Documentaire TV :
La mystérieuse nuit des OVNI
(20/03/2015)
Vous pouvez traduire ce texte dans la langue de votre choix :
La chaîne TV Numéro 23 a diffusé dans sa série « les Dossiers du surnaturel » un
reportage sur la vague d'ovnis du 5 novembre 1990. Ça n'est certes pas le premier et le cas date un peu, mais celui-ci est vraiment
spécial : pour la première fois à la télévision, on explique en détail le phénomène de
rentrée atmosphérique qui est à l'origine, au moins en grande partie, de cette déferlante d'observations. Avant cela, vous
ne pouviez guère trouver des informations correctes à ce sujet que sur un site internet dont les fanatiques de soucoupes volantes
évitaient soigneusement de parler (sans se priver toutefois d'y piquer les informations qui les intéressaient) : le
nôtre !
Mieux, après 25 ans, le service « officiel » d'étude des ovnis et à l'époque justement des
rentrées atmosphériques, dépendant du prestigieux Cnes, reconnaît ses erreurs passées, notamment sur la trajectoire du
phénomène... Tout arrive !
Mais bien sûr, une place est laissée au doute et aux problèmes posés par quelques observations anormales.
Alors, que vous soyez sceptique ou croyant, ce reportage est à voir absolument... Si vous l'avez raté, les rediffusions sont
fréquentes.
Et puisque cette vague nous a beaucoup intéressés et que ce documentaire exceptionnel recoupe beaucoup de sujets que nous avons
abordés ici, nous allons le commenter en détail, et le compléter...
À noter que je suis remercié à la fin, ayant fourni quelques renseignements utiles... J'aurais pu y participer plus activement, les
réalisateurs étaient demandeurs, et si ça n'est pas le cas c'est entièrement ma faute. J'ai négligé de
répondre à leurs courriers, d'une part parce que j'avais d'autres occupations en tête, mais aussi parce que je ne croyais pas
beaucoup à l'intérêt ni à l'objectivité d'un nouveau documentaire sur cette vague... Par principe et expérience
je me méfie de la télévision, et je préfère de loin les écrits ! Mais en voyant le résultat, je me
dis que pour une fois j'ai eu tort.
Mise à jour (15/05/2021)
Petite mise à jour pour signaler le décès de Pierre Neirinck,
passionné de satellites qui a été le premier à identifier le phénomène et qui est interviewé dans ce
reportage, apporter quelques précisions sur la nouvelle erreur de trajectoire du Geipan concernant cette
rentrée atmosphérique, et revenir sur l'observation de Cyrille Tavenard sur laquelle le reportage se termine,
et qui s'est fendu d'un droit de réponse... C'est tout, à part quelques petites corrections du texte.
Les journalistes ont d'abord cherché des témoignages, à la fois dans la presse et dans les archives du Geipan (Groupe d'étude
et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, qui a succédé au sein du Centre national
d'études spatiales au Sepra, Service d'expertise des phénomènes de rentrées atmosphériques, lequel était
censé s'occuper de ces phénomènes à l'époque des faits).
Certains des témoins sont déjà bien connus de tous ceux qui se sont intéressés à cette folle nuit, d'autres non,
mais tous ont été marqués par leur observation : il y a le gendarme Lombard, le Pilote Christian Loiseau, le directeur
d'école Pierre Boisdé... Jacky Davézé, témoin à Villavard que l'on a déjà vu plusieurs fois, est
aussi présent, mais pour une fois on ne cherche pas à associer son témoignage à un autre, très différent, pour
en faire une magnifique chimère ! Lui et son collègue avaient en effet observé un immense objet porteur de multiples
lumières et de traînées qui avait traversé le ciel en silence, et non loin de là un agriculteur avait vu un objet
très différent, moins spectaculaire, porteur de lumières clignotantes ou non, dont on ne savait pas s'il faisait du bruit, et qui
après avoir survolé le témoin était allé contourner un relais de télévision avant de revenir vers lui et
de partir... Des ufologues persuadés qu'une armada d'ovnis avait déferlé sur la France ce soir-là avaient donc mixé les
deux observations, pour obtenir un ovni immense et silencieux, en forme de boomerang, et qui avait suivi une trajectoire... de boomerang ! Plus
d'informations ici.
Tout ça est fait sérieusement, les journalistes se sont déplacés non seulement pour rencontrer les témoins mais aussi
pour aller avec eux sur les lieux de leur observation... On a d'ailleurs dans ces reconstitutions des exemples d'erreurs d'appréciation commises
fréquemment par les témoins, et qu'il est bon de connaître... Notamment concernant les « passages au
zénith », dont l'étalement dans toute la France et bien loin de la trajectoire de la rentrée atmosphérique passe
pour certains comme la preuve que plusieurs objets ont été vus. Quelques exagérations flagrantes aussi...
C'était gigantesque !
Seul reproche, les reconstitutions des objets observés ne respectent pas beaucoup les descriptions des témoins, avec leurs multitudes de
faisceaux éblouissants dirigés vers le sol et autres... C'est joli, spectaculaire, mais rétrospectivement ça donne
l'impression que les témoins auraient quelque peu halluciné pour voir ça par rapport à ce que l'on sait du véritable
phénomène qui a traversé la France ce soir-là. Ici par exemple la reconstitution pour le cas de Villavard.
Et puis, il y a le témoignage de Jean-Pierre Haigneré... Celui-là, tout le monde en parlait, parce que bien sûr un astronaute
qui authentifie par son observation inexpliquée la « fantastique vague d'ovnis » c'est encore beaucoup mieux qu'un pilote
d'avion ! De son observation, on ne connaissait guère que ce qu'en avait dit Jean-Jacques Velasco, le directeur du Service d'expertise des
phénomènes de rentrées atmosphériques, dans son livre Ovnis, la Science avance :
Celui-ci nous déclara qu'il avait observé un phénomène dans la région parisienne et qu'il était très
étonné par son étrangeté. Il affirma par ailleurs qu'il ne pouvait pas s'agir d'une rentrée atmosphérique. Or
les observateurs, nous allons le voir, commettaient des erreurs. Je dois préciser ici que je ne crois guère, par expérience,
à l'infaillibilité des observateurs « qualifiés ».
Ce que moi j'ai appris, c'est que les observateurs « qualifiés », et souvent aussi les non qualifiés, décrivent
en général très bien ce qu'ils ont observé, même s'ils n'ont pas su reconnaître le phénomène
concerné, ce qui n'est pas leur boulot... Et par contre, celui qui était censé être l'expert de ce type phénomène
ignorait totalement comment il pouvait se présenter !
Et donc, on a enfin le témoignage (un peu tardif certes) de Jean-Pierre Haigneré, et ceux qui comptaient dessus pour appuyer leur fantasme
d'une fantastique vague d'ovnis en seront pour leur frais... Il avait bien vu quelque chose qui évoquait par sa forme une comète, avec une
flamme qui devenait plus vive à certains moments, puis s'estompait, se rallongeait..., qui traversait lentement le ciel... Et non, il ne
savait pas ce que c'était, il n'avait jamais rien vu de tel, mais il était conscient que c'était quelque chose qui se consumait dans
l'atmosphère : si ç'avait été un visiteur ce serait un visiteur qui aurait été dans un état de
combustion avancée !
De son côté, l'astronome Jean-Claude Ribes, qui avait été alerté par les contrôleurs de l'aéroport de
Satolas, était lui aussi perplexe, du fait surtout de la durée du phénomène... C'est que même un astronome n'est pas
obligé de tout connaître de ce qui peut se passer dans le ciel... Les phénomènes rares, comme c'était le cas cette
nuit-là, ils n'y ont pas forcément été confrontés.
