J'ai déjà signalé en relatant le
procès en
appel comment j'ai été condamné pour injures alors
que je ne pouvais être jugé que pour diffamation... Devant
la tournure que prend l'affaire en Cassation, dont je parlerai
très bientôt, il est utile de revenir en détail sur
ce brusque revirement opéré par M. Velasco pour tromper
le juge, avec le concours bienvenu du ministère public...
Pardon si tout cela est assez technique et nous éloigne
beaucoup
des ovnis comme des rentrées atmosphériques, mais
M. Velasco vient de mettre à exécution le jugement,
sans
attendre l'issue du pourvoi, en saisissant mes comptes
bancaires et d'épargne (3800 € en tout) ; et comme il manque
encore 1800 € il menace de saisir les biens qui me restent, soit
pour
l'essentiel mon ordinateur... Donc, croyez bien que ça ne
m'amuse pas vraiment
de me plonger dans les méandres glauques de la
« justice », mais si
je ne parle pas de cette affaire, je risque de ne plus pouvoir
parler de quoi que ce soit très bientôt !
Premières impressions
Dans l'assignation originale, j'étais poursuivi pour
« imputations diffamatoires et expressions injurieuses »
envers Monsieur
Velasco, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil... voyons
donc ce que dit cet article :
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute de qui il est arrivé, à le
réparer.
Et c'est tout... Un article fourre-tout au possible, qui interdirait
par exemple de dénoncer un escroc du fait que ça lui
causerait un préjudice ! La comparaison avec le « cas Velasco »
n'est guère exagérée, puisqu'un personnage qui se présente comme expert dans un
domaine particulier, et qui se fait payer sur des fonds publics pour
rendre des « expertises » dans ce domaine, alors qu'il n'y connaît
absolument rien, est bien proche d'un escroc !
Je ne voyais pas trop comment on pouvait s'appuyer sur ce simple
article de loi pour évaluer la réalité d'une
diffamation, mais la
question ne se posait pas vraiment en
première instance,
puisqu'on ne m'avait laissé aucune possibilité de me
défendre...
Les choses ont heureusement changé en Appel, où un avocat
a été désigné par l'aide juridictionnelle
pour assurer ma défense, et il a passé beaucoup de
temps sur cette affaire... Mais ses explications ne
m'éclairaient guère : l'important en matière de
diffamation,
disait-il en résumé, n'est pas de prouver ses dires mais
de montrer
que l'on est de « bonne foi »... Et je devais pour cela
montrer qu'il
était de notoriété publique que Monsieur Velasco
était un fumiste...
Cela ne me satisfaisait pas vraiment : même si
j'étais le seul à m'être rendu compte qu'il
était totalement nul dans le domaine des rentrées
atmosphériques ça n'en était pas moins vrai, et
c'était totalement aberrant alors qu'il se présentait
comme expert dans ce domaine !
Bref, nous avons fait de notre mieux pour nous entendre, mais pour moi
tout ça n'était alors pas très clair...
Flûte, on s'est trompé de loi !
Ça l'est devenu après la clôture du dossier,
lorsque le ministère public (le « Parquet », représentant
l'État dans un tribunal pénal) a recommandé un
changement important :
Il importe d'observer que l'action initialement introduite par Mr
Jean-Jacques VELASCO ne peut être envisagée sur le
fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, dans la mesure
où, applicable en l'espèce, la Loi du 29 Juillet 1881
s'analyse en un texte dérogatoire au Droit commun, tel
étant le sens, à cet égard, d'une jursisprudence
constante.
Voilà donc qu'après la clôture du dossier et
à quelques jours de l'audience, on changeait la loi par laquelle
j'étais attaqué !
Cette Loi du 29 juillet 1881 concerne la presse en
général, aussi bien pour les dispositions légales
à observer, le droit de réponse, les délits de
presse, etc. Elle contient de ce fait de nombreuses règles
spécifiques et assez contraignantes, et c'est pourquoi de plus
en plus de plaignants préféraient faire appel aux
articles fourre-tout du code civil, si bien que la Cour de cassation a
fini par interdire définitivement de telles pratiques dans son
Assemblée plénière du 12 juillet 2000 :
Les délits de presse prévus par la loi pénale
spécifique de 1881, ne peuvent être réparés
sur fondement de la responsabilité civile
C'est donc bien en fonction de la loi sur la presse que j'aurais
dû être jugé (même si la plainte datait
d'avant 2000, il y avait déjà une longue jurisprudence
sur le sujet, et des attaques parues dans une revue relevaient
clairement de cette loi sur la presse), et l'intervention du
ministère public était sur ce point tout à fait
justifiée...
