bien que par des témoins près de Saragosse (Aragon) ou
dans la banlieue nord de Madrid.
D'autres témoins ont affirmé avoir entendu une sorte
d'explosion près de León où est tombé l'objet. La
garde civile a précisé qu'elle avait pris contact avec
les aéroports de la région pour s'assurer qu'aucun avion
n'était porté manquant.
Ça n'est rien d'autre que la première dépêche AFP, mais le
texte était accompagné, sans aucun commentaire, de la
photo suivante :
Ça ressemble bien à un gros météore,
mais
d'où cette photo aurait pu être prise, de nuit et montrant le
phénomène se déplaçant de droite à
gauche ? S'il s'agit de la photo du météore
d'Espagne et si elle n'a pas été inversée, elle
n'a pu être prise que de France, très au nord et
même au nord-ouest...
Ça serait d'ailleurs cohérent avec l'observation
très bas sur l'horizon et la petite taille de l'image, indiquant
que le phénomène a été photographié
de très loin. Le seul problème, c'est que comme nous
l'avons vu le ciel était plutôt nuageux dans toute la
moitié nord de notre pays.
En fait, il s'agit d'une photo d'archives que l'on ressort
régulièrement pour illustrer des informations concernant
des météores... Jennifer Fillaux, après avoir lu
la première version du présent texte, m'a informé que cette
photo était extraite d'une vidéo tournée si elle
se souvient bien en Italie en 1999... Fausse alerte donc.
On a besoin de témoins
On a donc beaucoup
d'observations, mais plus d'une semaine après le
phénomène (presque trois maintenant, je vous ai dit que ça m'a pris plus de
temps que prévu !), personne n'a encore annoncé la
trajectoire précise du phénomène (une
« trajectoire provisoire » a depuis été
annoncée, nous en reparlerons)... Il est vrai que
contrairement aux satellites, les météores ne suivent pas
des orbites précises que l'on peut trouver sur Internet ! La
trajectoire ne peut être déduite que des observations, et
il faut encore trouver des témoins qui donnent des informations
exploitables : direction d'observation, hauteur angulaire, cap
estimé, vitesse angulaire...
De tels témoignages sont d'autant plus indispensables que dans
ce cas particulier, il est fort probable que des débris, des
météorites donc, aient atteint le sol... Et
récupérer des météorites peu après
leur chute, avant qu'elles aient pu être contaminées par
la Terre, peut être très important pour la recherche scientifique.
Même si nous allons voir qu'on peut grossièrement évaluer la
trajectoire sans beaucoup d'informations, l'estimation sera d'autant
plus précise qu'il y aura de témoignages à
confronter.
Même les observations faites en France pourraient s'avérer
particulièrement utiles, c'est pourquoi je lance un appel aux
témoins, et je serais reconnaissant aux autres gestionnaires de
sites de le faire suivre. Je transmettrai les témoignages que
j'aurai reçus aux spécialistes qui étudient cette
affaire en Espagne, afin de les aider dans leurs recherches (puisqu'il
semble exclu que l'on puisse trouver quelque chose en France).
Estimations de trajectoire
Ceci dit, je me risquerai tout de même à quelques
hypothèses afin de déterminer la trajectoire... Sans
prétendre faire mieux que les Espagnols qui disposent de
quantités de témoignages pour la calculer, et
d'astronomes professionnels pour les étudier. Voyez cela comme
un exercice pour nous familiariser avec les calculs d'orbites... Et le
« nous » n'est pas une formule de politesse,
puisqu'étudier cet événement m'aura appris pas mal
de choses sur les trajectoires de
météores ; je m'étais surtout limité
à celles des satellites, et c'était bien plus simple !
Si vous faites une allergie aux mathématiques, ou si vous avez
tout oublié des notions élémentaires
d'algèbre et de trigonométrie, allez directement à
la fin de l'article consulter les
dernières informations et les conclusions... Tout ce qui va
suivre est juste destiné à faire comprendre que la
mécanique orbitale, ça n'est pas aussi compliqué
qu'on peut le penser, mais il faut tout de même être un peu
matheux !
Pour qu'un astéroïde puisse heurter la Terre, il faut bien
sûr que son orbite évolue entre une distance minimale au
Soleil (périhélie) inférieure au rayon de l'orbite
terrestre, et une distance maximale (aphélie) supérieure.
Mais cela ne suffit pas, il faut aussi que son orbite coupe celle de
la Terre, ce qui exige une des deux conditions suivantes :
— soit l'orbite se trouve dans le même plan que celle de la
Terre, l'écliptique, auquel cas les orbites vont se couper en
deux points :
— soit le plan de l'orbite est différent de celui de la Terre,
et dans ce cas il faut que le grand axe de l'orbite de l'objet soit
dirigé de façon très particulière, lui faisant couper l'orbite terrestre en un seul point :
A priori, si les
caractéristiques des orbites sont aléatoires, les deux
conditions ont à peu près autant de chances l'une que
l'autre d'être vérifiées (il n'y a qu'un point
d'intersection dans le second cas, mais quatre angles convenables pour
le grand axe, contre deux pour l'inclinaison de l'orbite dans le
premier — 0 ou 180°). C'est le cas avec les comètes non
périodiques provenant des confins du système solaire. Par
contre, la grande majorité des astéroïdes et un bon
nombre de comètes périodiques tournent dans un plan
très proche de celui de la Terre, et dans le même sens que
celle-ci : avec les astéroïdes, il y aura donc beaucoup
plus de chances que la première condition soit
vérifiée, plutôt que la seconde... Les
comètes périodiques peuvent être exclues
d'emblée puisque celles qui coupent l'orbite terrestre sont
responsables des « essaims » d'étoiles filantes en
raison des poussières et débris qu'elles laissent dans
leur sillage, et aucun ne peut être lié à ce
météore (l'essaim des « quadrantides »
était très actif à cette époque, mais la
direction suivie n'était pas compatible).
Voyons maintenant comment se situait la Terre dans l'espace au moment
de l'événement (donnée par le logiciel d'astronomie MPJ
Equinox, que je vous recommande au passage et qui va beaucoup nous servir) :
On voit que l'Espagne, et précisément la région de
León, se trouvait pratiquement sur la limite entre jour et nuit
(ce qui signifie que c'était le coucher du soleil). Or, il se
trouve que sur la vidéo de León, le météore
a l'air de provenir sensiblement de la direction du Soleil, et sur une
trajectoire peu inclinée par rapport à la surface
terrestre. Cela serait compatible avec un astéroïde dont
l'orbite couperait celle de la Terre en s'éloignant du Soleil,
plutôt qu'avec un objet de nature cométaire qui pourrait
provenir de n'importe quelle direction... En outre, les morceaux de
comète plongent rarement dans la basse atmosphère, leur
matière très fragile (essentiellement de la glace) se
vaporisant très vite. On peut donc privilégier
l'hypothèse d'un petit astéroïde plutôt qu'un
morceau de comète (précisons que les comètes que
l'on voit parfois ne se consument pas dans l'atmosphère : elles
sont très loin de la Terre et ce que l'on voit c'est une queue
de gaz et de poussières libérés en raison de
l'échauffement par le Soleil, et repoussés par ses
rayons lumineux)... Il n'empêche qu'une comète ou un débris
cométaire de toute taille peut très bien heurter la
Terre, et ça donne à peu près la même chose
qu'un astéroïde : un météore, sinon qu'on ne
trouve jamais de débris au sol, de météorites.
On peut voir sur le schéma ci-dessous comment calculer la
vitesse apparente d'un astéroïde d'après sa vitesse
sur son orbite :
La vitesse de la Terre est V
T, celle de l'astéroïde est V
A,
et la vitesse apparente par rapport à la Terre sera V. Notons
que dans le cas d'essaims d'étoiles filantes, le radiant,
direction du ciel d'où semblent provenir les
météores (une étoile filante est un petit
météore ; les gros, comme celui qui nous occupe, sont
appelés « bolides » ou « boules de feu »),
correspond à la direction opposée à
cette vitesse relative... Elle est très différente de la
direction suivie par ces débris de comètes dans l'espace
(V
A). Pour mieux comprendre, imaginez que vous heurtez une automobile venant de
votre gauche à un carrefour, si vous allez à la
même vitesse qu'elle vous ne la verrez pas arriver à angle
droit, mais à 45°.
La Terre se déplace sur son orbite à la vitesse de
30 km/s, et l'astéroïde se déplace de son
côté sur une orbite ellipsoïdale, à une
vitesse qui dépend de la forme de cette orbite.
Précisément, la vitesse à une distance
donnée du Soleil dépend du grand-axe de l'orbite, selon
une formule simple :
(V/V
C)
2 = 2-2D/G
A
V
C est la vitesse de satellisation circulaire
à cette distance, c'est donc celle de la Terre, 30 km/s, et D
est la distance du Soleil, 150 gigamètres (je sais, c'est sans
doute la première fois que vous voyez employer une telle
unité, mais n'est-ce pas plus simple que « millions de
kilomètres », puisque c'est la même chose ? je ne
comprends pas que l'on parle couramment de gigawatts ou de gigaoctets mais
pas de gigamètres ! Donc, habituez-vous).
Il y a deux cas extrêmes :
— si l'orbite est une ellipse très aplatie dont le
périhélie est très proche du Soleil, le grand-axe
se rapprochera de D, et la vitesse sera nulle (l'astéroïde
« tombe » alors sur le Soleil) ;
— si au contraire l'orbite est une parabole, c'est-à-dire une
ellipse dont le grand-axe est infini, la vitesse est égale
à la vitesse de la Terre multipliée par √2, soit 42 km/s.
Elle n'est jamais plus importante : cela supposerait un
astéroïde provenant de l'infini à une vitesse non
nulle ; ça n'est pas strictement impossible, il y a bien des
événements violents dans l'Univers capables de projeter
un objet vers le système solaire à une vitesse
importante, mais ça n'a jamais été observé.
La direction suivie
détermine la forme de l'orbite : il n'y a qu'une ellipse ayant
un grand-axe donné, dont le Soleil occupe un foyer, qui touche
tangentiellement le point d'application de la vitesse.
En règle générale, les astéroïdes
proviennent de la ceinture d'astéroïdes entre Mars et
Jupiter, dont ils ont été délogés par
l'influence d'une de ces planètes. Leur aphélie se trouve
donc souvent dans ces parages-là, à deux à trois
fois la distance de la Terre (en fait, il est souvent plus proche du
Soleil que cela, les perturbations lors du passage à
proximité d'une planète ayant tendance à
circulariser l'orbite). Et puisque le fait qu'ils atteignent les
parages de la Terre résulte d'une perturbation, ceux qui auront
été le moins « perturbés », les plus
nombreux, n'auront pas un périhélie très
inférieur à celui de la Terre... On peut donc
admettre comme moyenne un grand axe égal à 3,5
unités astronomiques (on appelle ainsi le rayon de l'orbite
terrestre, égal à 149,6 gigamètres ;
c'est une unité pratique pour exprimer les distances à
l'échelle du système solaire), ce qui implique une
vitesse de 36 km/s au
niveau de la Terre.