Et puis il y a LA vidéo... LA parce qu'à l'époque les smartphones n'existaient pas, peu de gens se promenaient avec un appareil photo
sur eux et moins encore une caméra, et donc on n'a aucune autre vidéo du phénomène ni même aucune photographie
exploitable (même si pendant des années, le directeur du Sepra Jean-Jacques Velasco avait fait passer pour des photos de la rentrée
celles des lumières clignotantes d'avions prises un quart d'heure avant le passage de celle-ci !) Et c'est donc Patrick Depin, professeur d'art
graphique à Colmar, en Alsace, qui a eu la chance de réaliser ce petit film, passé au journal de 20 h de PPDA le
lendemain. Ce que l'on voit, c'est une grosse lumière suivie d'une traînée lumineuse très nette et de longueur à peu
près constante, trois lumières plus petites à l'avant formant un triangle à peu près équilatéral, et une
grosse lumière au-dessus :
À noter un détail qui a fait beaucoup fantasmer : à un certain moment, on a l'impression de voir les côtés du triangle
de tête se matérialiser (j'ai choisi une des images où on le voit le mieux en augmentant la luminosité, mais ça
apparaît bien mieux sur la vidéo) ! Mais en fait l'un de ces côtés est une traînée, un autre est une bavure du
signal vidéo (c'est lorsqu'elle se trouve fortuitement dans l'alignement de deux points que le triangle apparaît), et le troisième est
purement illusoire, illustrant la capacité qu'a notre cerveau à compléter une image par ce qu'il s'attend à y trouver... C'est
par le même type d'illusion que de nombreux témoins de la rentrée du 5 novembre 1990 croyaient voir les contours d'une masse sombre
joindre les lumières de la rentrée atmosphérique.
Depin explique comment il a vendu sa vidéo :
J'ai contacté le soir-même me semble-t-il France 3, pour leur faire part de ce que j'avais pu voir. Voyant le peu d'empressement de
France 3 j'ai contacté France 2 qui eux m'ont d'emblée proposé effectivement de l'argent, 10000 F à
l'époque pour récupérer ces images. TF1 qui naturellement avait eu vent de l'affaire m'ont également proposé de
l'argent, mais curieusement beaucoup moins au départ, 1500 F, et c'est au moment où j'avais donné donc mon accord pour
France 2 que Patrick Poivre d'Arvor donc m'a recontacté pour me dire « écoutez non venez chez nous, on va vous passer en
prime time et on vous donne 15000 ».
On peut trouver un peu immoral de gagner ainsi de l'argent facile en cédant sa vidéo au plus offrant, mais au fond Patrick Depin a eu un
coup de chance, il a été là au bon moment avec sous la main le bon matériel... Alors, qui peut lui reprocher d'en avoir
profité ? Est-ce qu'on s'indigne que des gens gagnent au loto ?
À noter que dans le documentaire, les images de Patrick Depin sont suivies de celles d'un autre triangle lumineux, avec cette fois une
lumière au centre...
On peut avoir l'impression que c'est la suite du film de Patrick Depin, alors précisons bien que non : il s'agit d'images d'archives qui ont
été déjà largement utilisées pour illustrer la « vague belge », et qui représentent
vraisemblablement un avion.
Viennent ensuite les témoignages indépendants de trois habitants de Reims : Françoise Thoraval, José Dumont qui
était pompier et Alain Hatat, photographe. Rien de remarquable dans ces autres témoignages, mais il est intéressant de comparer entre
eux des témoignages indépendants mais proches.
Et puis donc, l'explication officielle tombe, le 9 novembre : le phénomène observé par des milliers de témoins
était la rentrée d'un étage de fusée russe ayant traversé la France sur un axe Pau-Strasbourg.
Beaucoup de témoins ne croient pas à l'explication officielle, d'autant plus que la trajectoire annoncée est totalement incompatible
avec certaines observtions. Des témoins du sud-ouest de la France ont vu passer l'objet au nord, alors que d'après cette trajectoire
officielle il aurait dû passer dans leur dos !
Les réactions des témoins sont édifiantes : « ça m'a révolté », « les
centaines de personnes qui ont vu la même chose à travers toute la France, on a vraiment pris ces gens-là pour des
idiots », « Ils ont trouvé ça, c'est moche, c'est couillon, mais il fallait stopper la psychose qui s'est
emparée de tout le monde »... À Eccordal, c'est toute une famille, le père, la mère et le fils, qui avaient
observé le phénomène et qui ne croient pas du tout à cette explication.
Les journalistes tentent alors de se renseigner sur cette explication officielle : à l'époque, alors que les experts
français émettent des hypothèses prudentes et contradictoires, le Cnes va s'exprimer publiquement par la voix d'un certain
Jean-Jacques Velasco... Celui-ci a beau être responsable du Service d'expertise des phénomènes de rentrées
atmosphériques, dans les trois jours qui suivent il va systématiquement remettre en cause l'hypothèse d'une rentrée
atmosphérique. Mais le 9 novembre, après une période de confusion, revirement complet. Cette fois le Cnes annonce que ce que
les témoins ont vu était bien une rentrée atmosphérique. Pour tenter d'expliquer ce volte-face, nous avons contacté
Jean-Jacques Velasco, mais malgré nos sollicitations il a refusé de participer à notre documentaire.
Et on nous montre un extrait de sa réponse :
La blessure reste entière encore aujourd'hui pour différentes raisons qui seraient trop longues
à expliquer. La presse n'a pas d'ailleurs joué un rôle très correct à l'époque et c'est aussi pourquoi je
préfère ne plus évoquer cette affaire auprès des médias.
On voit passer la lettre furtivement, alors un arrêt sur image permet d'en savoir plus :
Les reporters ont décidé de passer sur cet incident pour se concentrer sur les observations et les expertises, c'est sans doute mieux,
mais puisque celui que ce monsieur s'est senti obligé d'attaquer en justice c'est moi je peux difficilement ne pas réagir !
L'article qui m'a valu ce procès, il est depuis longtemps en ligne ici. Il n'a pas
trop vieilli puisque ce que j'ai écrit il y a presque vingt ans c'est pour une bonne part ce que l'on retrouve dans ce reportage TV qui passe
pour une révélation ! Chacun peut voir qu'il s'agissait d'un article solidement argumenté sur la rentrée
atmosphérique, j'y ai montré par des arguments solides et indiscutables que le service du Cnes dont Velasco avait la charge, dont la
tâche principale était censée être l'expertise des phénomènes de rentrées atmosphériques, avait
fait preuve d'une méconnaissance totale, absolue, dans ce domaine précis, et on va voir que le service qui en est la continuité,
expertise des rentrées atmosphériques en moins, le reconnaît enfin aujourd'hui. J'ai employé des termes certes virulents,
mais qui se rapportaient toujours à l'incompétence dont a fait preuve Velasco dans le domaine précis des rentrées
atmosphériques, et rien d'autre. Et pendant douze ans (avant que le Sepra ne soit rebaptisé en douce par le Cnes « Service
d'étude des phénomènes rares atmosphériques », puis maintenant Geipan), Monsieur Velasco s'est
présenté partout comme un expert au plus haut niveau dans ce domaine très précis, il était invité à
s'exprimer en tant que tel auprès des médias, alors qu'il n'avait clairement aucune compétence, aucune connaissance, dans ce
domaine. S'il estime que son honneur a été bafoué parce que quelqu'un a révélé cette totale imposture, on le
comprend, mais à qui la faute ? Pour ce qui est de la presse, sa seule grosse erreur a été de considérer que le Service
d'expertise des phénomènes de rentrées atmosphériques, au Cnes, était l'autorité à consulter en
matière... de rentrées atmosphériques, et que l'on pouvait se fier à ses déclarations !