Toutefois, si on se contente de dire au dernier moment qu'il suffit de
confirmer le jugement précédent en substituant simplement
la loi du 29 juillet 1881 à l'article 1382 du Code civil, on ne
voit pas pourquoi cette loi aurait été faite ! Et c'est
pourtant bien ce que le ministère public conseillait au juge :
Confirmer ledit Jugement en toutes ses dispositions, en application :
non des Articles 1382 et 1383 du code civil, mais de la Loi du 29 Juillet 1881.
Il fallait encore s'assurer que toutes les exigences de cette loi
avaient été respectées... Le ministère
public s'est contenté de le vérifier pour le délai
de prescription : une plainte concernant un délit de
presse doit être faite dans les trois mois suivant la publication du
texte attaqué... Et ensuite, toutes les réponses doivent
respecter successivement ce délai de trois mois, sous peine d'être
nulles.
Et le ministère public a donc constaté que ce
délai avait bien été respecté par
tous :
Aussi importait-il de savoir si, en première instance, la
prescription de trois mois prévue par ce texte avait
été interrompue car, dans la négative, la
procédure s'en fût trouvée viciée,
l'éventualité d'une telle irrégularité
s'analysant en un moyen d'ordre public.
Or, au fil de l'élaboration des présentes
écritures, le Ministère Public a estimé prudent de
prendre la précaution de se faire communiquer la
procédure suivie devant le Tribunal. En effet, le Jugement
présentement déféré fait état d'une
assignation délivrée le 29 Décembre 1997, puis de
conclusions additionnelles signifiées le 22 Juin 1998. Or, il
ressort du dossier de la procédure suivie devant le Juge du
premier degré qu'un acte contenant des conclusions a
été délivré à la personne de
Mr Robert ALESSANDRI le 25 Mars 1998, d'où le respect scrupuleux du
fatidique délai de trois mois, du reste respecté par
l'intimé en cause d'appel.
En fait, ce délai a été respecté souvent
à quelques jours près, comme s'il avait été
clair pour tout le monde (sauf moi !) que
c'était la loi sur la presse qui était appliquée,
même si elle n'avait pas été évoquée !
Mais cette loi ne se contente pas, loin de là, d'imposer ce
délai de prescription... Voyons quels articles concernent
la diffamation...
Attaquons, on choisira le prétexte plus tard...
Le principal est l'article 29, qui explique justement ce qu'est une diffamation,
et la distinction par rapport à une injure :
Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte
à l'honneur ou à la considération de la personne
ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
[...]
Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Il se trouve que tout au long du procès, les deux termes ont
été constamment mélangés par l'accusation.
Ainsi trouvait-on
dans l'assignation :
Monsieur ALESSANDRI a porté à l'encontre de Monsieur
VELASCO des appréciations manifestement diffamatoires et
injurieuses.
[...]
Il est constant que cet article contient des imputations diffamatoires et des expressions injurieuses.
[...]
On ne peut admettre, même dans l'hypothèse d'une
discussion polémique, que soient utilisés à
l'encontre de celui dont on ne partage pas l'opinion des termes
outrageants et des expressions diffamatoires.
Le juge ne s'était de son côté pas prononcé,
en écrivant dans
la condamnation rendue le 26 novembre 1998 :
Attendu que l'ensemble de ces écritures, par lequel Jean-Jacques
VELASCO y est décrit [...]
sans la moindre
précaution de style, comme un « fumiste », voire « un personnage
nuisible », « incompétent », « sans aucune connaissance », commettant
des « âneries » et d'une « nullité absolue », constitue
à l'évidence un dépassement outrancier et fautif,
au sens de l'article 1382 du Code Civil, des droits d'une critique
normale, objective, raisonnable et constructive.
Si les termes peuvent passer pour des injures lorsqu'ils sont ainsi
extraits de leur contexte (j'écrivais « personnage nuisible »
à la réputation du CNES, « incompétent », « sans
aucune connaissance », « nullité absolue »
dans le domaine des
rentrées atmosphériques...), un dépassement des
droits de la critique ne peut concerner qu'une diffamation, puisque les
injures ne reposent par définition sur aucune critique !
Dans les
premières conclusions de Velasco en Appel (23 juillet
1999), le terme d'injures était pour la première fois
utilisé seul :
Partant, il postule à l'admissibilité des termes
développés dans les articles incriminés à
l'encontre de Monsieur VELASCO, et à la justification de ses
injures.
Ainsi Monsieur VELASCO décrit par Monsieur ALESSANDRI comme « un
fumiste », un « personnage nuisible », « incompétent », « sans
connaissance », « commettant des âneries » et d'une « nullité
absolue », le tribunal a constaté que cela constituait un
dépassement outrancier et fautif de droits de la critique qui
doit rester normale, objective, raisonnable et constructive.