Si la trajectoire apparente de l'objet vient précisément
de la direction du Soleil, le triangle représentant les vitesses
est rectangle, et la vitesse apparente de l'objet lorsqu'il
s'approche de la Terre s'exprime très simplement :
√(36
2-30
2) = 20 km/s.
Admettons donc cette valeur comme hypothèse de base.
Puisqu'un astéroïde a toutes les chances d'avoir son orbite
pratiquement dans le même plan que celle de la Terre, la
trajectoire d'arrivée sera nécessairement
parallèle à ce plan.
On sait que la ville de León n'est pas très loin du point
de chute supposé, et d'autre part c'est de là qu'a
été prise la vidéo qui nous permettra des calculs
précis... León se trouve à 42°35' de latitude
nord, et à 5°34' de longitude ouest... Pour simplifier les
calculs, nous allons plutôt estimer un lieu
survolé par le météore, et plus exactement le lieu
où il passait lorsqu'il était filmé depuis
León...
Nous nous limiterons pour l'instant à une estimation
grossière, que nous corrigerons en fonction des résultats
des calculs. Nous savons d'après la position de la Lune que le
météore était filmé à une hauteur
sur l'horizon d'environ 23° et
à un azimut d'environ 74°. Nous savons aussi que son
altitude était suffisamment basse lors de son passage
près de León pour provoquer une forte détonation.
Admettons qu'il se trouvait à une altitude de 20 km au moment
où il était filmé... Ça nous permet
d'estimer la distance au sol :
20 km/tangente 23 = 47 km.
Et dans un azimut de 74° en partant de la position de León,
on peut calculer simplement, en négligeant la courbure de la
Terre, les coordonnées de notre « point de
référence» provisoire :
Latitude : 42,58+cosinus 74 ×47×360/40000 = 42,7° ou 42°42'.
Longitude : -5,57+sinus 74 ×47×360/(40000×cosinus 42,58) = -5,02° ou 5°01'W.
Avec le peu de données que nous avons, il n'y a guère
d'autre solution que de procéder par tâtonnements...
Nous avons parlé des orbites elliptiques ou paraboliques suivies
par les corps orbitant autour du Soleil... Il est temps de placer la
Terre au centre de nos préoccupations, ce qui change quelque
peut le statut de l'objet : il ne s'agit plus d'un satellite, objet en
orbite, puisqu'il provient de l'espace lointain (à
l'échelle de la Terre) avec une vitesse d'approche non nulle,
supposée égale à 20 km/s.
Dans ce cas, l'orbite suivie est une hyperbole :
Tout comme une ellipse, une hyperbole a deux foyers et deux sommets...
En fait, nous avons vu qu'une ellipse devenait une parabole lorsque le
second foyer et le second sommet (l'apoastre d'une orbite)
s'éloignent à l'infini... Dans le cas d'une hyperbole,
ils reviennent « par derrière » ! Une parabole est
l'intermédiaire entre une hyperbole et une ellipse : ces trois
courbes sont appelées « coniques » parce qu'elles
correspondent à la section d'un cône par un plan (en
mathématiques, un cône est « double »,
correspondant à la révolution dans l'espace d'une droite
de longueur infinie en rotation ; l'hyperbole commence donc quand le
plan de coupe traverse les deux parties opposés du cône).
Bien sûr, une seule moitié de l'hyperbole est suivie par
l'objet, puisque l'autre moitié est en quelque sorte
« au-delà de l'infini »... Notons au passage que
puisque la force d'attraction est inversement proportionnelle au
carré de la distance, un objet qui revient d'au-delà de
l'infini subira la même force mais dans le
sens opposé : de fait, cette seconde moitié de
l'hyperbole est celle que suivrait un objet sur lequel la Terre
exercerait une force de répulsion et non d'attraction, de
même intensité... Voilà donc la recette de
l'antigravitation, il suffit d'aller plus loin que l'infini !
Les deux droites qui se coupent au centre de l'hyperbole sont les
« asymptotes », vers lesquelles les deux branches de la
courbe tendent en s'éloignant du centre. On sera
particulièrement intéressé par l'angle p entre l'axe
et les asymptotes, puisque c'est lui qui mesure la déviation
de l'objet en raison de l'attraction terrestre. Cet angle se calcule
facilement en fonction de la distance du sommet au centre (D
S) et celle du foyer au centre (D
F) :
p = arc cosinus(D
S/D
F)
La distance D
S est égale MG/V
I2.
MG est le produit de la constante de gravitation universelle par la
masse de la Terre ; on le connaît bien plus
précisément que M et G séparés justement
parce qu'il détermine les orbites. Il vaut 3,986.10
11
newtons.mètres carrés par kilogrammes dans le
système international. Si on exprime tout en kilomètres
pour simplifier les notations (il faut juste faire attention de
respecter un système d'unités cohérent : en
choisissant le kilomètre comme unité de distance tout en
gardant la seconde comme unité de temps, on devra exprimer
toutes les distances en kilomètres et les vitesses en
kilomètres par seconde), il vaudra donc un million de fois
moins, soit 398600.
Et V
I, la distance d'approche « à
l'infini », nous l'avons estimée égale à 20 km/s. Nous trouvons donc dans notre exemple :
D
S = 398600/400 = 996 km...
Le paramètre sur lequel nous pouvons jouer dans un premier
temps, celui sur lequel se feront les « tâtonnements »,
c'est le rayon du périgée R
P, égal à D
F-D
S.
S'il est égal au rayon terrestre, le météore
arrive sous une trajectoire « rasante » ; s'il est égal
à zéro, il heurte la Terre perpendiculairement. Nous
savons simplement que l'angle d'arrivée était faible,
nous étions donc plus proche du premier cas que du second...
Supposons donc que le périgée se trouvait à 6000 km du centre de la Terre. Cela nous donne :
D
F = D
S+R
P = 6996 km.
p = arc cosinus(D
S/D
F) = 81,8°.
Ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment se
présentera la courbe lorsqu'elle passera par notre lieu de
référence, à 6389 km du centre
de la Terre (le rayon terrestre sous cette latitude, plus les 20 km
d'altitude que nous avons considérés).
Voyons pour cela comment les choses se présentent :
Une propriété des hyperboles est que la différence
des distances aux foyers est égale à la distance entre
les sommets (c'est presque la même règle pour les
ellipses, chez qui c'est la somme et non la différence).
D'où, ici :
R' = 2D
S+R = 8382 km
Nous avons donc les trois côtés du triangle représenté (le troisième étant 2D
F), ce qui nous permet de calculer l'angle f :
f = arc cosinus ((R
2+(2D
F)
2-R'
2)/(2×R×2D
F)) = arc cosinus ((6389
2+13992
2-8382
2)/(4×6389×6996)) = 21,5°.
Cette relation liant un angle d'un triangle quelconque aux trois
côtés est très utile... Je ne la démontrerai
pas, mais ça n'est pas trop difficile en prolongeant un
côté du triangle afin de former un triangle rectangle.
Et de même, le sommet de gauche du triangle étant égal à 2t, on trouve :
t = 1/2×arc cosinus ((R
2+R'
2-(2D
F)
2)/(2×R×R')) = 1/2×arc cosinus((6389
2+8382
2-13992
2)/(2×6389×8382)) = 71,1°.
L'angle de descente i est égal à 90°-t = 18,9°...
A priori, ça paraît assez raisonnable.
Un autre angle intéressant est l'angle e, entre l'asymptote d'arrivée et la tangente à la Terre :
e = p+f-90° = 81,8°+21,5°-90° = 13,3°.
Cet angle correspond à la hauteur angulaire du
météore « à l'infini » (bien sûr,
c'est une direction fictive puisqu'au-delà de
l'atmosphère il n'y a plus de météore !) Et
puisqu'on sait que l'asymptote d'arrivée doit-être
parallèle à l'écliptique (ça n'est pas
certain, mais au moins très probable), ça veut dire que
cette hauteur sera la hauteur angulaire de l'écliptique à
l'azimut correspondant à la direction d'arrivée du
météore, juste à l'opposé de son
« cap » !
Calculer cela demande un changement de coordonnées sphériques et
c'est assez complexe, mais c'est tout à fait inutile puisque
n'importe quel logiciel d'astronomie le fait très bien (ici par
exemple MPJ Equinox) :
On voit que pour cette hauteur angulaire de 13,3°,
l'écliptique passait à un azimut de 225,6°. Cela
impliquerait donc un cap à 45,6°.
Si on veut être tout à fait précis, il faut tenir
compte de la rotation de la Terre sur elle-même : le
météore suit une orbite dont nous avons calculé
les caractéristiques dans l'espace, mais le sol se
déplace vers l'est à la vitesse d'un tour par jour... Le
périmètre du parallèle 42°42' étant de
29400 km (40000×cosinus 42,7), ce déplacement vers l'est
est de 29400/86160 = 0,34 km/s, et entraînera donc un décalage de la
trace vers l'ouest.
Bien sûr, il faut connaître la vitesse du météore... Et elle se détermine facilement :
V = √(V
I2+V
E2).
V
I, c'est la vitesse «à l'infini»
que nous avons considérée égale à
20 km/s, et V
E
c'est la vitesse d'évasion terrestre, égale à
11,2 km/s près du sol. La vitesse du météore
sera donc
égale dans notre hypothèse à 22,9 km/s. Et
pour
trouver la vitesse et le cap réels par rapport au sol, il faut
à nouveau calculer une résultante de vitesses :
L'angle d est égal à 90°-C
M (le cap de
l'astéroïde que l'on connaît), et on doit donc trouver
le côté inconnu du triangle, correspondant à la
vitesse relative, à partir des deux autres côtés et
de l'angle qui les sépare... C'est donné par une autre
formule pratique concernant les triangles, en fait l'inverse de celle
que nous avons déjà utilisée, une
généralisation du théorème de pythagore :
VR = √(V
M2+V
S2-2×V
M×V
S×cosinus d) = (22,9
2+0,34
2-2×22,9×0,34xcosinus(90-45,6)) = 22,7 km/s.
Le cap relatif pourrait ensuite être trouvé par la formule
déjà vue donnant les angles d'un triangle dont on
connaît les trois côtés, mais on peut remarquer plus
simplement :
V
R×cosinus C
R = V
M×cosinus C
M
⇒ C
R = arc cosinus(V
M/V
R×cosinus C
M) = arc cosinus(22,9/22,7×cosinus 45,6) = 45°.
Il reste à voir si cette supposition d'un cap à 45°
et un angle de descente de 18,9° est compatible avec la
vidéo prise à León...
La vidéo qui tombe à pic
Sur cette vidéo, la présence de la lune nous donne un
repère essentiel, puisqu'on sait qu'elle se trouvait à un
azimut de 78,3° et une hauteur angulaire de 22,6°...