Passons... Le reportage s'intéresse donc à ce qui s'est passé au Cnes dans les jours qui ont suivi les observations. On apprend que
le Sepra était à l'époque réduit à trois personnes, et que devant l'afflux de témoignages on lui avait
attribué deux autres employés en renfort. L'un d'eux témoigne maintenant sous couvert d'anonymat sur cette « gestion de
crise qui a viré au cauchemar » :
En tout cas, le téléphone n'arrêtait pas de sonner et on était trois à répondre, c'était continu.
Petit à petit on s'aperçoit que l'affaire a une certaine importance, ne serait-ce que par le volume des témoignages, et on va
dire que pour Jean-Jacques c'est un petit peu le grand jour qui est arrivé, puisque là on a vraiment une affaire très
sérieuse et très importante, donc il avait pleinement conscience de l'importance de l'affaire à cette époque.
Il y a un moment donné où on s'est occupés vraiment de positionner les témoignages sur une carte, et puis quand on s'est
aperçu que toutes les personnes qui étaient au sud d'une certaine ligne observaient quelque chose qui était vers le nord et qui
se dirigeait vers le nord-est, et puis toutes les personnes qui étaient au nord de cette ligne voyaient un phénomène au sud, on
s'est dit bon là visiblement c'est un phénomène qui est très haut dans le ciel et qui est commun et qui est observé
par toutes ces personnes.
Pour les spécialistes, poursuit le commentateur, il pourrait donc s'agir d'un débris de satellite qui rentrerait dans l'atmosphère.
Alors comment expliquer que Jean-Jacques Velasco, pourtant spécialiste du sujet au Cnes, ne retienne pas cette version ?
Jean-Jacques Velasco ne nous a pas dit bon là on pense vraiment ce sont des ovnis. Le connaissant, ayant vu, ayant lu ce qu'il a écrit,
ce qu'il a dit à droite à gauche, je suis à peu près persuadé qu'il était persuadé qu'on avait
affaire à une invasion. Je pense que c'est une chose que peut-être il aurait souhaité, j'en sais rien, il faut le lui demander,
mais... la question était ouverte.
Il est à remarquer que ces révélations confirment ce qu'avaient pressenti les auteurs du livre maudit Les
OVNI du CNES, trois « zététiciens » critiquant trente années d'étude
« officielle » des ovnis :
Lorsqu'on se penche en détail sur certains articles de presse, on s'aperçoit qu'une grande agitation semble régner au sein du
SEPRA pendant les quelques jours qui suivirent immédiatement les événements du 5 novembre 1990. Des mots comme
« jubilation » ou « fébrilité » reviennent fréquemment pour décrire
l'état d'esprit qui y régnait alors. Confronté à la masse des témoignages le service n'a-t-il pas cru tenir
« sa » vague d'OVNI, après celle qui avait frappé la Belgique quelques mois plus tôt ? On pourrait le
croire au vu de son empressement à annoncer une analyse informatique des témoignages pour en dégager une typologie du
phénomène, ce avant même d'avoir invalidé des hypothèses explicatives simples et facilement vérifiables, en
premier lieu une rentrée atmosphérique. À croire que le SEPRA aurait préféré que le cas du 5 novembre
demeurât inexpliqué pour qu'il lui fournisse des données à exploiter.
On nous montre ensuite Velasco commentant à la télévision les images prises par Patrick Depin :
Or dans le cas présent nous avons la présence de ces trois points lumineux qui précèdent l'objet principal qui est donc
cette tache blanche. Par conséquent il ne semble pas que cet événement corresponde à la rentrée d'un
phénomène dans l'atmosphère.
Cela, ça peut être vrai, et dans le cas de la rentrée qui nous occupe ça l'était à peu près au
début et c'est pour cela que l'ensemble des débris prenait une forme générale de triangle. Mais la façon donc
ça évolue est très variable : il est évident qu'un gros objet creux, comme un réservoir ou une tuyère,
sera très lumineux puisque présentant une grosse surface à l'échauffement, et sera aussi beaucoup ralenti puisque
très léger ; par contre, un objet plus petit mais très dense sera beaucoup moins lumineux et moins ralenti par
l'atmosphère, et passera donc devant ! On ne manque d'ailleurs pas d'images de rentrées où les objets les plus lumineux ne
sont pas devant, comme ici la rentrée du module Apollo 8 en 1968.
Il est vrai qu'en 1990, il n'y avait pas Internet et il n'était pas évident de trouver de telles images, mais un expert en rentrées
atmosphériques était censé avoir quelques sources d'information spécialisées, lesquelles d'ailleurs ne manquent pas.
Ensuite, on nous parle de l'Observatoire de Munich, qui a annoncé dès le lendemain du phénomène qu'il s'agirait d'un gros
météore s'atant fragmenté, et que le réseau de caméras qu'il avait mis en place allait permettre de retracer sa
trajectoire. Relayée par l'AFP, cette annonce a été reprise par toute la presse du 7 novembre... Mais l'ancien collaborateur
du Sepra explique : Avec Jean-Jacques Velasco on a cherché l'observatoire de Munich un peu partout, malheureusement celui-ci n'existait
pas. La source unique de ce reportage télévisé c'était une dépêche de l'AFP.
Et Jean-Claude Ribes ajoute : Or il n'y a pas d'observatoire à Munich, donc il s'agissait en fait d'un observatoire d'amateurs... Je
n'ai rien contre les amateurs qui font parfois du très bon travail, mais la presse laissait entendre que c'était un véritable
observatoire, ce qui n'était pas le cas.
Il me semble utile de réhabiliter un peu cet observatoire, fût-il amateur... Certes, son annonce était prématurée, et
visiblement le réseau de caméras dont il était question, et qui était apparemment encore à l'état de
prototype, n'a rien enregistré. Mais ce réseau de caméras en Allemagne a permis plus tard de retracer la trajectoire de
météores, et il faisait figure de précurseur... Depuis, cette activité s'est beaucoup démocratisée, notamment
en France avec le réseau Fripon, et ce sont toujours souvent des amateurs qui la pratiquent
avec brio... Et c'est aussi un astronome amateur, on va le voir, qui a annoncé le premier la véritable nature du phénomène
observé. Quand au service officiel, nous allons voir qu'il ne s'est pas vraiment distingué par son professionnalisme ! Et Jean-Claude
Ribes, directeur du très professionnel observatoire de Lyon, répondra de son côté en direct à la
télévision que les rentrées de météorites ne durent que quelques secondes au maximum, ce qui est une grosse
sottise : c'est le cas en général, mais certaines ont duré plus d'une minute et demie et on
est encore loin de la limite théorique... Bref en la matière les amateurs ont été globalement meilleurs que les
professionnels !
Et puis vient donc le télex de la Nasa identifiant la rentrée atmosphérique, le 8 novembre au matin. Interrogé à
ce sujet au journal de 13 h, Velasco indique cela, mais précise que cette rentrée ne pourrait pas expliquer la durée
d'observation qui s'étale sur plusieurs minutes. Et ça n'est que 24 h plus tard que le Sepra va faire son annonce. Le
technicien qui aidait alors Velasco indique que pour lui et l'autre technicien il n'y avait aucun doute, mais qu'ils ont dû insister auprès
de Velasco pour que l'annonce soit faite, d'autant plus que les Anglais avaient de leur côté déjà publié un
communiqué.