Mais on voit qu'il s'agissait de récupérer les mots
extraits de leur contexte tels qu'ils avaient été
exposés dans le premier jugement...
Dans les
deuxièmes conclusions
en Appel (2 août 1999),
beaucoup plus complètes, les mentions d'injures et de
diffamation étaient à nouveau associés, avec une
prédominance du second :
Il n'est pas contesté à Mr ALESSANDRI le droit de
critiquer les conclusions du SEPRA, même si ces critiques sont
sans fondement et scientifiquement erronées, mais à la
condition qu'elles s'inscrivent, comme l'a retenu le Jugement dont
appel, dans une critique normale, objective, raisonnable et
constructive.
À partir du moment où l'auteur de ces critiques sort de
ces limites pour injurier et diffamer une personne
dénommée, il ne défend plus normalement,
objectivement, raisonnablement et de façon constructive la
thèse qu'il soutient.
Le concluant dénie à Mr ALESSANDRI la possibilité
de contester sa compétence professionnelle, alors qu'il
bénéficie de la confiance de son employeur, le CENTRE
NATIONAL D'ÉTUDES SPATIALES, et de la communauté des
ingénieurs et professionnels avec lesquels il travaille.
En donnant connaissance au concluant de cette lettre, le CNES
confirmait au concluant qu'il partageait entièrement son
sentiment quant au caractère outrancier et diffamatoire des
allégations figurant dans cet article (lettre du 18 JANVIER
1998).
M. Velasco a ensuite régulièrement versé de
nouvelles « conclusions » au dossier (29 octobre 1999, 6 janvier,
24 mars, 16 juin, 11 septembre, 25 octobre 2000), mais je n'en ai pas eu
connaissance : mon avocat m'a simplement dit qu'il se contentait de reprendre
les termes des conclusions précédentes en augmentant à chaque fois le dédommagement demandé,
ceci pour essayer d'accélérer la procédure...
De mon côté, puisque la plupart des phrases qui
m'étaient reprochées se rapportaient à la
compétence professionnelle de M. Velasco dans un domaine
technique précis dont il se prétendait expert, j'ai
toujours pensé être poursuivi pour diffamation, le terme
d'injures ayant été rajouté pour faire bonne
mesure... Et il me semblait que c'était bien ce que pensait
aussi Velasco, en me « déniant la possibilité de
contester
sa compétence professionnelle » et en prétendant que
mes critiques étaient « sans fondement et scientifiquement
erronées ».
L'utilité de la distinction
La distinction entre injure et diffamation n'est pas anecdotique, elle
est tout à fait essentielle au regard de la loi :
Puisqu'une injure est une invective ne reposant sur aucun fait
précis, il n'est pas question d'examiner l'argumentation : une
injure, c'est quelque chose qui n'est pas argumenté, et la seule
excuse que l'on peut invoquer est d'avoir été
provoqué !
Par contre, une diffamation est une allégation appuyée
sur des faits précis, lesquels doivent donc être
étudiés.
Si les faits allégués sont prouvés, il n'y a pas
de problème, il n'y a pas de diffamation (sauf s'il s'agit de
faits portant sur la vie privée ou bénéficiant
d'une prescription, rien qui concerne la
présente affaire). Donc, dire que M. Velasco est une
« nullité absolue dans le domaine des rentrées
atmosphériques » n'est pas une diffamation si j'apporte la preuve
que c'est vrai. Et des preuves, il en figurait un bon nombre dans mon
article, et j'en avais bien d'autres en réserve... Vous pouvez
en trouver la liste exhaustive dans mon texte
« Quinze ans d'âneries sur les rentrées atmosphériques ».
Bien sûr, il fallait encore que des personnes compétentes
puissent attester que mes critiques étaient justifiées,
et que M. Velasco avait accumulé à chaque occasion les
erreurs grossières portant sur les connaissances les plus
élémentaires en matière de rentrées
atmosphériques... Sans un tel soutien, Velasco pouvait jouer
d'un argument d'autorité et de la confiance que lui
témoignait le CNES... Et on a vu qu'il n'a pas manqué de
le faire ! C'est pour trouver de tels appuis que j'avais rédigé et
diffusé un
« Appel aux scientifiques n'ayant pas peur de dire ce
qu'ils pensent »... Et c'est
parce que je les ai trouvés que Velasco s'est vu
obligé d'utiliser d'autres formes de tromperie et de s'attirer
la complicité du ministère public,
comme nous allons le voir.
Un problème se pose toutefois, c'est que ces preuves doivent
être apportées dans les dix jours suivant l'assignation...