Il reste à déterminer l'échelle des angles. La
lune pourrait encore nous l'indiquer puisque son diamètre est
d'un demi-degré, mais elle apparaît trop petite sur la
vidéo pour être exploitable... Tout au plus peut-on
estimer qu'elle occupe environ deux pixels.
Mais cette vidéo décidément
inespérée comporte une séquence beaucoup plus
intéressante de ce point de vue, lorsque les rues sont
filmées avant l'apparition du phénomène. Voici
deux images extraites de cette séquence :
Sur la première, le vidéaste fait face au mur d'angle
d'un bâtiment, et sur la seconde il filme dans l'axe de la rue
qui longe ce bâtiment. On peut déterminer exactement
à quel point de l'image correspond une vue du mur
perpendiculaire grâce au store du bar, qui présente des
bandes verticales. Et on peut aussi savoir précisément
à quel angle correspond l'axe de la rue, il suffit de voir
où se rencontrent les lignes prolongeant les trottoirs... Il
reste à savoir à quelle différence d'angle de vue
cela correspond, et ça dépend de l'angle entre les deux
rues... En général, des murs d'angle tels qu'on en voit
ici n'existent que lorsque les angles sont inférieurs à
90°... Faisons donc l'hypothèse qu'il soit de 60°, et
nous essaierons de la vérifier ensuite. Il y aurait alors
30° entre l'axe de la rue et la perpendiculaire au mur d'angle :
Sur la vidéo telle qu'elle a été diffusée
sur Internet, ces positions sont séparées par 173 points
(le double sur ces extraits photographiques, que j'ai reproduits
à l'échelle 2) ; chaque point correspondrait alors
à 0,173°, ce qui s'accorderait bien avec la dimension de la
lune, et la diagonale de l'image serait de 51°, un angle de champ
courant pour un caméscope.
Tentons tout de même de vérifier notre hypothèse en
portant notre attention sur les stores sur la deuxième photo :
L'extrémité gauche du store du mur d'angle
s'écarte d'à peu près 6 points vers la gauche en
s'éloignant du mur, et elle se trouve à peu près
à 65 points de la perpendiculaire au mur. Elle serait donc
vue sous une perspective de 65×0,173 = 11°, et sa longueur
réelle, si le store était vu de profil, serait de 6/sinus 11 = 31 points.
L'autre store, qui serait incliné par rapport au premier de
60°, s'écarte du mur d'environ 26 points. La perspective
serait donc de 60+26×0,173 = 64°, et la longueur réelle
serait 26/sinus 64 = 29 points.
On peut donc affirmer sans risque de se tromper que notre estimation ne
peut pas être très éloignée de la
réalité. Il n'y a plus qu'à reporter le passage du
météore à plusieurs instants sur une image et à mesurer les distances par rapport à la
lune... On peut constater au passage que la photo qui a
été diffusée indépendamment n'a pas tout
à fait les mêmes proportions (352/288 points, soit un
rapport de 1,22) que la vidéo ! J'ai supposé que les
proportions correctes étaient celles de la vidéo (images
de 234/180 points, rapport égal à 1,3) parce qu'elles
m'ont paru plus conforme aux standards vidéo (proportions 4/3,
soit 1,33), mais de telles incertitudes ne facilitent pas la tâche !
Voici donc ce que j'ai obtenu :
Notons que Ricardo Chao Priesto, de l'
Asociación Leonesa de Astronomía, a obtenu des résultats sensiblement différents, comme on peut le voir sur cette image diffusée par la
Sociedad de observadores de meteoros y cometas de España :
Il trouve un décalage en azimut de 15° là où
j'en trouve 9, et en hauteur de 16° là où j'en trouve
11 (notons que les proportions du bâtiment sur sa photo sont les
mêmes que sur la vidéo). Cette estimation
« concurrente » (et spécifiée
« provisoire » dans le texte) repose peut-être sur la
supposition que les rues filmées avant le
phénomène se coupent à angle droit, mais outre les
considérations géométriques
détaillées concernant les stores elle impliquerait un
angle de champ anormalement élevé pour un
caméscope... Je conserve donc ma propre estimation, en
précisant tout de même qu'elle est incertaine...
De l'apparence à la réalité
Occupons-nous pour l'instant de l'angle de descente apparent, en
espérant que les proportions sur la vidéo sont
correctes : il est de 56,6° par rapport à l'horizontale
(la
décimale est un peu superflue)...
Il reste à étudier la perspective pour savoir quel
était l'angle de descente réel du météore.
Pour éviter d'avoir à tenir compte de la rotondité
de la Terre, nous utiliserons comme repère les
coordonnées de la lune vue depuis le point de survol qui nous
sert de référence : hauteur 22,8° et azimut 78,7°
(les coordonnées sur la photo sont données depuis la
ville de León, donc un peu différentes)... Nous aurons
ainsi les directions telles qu'elles seraient depuis le point
d'observation situé dans un plan parallèle à
l'horizontale du point de survol.
Considérons le météore dans sa position moyenne. La hauteur sur l'horizon est
à peu près celle de la Lune, soit 23,1°, et l'azimut
est inférieur de 4,7° à celui de la Lune, environ 74°
(les mesures doivent se faire relativement à la lune et non par
rapport aux indications de la grille, ces dernières correspondant aux
coordonnées célestes à León).
Nous avons supposé que le météore suivait un cap
de 45° avec un angle de descente de 18,9°... Voyons donc quel
angle de descente apparent cela donnerait pour un observateur qui
regarderait à un azimut de 74° et à une hauteur
angulaire de 23,1° :
Bien sûr, tous les déplacements sont grossis pour que l'on
puisse les visualiser, mais ils doivent être très petits par
rapport à la distance de l'observateur... En fait, il s'agit
d'analyser les directions en un point.
L'angle a est la différence entre la direction de l'observation
(azimut 74°) et celle du plan de l'orbite (azimut 45°) : il
sera donc égal à 29°. Il s'agit bien d'un angle qui
doit être mesuré sur un plan horizontal, puisque l'azimut
est la direction par rapport à l'horizon.
Pour décomposer le mouvement, j'ai considéré que
l'objet se déplaçait d'abord d'une distance X sur un plan
parallèle à la Terre, puis descendait verticalement. Cela
permet de garder constant le déplacement vers la
gauche.
Pour un déplacement de l'objet égal à X, le déplacement vers la gauche sera :
X×sinus a.
Et le déplacement vers le bas :
X×cosinus a ×sinus h +X×tangente i ×cosinus h.
D'où on tire l'angle de descente apparent :
sinus d /cosinus d = tangente d = sinus h /tangente a +tangente i ×cosinus h /sinus a.
Il ne reste plus qu'à remplacer par les valeurs connues
h = 23,1°, a = 29° et
i = 18,9° :
d = arc tangente (sinus 23,1 /tangente 29 +tangente 18,9 ×cosinus 23 /sinus 29) = 53,6°.
On devrait trouver 56,6°, ça n'est pas tout à fait
ça mais on n'est pas loin... Il n'y a plus qu'à
recommencer depuis le début avec une nouvelle valeur pour le
périgée... Et recommencer encore jusqu'à ce qu'on
trouve les 56,6° désirés. Je vous avais dit qu'il
faudrait tâtonner...
Un tableur à notre secours...
Bien sûr,
depuis que les ordinateurs existent, ils peuvent se charger des
tâtonnements à notre place ! Pour cela, soit on écrit un
programme qui fait tous les calculs à partir des données
initiales, soit on utilise un tableur.
J'ai une préférence pour la première solution,
ayant connu les temps heureux où tous les ordinateurs
étaient vendus avec un langage de programmation, et où on
apprenait donc nécessairement à programmer... Ces temps
sont maintenant révolus, et de nos jours bien peu d'utilisateurs
d'ordinateurs savent faire autre chose qu'utiliser des programmes tout
faits (ce qui est souvent bien plus compliqué que de faire son
propre programme pour des applications très spécifiques). Pour
ne pas restreindre encore le nombre de lecteurs qui me suivront, j'ai
préféré faire appel à un tableur, bien que
je n'en aie pas l'habitude.
Vous pouvez donc vous amuser à faire varier l'orbite à
volonté en changeant les paramètres variables sur cette
feuille de calcul Excel...
Le tableur fait automatiquement tous les calculs que nous avons
détaillés, et modifie instantanément les
résultats si on change les paramètres de base : la
vitesse à l'infini, le rayon du périgée et
l'altitude lors du passage au point de référence. Je ne
détaillerai pas tout, ceux qui veulent savoir ce qu'il
fait précisément pourront examiner les formules
utilisées dans les cellules de calcul.
Une remarque au passage : les tableurs, comme la plupart des
langages
de programmation, utilisent le radian comme unité d'angle...
C'est en effet la
façon la plus naturelle d'exprimer un angle : elle
correspond
à la longueur de l'arc de cercle par rapport au rayon... Un tour
complet correspond donc à 2π radians... Ça ne
complique
pas non plus l'énoncé des angles « ronds », si
l'on peut dire, puisqu'il n'est pas plus facile de dire par exemple
soixante degrés plutôt que π/3 radians. La
deuxième
notation est même beaucoup plus parlante puisqu'on sait tout de
suite qu'il faut trois angles identiques pour totaliser
180 degrés, pardon π radians. Bref tout serait
beaucoup plus simple
si on apprenait à exprimer les angles en radians plutôt
qu'en degrés. Le radian est d'ailleurs l'unité
légale des angles dans le système international, celui
que tout le monde devrait utiliser. Malheureusement, on apprend
toujours à l'école à utiliser les degrés,
cette
unité héritée des temps barbares où l'on
ignorait la valeur de π... Mais j'ai déjà
suffisamment
bousculé les habitudes en introduisant le gigamètre, j'ai
donc préféré conserver les degrés, bien que
toutes ces conversions alourdissent les
formules.
Dans les calculs que nous avons déjà effectués,
nous avons utilisé un logiciel d'astronomie pour connaître
la direction d'arrivée du météore en fonction de
la hauteur sur l'écliptique calculée... Bien sûr,
on ne peut pas s'amuser à recommencer à chaque fois
que l'on change une donnée pour voir ce que ça donne...
Voyons donc comment on peut le calculer automatiquement, sans pour
autant nous lancer dans des calculs complexes de changement de
coordonnées :
Ce que l'on cherche, c'est l'angle a. Ce que l'on connaît, c'est
l'angle h. L'angle i, inclinaison de l'écliptique par rapport
à l'horizon, est égal à la hauteur maximale de
l'écliptique, que l'on peut rechercher avec le logiciel
d'astronomie :
Elle se situe ici près de la planète Mars, et cette hauteur angulaire est de 47,8°.
Il s'agit donc de trouver l'angle a à partir de h et de i. Ce
genre de problème de géométrie sphérique se
résout facilement par la trigonométrie classique en
essayant de constituer avec tous les angles connus ou à connaître
un tétraèdre formé de triangles rectangles...