On interroge alors le responsable actuel du Geipan, l'ingénieur Xavier Passot :
Le 5 novembre 90 pour le Geipan il faut savoir que ça a commencé par une phase de confusion. Et puis bien sûr on était pas
préparés, enfin le Sepra de l'époque n'était pas préparé à cet événement-là,
donc il y a eu une phase de flottement, mon prédécesseur Jacques Velasco s'attendait pas, savait pas ce que c'était. Donc il a
fallu pas mal de temps pour investiguer, il y a une phase où on peut parler de panique au Cnes. Le Cnes n'était pas
préparé du tout à ce type de phénomène, personne n'avait vu de rentrée atmosphérique de ses propres
yeux et ne savait vraiment à quoi ça ressemblait, même si à l'époque ça s'appelait Sepra, Service
d'étude des phénomènes et retombées atmosphériques, donc il devait être un peu plus préparé que
ce que je dis quand même... Il aurait dû ! Il aurait dû.
Quand je regarde la presse de l'époque, je suis très étonné de voir que il n'y a pas de description de la... de ce qui se
passe lors d'une rentrée atmosphérique. Je sais pas pourquoi Jean-Jacques Velasco ne l'a pas expliqué, parce que c'était
à lui de le faire. Effectivement pour un témoin qui a vu une photo de troisième étage de fusée russe, qui n'est
jamais qu'un gros cylindre, on parle d'un objet et les témoins eux d'abord ils ont vu soit un immense objet de plusieurs centaines de
mètres de long pour ceux qui ont assimilé l'ensemble des points à un seul objet, soit une multitude de points, donc effectivement
si on ne leur a pas expliqué la problématique de la fragmentation de la rentrée atmosphérique, je comprends moi que les
témoins de l'époque aient pas cru à l'explication... je le comprends.
Le commentateur explique qu'à l'époque internet n'existait pas, tout le monde n'avait donc pas vu des images de rentrées
atmosphériques. Il nous montre ensuite la vidéo de la rentrée d'un ATV (véhicule autonome de transfert, le module
développé par l'ESA pour ravitailler la station spatiale internationale).
Jérémy Vaubaillon, spécialiste des rentrées atmosphériques qui se trouvait à bord de l'avion, commente la
vidéo. Le commentateur conclut : Des images impressionnantes qui si elles avaient existé il y a 25 ans auraient permis aux
témoins d'avoir des éléments de comparaison.
Cela, je n'en suis pas sûr, ce film n'évoquant pas vraiment ce que les témoins ont observé. Il me semble que les
réalisateurs auraient dû insister sur la grande variabilité des phénomènes de rentrée atmosphérique, au
lieu de montrer cette seule vidéo... J'ai déjà donné une photo de la rentrée d'Apollo 8, bien différente
et qui ressemble plus à ce que beaucoup de témoins ont vu. D'autres vidéos auraient pu illustrer l'impression d'un ensemble de
lumières fixes les unes par rapport aux autres, comme si elles appartenaient à un objet unique.
En fait, la rentrée de l'ATV devait ressembler à peu près au début du phénomène, à ce qui a
été vu par les témoins de la côte ouest... Et on a de la chance, puisque la vidéo de Patrick Depin nous montre
à quoi ressemblait la rentrée à l'autre bout de la trajectoire, du côté de l'Alsace...
Entre les deux, notamment en région parisienne, l'aspect aussi était entre les deux si on fait une synthèse des
témoignages : sans doute deux gros objets laissant des traînées semblables à celle de la vidéo mais nettement
plus longues, une plus que l'autre, un gros objet sans traînée au-dessus comme à Colmar mais avec plusieurs lumières
distinctes, et un grand nombre de lumières plus petites comme celles du triangle de tête mais largement dispersées dans le sens du
déplacement, de couleurs assez diverses et pour certaines scintillantes. Une tentative de reconstitution aurait été bienvenue.
Quoi qu'il en soit, les journalistes en poursuivant leur enquête sur le Sepra se sont rendu compte que celui-ci n'avait pas seulement
manqué de pédagogie, mais avait commis des erreurs : le communiqué indique une trajectoire Pau-Strasbourg, en
désaccord avec de nombreux témoignages. Si le Cnes a commis une erreur, pourquoi n'aurait-il pas publié depuis un
rectificatif ? Ils ont posé la question à Jean-Jacques Velasco, qui a répondu qu'il avait tout dit dans son livre Ovni
la Science avance publié en 1993... Mais dans le livre, pas de réponse, sinon que c'est le Service d'Orbitographie du Cnes qui
aurait déterminé la trajectoire de la rentrée. Mais par contre un passage intrigant : Pendant ce temps, dans une modeste
maison, un petit homme savoure avec délectation, une nouvelle fois, la confirmation de ses quarante années d'expérience
dans le suivi et la prédiction des rentrées de satellite.
Et ils vont donc rencontrer Pierre Neirinck, qui avait 64 ans en 1990 et qui est toujours très lucide, et qui était certainement
celui en France qui connaissait le mieux les rentrées atmosphériques. Passionné par les satellites dès le lancement du
premier d'entre eux, Spoutnik 1 en 1957, il a été recruté par la prestigieuse Royal Society de Londres, et il est connu pour
avoir été à chaque fois meilleur que la Nasa en matière de prévision de rentrées de satellites !
Notons avec tristesse que Pierre Neirinck est décédé peu après ce reportage, le 3 janvier 2016,
à l'âge de 89 ans. Il avait arrêté depuis quelques années ses activités astronomiques, mais continuait à
suivre des satellites particulièrement intéressants. Il envoyait régulièrement à ses correspondants des informations
sur ces satellites assorties de considérations pleines d'humanisme sur des sujets d'actualité.
Donc, le soir du 5 novembre 1990, il avait reçu un fax d'un de ses amis membre de son réseau d'alerte, Daniel Karcher, qui a
observé le phénomène, l'a dessiné et a repéré son passage par rapport aux étoiles, qu'il connaît
bien :
Remarquez l'extrême ressemblance du dessin avec le phénomène tel qu'il a été filmé dans la même
région ! Avec ces renseignements, le soir-même, Pierre Neirinck a envoyé à ses correspondants, à la presse, au
Cnes, un premier fax indiquant ses conclusions :
L'intrigante procession de lumières multicolores observée à 19 h au-dessus de l'Europe occidentale était
caractéristique de la désintégration d'un satellite artificiel.
Mais la presse ne va pas y prêter attention, pas plus que le Sepra... En fait, ça n'est pas tout à fait vrai, puisque les
Dernières Nouvelles d'Alsace, journal dans lequel Daniel Karcher publie régulièrement une rubrique d'astronomie, va
l'indiquer :
Mais personne n'a repris l'information, et surtout pas les ufologues qui collectaient pourtant toutes les coupures de presse relatives aux observations
de ce soir-là !
Pierre Neirinck a sa petite idée sur la nature de l'objet, sachant par ses correspondants que les Russes ont lancé un satellite le 3
octobre, mais il ne peut pas conclure du fait qu'il n'a pas accès en temps réel au catalogue des objets du Norad. Et quand il les a, en
même temps que la confirmation de la rentrée par la Nasa, il peut reconstituer la trajectoire, qui correspond parfaitement à
l'observation de Daniel Karcher. Il annonce donc le résultat de ses recherches, par
un nouveau fax qu'il envoie notamment au Sepra (les fax de Pierre Neirinck sont sur
notre site depuis longtemps).
Il rectifie même une erreur commise par la Nasa, puisque c'est le troisième étage d'une fusée et non le quatrième
qui est revenu sur Terre le 5 novembre. Pierre Neirinck a accepté de nous confier le dossier qu'il a gardé de cette époque. Il
contient les fax envoyés au Cnes : celui du 6, qui décrit le phénomène, et celui du 8 qui complète son premier
message.