Ce qui m'était tout à fait impossible puisque, outre
le fait qu'il n'est nullement question de cela dans l'article 1382 du
Code civil par lequel j'étais poursuivi, il m'était
interdit d'apporter quoi que ce soit en
première
instance : je n'avais pas les moyens de payer un avocat, l'aide
juridictionnelle m'était refusée sous de mauvais
prétextes, et le juge m'expliquait que je ne pouvais pas me
défendre sans avocat, et que même si je lui apportais des
documents il n'aurait pas le droit de les examiner !
Voilà qui posait un premier problème au regard de
l'application de la loi du 29 juillet 1881 au lieu de l'article 1382 du
Code civil...
Un second moyen de défense, qui a été choisi par
mon avocat en Appel, est de prouver sa « bonne foi ».
En matière juridique, cela signifie :
—
que l'on croyait sincèrement à la réalité
des faits (la question ne se pose pas puisque les faits
sont réels : M. Velasco s'est présenté pendant
douze ans comme expert dans un domaine auquel il ne connaît
strictement rien) ;
—
que l'on a fait preuve de prudence (c'était mon cas, je
n'aurais jamais écrit que M. Velasco était une
nullité, au sens littéral du terme, dans le domaine des rentrées
atmosphériques si je n'avais pas été absolument
certain que ce fut le cas et si je ne l'avais pas
démontré de façon incontestable) ;
—
que l'on n'agissait pas par animosité personnelle
(c'était bien le cas lorsque j'écrivais cet article...
Depuis les choses ont un peu changé mais en cas de nouveau
procès portant sur ce que j'ai écrit depuis je plaiderai
la provocation !)
—
que l'on poursuivait un but légitime
(Velasco a abusé
le public pendant douze ans — neuf à l'époque de
l'article — sur ses compétences d'expert en rentrées
atmosphériques au sein d'un service public, et il s'est servi de
ses erreurs pour discréditer les chercheurs privés tels
que moi-même... La dénonciation de cela, en termes
suffisamment forts pour attirer l'attention dans une revue à
faible tirage, était
indiscutablement un but légitime ; je cite le Dalloz :
L'extrême
vivacité du ton ou des inexactitudes [pour ma part, je ne me permettrais aucune inexactitude en écrivant que quelqu'un est totalement incompétent]
n'empêchent pas
l'admission de la bonne foi si l'intérêt social de
l'information emporte la conviction du juge).
Il est inutile d'insister sur l'argumentation puisque nous allons voir
que le juge
a trouvé un moyen de ne pas examiner les preuves de ma bonne
foi, directement inspiré par... la
mauvaise foi de Velasco et du ministère public...
Le fait est que tout au long de « l'affaire », j'ai toujours
été persuadé, à juste titre, que
j'étais poursuivi pour diffamation.
Première injure objective de l'histoire
Et voilà qu'après la clôture du dossier, le
ministère public remettait tout en cause en estimant
que je devais être jugé pour injures :
En effet, il convient d'observer qu'une critique, fût-elle
objective, doit s'exprimer en des termes pondérés, ce qui
n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, exprimés à
mots non couverts, les propos tenus par Mr Robert ALESSANDRI dans
l'article de presse présentement déféré
à la COUR et dont il fut l'auteur s'analysent à tout le
moins à une injure publique génératrice d'un
préjudice [...]
Voilà que le ministère public invente une
nouveauté en droit : l'injure reposant sur une critique
objective !
Et il justifiait cette hérésie par le fait que je me
retranche derrière
des considérations purement terminologiques en
considérant que les mots « fumiste » et « incompétent »
figurent au dictionnaire.
Cela, c'est totalement mensonger, ni moi ni mon avocat n'avons jamais rien écrit de tel : j'ai
démontré de façon parfaitement argumentée
que M. Velasco est totalement incompétent dans le domaine des
rentrées atmosphériques, et j'estime que le terme de
« fumiste », tel que le définissent les dictionnaires
ou quelle que
soit l'acception qu'on puisse lui donner, n'est nullement excessif pour
quelqu'un qui se présente pendant douze ans dans tous les
médias comme expert dans un domaine auquel il ne connaît
strictement rien...
C'est le ministère public qui ignore totalement la loi en
considérant que le terme « incompétent » dans un domaine
particulier, lorsqu'il est appuyé par des faits précis,
peut être considéré comme une injure !
Et il ignore encore, ou feint d'ignorer, l'article 53 de cette
même loi du 29 juillet 1881, qui est LE PLUS COMMENTÉ EN MATIERE
DE DIFFAMATION OU D'INJURE :
La citation précisera et qualifiera le fait incriminé,
elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
En citant la
jurisprudence concernant cet article, le Dalloz sur la communication est on ne peut plus clair
sur son utilité :
Dans l'intérêt de la défense, l'objet de la
poursuite et les points sur lesquels le prévenu aura à se
défendre doivent être définitivement
déterminés par la citation ; le prévenu ne doit
avoir aucune incertitude sur les faits qui servent de base à la
poursuite, sur la signification qui leur a été
donnée...