Trois des triangles seront respectivement dans le plan de l'horizon, du
méridien et de l'écliptique... Le quatrième devra
être choisi tangent à la sphère en N, afin qu'il
intègre l'angle i :
Ce triangle sera ainsi perpendiculaire à ceux situés sur
les plans de l'horizon et de l'écliptique, et d'autre part le
segment EX sera à l'intersection de deux plans perpendiculaires
à l'horizon, il lui sera donc également perpendiculaire.
Notre tétraèdre est donc bien composé uniquement
de triangles rectangles, et il suffit d'utiliser les notions de
trigonométrie classique pour passer d'une valeur à
l'autre :
tangente a = EN/CN
EN = EX/tangente i
EX = EC×tangente h
EC = CN/cosinus a
Et donc :
tangente a = CN/cosinus a ×tangente h /tangente i /CN
⇒ tangente a ×cosinus a = tangente h /tangente i
⇒ a = arc sinus(tangente h /tangente i).
C'est ce que vous trouvez dans la feuille de calcul dans la cellule B21, pour le calcul du « cap ».
D'autre part, le tableur calcule automatiquement les coordonnées
du « point de référence » en fonction de la
distance obtenue depuis León... Cette valeur change avec
l'altitude en ce point... Si on modifie beaucoup l'altitude et si on
veut des calculs précis, il sera donc nécessaire de
revoir les
données calculées par le logiciel d'astronomie en
modifiant le lieu d'observation.
Les données qui nous seront utiles sont :
— la position de l'écliptique lorsqu'elle coupe l'horizon
à l'est (on appelle ces positions les « noeuds ») ;
— la hauteur maximale de l'écliptique, égale à son
inclinaison par rapport à l'horizontale du lieu de
référence, dont nous venons de parler ;
— les coordonnées de la lune (hauteur et azimut) ;
— plus loin, nous aurons besoin de la position du soleil sur
l'écliptique... Le plus simple est de mesurer encore sa hauteur
sur l'horizon, puisque nous savons maintenant calculer le reste : elle
est égale à 1,1°.
Nous verrons plus loin d'autre calculs utilisés dans la feuille de calculs...
Recherche de compromis
Essayons maintenant de jouer un peu avec ces calculs... Le but est donc
de faire varier les paramètres de base jusqu'à ce que
l'angle de descente théorique s'accorde avec celui,
mesuré sur la vidéo, de 56,6°...
Essayons d'abord de conserver la vitesse à l'infini de 20 km/s
et de faire varier uniquement le rayon au périgée : on
obtient le bon angle de descente pour un périgée à
6234 km. Les autres paramètres obtenus sont : angle de descente
11,9°, cap 52,4°. Ça paraît raisonnable...
Essayons maintenant de faire varier la vitesse, par exemple avec 15 et 25 km/s.
Dans le premier cas, on obtient, pour un rayon au périgée
de 5944 km, un angle de descente de 19,5° et un cap à
47,5°.
Dans le second, pour un rayon au périgée de 6303 km,
un angle de descente de 9° et un cap à 53,4°.
Cherchons maintenant les valeurs limites : à partir d'une
vitesse
à l'infini de 31 km/s, le périgée doit
être
au-dessus du rayon terrestre, ce qui implique que le
météore n'atteint pas le sol et repart dans l'espace (si
on ne tient pas compte du freinage atmosphérique). Le cap est
de 57,4°, l'angle de descente de 3,5° seulement. Tout ça
serait parfaitement compatible avec la trajectoire d'un
météore de nature cométaire qui se serait
approché de la Terre sous une trajectoire parabolique. Ça
n'est pas franchement exclu, mais c'est difficile à concilier
avec les témoignages qui semblent indiquer une descente
relativement rapide et une trajectoire dans l'atmosphère assez
courte... Sous une telle trajectoire « rasante », le
météore aurait parcouru près d'un millier de
kilomètres à moins de 150 km d'altitude avant de
passer
à proximité de León, et ça n'est pas ce que
les témoignages suggèrent... Notamment, la mention d'une
détonation est vraiment restreinte à la région de
León. Enfin, il est extrêmement improbable qu'un objet
suive une telle trajectoire « rasante ».
Si au contraire on diminue la vitesse, on se rend compte qu'elle doit
être d'au moins 5,7 km/s pour que l'on puisse
respecter l'angle de descente montré sur la vidéo, avec
un cap à 0° (plein nord)... Mais l'angle de descente
réel est alors presque identique, égal à
55,9° : ça signifie que la trajectoire du
météore est
perpendiculaire au témoin, mais c'est cette fois en opposition
totale avec les témoignages, qui indiquent un angle de descente
assez faible.
Notons d'ailleurs qu'une telle trajectoire très inclinée
est possible à toutes les vitesses : il y a en
réalité deux possibilités pour une vitesse
donnée, qui deviennent identiques pour 5,7 km/s; par exemple
pour 20 km/s on trouve aussi une trajectoire conforme à la
vidéo avec un périgée à 3865 km du centre
de la Terre, impliquant un angle de descente de 49,4° et un cap à
16,2°... Mais c'est bien entendu à exclure dans le cas qui
nous concerne.
Nous arrivons donc à la conclusion que tout un éventail
de conditions initiales peuvent correspondre à la
vidéo... Il nous manque un élément pour choisir
celle qui convient le mieux.
Les paramètres qui varient sont le cap et l'angle de descente.
N'ayant pas d'éléments pour estimer
précisément le premier, on peut se rabattre sur le second
en se fiant à la photographie prise par Salvador Diez (
Red de Investigacion sobre Bólidos y Meteoritos) dans les
environs de León :
L'angle de descente est de 13,5°... Bien sûr, il s'agit d'un
angle apparent, qui ne correspond à l'angle réel que si
l'appareil photo était tenu bien droit et si la photo a
été prise quand le météore passait au plus
près... Sur le premier point, on ne peut qu'espérer que
le photographe est plus doué que moi, qui ai toujours quelques
problèmes pour obtenir des photographies droites ! Et sur le
second on doit aussi espérer... Il ne semble pas en tout cas que
l'objet ait dépassé de beaucoup son passage au plus
près, sans quoi le photographe aurait le soleil dans le dos et
les rochers seraient éclairés, et s'il n'a pris qu'une
photo on peut supposer qu'il a attendu que l'objet passe au plus
près... On manque
d'éléments pour apprécier la direction du soleil,
mais rien ne permet d'exclure une direction de visée à
environ 130° (le cap suivi par le météore plus
90°) pour un soleil situé à 240°, bien à
droite. Bref il semble raisonnable de penser que l'on peut se fier, au
moins grossièrement, à cet angle de descente.
Essayons donc d'obtenir cet angle avec le météore lorsqu'il passe à proximité de León.
Pour que les calculs soient précis (ça n'est pas vraiment
utile quand les données ne le sont pas, mais faisons comme
si...), nous devons connaître l'angle de descente à
proximité de León, et non à l'endroit que
survolait le météore quand il était filmé.
La distance entre le point de référence et León a
déjà été estimée d'après
l'altitude supposée... D'autre part, nous savons
déjà comment calculer les paramètres tels que
l'angle de descente d'après la distance au centre de la Terre.
Estimons donc dans un premier temps à quelle altitude passe le
météore à proximité de León,
d'après son angle de descente au point de
référence : ça sera la distance au sol
multipliée par la tangente de l'inclinaison, ajoutée
à l'altitude au point de référence.
Avec ça, on peut calculer toutes les autres valeurs, notamment
l'angle de descente précis, comme on l'a déjà fait.
Et on trouve donc un angle de descente près de León égal
à 13,4° pour une vitesse à l'infini égale
à 19 km/s, et un rayon au périgée égal
à 6199 km. Le cap est alors de 52,2 degrés.
Vitesse apparente
On peut encore chercher à savoir si la vitesse de
déplacement est compatible avec celle de la vidéo... Bien
sûr, ça ne sera qu'approximatif puisque la vitesse
d'arrivée n'est pas connue précisément (elle
dépend de la vitesse à l'infini), que la vitesse
angulaire calculée d'après la vidéo est
très imprécise, et qu'à l'altitude
considérée le freinage atmosphérique doit
être important...
Reprenons le schéma de calcul des angles sur la vidéo :
Le plus simple est de considérer uniquement le
déplacement apparent latéral parcouru entre les deux
points extrêmes (séparés par 1,4 s)... On
connaît la vitesse supposée du météore ; en
la multipliant par la durée de 1,4 seconde, on obtient la
distance parcourue ; en la multipliant par le cosinus de l'angle de
descente i, on obtient cette distance projetée sur un plan
horizontal (X sur le schéma) ; en la multipliant encore par le
sinus de l'angle a, égal à la différence entre le
cap et la direction d'observation, on obtient le déplacement
apparent latéral. Ce qui nous intéresse, c'est le
déplacement du météore en azimut, qui sera l'angle
correspondant au déplacement latéral divisé par le
cosinus de la hauteur angulaire (l'azimut correspond à la
longitude sur la sphère céleste, alors que la hauteur
correspond à la latitude ; on doit donc appliquer la même
conversion que quand on veut calculer une différence de
longitude par rapport à une distance). Nous avons donc :
DA = arc sinus (V×1,4×cosinus i ×sinus a)/d/cosinus h.
Avec les valeurs calculées, on obtient :
DA = arc sin(21,8×1,4×cosinus 13,1×sin 22,3)/51/cos 23,1 = 13,9 degrés.
À comparer avec la variation d'azimut sur la vidéo, égale à 8° :
Si l'on voulait faire correspondre les deux valeurs, il suffirait de
considérer que le météore était plus loin
de León que nous ne l'avons supposé, et augmenter
l'altitude... Mais en fait, on sait qu'il doit avoir
considérablement ralenti en raison du freinage
atmosphérique : il est difficile d'estimer ce ralentissement,
qui dépend essentiellement du volume de l'astéroïde
et de la façon dont il se réduit et se fragmente, mais on
peut estimer qu'une perte de 40% de la vitesse initiale est très
acceptable à une altitude de 20 km.
Nous conserverons donc cette altitude pour le météore lorsqu'il était filmé, puisqu'elle
s'accorde assez bien avec les témoignages...
Notons que si le freinage atmosphérique peut diminuer
considérablement la vitesse en fin de parcours, il n'a que peu
d'effet sur la trajectoire et l'angle de descente pour une distance
parcourue en quelques secondes.
Trajectoire
Venons-en justement à la trajectoire. Pour la tracer, nous avons
déjà le point de référence choisi,
correspondant au passage filmé : 42°42'N, 5°01'W.
Le point le plus intéressant est bien sûr celui de
l'impact, si impact il y a eu : il correspond au moment où la
distance de l'hyperbole au centre de la Terre est égale au rayon
terrestre, soit 6369 km dans cette région.
Nous avons déjà vu comment calculer l'angle entre le
rayon où se trouve l'objet et le périgée, il
suffit donc de recommencer avec un rayon égal au rayon terrestre
pour connaître le nouvel angle, et en faisant la
différence, on obtiendra l'angle séparant sur le globe
terrestre le point d'impact de notre point de référence.
La distance séparant ces deux points, ça sera cet angle
multiplié par la circonférence terrestre et divisé
par 360°...