Remarque : en fait la Nasa ne parlait pas du quatrième étage mais de son enveloppe, sa carrosserie en quelque sorte (platform dans
le télex). Cette enveloppe n'est utile que pendant le vol dans l'atmosphère, elle est abandonnée en même temps que le
troisième étage alors que le quatrième, « nu », emmène le satellite sur son orbite
géostationnaire.
Alors, le Cnes a-t-il utilisé les informations de Pierre Neirinck pour annoncer l'hypothèse de la rentrée
atmosphérique ? On remarque qu'il a lui aussi corrigé l'erreur du télex de la Nasa en parlant de troisième étage
de la fusée, et d'autre part Pierre Neirinck avait dans la première version de son deuxième fax commis une coquille en recopiant la
version en anglais, en indiquant que la fusée avait été lancée le 3 octobre et non le 3 novembre... Et cette erreur avait
été recopiée dans l'annonce du Sepra !
Et j'ajouterai que le Sepra avait même carrément plagié le fax de Pierre Neirick en le reprenant quasiment mot pour mot dans le
texte adressé plus tard aux témoins ! Qu'on en juge :
Fax de Pierre Neirinck : Il confirme que la vitesse angulaire était voisine de celle que j'ai observée lors de
désintégrations suivies depuis 1960, soit 5 degrés par seconde. Il est facile de différencier un satellite en
désintégration d'un bolide : le satellite traverse le ciel en un peu plus d'une minute, le bolide ne met que 2 à 20 sec
et a rarement une trajectoire complète. Les diverses couleurs observées par le public s'expliquent par la variété des
matériaux dont est composé le satellite.
Lettre aux témoins : Les caractéristiques de rentrées sont connues par des éléments tels que la vitesse angulaire
voisine de 5°/seconde. [...] La durée du phénomène lumineux qui est très courte pour les bolides, de l'ordre
de quelques secondes à 20 secondes au maximum, est plus importante pour les satellites qui traversent le ciel en à peu près une
minute. Les diverses couleurs observées s'expliquent par le degré d'échauffement et la variété des matériaux
qui composent la structure de l'objet satellisé, au moment du frottement.
Et donc, le torchon brûle entre Pierre Neirinck et le Cnes. Pierre ne s'explique pas non plus pourquoi le Sepra n'a pas utilisé ses
informations pour corriger la grosse erreur de sa trajectoire annoncée (Pau-Strasbourg), alors que selon ses calculs elle passait beaucoup plus
au nord, selon un axe Bordeaux-Strasbourg (en fait même encore un peu plus au nord, Royan-Strasbourg, comme Neirinck l'avait d'ailleurs
mentionné en clair dans la version en anglais de son
deuxième fax).
Les journalistes demandent alors à un expert en rentrées atmosphériques du Cnes, Pierre Omaly, de retracer la trajectoire, pour en
avoir le coeur net :
Ce 5 novembre, à 110 km, ce jour-là, on était au-dessus de l'Amérique du Sud, on a traversé donc tout
l'océan Atlantique, à 18 h 59 on était dans le golfe de Gascogne, à 19 h 00 on était au-dessus
de Bordeaux, à 19 h 01 on était déjà à Strasbourg. Et les débris seraient retombés entre
l'Allemagne et la République Tchèque.
Cette trajectoire a en outre été reprise sur le site du Geipan, qui a ajouté une
page d'explications sur cette rentrée atmosphérique. Là, je m'étonne quand même... J'avais pour ma part il y a
vingt ans, sans connaître les télex de Pierre Neirinck, retrouvé précisément la même trajectoire que lui,
Royan-Strasbourg, en générant par tâtonnements une orbite qui passe au mieux sur les cinq points indiqués dans le
télex de la Nasa. Maintenant, il est facile d'avoir accès au données orbitales de l'objet, qui sont archivées sur
Internet, notamment sur le site de Jonathan McDowell. Les dernières
avaient été enregistrées seulement six heures avant la rentrée, elles se présentent sous la forme de deux lignes
standardisées, les TLE pour Two Lines Elements Sets :
Si vous voulez savoir ce que signifient tous ces chiffres, c'est ici, et vous pouvez
les utiliser avec n'importe quel logiciel d'orbitographie, comme l'excellent JSatTrack.
Et que l'on utilise les informations du télex de la Nasa, les indications de Pierre Neirinck ou les derniers éléments orbitaux du
satellite, on trouve toujours une trajectoire Royan-Strasbourg quasi-identique.
J'ai donc du mal à comprendre comment Pierre Omaly peut arriver à trouver une trajectoire qui est une quarantaine de kilomètres
plus au sud. Le Geipan a aussi placé en téléchargement la
trajectoire trouvée au format Google Earth, on peut donc la visualiser précisément. Elle démarre au passage à
l'équateur, et on se rend compte qu'elle est tout le long décalée d'environ 1,2° vers l'est par rapport à la trajectoire
réelle : ce décalage se retrouve aussi bien par rapport à la latitude du passage à l'équateur indiquée par
Pierre Neirinck (50,58° ouest) que par rapport au dernier point de passage indiqué par la Nasa (33,0° ouest, 22,8° nord). Et d'autre
part il est certain que la rentrée s'est prolongée nettement plus loin que la Tchéquie, ce qui rend complètement
invraisemblable l'altitude estimée maintenant par le Geipan, entre 90 et 50 km au cours de son survol de la France : Pierre Neirinck
trouvait pour sa part entre 110 et 81 km, et compte tenu de son expérience et du fait qu'il s'appuyait sur les indications très
précises de Daniel Karcher on peut lui faire confiance. Notons d'ailleurs que Pierre Omaly s'appuie aussi sur ces indications, mais puisqu'il
part d'une trajectoire fausse, trop au sud ou à l'est, il trouve évidemment une altitude fausse !
Note : depuis la première version de ce texte, je pense avoir compris la cause de cette erreur... Apparemment
le logiciel maison du Cnes conçu pour modéliser les rentrées atmosphériques, Debrisk, ne tenait pas contre des perturbations
de l'orbite. La plus importante est due au renflement équatorial de la Terre qui fait tourner peu à peu le plan de l'orbite d'un
satellite (mouvement de précession). Et la déviation est précisément de 1,2°, dans la bonne direction, dans les six
heures qui se sont écoulées entre les dernières données orbitales du satellite diffusées par la Nasa et la
rentrée. J'ai signalé la chose au Cnes, et je n'ai reçu aucune réponse mais j'imagine que le logiciel a été
mis à jour... Mais par contre il n'y a eu aucune correction de cette nouvelle fausse trajectoire indiquée par le Geipan !
Mais bon, pour reprendre le cours du documentaire, on est quand même loin des 250 km d'erreur du temps du Sepra, illustrés par cette
image :
On demande à Xavier Passot la cause de cette erreur :
Il y a eu une trajectoire annoncée par Velasco qui s'est avéré effectivement incorrecte. Parce que lui-même n'est pas un
orbitographe, le Cnes avait tout à fait les moyens de le faire, sauf que Jean-Jacques Velasco a dû faire un calcul lui-même sur un
coin de table au lieu de demander aux spécialistes chez nous du Centre d'orbitographie de faire le calcul à sa place. Et ça lui a
été reproché vivement.