L'article 53 de la loi de 1881 interdit de retenir un même fait
sous des qualifications distinctes ; doit être annulée la
citation qui vise à deux reprises un fait unique sous la double
qualification d'injure et de diffamation, ce qui n'a pu qu'induire en
erreur les prévenus sur l'objet exact de la prévention et
ne les a pas mis en mesure d'assurer efficacement leur défense.
Et on peut citer aussi le rapport de la Cour de Cassation de 1999
(Chapitre VIII,
l'Évolution récente de la jurisprudence
en matière de presse, visible
sur Internet) :
L'article 53 soumet l'assignation civile, comme la citation directe,
à des conditions de forme qui, aux termes du troisième
alinéa de ce texte, sont imposées à peine de
nullité. Les unes ont trait au contenu de l'acte, les autres
à sa mise en oeuvre.
[...]
La qualification est la dénomination légale
attribuée aux faits. C'est elle qui motive le contrôle de
la Cour de cassation sur le sens et la portée des propos
incriminés.
Elle doit être précise devant la juridiction civile comme
devant la juridiction pénale. La qualification d'un fait unique
doit être elle-même unique. La loi prohibe les
qualifications alternatives ou cumulatives. La règle a
été très souvent rappelée à propos
des qualifications de diffamation ou d'injures, par la
Chambre criminelle (Crim. 3 avril 1957, Bull. n° 318, 9 mars
1965, Bull. n° 70, 2 mai 1972, Bull. n° 149, 7 mai 1975,
Bull. n° 119, 3 juin 1982, Bull. n° 142, 19 mai 1987, Bull.
n° 205, 16 janvier 1990, Bull. n° 26).
Comment donc le ministère public pouvait-il ignorer cette
« règle très souvent rappelée »
concernant précisément la distinction entre diffamation
et injure ?
Je cite à nouveau le Dalloz :
Lorsqu'une imputation diffamatoire contient une expression injurieuse,
l'injure est absorbée, et seule la diffamation est poursuivie.
Les motifs du revirement
Il est donc évident que le ministère public, qui a
attendu d'être à moins d'une semaine de l'audience pour
déposer ses conclusions, a
volontairement cherché à tromper le juge sur l'objet de
la poursuite... Et M. Velasco faisait
exactement la même chose, en répondant le 15 novembre 2000
(lui aussi au tout dernier moment, à quatre jours de la
clôture du dossier) à une sommation interpellative :
Je n'entends pas apporter de réponse précise aux
questions posées. Elles ne sont pas liées à
l'action pour injure que j'ai engagée.
Les questions qui lui étaient posées portaient pourtant
précisément sur ses compétences professionnelles
en matière de rentrées atmosphériques, et
étaient donc tout à fait liées à l'action
pour
diffamation qu'il avait engagée du fait que j'avais
écrit qu'il était une nullité absolue dans ce
domaine !
Mais cette sommation n'a jamais été versée au
dossier, puisque l'huissier toulousain qui l'a exécutée,
excédé par les difficultés qu'il avait
rencontrées pour trouver Velasco (lequel s'est caché jusqu'au dernier moment), voulait être payé
plus que par l'aide juridictionnelle... Le ministère public ne
pouvait donc normalement pas en avoir connaissance, et de son
côté Velasco n'était pas censé savoir
lorsqu'il faisait cette réponse que le ministère public
allait, dans ses conclusions qui seraient versées au dossier un mois plus tard, qualifier les termes qui
m'étaient reprochés d'injures...
Il y a donc eu manifestement une entente frauduleuse entre le
ministère public et l'accusation, et j'en ai eu la preuve au cours
du pourvoi en cassation : l'avocat de M. Velasco
écrit en effet dans son mémoire (ce qu'on appelle
« conclusions » en première instance et en appel,
ça s'appelle un « mémoire » en cassation) que
les conclusions du
ministère public ont été « notifiées
aux
parties le 12 décembre 2000 ». En réalité, si
elles
sont datées du 12 décembre, elles ont été
déposées au dossier le 13 décembre, comme
l'indique le juge d'appel, et mon avocat ne les a reçues que le
14 décembre comme vous pouvez le constater (et pour une audience
prévue le 19 décembre, deux jours d'écart
ça n'est pas négligeable !) :
Il semble donc que le Parquet d'Aix-en-Provence ait
transmis ses conclusions à l'avocat de M. Velasco, à
Toulouse, avant même de les verser au dossier du juge à
Aix-en-Provence ! Mais bien sûr, qu'il y ait eu une telle collusion entre le
ministère public et l'accusation, tout le monde s'en fout, ou en tout cas personne ne veut en parler...
Un juge aveugle ou complice...