On peut encore estimer la durée de ce parcours, en divisant
cette distance par la vitesse. Pour être précis, on
devrait tenir compte de la variation de vitesse et d'altitude, et
calculer en fait la surface de la portion d'hyperbole balayée
(une des lois découvertes par Kepler, et expliquées plus
tard par Newton, est que le « rayon vecteur » d'un objet en
orbite balaie des aires égales en des temps égaux).
Ça compliquerait inutilement les calculs, et on peut se
contenter d'une estimation pour une altitude qui ne varie pas beaucoup.
En l'occurrence, on trouve une distance de 88 km séparant le
point de référence du point d'impact, parcourue en 4,1 s.
Outre ce temps, ce qui nous intéresse n'est pas tellement la
distance séparant les deux points, mais de pouvoir calculer les
coordonnées géographiques du second... On se trouve
devant un problème de géographie classique, consistant
à trouver les coordonnées d'une ville d'arrivée
à partir de celles de la ville de départ, de la distance
qui les sépare et de la direction à suivre (en fait, on
est plus souvent confronté au problème inverse). C'est
encore un problème de géométrie sphérique,
on peut trouver la solution par la trigonométrie classique en
choisissant judicieusement les triangles liant les différentes
valeurs connues ou à trouver, mais c'est assez complexe (il ne
s'agit pas cette fois d'un simple problème de triangle
sphérique, puisque les écarts en longitude ne sont pas
mesurés à partir du centre de la sphère) et je
vous ai déjà imposé suffisamment (sûrement
beaucoup trop pour certains !) de calculs. Si ça vous
intéresse, vous pourrez chercher les formules à utiliser
dans les cellules concernées de la feuille de calcul.
Notez que l'on doit tenir compte pour être précis du
déplacement du sol vers l'est sous le météore,
diminuant le déplacement en longitude (et ne pas utiliser la
valeur corrigée du cap tenant déjà compte de ce
déplacement, qui n'est valable qu'à un instant
précis). Il est facile à calculer à partir de la
durée, puisque le sol parcourt 360° de longitude en 24 h.
On trouve un point d'impact estimé à
43°11'N et 4°10'W. Il sera à rechercher en
réalité un peu avant, en tenant compte du ralentissement
dû à l'atmosphère.
Un autre instant intéressant est celui où le météore est devenu visible par sa
luminosité, à une altitude que l'on peut estimer à
150 km... Il s'agit donc de refaire les mêmes calculs pour
une
distance au centre de la Terre égale au rayon terrestre plus
150 km. On trouve cette fois une distance de 480 km (dans
l'autre sens bien
sûr), parcourue en 26,6 s. Le point survolé est
à
39°58'N et 9°33'W.
On peut enfin chercher de la même manière le point
situé à proximité de la ville de León,
après avoir estimé l'altitude de passage... On trouve
42°27'N et -5°35'W, à 6,3 s de l'impact. Le temps
écoulé entre le passage au plus près de
León et le moment où le météore a
été filmé serait donc de seulement 2,2 s, en fait
un peu plus en tenant compte du freinage atmosphérique...
Le temps de visibilité total serait de l'ordre de 30 s,
exceptionnel pour un météore... Toutefois, il ne
pouvait sûrement pas être vu à une altitude de
150 km dans les régions où il faisait jour, si bien
que la
durée possible d'observation ne devait pas dépasser une
quinzaine de secondes.
Notons que ces considérations rendent un peu douteuse la
possibilité d'observation du météore depuis le
Cannet, puisque le point de rentrée dans l'atmosphère
estimé se trouve à 1430 km de cette ville et que la
distance de visibilité d'un objet à 150 km d'altitude
n'est que de 1390 km... Mais cette distance théorique doit
être un peu augmentée en tenant compte de la
réfraction atmosphérique, et l'altitude de 150 km
à laquelle j'ai supposé que le météore
devenait visible (pour un observateur situé dans la nuit) est
assez variable... Cette observation au Cannet, qui
n'est de toute façon pas attestée sérieusement,
n'est donc pas totalement incompatible avec les paramètres que
nous avons retenus, lesquels sont aussi très incertains.
Voici le tracé au sol de la trajectoire que nous obtenons :
Je rappelle que cette trajectoire n'est rien d'autre qu'un petit
exercice théorique, obtenu uniquement à partir d'une
courte séquence vidéo et une photographie... Il est
inutile de vous précipiter en Espagne pour rechercher des
météorites à l'endroit précis de l'impact !
Les astronomes espagnols qui étudient cette affaire disposent de
bien plus de données et sont certainement plus compétents
que nous pour estimer la trajectoire réelle... Nous aborderons
à la fin les indications qu'ils ont déjà données à ce sujet.
Orbite autour du Soleil
Si l'on disposait de témoignages vraiment très
précis, on pourrait non seulement reconstituer la trajectoire au
sol de ce petit astéroïde, mais aussi son orbite avant
qu'il ne rencontre notre planète... Nous allons voir comment on
fait, en sachant bien que les résultats seront très hasardeux...
Il s'agit dans un premier temps de connaître la vitesse et la
direction de l'astéroïde avant qu'il n'approche de la
Terre... Ce que nous connaissons, c'est la vitesse de la Terre sur son
orbite et la vitesse de l'astéroïde relativement à
la Terre, mais nous ne connaissons pas encore la direction d'où
provient l'objet par rapport au Soleil.
Nous avons juste supposé que cette direction se situe dans le
plan de l'écliptique, et nous connaissons sa hauteur sur
l'horizon, égale à 6,3° dans l'hypothèse
choisie (c'est l'angle « HA » de la cellule B17 sur la
feuille de calcul). Nous avons déjà vu comment calculer
l'azimut à partir de cette hauteur, il s'agit cette fois de
calculer l'angle parcouru sur l'écliptique, celui qui correspond
à « l'hypothénuse » du triangle
sphérique (en rouge) :
Nous connaissons donc les angles h et i, et il nous faut cette fois trouver d :
CE = CX×cosinus h
EX = CE×tangente h
XN = EX/sinus i = CX×sinus d.
d'où :
sinus d = CX×cosinus h ×tangente h /(CX×sinus i) = sinus h /sinus i
d = arc sinus (sinus h /sinus i) = arc sinus (sinus 6,3 /sinus 47,8) = 8,6°.
Ce que nous cherchons, c'est la distance angulaire séparant ce
point de la position du Soleil sur l'écliptique... Il suffit donc de faire la
même chose avec la position du soleil, dont nous savons par le
logiciel d'astronomie qu'il se trouve à une hauteur de 1,1°.
L'angle entre la direction du Soleil et la direction d'arrivée de l'astéroïde sera donc :
g = 8,6°-arc sinus (sinus 1,1 /sinus 47,8) = 7,1°.
Nous pouvons maintenant calculer la vitesse de l'astéroïde
sur son orbite au moment où il croise celle de la Terre,
d'après le triangle formé par les vitesses de la Terre et
de l'astéroïde et la vitesse résultante :
Nous connaissons V
T, vitesse de la Terre sur son orbite, égale à 29,8 km/s, V
R,
la vitesse relative, égale à la vitesse « à
l'infini » de la trajectoire hyperbolique, que nous avons
estimée égale à 19 km/s, et l'angle g que nous
venons de calculer, égal à 7,8°.
Il ne reste plus qu'à appliquer les formules classiques sur les triangles pour trouver le reste :
V
A = √(V
R2+V
T2-2×V
R×V
T×cosinus(g+90))
= √(19
2+29,8
2-2×19×29,8×cosinus(97,8)) = 37,3 km/s.
q = arc cosinus((V
R2+V
A2-V
T2)/(2×V
R×V
A))
= arc cosinus((19
2+37,3
2-29,8
2)/(2×19×37,3)) = 52,5°.
r = q+g = 59,6°.
C'est cet angle r, entre la direction suivie par
l'astéroïde et la direction du Soleil, qui nous sera utile
pour la suite : avec lui, la vitesse de l'astéroïde et la
distance du Soleil (égale à celle de la Terre au Soleil),
nous pouvons reconstituer entièrement l'orbite :
Quelle que soit la direction du déplacement, le grand axe d'une
orbite est toujours déterminé par la vitesse en un point
quelconque, selon la formule :
G
A = 2D/(2-(V/V
C)
2)
Ici, D est le rayon de l'orbite terrestre, 150 Gm (gigamètres,
je le rappelle), V est la vitesse de l'astéroïde,
égale à 37,3 km/s, et V
C, la vitesse de
satellisation circulaire, est bien entendu la vitesse de la Terre sur
son orbite, égale à 29,8 km/s. D'où :
G
A = 2×149,6/(2-(37,3/29,8)
2) = 686 Gm.
Sachant que le carré du temps de révolution est
proportionnel au cube du grand-axe, il est facile d'en déduire
la durée de l'orbite d'après celle de la Terre (365 jours) : on trouve 1268 jours.
Par ailleurs, une propriété des ellipses est que la somme
des distances séparant un point des deux foyers est égale
au grand-axe :
D' = G
A-D.
Une autre propriété bien connue est qu'un rayon partant
d'un foyer est réfléchi sur le second... En clair, cela
signifie que la tangente à l'ellipse, soit la direction du
déplacement de l'astéroïde, forme un angle identique
avec les droites D et D' ; et cet angle, on le connaît, c'est
l'angle r égal à 59,6°.
À partir de là, on peut trouver tous les
paramètres qui nous manquent en appliquant les relations
déjà vues concernant les triangles :
D
F = √(D
2+(G
A-D)
2-2×D×(G
A-D)×cosinus(180°-2r)) = 481 Gm.
Périhélie = (G
A-D
F)/2 = 102 Gm.
Aphélie = (G
A+D
F)/2 = 584 Gm.
s = arc cosinus((D
2+D
F2-(G
A-D)
2)/(2×D×D
F)) = 103,5°.
Cet angle s permet de connaître l'orientation du grand axe de
l'orbite par rapport aux étoiles, puisqu'on connaît
l'orientation du rayon de l'orbite terrestre... Les seuls
paramètres que nous n'avons pas déterminés
concernent l'inclinaison de l'orbite par rapport à
l'écliptique, qui n'est pas tout à fait nulle.
Voici comment se présenterait cette orbite par rapport aux planètes du système solaire :
Ça serait assez courant pour un astéroïde. Ceci dit,
je rappelle que cette orbite ne correspond sûrement pas à
la réalité, mais on peut espérer qu'elle ne s'en
éloigne pas trop !
D'autre part, vous aurez peut-être trouvé un peu abusif
que nous soyons passés sans transition d'une trajectoire
hyperbolique à proximité de la Terre à une
trajectoire elliptique autour du Soleil... Ça n'est bien
sûr qu'une approximation, assez précise si les dimensions
caractéristiques de l'orbite terrestre sont très
inférieures à celles de l'orbite solaire... En fait, si
les orbites suivies par deux corps en mouvement l'un autour de l'autre
sont des courbes faciles à exprimer mathématiquement, dès que l'on fait intervenir un
troisième corps ça n'est plus du tout le cas... Les calculs précis sont effectués
par des ordinateurs qui calculent pas à pas ce qui se passe en
tenant compte des différentes influences... On obtient ainsi une
précision extrême pourvu que les « pas » soient
réduits, mais on ne comprend pas ce qui se passe !