En fait, Velasco avait lu sur le télex de la Nasa que l'inclinaison de l'orbite sur l'équateur était de 51,7 degrés, et il
considérait donc que c'était aussi l'inclinaison de la trajectoire au-dessus de la France... Et puisqu'il y avait aussi sur ce même
télex la position d'un point de chute théorique, près de Strasbourg, ça avait l'air facile ! J'ajoute que si cette erreur
grossière lui a été vraiment reprochée, pourquoi l'a-t-on laissé écrire dans son livre que la trajectoire
avait été retracée par le service d'orbitographie opérationnelle du Cnes, ce qu'il avait répété ensuite
dans une interview au Journal de l'ufologie :
Bon alors là je vais répondre, parce que ça vient aussi dans le cadre des réponses que j'ai à faire par rapport
à certains individus comme M. Alessandri, qui mettent en cause mes compétences professionnelles. Alors je veux dire une chose, que
ça soit très clair. Quand je suis dans le cadre de mes activités professionnelles, ça n'est pas moi, ce sont les
compétences du CNES qui ont été mises en accusation au travers de celles de Jean-Jacques VELASCO.
Ça veut donc dire que quand il y a des communiqués qui sont faits par le CNES sur une rentrée atmosphérique, c'est le CNES
qui estime qu'il faut faire cette réponse. Donc les données qui sont exploitées sur des clichés photographiques ou sur des
données de rentrées atmosphériques, c'est le Centre d'Orbitographie Opérationnelle du CNES qui fait le travail.
Passons... Le commentateur conclut : 25 ans plus tard nous connaissons enfin la trajectoire précise de cette spectaculaire
rentrée atmosphérique.
Bon là il faut être sérieux, ça fait plus de dix ans qu'elle est sur ce site et avant ça dans un livre et une revue
qui m'a valu un procès, elle a été reproduite partout, ça n'est pas parce que le Cnes reconnaît 25 ans plus tard que
sa trajectoire annoncée alors était complètement fausse qu'on ne connaissait pas la trajectoire précise (et d'ailleurs on a
vu que celle du Cnes ne l'est toujours pas) !
Ensuite, Jérémy Vaubaillon donne quelques explications sur ce qui pourrait encore intriguer les témoins. Au sujet de la forte
luminosité de l'objet, il explique que les étoiles filantes ont la taille d'un grain de sel pour les plus petites, d'un poing pour les
plus grosses, et sont visibles de très loin à cause du choc qu'elles provoquent dans l'atmosphère ; quant à l'objet qui
est rentré, il fait plus de quatre tonnes... Concernant la vitesse, elle est très importante, 7 km/s, mais vu l'altitude on voit
l'objet traverser le ciel très lentement, et on peut le suivre pendant plusieurs minutes. Et sur le fait qu'on n'entende aucun bruit, il dit
qu'il en est de même des étoiles filantes, trop loin et dans une atmosphère trop raréfiée pour que le son nous
parvienne. Il parle aussi des couleurs qui dépendent des matériaux, des variations d'intensité qui se produisent quand les objets
tournent...
Les explications sur la disparité des formes évoquées par les témoins, accompagnées d'une simulation, sont moins
convaincantes... On comprend comment les témoins peuvent imaginer des « formes noires » très variées autour
de l'ensemble des éléments de la rentrée, mais par contre on a l'impression que la rentrée elle-même conservait le
même aspect tout au long de sa trajectoire, ce qui est loin d'être le cas. Il y a aussi le fait que les lumières n'ayant pas toutes
la même luminosité, les témoins en voyaient un nombre varié selon leur acuité visuelle, l'ambiance lumineuse, etc...
Bref le problème pouvait être approfondi et mieux illustré.
On passe alors à la part du doute qui persiste : La spectaculaire rentrée expliquerait donc les observations. Pour autant, ce
dossier est loin d'être clos. Car il y a aussi de nombreux cas étranges, et des ovnis qui demeurent bien mystérieux.
Et Xavier Passot explique : Certes, certains cas quand même qui posent problème, alors est-ce qu'ils ont vu autre chose en
même temps... Pourquoi pas ... Est-ce qu'il y a eu un autre phénomène en même temps ? Nous on n'a aucun
élément pour le prouver, donc pour nous ces témoignages hors norme sont gênants.
Suivent donc quelques exemples de ces « cas gênants »... À commencer par celui d'Alain Hatat, un des trois
témoins de Reims, qui a vu l'ovni selon une trajectoire sud-nord... Il dit aussi qu'il est passé à son zénith, mais on peut
en douter au vu de la reconstitution, au moment précis où il dit : C'est passé juste au-dessus de moi !
55° C'est loin de 90 ! Et c'est vrai que ça n'est pas non plus les 27° de la rentrée, mais pour un témoignage
rapporté après vingt ans il ne faut pas s'attendre à une grande fiabilité... Et de même pour les directions, il suffit
que le témoin se soit trompé de 50° sur la direction de la disparition, tout le reste étant juste, pour que ça soit la
rentrée. Et elle pouvait être vue assez longtemps depuis la position du témoin, la rue étant large et les maisons pas
très hautes. Bref rien de convaincant là-dedans, et le commentateur nous dit d'ailleurs qu'il y a des cas bien plus étranges...
On en vient alors au témoignage de Josiane Clouet qui a fait son observation à Neufgrange, en Alsace, alors qu'elle roulait en compagnie
de son fils âgé de 4 ans :
Je regardais par hasard, comme ça, en l'air, et j'ai vu 5, 6 boules qui rentraient comme ça, comme une pluie d'étoiles filantes.
Mon regard les a suivies sur la gauche, et j'ai aperçu à ce moment-là une masse ronde. Ça m'a surprise et je me suis
arrêtée, j'ai mis la voiture de côté, et j'avais mon fils avec moi et je lui ai dit de rester à l'arrière de
la voiture. Et moi je suis sortie.
Alors que les lumières disparaissent vers le nord-est, Josiane Clouet va porter toute son attention vers le nord, sur cette masse ronde
sphérique cerclée de petites lumières.
La sphère est restée immobile au-dessus de la forêt. Sans bruit, sans aucun bruit. Au milieu de la sphère c'est comme si
la sphère était coupée en deux, et que y avait cette rangée de hublots tout autour, comme des petites fenêtres. Je
me dis « c'est quoi ça » ? Ça me fascinait, on aurait dit que je pouvais plus décoller, comme
pétrifiée sur place. Carrément. À un moment donné l'angoisse m'a pris, en me disant « mais qu'est ce qui
pourrait se passer », surtout que j'avais mon fils à l'arrière de la voiture, je me suis dit « bon ben vaut mieux
que re rentre dans la voiture et que je rentre ». Et en même temps que j'ai démarré ma voiture et que j'ai
commencé à partir, la sphère s'est déplacée. En même temps que moi, à mon rythme. Et elle a disparu
derrière les maisons, je sais pas comment ni... Elle a disparu.
Les journalistes ont présenté ce cas à Pierre Omaly, l'expert du Cnes en rentrées atmosphériques. Et il trouve que la
trajectoire de la rentrée atmosphérique correspond bien à la vision des 5 ou 6 boules que Mme Clouet a vues se déplacer
lentement sur sa droite. Mais qu'en était-il de la sphère noire munie d'une rangée de hublots ?
Des débris qui auraient donc une trajectoire qui viendrait se positionner donc au-delà, à 140 km, c'est mhhh possible,
probable je sais pas.