Le fait est que la manoeuvre a bien réussi, puisque bien que
mon avocat maître Rancan ait lors de l'audience attiré
l'attention du juge sur l'irrégularité totale de cette
requalification des diffamations en injures, ce dernier a suivi
aveuglément
dans son jugement
les recommandations du ministère public :
Attendu que les dix phrases citées textuellement dans
l'assignation comportant des termes estimés injurieux,
qualifiés comme tels par le premier juge, n'autorisent pas le
plaignant à fonder sa demande sur l'article 1382 du Code Civil,
mais plus exactement sur la loi du 29 Juillet 1881, les abus de la
liberté d'expression prévus et réprimés par
ce texte particulier ne pouvant être réparés sur
les textes de droit commun de la responsabilité
délictuelle ;
Attendu qu'il incombe au juge de restituer leur exacte qualification
aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée ;
Attendu que le caractère parfaitement injurieux, non
sérieusement contesté par Robert ALESSANDRI, d'ailleurs,
a été admis par le premier juge selon des motifs
pertinents que la Cour adopte expressément ;
Attendu que la mauvaise foi étant présumée, dans
la diffamation comme dans l'injure, la seule cause d'exonération
n'est pas la bonne foi, réservée à la seule
diffamation, mais l'excuse de provocation, qui n'est ni
démontrée, ni seulement alléguée,
l'indignation proclamée face à l'hérésie
d'une thèse adverse dans le cadre d'une polémique
scientifique touchant un sujet marginal rattrapé par
l'ésotérisme ne pouvant manifestement être
assimilé à une atteinte personnelle de nature à
justifier une telle riposte ;
Je cite encore le Dalloz, au sujet de cet article 53 très
important que le ministère public aussi bien que le juge ont
trouvé bien pratique d'ignorer :
Les juges du fond n'ont pas le
pouvoir de substituer une qualification empruntée à la
loi de 1881 à celle de droit commun adoptée par la partie
poursuivante.
(Les « juges du fond », ce sont les juges de
première instance et d'appel, par opposition à ceux de la
Cour de cassation).
L'illégalité est donc flagrante, mais je ne verrais rien
à redire si le premier juge avait réellement
qualifié les termes
de mon article d'injurieux, n'ayant jamais eu la volonté de
faire annuler le jugement sur des questions de procédure... Mais
il s'agit d'un mensonge éhonté, le premier juge n'ayant
jamais
parlé d'injures... Et le juge Lambray, responsable de ce
jugement grotesquement contraire à la loi, a le
culot de remarquer que j'ai usé d'une défense concernant
la diffamation et non l'injure, après avoir lui-même
transformé par surprise et sans aucune justification
l'accusation de diffamation en accusation d'injure !
Et pour couronner le tout, il en arrive par ce tour de magie à
considérer la lettre de soutien d'un astrophysicien
réputé « ancien professeur au collège de France »,
attestant que mes critiques étaient « judicieuses et bien argumentées », comme un
élément jouant en ma défaveur, alors que la lettre de soutien
du CNES pour son protégé Velasco joue en ma faveur ! L'absurdité
à laquelle conduit cette « requalification » de supposées
diffamations en prétendues injures montre à quel point
elle est indéfendable... Les lois sont bien faites, lorsque les juges les respectent !
Les dix phrases dites injurieuses
Examinons tout de même l'ensemble des phrases qui
m'étaient reprochées
dans l'assignation (le jugement doit
se limiter à ces phrases-là, comme l'oblige encore
l'article 53), pour voir si elles devaient objectivement être
considérées comme de possibles diffamations ou des
injures :
1)
pourquoi les ufologues... « ont-ils préféré
discuter uniquement des affirmations du directeur du SEPRA, ce
scientifique de dernier sous-sol dont tout le monde sait qu'il n'a
qu'une fonction de relations publiques ? »
Certes, le terme de « scientifique de dernier sous-sol »
pourrait avoir
une connotation injurieuse... pour un scientifique ! Mais Monsieur
Velasco est un véritable imposteur en se présentant comme
tel, en faisant croire notamment qu'il est titulaire d'un diplôme
d'ingénieur... d'une école qui n'existe pas ! Il est
seulement titulaire d'un diplôme de technicien supérieur
en optique, son
statut d'ingénieur lui a été donné à
titre de promotion interne au CNES pour une « thèse »
à
laquelle il n'a jamais fait la moindre référence, comme
s'il avait peur de la montrer et même d'en indiquer seulement le
sujet (on ne sait donc même pas dans quelle
spécialité il est censé être
ingénieur !), il n'a jamais écrit le moindre article
scientifique, et comme le dit très bien Pierre Neirinck
« ne pas
reconnaître ses erreurs n'est pas le fait d'un
scientifique »...