Considérer les courbes suivies comme une succession de courbes
simples permet de comprendre les lois de la mécanique orbitale,
par exemple « l'effet de fronde » permettant
d'accélérer une sonde spatiale sans dépenser aucun
carburant, en la faisant passer à côté d'une
planète : la sonde arrive près de cette planète
à une certaine vitesse relative, et elle la quitte, après
avoir suivi une trajectoire hyperbolique, à la même vitesse mais dans une
direction différente ; elle a donc été
déviée d'une certaine vitesse, que l'on retrouve bien
entendu sur la vitesse orbitale.
Dernières nouvelles d'Espagne
Depuis que j'ai commencé à rédiger cet article et
à essayer de me familiariser avec les trajectoires de
météores, plus d'une semaine s'est écoulée,
et les astronomes espagnols ne sont pas restés inactifs. Le 14 janvier, la
Red de Investigación Sobre Bólidos y Meteoritos (Spanish Fireball Network), qui s'est beaucoup impliquée dans cette recherche, annonçait une
« trajectoire préliminaire »
obtenue avec une équipe internationale de
chercheurs : le Dr Josep María Trigo-Rodríguez de
l'Institut de géophysique et de physique planétaire de
l'Université de Californie de Los Angeles, le Dr Jose Luis Ortiz
de l'Institut d'astrophysique d'Andalousie, le Dr Jordi Llorca Pique de
l'Université de Barcelone et de l'Institut d’Études
spéciales de Catalogne (IEEC) et le Dr José Angel Docobo
de l'Observatoire astronomique Ramon Maria Aller de l'Université
de Saint-Jacques de Compostelle. J'ai rapporté cette
trajectoire en rouge sur la mienne pour comparaision :
Le cap est pratiquement identique, la trajectoire annoncée par
ce groupe passe juste un peu plus près de León que la
mienne, à seulement quinze kilomètres au sud au lieu de
23. Par contre, son angle de descente est bien plus important, comme
on le voit à sa faible longueur et comme le confirme le texte :
« La trajectoire déduite montre le bolide arriver au sud de
la province de León, survoler cette ville à une altitude
d'environ 80 km en direction de Guardo et éclater à 30 km
d'altitude peu de temps après, au-dessus du nord de la province
de Palencia. Les fragments ont continué leur descente, restant
encore lumineux à moins de 20 km d'altitude. »
Cela supposerait un angle de descente de l'ordre de 35°. Je suis un
peu perplexe, parce que je ne vois pas comment une trajectoire aussi
inclinée pourrait s'accorder avec la vidéo tournée
à León... D'autant que le cap donné par ces
chercheurs, un peu plus incliné vers l'est que celui que je
trouve, ne fait qu'empirer les choses : avec de telles données,
la vidéo devrait montrer une trajectoire apparente presque
verticale !
Juste après avoir édité la première version
de cet article, j'ai appris par Éric Maillot que la trajectoire
estimée avait été légèrement
modifiée le 20 janvier (mais elle reste toujours
« provisoire »). Voici la nouvelle carte (vous pouvez la voir
en plus grand
sur le site de la Red de Investigación Sobre Bólidos y Meteoritos) :
Ma perplexité ne fait que s'accroître, puisqu'avec un
cap encore un peu dévié vers l'est et une distance
parcourue un peu plus courte, l'incompatibilité avec l'angle de
descente sur la vidéo ne fait que s'accroître ! Je ne
serais pas surpris que ces chercheurs donnent volontairement une
trajectoire un peu faussée afin de de ne pas attirer les curieux
et les chasseurs de météorites sur le site d'impact, pour
réserver la découverte de météorites aux
scientifiques. Ça serait « de bonne guerre »...
Ces experts annoncent aussi que le fragment d'astéroïde
a
« pénétré dans l'atmosphère terrestre
à une
vitesse de 15±5 km/s » (revue depuis à
19±3 km/s). Avec les 22 km/s que j'ai obtenus,
je serais un peu en dehors de cette fourchette. Toutefois, il est tout
à fait impossible qu'un astéroïde touche
l'atmosphère
à moins de 11,2 km/s, et très exceptionnel que ce
soit
à moins de 15... Cette mention de « 15±5 »
concernant la vitesse à l'entrée dans l'atmosphère
me paraît donc aussi très suspecte... Je suis tenté
de penser qu'elle se rapporte plutôt à la vitesse relative
« à l'infini », et elle serait alors en bon
accord (de plus en plus !) avec les 19 km/s que j'ai
estimés.
Bref j'attendrai l'annonce d'une trajectoire qui ne soit plus « préliminaire » pour me faire une opinion...
La masse estimée du bolide serait de 10 tonnes au moins,
et je suis arrivé précisément au même
chiffre avec une vague estimation personnelle (je reparlerai
bientôt de la façon de faire de telles estimations)...
C'est aussi un bon compromis entre les 50 à 100 tonnes
estimés initialement par un astronome espagnol et les quelques
centaines de kilogrammes par son confrère portugais.
Ces chercheurs annoncent aussi qu'un lien semble pouvoir être
fait avec un météore qui avait traversé le ciel de
l'Oklahoma le 3 janvier 1970, laissant des météorites
près de Lost City (un coin perdu comme son nom l'indique)... Nous verrons plus loin que c'est tout à fait exclu.
Concernant la recherche de météorites, le même site
indique qu'il est très probable compte tenu des
caractéristiques du météore que des fragments
aient atteint le sol. En outre, deux fragments supposés ont bien
été identifié comme une météorite, une « chondrite » banale
composée essentiellement de roches et de fer... La
chasse aux météorites continue donc.
Bref, cette affaire connaîtra certainement encore des
développements intéressants, et encore une fois ce sont
les témoignages qui permettent de préciser la trajectoire
ou le point d'impact... Alors, si vous avez observé le
phénomène, ou si vous connaissez quelqu'un qui l'a
observé, faites-le savoir.
Jusqu'à présent, on n'a pu calculer les orbites que de
six objets ayant laissé des météorites (le plus
connu est celui de Peekskill, qui a achevé sa course sur une
automobile, laquelle a ainsi pris beaucoup de valeur en devenant
incapable de rouler !) Il se pourrait que le météore du 4 janvier devienne le septième...
Additif (25/01/2004) :
Orbites et écliptique
Les études concernant ce météore se poursuivent,
et de mon côté je continue à parfaire mes
connaissances dans ce domaine... En bref à me rendre compte de
mes erreurs...
Depuis que j'ai mis en ligne ce texte (il y a seulement trois jours), le groupe de recherche espagnol du SPMN (
Spanish fireball network,
Red de investigación sobre bólidos y meteoritos),
à qui je l'ai communiqué,
a révisé la vitesse estimée de l'objet :
19±3 km/s au lieu des 15+-5 annoncés
précédemment... Le texte n'ayant pas été
modifié, on ignore si cette vitesse correspond cette fois
à la vitesse d'entrée dans l'atmosphère comme
c'est indiqué, ou à la vitesse « à
l'infini » comme c'était manifestement le cas avec
l'ancienne valeur. Le responsable de ce groupe et du site
Internet, le Dr Josep Maria Trigo-Rodrigez, ne semble d'ailleurs
pas désireux de clarifier les choses. Cette confusion entre
vitesse d'impact sur l'atmosphère et vitesse d'approche
« à l'infini » est par ailleurs très
fréquente (et non moins regrettable), résultant
sûrement du fait que la vitesse relative
d'approche est celle qui détermine les caractéristiques
de la trajectoire hyperbolique mais qu'il n'est pas facile d'expliquer
cette notion de « vitesse à l'infini » pour un objet
qui ne s'éloigne pas énormément de la Terre !
Alors, on la cite très souvent comme vitesse d'entrée
dans l'atmosphère, sans tenir compte de
l'accélération apportée par la Terre...
Quoi qu'il en soit, vous aurez remarqué que j'avais
moi-même trouvé 19 km/s (vitesse d'approche à l'infini) comme la plus
vraisemblable ! Et je reste par ailleurs persuadé que le groupe
du SPMN devra aussi réviser à la baisse l'angle de
descente du météore... Alors, l'ufologue français
amateur d'orbites aurait-il été plus fort que les
astronomes espagnols experts en météores qui sont sur
place ? La réponse est clairement NON, mais j'ai sûrement
eu eu beaucoup de chance.
Avec mes notions très superficielles dans ce domaine, je suis
parti de l'hypothèse qu'un grand nombre d'astéroïdes
susceptibles de heurter la Terre orbitent dans le même plan que
celle-ci, et que la direction d'où ils proviennent, leur
« radiant », serait donc généralement
très proche de l'écliptique ; et j'ai cherché
à faire « coller » au mieux la direction avec l'unique
donnée exploitable dont je disposais, la vidéo
tournée à León. Les experts espagnols, de leur
côté, cherchaient précisément et sans
a priori
la direction du radiant d'après les témoignages,
photographies et vidéos dont ils disposaient, et la
difficulté est tout autre.
Ma supposition était plausible, mais pas réellement
probable : un bon nombre d'astéroïdes suivent une orbite
très proche de l'écliptique, mais pas aussi proche que je
l'imaginais. La Terre elle-même peut d'ailleurs avoir
été responsable de la déviation de leur orbite
dans un passé plus ou moins lointain. On peut consulter les
paramètres orbitaux de tous les « PHA » (potentially
hazardous asteroids, astéroïdes potentiellement dangereux)
connus sur
un site de la NASA.
On constate qu'une bonne moitié de ces objets ont une orbite
inclinée de moins de 10° sur l'écliptique. Mais 5 ou
10 degrés, c'est tout de même beaucoup, d'autant que cela
peut modifier d'une valeur bien plus grande l'écart du radiant
sur l'écliptique.
La météorite de Lost City
C'est ce que j'ai constaté en étudiant l'orbite, une des
rares qui ait pu être reconstituée, de
l'astéroïde responsabe le la météorite de
Lost City, que le SPMN suspecte toujours d'être lié à celui qui
nous intéresse...
Cette météorite était tombé le
3 janvier 1970, pratiquement à la même date de
l'année que celle d'Espagne. Il est donc tentant de penser qu'il
s'agissait de deux objets suivant la même orbite, issus du
même « corps parent », un astéroïde plus
gros qui se serait fragmenté à la suite d'une collision.
Le cas s'est déjà présenté avec trois
bolides ayant traversé quasi-simultanément le ciel de
Bavière le 6 avril 2002, dont l'étude de la trajectoire a
permis de montrer que l'objet responsable suivait la même orbite
que celui d'où était issue la météorite
tombée à Pribram le 7 avril 1959 (la
première météorite dont on a pu reconstituer
l'orbite avant sa rencontre de la Terre). On peut lire l'histoire
détaillée de cette découverte en français
sur le site
« Le monde des météorites ».