Avec l'image c'est plus parlant ! Pour ma part je dirais que ça n'est même pas possible ! Le problème est qu'experts comme
ufologues ont tendance à penser que les observations doivent se résumer à la rentrée atmosphérique ou à
d'authentiques ovnis. Pour ce cas, il y avait autre chose dans le ciel qui a ajouté à la confusion, et la réponse était
donnée depuis longtemps sur notre site : cette sphère que voyait
Mme Clouet sur sa gauche pendant que passait la rentrée atmosphérique à sa droite, c'était la lune ! Celle-ci se
levait tout juste, alors pour être sûr qu'elle était visible depuis la position de Mme Clouet, je m'étais rendu sur place
il y a pas mal d'années, avec GPS et appareil photographique, à une date où la lune se présenterait presque exactement au
même emplacement. Le résultat est sans appel, au moment précis où Mme Clouet voyait passer la rentrée
atmosphérique, elle avait sur sa gauche, dans la direction de la mystérieuse « sphère noire », ceci :
Et le témoignage de Mme Clouet évoque parfaitement le « syndrome de la boule suiveuse », laquelle
s'arrête quand on s'arrête, accélère quand on accélère, caractéristique de la plupart des méprises
avec notre satellite naturel : on prend la lune pour un objet proche, et quand on se déplace on le voit donc se déplacer aussi dans
le paysage, comme s'il calquait nos actions.
Quand au fait, surprenant, que la lune ait été vue comme une sphère noire avec une rangée de hublots, « comme si
la sphère était coupée en deux », ça mérite aussi notre attention... Dans son premier témoignage
pour la presse, qui se trouve dans l'article des Dernières Nouvelles d'Alsace que nous avons reproduit un peu plus haut, Mme Clouet
avait décrit une grosse sphère sombre suspendue dans le ciel, couverte de nombreux hublots carrés éclairés comme
des fenètres. On comprend déjà mieux que la lune puisse être prise pour une « sphère couverte de
hublots », par un témoin un peu angoissé qui ne la voit que par intermittence en conduisant, et alors qu'il voit quelque chose
de bien plus étrange et impressionnant de l'autre côté ! Mais en n'ayant pas d'autre information que cet article de journal,
l'ufologue Franck Marie a décidé, lorsqu'il a publié son livre OVNI Contact sur la vague du 5 novembre, d'illustrer cette
vision à sa manière :
Et lorsque plusieurs années plus tard l'enquêteur de Lumières dans la nuit a rencontré Mme Clouet, sa
sphère « couverte de hublots » s'est étrangement conformée à la représentation imaginaire de
Franck Marie ! On a là un cas magnifique de faux souvenir induit par l'enquêteur, celui-ci ayant vraisemblablement montré au
témoin l'exposé de son observation par Franck Marie avant de l'interroger... Bref, encore un cas mystérieux en moins !
Une dernière remarque à propos de cette observation : c'est donc dans Lumières dans la nuit, la revue de Joël
Mesnard (jusqu'à ce qu'il la cède tout récemment), qu'est parue l'enquête de Robert Fisher, dans un long dossier
intitulé « 5 novembre 1990, les preuves » exposant « au moins trente exemples flagrants » qu'il y
aurait eu ce soir-là bien plus qu'une rentrée atmosphérique... Trente cas, portés depuis à plua de cinquante, parmi
lesquels celui de Mme Clouet à Neufgrange, paru dans le
numéro 360 de la revue. Et ce sont ces observations que j'ai pour ma part réexaminées dans mon dossier « 5
novembre 1990, les ovnis fabriqués par des ufologues ». On peut ne pas toujours être d'accord avec mon opinion sur chaque
cas traité, mais j'ai en tout cas relevé de nombreuses erreurs incontestables, et démontré l'explication prosaïque dans
un certain nombre d'observations, dont celle de Mme Clouet. Joël Mesnard est parfaitement au courant, d'autant plus que bien avant la
publication de ce texte je lui avais adressé un courrier personnel pour lui signaler tout cela (il en avait paraît-il été
très contrarié). Mais visiblement, il s'en fiche, puisqu'il continue à présenter à la radio et maintenant donc
à la télévision des observations qui sont expliquées de manière certaine ! Joël Mesnard figure dans les
remerciements pour ce reportage, c'est donc certainement lui qui a choisi de présenter le cas de Mme Clouet en exemple d'observation qui ne
peut pas s'expliquer par la rentrée atmosphérique (ce qui n'est pas faux, mais laisser entendre qu'un mystère subsiste
relève clairement de tromperie). Et il va sans dire que pour les tenants d'une fantastique vague d'ovnis, Joël Mesnard est la
référence absolue !
On passe ensuite à la recherche d'anomalies statistiques avec Michael Vaillant, spécialiste en modélisation de l'information, qui
est consultant pour le Geipan... Ayant eu accès aux procès-verbaux intégraux du Geipan (ils sont depuis quelques années
publics, mais avec les noms effacés pour des raisons de confidentialité, ainsi malheureusement que les localisations pour le cas du
5 novembre 1990), il a situé les témoignages sur une carte, avec des indications sur les directions d'observation. Un logiciel de son
crû fait apparaître certaines tendances qui se dégagent... C'est graphiquement très joli, on ne comprend pas trop ce que
ça représente, on voit que deux lignes en diagonale se dessinent, et quelques autres horizontales... On a l'impression que ces lignes
apparaissent là où des témoins sont alignés suivant la trajectoire estimée de l'objet qu'ils observaient, ce qui
pourrait mettre en évidence la présence de plusieurs objets à basse altitude. Mais c'est sûrement plus compliqué que
ça...
Michael Vaillant explique :
Effectivement, on se retrouve ici et là avec beaucoup effectivement de bandes rouges de directions d'observation est-ouest, alors que en
suivant la trajectoire reconnue du phénomène on devrait avoir plus d'observations sud-ouest/nord-est.
Alors, dit le commentateur, comment expliquer cette anomalie ? Michael Vaillant a une réponse. En toute bonne foi, les témoins
se sont peut-être trompés en indiquant la trajectoire des ovnis aux gendarmes. Mais pour lui, ce résultat laisse planer le doute.
Il ne permet quelque part de ne résoudre ni l'hypothèse qui consiste à dire, que certains aimeraient avoir,
« voilà il y a eu plein d'observations et ce sont des phénomènes indépendants et ça n'a pas
été la même chose », parce qu'effectivement on a une carte qui montre des choses qui sont très
dispersées, ni l'autre hypothèse qui consiste à dire « ben écoutez, y a eu effectivement une rentrée
avec une trajectoire bien déterminée ».
Il faut comprendre que la trajectoire de la rentrée était à peu près ouest-sud-ouest/est-nord-est... L'estimation d'une
direction étant généralement assez imprécise en l'absence de repères précis ou d'une boussole, il est naturel
que la plupart des témoins arrondissent en ouest/est ou sud-ouest/nord-est, sans doute en quantités à peu près
égales... Mais le problème est bien plus complexe que ce qu'en dit Michael Vaillant qui est réduit à résumer beaucoup
de choses en peu de temps. On peut avoir une idée plus précise de ses travaux sur une
page de son site u-sphere [apparemment disparu] qu'il a consacrée au phénomène du 5 novembre.
Bref, il s'interroge, cherche à mettre en évidence des constantes et d'éventuelles anomalies, sans trop savoir où ça
va le mener. C'est à suivre, mais de mon côté toutes les statistiques que j'avais pu faire (avec certainement un bagage et des
moyens plus limités que lui), en m'appuyant sur les quelque 500 témoignages compilés par Franck Marie, montraient qu'il n'y avait
qu'une trajectoire privilégiée par la globalité des témoignages, et qu'il s'agissait de celle de la rentrée
atmosphérique : le cap moyen estimé, la décroissance de la dimension apparente moyenne en fonction de la distance à la
trajectoire, la diminution rapide du nombre de témoins au-delà d'une distance de 300 km, la distribution des témoins qui voyaient
le phénomène passer de droite à gauche ou de gauche à droite, etc... Ici, la distribution des « caps »
estimés :
La Sobeps, l'association belge qui s'était illustrée peu avant par la prise en charge de la « vague belge », avait obtenu des
résultats tout à fait similaires avec la centaine de témoignages qu'elle avait recueillis en Belgique.