Bref, M. Velasco n'a ni les diplômes, ni les publications, ni
l'esprit d'un scientifique : je l'honorais en écrivant qu'il
était « un scientifique de
dernier sous-sol », puisqu'il n'est pas un scientifique du tout !
Et pour ce qui est de sa « fonction de
relations publiques », c'est lui-même qui a
déclaré consacrer un tiers de son temps de travail
à des « interventions publiques et
médiatiques » !
2)
« que les contradictions du SEPRA s'expliquent simplement par
l'incompétence totale de son directeur en la matière
(voir encadré)... »
La matière en question était toujours celle des
rentrées atmosphériques, et les quatorze pages de
l'article montraient bien de façon parfaitement
argumentée que M. Velasco avait commis des erreurs
grossières concernant TOUTES les notions les plus
élémentaires dans ce domaine précis... Dans ces
conditions, accuser Velasco d'incompétence dans ce domaine
particulier est l'archétype même d'une possible
diffamation (si mes arguments n'avaient pas été
fondés), à l'opposé de l'injure !
3)
« Quand le CNES emploie des fumistes »
C'était le titre d'un encadré dont le texte ne
laissait
aucun doute sur le fait que j'employais ce mot pour désigner
quelqu'un qui, en étant totalement incompétent dans un
domaine précis, se présentait
depuis des années comme expert d'envergure internationale
précisément dans ce domaine... Dans ces conditions,
même si l'on veut donner au terme de « fumiste » une
acception plus « lourde » que celle que lui donnent les
dictionnaires de « personne peu
sérieuse, sur qui l'on ne peut compter », il ne s'agit
certainement pas d'une injure...
4)
« ... Et lorsque cet expert s'est empêtré dans
d'invraisemblables contradictions, imprécisions et silences, nos
ufologues, mal informés sur des phénomènes peu
courants qui n'intéressent pas grand-monde, ont naturellement
pensé que ce porte-parole de la science officielle mentait pour
cacher une réalité dérangeante. »
Un commentaire particulier est à faire sur cette phrase... Si
Monsieur Velasco pouvait me reprocher quelque chose, ça serait
d'avoir écrit qu'il « s'est empêtré dans
d'invraisemblables contradictions, imprécisions et silences », ce
qui ne pouvait bien évidemment être jugé que pour
diffamation puisque tout cela été appuyé par des
faits précis...
Mais dans ses première conclusions en appel, Velasco reprenait seulement :
« ce porte-parole de la science officielle mentait pour cacher une réalité dérangeante ».
Et dans les deuxièmes conclusions, la phrase complète de
l'assignation était reprise, mais la mention
« que ce
porte-parole de la science officielle mentait » était
soulignée...
Or, on voit que replacée dans le contexte, ça n'est pas
moi qui disait que « ce porte-parole de la science officielle mentait
pour cacher une réalité dérangeante », mais « des
ufologues mal informés » (et M. Velasco lui-même mentionne
qu'un certain Franck Marie n'hésitait pas à distribuer
à l'entrée de ses propres conférences des tracts
portant en titre
Le CNES a menti au public !)... Alors,
évidemment, rien dans ma défense ne portait sur le fait
que Velasco aurait menti, puisque précisément j'avais
écrit tout le contraire ! Et donc, si vraiment j'avais
traité Velasco de menteur, ç'aurait bien pu être
considéré dans le cadre de cet article comme une injure,
puisque ça n'était appuyé sur aucun fait
précis...
Il est en tout cas manifeste que Velasco, en soulignant dans cette
phrase la partie que je réfutais, a voulu sciemment tromper le
juge sur les motifs de la poursuite.
5)
« Comment auraient-ils pu se douter que le directeur du Service
d'expertise des phénomènes de rentrées
atmosphériques était une nullité absolue en
matière... de rentrées atmosphériques ? ... »
C'est sans doute ce que j'ai écrit de pire, mais je maintiens
que M. Velasco n'avait en 1997 pas le moindre soupçon de
connaissance dans le domaine des rentrées atmosphériques,
et qu'il est donc sans doute le seul « expert » officiel ayant jamais
existé pour qui le terme de « nullité absolue » dans son
domaine n'est pas une exagération ! Je n'ai d'ailleurs pas
cessé de répéter que si l'on pouvait me montrer
qu'il a fait preuve d'un simple début de connaissance dans ce
domaine technique très précis en une seule occasion
pendant ses neuf ans « d'expertises », je reconnaîtrai avoir
usé d'un terme outrancier et cesserai de contester le
jugement... Je le répète depuis 1998, et personne , surtout pas lui-même, n'a
relevé le « défi »...