Voici donc les paramètres de l'orbite de la météorite de Lost City :
— demi-grand axe (SMA) = 1,661 UA (rayons d'orbite terrestre) ;
— excentricité = 0,417 ;
— inclinaison = 12° ;
— noeud ascendant = 283° ;
— argument du périhélie = 161°.
Et voici comment se présente cette orbite :
On sait calculer la vitesse de l'astéroïde au point de rencontre avec l'orbite terrestre :
V
A = √(2-D/SMA)×V
C.
D est ici le rayon terrestre et V
C la vitesse de la Terre, on aura donc :
V
A = √(2-1/1,661)×29,8 = 35,2 km/s.
La rencontre avec la Terre se situe au noeud descendant,
c'est-à-dire lorsque l'objet passe sous l'écliptique. Ce
qui signifie que cette orbite coupe celle de la Terre en descendant
sous un angle de 12°.
On remarque aussi que le périhélie se situe très
près du noeud descendant (dans les paramètres, il est
à 161° du noeud ascendant, donc à 19° du noeud
descendant), si bien que dans le plan de l'écliptique, la
rencontre a lieu presque tangentiellement.
On peut donc considérer que le « triangle des
vitesses » se situe dans un plan perpendiculaire à
l'écliptique (il ne serait pas beaucoup plus difficile de faire
les calculs dans les trois dimensions, mais quand on ne cherche pas une
grande précision et qu'il est manifeste qu'on peut simplifier
autant le faire) :
On trouve alors facilement la vitesse relative :
V
R = √((V
A×sinus a)
2+(V
A×cosinus a -V
T)
2) = √(V
A2+V
T2-2×V
T×V
A×cosinus a)
= √(35,2
2+29,8
2-2×35,2×29,8×cosinus 12) = 8,7 km/s.
Et l'angle par rapport à l'horizontale :
b = arc sinus(V
A×sinus 12 /V
R) = 57,5°.
Cet angle correspond à l'écart du radiant par rapport
à l'écliptique : avec une inclinaison d'orbite de
12°, on se retrouve avec un écart de presque 60° sur la
sphère céleste ! C'est là qu'on se rend compte que
mon hypothèse était assez restrictive (ceci dit, cette
« amplification » résulte de la faible vitesse sur
l'orbite concernée, assez inhabituelle).
On peut avec ces données estimer le radiant de l'orbite du
météore de Lost City près de León : il
suffit de chercher avec un logiciel d'astronomie le point situé
à 57,5° perpendiculairement au cercle de l'écliptique
vers le nord, et à 90° de la position du Soleil.
Reporté sur la sphère céleste visible depuis les
environs de la ville, ce point se trouve à 75° de hauteur
sur l'horizon et 330° d'azimut (ça n'est qu'une
approximation, je n'ai pas cherché à faire les calculs
précis et j'espère juste ne pas m'être
trompé).
Avec un azimut au nord-ouest et une telle hauteur sur l'horizon, ce
radiant ne correspond absolument pas à celui du
météore d'Espagne...
Mais cela n'interdit pas encore la possibilité que les deux
objets aient le même corps parent : il n'est pas
impossible que l'orbite du second ait été
déviée par un passage à proximité de la
Terre, peut-être justement lorsque le premier tombait dans
l'Oklahoma en 1970... Dans ce cas, on aurait deux orbites
différentes se coupant toutes les deux au même point de
l'orbite terrestre. L'objet tombé en Espagne serait alors
passé d'une orbite à l'autre en suivant une trajectoire
hyperbolique à proximité de la Terre (c'est
précisément ce qu'on appelle l'effet de fronde)...
Il reste donc à vérifier que cette trajectoire
hyperbolique intermédiaire peut exister, et bien sûr que
son périgée ne passe pas à l'intérieur du
globe terrestre !
Nous avons vu que la direction des asymptotes d'une orbite hyperbolique
correspond au déplacement relatif de l'astéroïde sur
son orbite autour du Soleil... Notre orbite hyperbolique « de
transition » devrait avoir une de ses asymptotes dans la direction
d'approche d'une des orbites, et l'autre dans la direction
opposée à celle d'approche de l'autre orbite... Si je
n'ai pas été très clair, ce petit schéma
vous aidera à comprendre :
Et une autre nécessité est que les deux vitesses
soient
identiques. Or, nous venons de voir que la vitesse d'approche sur
l'orbite « Lost City » est de 8,7 km/s, alors que celle
du
météore d'Espagne est estimée à
19±3 km/s (ou 15±4 si la vitesse indiquée est
celle
d'entrée dans l'atmosphère ; ça serait encore
trop)... Un tel écart exclut totalement, sauf grosse erreur de
ma
part, tout lien de « parenté » entre les deux
météore.
La suite appartient aux spécialistes
Quoi qu'il en soit, on constate que ma supposition d'un radiant
situé précisément sur l'écliptique n'a
quelque valeur que pour des astéroïdes dont l'orbite ne
s'écarte pas de plus d'un ou deux degrés de
l'écliptique... Et de tels astéroïdes sont assez
nombreux comme on peut le voir sur la liste des PHE établie pas
la NASA, mais pas majoritaires. Si la trajectoire que j'ai
estimée devait se confirmer, ça ne serait donc rien de
plus qu'un coup de chance !
Ceci dit, nous avons vu que les orbites de quelques
astéroïdes seulement ont pu être reconstituées
(six avec précision, et une dizaine de plus de façon
approximative). Dans chaque cas, cela a été possible
grâce à des réseaux d'enregistrements
photographiques ou vidéo mis en place spécialement pour
cela... Les photographies de nuit sont particulièrement utiles
dans ce domaine, puisqu'elles permettent de repérer très
précisément la trajectoire du météore par
rapport aux étoiles.
Avec le météore du 4 janvier, on n'a pas cette chance,
mais la présence de la Lune sur la vidéo de León
est déjà un élément
inespéré... Les chercheurs espagnols du SPMN disposent en
outre de plusieurs photographies qui n'ont pas été
diffusés, et cherchent en combinant tout cela à
reconstituer très précisément la trajectoire.
C'est un travail de longue haleine, nécessitant des
reconstitutions précises de toutes les photographies et de la
vidéo pour en extraire des données angulaires exactes, et
ensuite beaucoup de calculs... Bref, les approximations et suppositions
diverses que je me suis permises dans mon approche toute
théorique d'initiation aux calculs orbitaux n'ont aucune place
dans une telle recherche.
Au passage, je me suis rendu compte qu'il y avait dans la vidéo
un autre moyen « d'étalonner » (approximativement
toujours) les dimensions angulaires que celui que j'ai utilisé,
et cette fois verticalement : on sait en effet que la lune, visible sur
la vidéo, se trouvait à 22,6° de l'horizontale, et la
position horizontale approximative peut être déduite de la
séquence finale, quand le vidéaste filme un spectacle au
sol. C'est la hauteur à laquelle on doit retrouver le visage (en
fait un peu plus haut, le vidéaste tenant apparemment son
caméscope au-dessus de sa tête) d'autres personnes (pas
les personnages au premier plan, qui sont sur une estrade, mais on en
voit d'autres plus loin) :
Cela me conduit à réviser légèrement
à la hausse mon estimation précédente : l'angle
que j'estimais à 30 degrés doit plutôt
représenter 33 degrés, et de ce fait ma « grille de
repérage » doit être rétrécie de 10% (ceci dit, si je
n'ai fait que dix pour cent d'erreur, se rerai très satisfait).
Ça ne change pas grand- chose, la marge d'erreur reste de toute
façon trop grande pour faire du travail vraiment sérieux
de reconstitution de trajectoire.
Les chercheurs espagnols ont de leur côté bon espoir
d'arriver à une précision suffisante pour déduire
les caractéristiques de l'orbite, ce qui serait je crois une
première pour un météore observé de jour...
On peut leur faire confiance en tout cas pour tirer le maximum des
documents dont ils disposent.
Attendons donc leurs résultats définitifs, sans nous montrer impatients...
Additif (27/01/2004)
Il y a bien eu des témoins en France
Comme je m'en doutais, le météore d'Espagne a aussi été obsevé en France. Cet article de
la Nouvelle République des Pyrénées
du 8 janvier, qui nous a été aimablement transmis par
notre correspondante Agnès, détaille deux
témoignages de la région de Lannemezan,
particulièrement intéressants car précis.
Le premier témoin dit que l'objet « venait du sud-ouest et
montait du ciel », et « traçait une hyperbole venant
vers nous et se dirigeant vers le nord-est. »
On peut le féliciter pour son appréciation d'une
trajectoire hyperbolique, mais ce qui nous interpelle c'est la mention
de « montée du ciel ». Cela confirme sûrement
que le météore descendait suivant un angle assez faible
par rapport à l'horizontale. S'il était passé de
80 à 30 km d'altitude en quelque 70 km comme l'indiquent (en
mentionnant bien toutefois qu'il s'agit d'une appréciation
provisoire) les chercheurs espagnols du SPMN, sa trajectoire apparente
aurait été continuellement et franchement descendante
pour un observateur de Lannemezan.
Notons que Lannemezan se trouve à près de 500 km de
León. Théoriquement, on peut voir à une telle
distance un objet à 19 km d'altitude. Mais la chaîne des
Pyrénées, qui se dresse à une hauteur angulaire
d'à peu près 1° dans cette direction, implique en
fait une altitude supérieure à 25 km. C'est un peu moins
que celle que nous avons estimée, le météore a
donc dû disparaître alors qu'il se situait à
proximité de cette ville. Quant à son apparition, elle
dépend surtout du moment où il est devenu visible.
Nouvelle feuille de calcul
Il reste à savoir si la trajectoire pouvait vraiment être
montante au début... Pour le savoir, j'ai créé
une nouvelle feuille de calcul,
plus étendue que la première... Ceux que la partie
théorique n'intéresse pas et qui ignorent tout des
tableurs peuvent encore
la sauter.
D'abord, puisqu'il m'est apparu que mon hypothèse de base d'un
radiant (direction d'origine sur la sphère céleste)
était sûrement très (trop) approximative, j'ai
étendu les calculs aux autres cas possibles... Autant dire
qu'avec les données très fragmentaires dont nous
disposons on pourra trouver de nombreuses trajectoires
différentes... Mais encore une fois, mon but n'est pas d'essayer
de faire mieux que les spécialistes qui s'occupent de l'affaire
sur place, mais juste de donner quelques notions sur les
méthodes que l'on peut employer.
La première variable que l'on peut modifier est le cap suivi. Le
tableur ajuste ensuite automatiquement l'angle de descente pour qu'il
corresponde à l'angle apparent sur la vidéo (que j'ai un
peu corrigé au passage : 55,5° au lieu de 56,6)...
On peut ensuite changer la vitesse théorique (le freinage par le
frottement atmosphérique n'est toujours pas pris en compte) du
météore... Il s'agit de la vitesse au niveau du point de
référence, et la vitesse à l'infini s'ajuste
automatiquement, de même que la vitesse angulaire en azimut
correspondante sur la vidéo. Il est bien sûr toujours
nécessaire que cette dernière soit supérieure
à celle qui a été mesurée, l'objet ayant
été freiné par l'atmosphère... Si ça
n'est pas le cas, on doit diminuer l'altitude du point de
référence, ce qui rapproche la trajectoire de León.
Si on veut s'amuser à essayer de reconstituer l'orbite
théorique à partir de ces données, on dispose de
la direction du radiant : azimut et hauteur sur l'horizon... Il reste
à faire le conversion en coordonnées par rapport à
l'écliptique à l'aide d'un logiciel d'astronomie,
correspondant à la direction d'arrivée du
météore « à l'infini »,
c'est-à-dire avant qu'il ne subisse de façon sensible
l'influence de la Terre.
Avec cela, il est toujours possible de déduire la vitesse de
l'objet sur son orbite, et par là de reconstituer cette orbite
complète, y compris cette fois l'inclinaison par rapport
à l'écliptique. Je n'ai pas placé les calculs
correspondants sur la feuille, parce que l'orbite ainsi calculée
n'aurait sûrement aucun rapport avec la réalité et
que dans quelques heures je pars à vélo au
Festival
Science-frontières, mais ça n'est pas beaucoup plus
compliqué que ceux que j'avais placés dans la feuille de
calcul précédente pour des calculs en deux dimensions,
sur le plan de l'écliptique.
Le principal ajout consiste en indications concernant la trajectoire de
50 en 50 km : en particulier l'altitude et les coordonnées
géographiques du point survolé...
Et surtout, le tableur calcule pour ces différentes positions la
trajectoire apparente de l'objet vu depuis un lieu particulier :
Lannemezan par défaut, ville près de la quelle se
trouvait notre témoin, mais vous pouvez changer en introduisant
les coordonnées géographiques et l'altitude du lieu de
votre choix.
On trouve ainsi l'azimut (direction d'observation), la distance de
l'objet, sa hauteur angulaire (par rapport à l'horizontale, ne
pas oublier que les Pyrénées peuvent augmenter un peu la
hauteur de l'horizon), et l'angle de descente apparent.
Ainsi, on peut savoir immédiatement si une trajectoire est
compatible avec une observation depuis un point particulier, et simuler
toutes les caractéristiques de l'observation.
On peut aussi régler ainsi les paramètres pour obtenir un
passage à la verticale d'un point géographique
particulier... Malheureusement, je ne connais pas de point dont on soit
sûr qu'il a été survolé à la
verticale, mais les enquêteurs espagnols en ont certainement
recueilli.
Conclusion concernant ce témoignage
Et on peut aussi savoir si, depuis les environs de Lannemezan, la
trajectoire a pu être montante comme notre témoin
l'indique.
La réponse est oui, mais dans des conditions très
particulières et pour tout dire douteuses : il faut que l'angle
de descente du météore soit très faible, ce que
l'on obtient en réglant le cap à un peu plus de 55°.
Mais la « montée » suit un angle extrêmement
faible, et la hauteur angulaire permet à peine de voir l'objet
au-dessus des Pyrénées. Il me semble
préférable de considérer des conditions moins
extrêmes, en remarquant que le témoin roulant sur
l'autoroute n'était pas particulièrement bien
placé pour apprécier précisément
l'horizontale.
On peut tout de même obtenir en jouant un peu sur les
différents paramètres un angle de descente faible au
début de l'observation, et qui augmente sensiblement en quelques
secondes. Notons qu'une vitesse faible tend à augmenter
l'amplitude de cette variation.
Tout cela ne change pas grand-chose à nos
précédentes estimations : je suis tenté de donner
un cap compris près de León entre 51 et 56°, un angle
de descente entre 8 et 13°, et une vitesse « à
l'infini » entre 9 et 16 km/s (un peu inférieure à
mon estimation précédente)...
Notons au sujet de la vitesse qu'il n'est pas exclu avec ces nouvelles
considérations qu'elle soit identique à celle du
météore de Lost City (8,7 km/s). Mais je suppose que
le
groupe du SPMN qui dispose de bien plus de données a de bonnes
raisons de donner une vitesse comprise entre 16 et 22 km/s (ou
entre 11 et 19 s'il parle de la vitesse d'entrée dans
l'atmosphère). Je tends
donc à privilégier de l'ordre de 16.
Le second témoignage n'apporte pas grand-chose, sinon une
indication sur la durée (4 ou 5 secondes au maximum), qui n'est
de toute façon jamais très fiable.
Un expert toujours égal à lui-même
L'article du journal mentionne aussi les commentaires d'un
« expert » français... Sans surprise, il s'agit de
l'incontournable Jean-Jacques Velasco !
Son opinion :
« Cela correspond
très probablement au phénomène observé en
Espagne et au Portugal et qui a aussi été vu à
Cestas, en Gironde ».
Encore un témoignage en France donc, et le SEPRA en a
sûrement collecté d'autres, avec son statut de service
d'expertise officiel... Ça pourrait profiter à de
véritables chercheurs qui seraient capables de les exploiter,
mais comme d'habitude le chef du SEPRA les gardera pour lui sans rien
en faire, et jouera de son influence pour empêcher les autres de
faire ce dont lui-même est incapable...
Que le météore ait été vu à Cestas
ne nous apprend rien si on n'a aucune donnée angulaire : quel
que soit le choix de la trajectoire, il est toujours bien visible
depuis Cestas, sous un angle qui passe très à l'est des
Pyrénées.
Continuons :
Mais un détail interpelle cependant l'expert :
« Si l'heure est la même,
la direction du phénomène observé dans les
Pyrénées ne me semble pas la bonne par rapport au bolide
tombé en Espagne, elle est d'ailleurs plutôt à
l'inverse. »
Le 7 janvier, quand Velasco a déclaré cela, tous ceux qui
s'intéressaient aux météores savaient que la
direction annoncée initialement dans la presse était
fausse, et correspondait à un alignement fortuit des
témoignages.
Ainsi, dès le 6 au matin, on trouvait sur la liste Meteorobs
un courrier
indiquant que la trajectoire suivait une direction nord-est.
L'information était immédiatement reprise par d'autres
listes consacrées aux météores aussi bien qu'aux
satellites ou à des sujets plus généraux, ainsi
que bon nombre de sites s'occupant de ce phénomène.
Mais le 7, notre expert national, lui, n'avait rien lu d'autre que les dépêches de presse du 5.
Et le fait que les deux témoignages cités dans le journal
(et combien d'autres qu'il avait recueillis par son statut
privilégié ?) indiquaient clairement une trajectoire
pratiquement à l'opposé de celle qu'il imaginait ne
l'émeuvait pas outre mesure :
Néanmoins, pour avoir
travaillé depuis des années sur ce type d'observations et
de témoignages, cela ne le surprend pas forcément :
« La vision stéréoscopique de l'homme permettant
d'évaluer une distance s'arrête à 40 mètres.
Au delà, si aucun élément extérieur ne
donne l'échelle de référence, on ne peut estimer
une distance et régulièrement, aussi, sur un même
phénomène de chute de météorite, on note
des écarts dans les témoignages sur les trajectoires
pouvant varier jusqu'à 180° » relève-t-il.
En quoi la vision stéréoscopique intervient-elle pour
apprécier des directions ? Bien sûr, si on recueille 500
témoignages concernant un même phénomène, il
s'en trouvera toujours deux ou trois qui donneront une direction
totalement à l'opposé de la réalité... Mais
quand les deux seuls témoins, indépendants, dont on
dispose font cette même « erreur », on peut se douter que quelque
chose cloche !
Mais il est vrai que Velasco, pour avoir « travaillé depuis
des années sur ce type d'observations et de
témoignages », trouve sûrement un grand nombre de
témoins « qui se trompent » quand lui-même
annonce dans une de ses fabuleuses « expertises » une
trajectoire totalement fausse : effectivement, le 5 novembre 1990, une
grande proportion de témoins parmi les centaines ayant
déposé à la gendarmerie disaient avoir vu un
phénomène lumineux passer de gauche à droite alors
que d'après la trajectoire de la rentrée
atmosphérique annoncée, et toujours pas démentie,
par le SEPRA ç'aurait dû être de droite à
gauche !
En bref, notre expert est toujours égal à lui-même,
et il semble donc qu'il soit toujours présenté comme
expert dans le domaine des rentrées atmosphériques,
même si on a jugé bon de ne plus l'indiquer dans
l'intitulé de l'organisme qu'il dirige.
Et moi qui ne suis pas expert mais qui dépense beaucoup de temps
pour essayer de donner des informations fiables sur les rentrées
atmosphériques et les météores, bref qui fais
bénévolement le travail pour lequel il est grassement
payé et qu'il n'a jamais fait, j'ai dû en plus lui verser
près de 4000 euros (toutes mes économies, et je lui en dois encore, il pourrait bien
mettre un terme définitif à mes activités qui le
dérangent en saisissant mon matériel informatique,
puisque c'est tout ce qui me reste) parce que j'ai osé
écrire qu'il était une nullité absolue dans le
domaine des rentrées atmosphériques ! J'ai
largement démontré
que TOUT ce qu'il avait fait dans ce domaine en dénotait la
méconnaissance la plus totale, sans la moindre
exagération, et rien de ce que j'ai écrit n'a
été démenti, mais il a réussi à me
faire condamner en s'attirant par on ne sait quels
procédés
la complicité du Procureur général
de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence... L'affaire est maintenant
en
Cassation, et semble bien partie pour être tout aussi
truquée qu'en appel...
Excusez-moi de vous avoir encore imposé une petitre diatribe contre
le SEPRA, mais si personne ne veut parler de cette affaire je risque
fort de ne bientôt plus pouvoir écrire du tout... Pour ne
pas terminer sur cette note déplaisante, je rappelle les
principaux sites sur lesquels vous pourrez trouver d'autres
informations relatives au météore du 4 janvier. De mon
côté, je ne pense pas reparler de cette affaire avant que
des résultats définitifs ne soient annoncés par
les scientifiques qui s'en occupent (et qui n'ont vraiment rien de
commun avec le « service d'expertise » français !)
Le principal est celui du
Spanish fireball network
(SPMN), qui a pris en main l'étude précise de la
trajectoire et qui en tirera sûrement des données
scientifiques passionnantes. La page consacrée à
l'événement qui nous intéresse est mise à
jour
très souvent :
Red de Investigación Sobre Bólidos y Meteoritos (SPMN) (textes en espagnol et en anglais).
Deux autres sites espagnols apportent des informations intéressantes sur cette affaire :
Sociedad de Observadores de Meteoros y Cometas de España (SOMYCE) ;
InfoAstro.
Et aussi un site allemand en anglais, qui cite tous les liens importants se rapportant à l'affaire :
Dutch Meteor Society.
Robert Alessandri
Ce texte a été lu
fois depuis le 22/01/2004