6)
« ... Que s'il ne répondait pas aux question que lui posaient
les ufologues et les témoins, c'était parce qu'il
ignorait totalement les réponses ? ... »
Cela aussi, c'était parfaitement argumenté... Vous pouvez
d'ailleurs vous reporter à ma
« lettre ouverte » pour constater
que treize ans après avoir commis son « expertise » du
phénomène dont mon article traitait (la seule
rentrée atmosphérique qui ait jamais fait l'objet de sa
part d'un peu plus qu'une simple recopie de l'identification par la
NASA dans un entrefilet de presse), il refuse toujours de
répondre aux question précises portant sur ses
déclarations.
Notons que dans les deuxièmes conclusions, la partie
« parce
qu'il ignorait totalement les réponses » est soulignée,
comme s'il s'agissait d'une assertion arbitraire (donc une
injure).
7)
« Cette profonde incompétence, Velasco n'a guère
chercher à la corriger dans les années qui ont suivi... »
Il s'agissait bien sûr toujours clairement dans le contexte d'une
incompétence dans le domaine précis des rentrées
atmosphériques, et le fait qu'il ait continué à
faire preuve d'incompétence après cette rentrée de
1990 était encore appuyé sur des exemples précis.
8)
« ... mais le CNES devrait réfléchir aux
conséquences que pourrait avoir l'incompétence de son
représentant... »
Le CNES présente donc pendant des années comme expert,
dans un domaine touchant à la sûreté nationale et
à la protection du public, quelqu'un qui n'a pas la
moindre connaissance dans ce domaine précis et accumule les
pires erreurs qu'on puisse imaginer... Et il serait insultant de dire que cela pourrait avoir des conséquences
fâcheuses ?
9)
« Jean-Jacques Velasco n'a aucune compétence dans le domaine
des rentrées atmosphériques, et visiblement aucune
connaissance non plus... »
Notons que dans les premières conclusions, il était
écrit :
« Jean-Jacques VELASCO n'a aucune compétence et
visiblement aucune connaissance non plus », la partie
dans le domaine
des rentrées atmosphériques ayant été
occultée, toujours dans l'intention évidente de tromper le juge.
10)
« On en vient à se demander comment le CNES peut
tolérer qu'un personnage aussi nuisible à sa
réputation reste à la tête d'un de ses services...
En fait, il est clair que le CNES n'a que faire des ovnis et du SEPRA,
et a nommé à sa tête le premier venu qui n'aurait
aucune utilité à un autre poste... »
Là encore, dire que Velasco, qui a accumulé les pires sottises
dans le domaine pour lequel le CNES l'a longtemps
présenté comme expert au niveau national, ait
été nuisible à la réputation du CNES,
ça n'a rien d'une injure, c'est un truisme ! Le terme
« premier venu
qui n'aurait aucune utilité à un autre poste »
est
peut-être un peu excessif, c'est la seule chose que je veux bien
concéder dans tout ce qui m'est reproché... Je ne doute
pas que Velasco ait fait correctement son travail de technicien
supérieur en optique avant de rejoindre le GEPAN puis le SEPRA
(il a notamment participé au système optique des
satellites Spot)... Mais il n'avait plus rien fait pouvant concerner de
près ou de loin la fabrication des satellites (et en ce qui
concerne leurs orbites, on constate qu'il n'a jamais fait l'effort
d'acquérir un minimum de connaissance dans ce domaine) depuis
qu'il était au GEPAN, dont il avait été
nommé directeur en 1983... Je ne vois pas très bien
à quel poste on aurait pu l'affecter si le GEPAN avait disparu !
Quoi qu'il en soit, il n'y avait rien dans cette phrase qui puisse
être considéré comme un terme injurieux.
11)
« ... se fiant sans doute aux âneries du directeur du SEPRA... »
Il y avait dans l'article une longue énumération, non
exhaustive, des âneries en question, et je ne vois vraiment pas
quel autre terme moins « injurieux » on pourrait employer tout en donnant
une idée objective de la situation !
Je reconnais m'être trompé !
Bref, il n'y a rien dans tout cela qui puisse raisonnablement
être considéré comme des injures... Ce qui s'en
approcherait le plus serait l'affirmation non argumentée que
Velasco « mentait pour cacher une vérité
dérangeante », phrase... que Velaso m'attribuait
mensongèrement !
Ainsi, il semble que j'aie été condamné
essentiellement pour avoir écrit qu'on avait tort de
considérer Velasco comme un menteur... Je reconnais donc mon
erreur à ce sujet : M. Velasco a fait preuve dans le domaine du
mensonge et de la mauvaise foi d'un talent digne d'un professionnel, et
je lui présente toutes mes excuses si j'ai pu en douter ! Et je
suis sûr que cette qualité rare pourrait lui assurer une
brillante carrière politique...
Robert Alessandri
Ce texte a été lu
fois depuis le 15/11/2003