Le documentaire revient alors sur des témoignages « anormaux » : La rentrée du 5 novembre 1990 n'a donc
pas encore révélé tous ses mystères, et au cours de notre enquête nous avons été stupéfaits que
25 ans plus tard de nouveaux témoignages soient rendus publics, encore plus surprenants et d'une très grande précision dans
les détails.
On voit en fond d'écran d'intrigants dessins d'un vaisseau à la géométrie parfaite...
Il ne s'agit pas d'une illustration du témoignage qui va suivre, mais de dessins issus d'un témoignage récent, dont on trouve le
procès-verbal sur
le site du Geipan. Les directions, durées, hauteurs, sont à peu près cohérentes avec la rentrée... L'anomalie
réside dans la description de cet « engin », sans doute simplement très fantasmée : lumières
disposées parfaitement géométriquement, masse noire, antennes... Il est naturel qu'un témoin idéalise assez nettement
son observation en 24 ans, mais pour autant la description n'a rien de délirant.
On ne peut pas en dire autant du témoignage suivant qui nous est présenté, où là il est clair que la rentrée
atmosphérique ne peut pas être invoquée. Le témoin, Cyrille Tavenard, parle seulement aujourd'hui pour se débarrasser
d'un secret trop lourd à porter : une vision qui l'a traumatisé à l'âge de 17 ans. Le soir du 5 novembre 1990,
Cyrille est dans sa chambre en compagnie de sa soeur jumelle, Frédérique. Tous les deux fument une cigarette en cachette de leurs parents,
assis sur le rebord de la fenêtre.
J'étais à la fenêtre et assez loin du rebord pour pas que l'odeur de la cigarette rentre dans ma chambre. Et puis je vois en fait
une ombre sur le sol, et puis au fur et à mesure que cette ombre avançait au sol il y a eu une panne générale
d'électricité dans le quartier, donc les lumières se sont éteintes mais pas toutes en même temps, elles
s'éteignaient au fur et à mesure où cette ombre en fait avançait, donc au-dessus du bâtiment où on habitait.
Donc c'est ce qui m'a fait en fait regarder en l'air. J'ai vu cette masse noire énorme qui était au-dessus du bâtiment et qui
recouvrait l'intégralité du quartier. Elle allait à une vitesse, mais très très très lente. C'était
aussi gros que deux terrains de foot. J'avais vraiment la sensation que en tendant le bras on pouvait le toucher, à tel point c'était
vraiment près de nous.
À un moment les deux adolescents vont entendre des hurlements de chien.
C'étaient des aboiements hyperagressifs, comme s'ils étaient agressés physiquement quoi, c'est ça aussi qui a
rajouté au sentiment de crainte et peur. Ça nous a interloqués, on s'est regardés, on a continué à regarder
cette masse, d'un coup, en un claquement de doigts il s'est retrouvé à trente quarante kilomètres, il a freiné aussi
brutalement qu'il avait accéléré, et il est resté comme ça en vol stationnaire à une trentaine de
kilomètres à peu près, et encore à trente quarante kilomètres la masse elle était encore colossale. Cette
forme lointaine, elle s'est refermée en un seul et unique point, comme si l'objet en fait s'était dématérialisé :
pof, en un coup de vent ce point a disparu. On est restés figés les yeux sur l'horizon, on était dans un état
émotionnel où j'étais tremblant. On avait la... voilà, la certitude qu'on était en face de quelque chose qui nous
passait, qui nous dépassait totalement. Moi j'ai jamais eu autant peur de ma vie que ce jour-là, y a un avant et un après, y a un
avant 5 novembre et un après 5 novembre 90, et que au jour où j'ai vu ça ma conception de la vie a complètement
changé.
Là, il n'y a guère de possibilités : soit le témoin a vu quelque chose de vraiment extraordinaire, soit il délire
complètement ou il ment... Et il faut bien dire que tous les ufologues sont d'accord pour admettre que les témoins sont rarement des
menteurs ou des hallucinés, mais cela arrive tout de même et il faut essayer de les reconnaître.
Alors on commence par se poser des questions de logique : le témoin nous dit que son attention a été attirée non pas
par l'objet lui-même, mais par son ombre qui avançait lentement dans la rue. Mais qu'est-ce qui pouvait projeter une ombre par une nuit
sans lune, puisque celle-ci n'était pas levée à Angers ?
Mais surtout, il y a les lumières de la rue qui s'éteignent à mesure que l'ombre avance. Pour qui s'intéresse aux ovnis, ce
détail évoque irrésistiblement un cas célèbre d'observation de masse, celui de Tananarive, à Madagascar, en
1954. On y trouve aussi les hurlements des chiens, mais c'est moins étrange. En réalité d'ailleurs, ces deux détails ont
été ajoutés dans les versions tardives du témoignage par le témoin, et ne sont pas du tout confirmés par les
autres témoins qu'on a retrouvés plus tard... Voir l'article que nous avons consacré
à ce cas. Ce détail fantastique est donc sûrement une amélioration tardive pour l'observation de Tananarive, mais c'est
cette version édulcorée qui circule dans le milieu ufologique. Alors, on doit se demander si le témoin a un
« background » ufologique.
Et si on fait une recherche sur Cyrille Tavenard, on trouve qu'il est le fondateur d'une association, les Repas ufologiques de Nantes, appartenant au
réseau national des Repas ufologiques. Bon, ça commence à sentir mauvais. Plus gênant encore, c'est à l'occasion du
premier de ces repas ufologiques nantais, le 17 octobre 2014, qu'il a révélé son observation. On peut la trouver dans le
compte rendu :
C'était le 05 novembre 1990, je m'en souviens d'autant mieux que c'était un mois jour pour jour après mes 18 ans
étant du 05 octobre, nous étions ma soeur et moi à la fenêtre de ma chambre à Angers quartier des Justices sur la
route de Trélazé lorsque vers les 19h00 passées mon regard fut attiré par une ombre gigantesque qui avançait
lentement au sol et recouvrait les 2 immeubles.
Il y eut une panne de courant au fur et à mesure que l'ombre avançait comme si les lumières dans les habitations, les lampadaires
le long de l'allée principale s'éteignaient au même rythme que cette ombre avançait c'est ce qui m'a surpris et c'est
pourquoi je n'ai pas tout de suite regardé le ciel.
Quand j'ai levé la tête, ma soeur regardait déjà en l'air (elle me dira plus tard avoir vu des lumières rouge/jaune
qui s'éteignirent avant que je ne l'aperçoive également) c'est là où j'ai vu cette masse énorme, une masse
noire comme un trou noir, plus noir que la nuit qui était déjà tombée, instinctivement je me suis enfoncé la
tête dans les épaules et me suis baissé.
C'était à une dizaine de mètres de nous, pas plus, j'avais l'impression de pouvoir le toucher en tendant simplement le
bras !
Pas un bruit n'accompagnait son déplacement si ce n'est un grésillement pratiquement inaudible faisant penser au son près des
transformateurs électriques, puis il y a eu les chiens du voisinage qui ce sont mis à aboyer si agressivement que cela m'a glacé
le sang.
J'ai eu un vrai sentiment de peur je l'admet, même 24 ans y repenser me met mal à l'aise, cela devait faire plus de
300 mètres c'était imposant recouvrait le ciel, nous distinguions à peine l'horizon à la limite des bords anguleux de
cette « chose ».
Si c'était resté immobile je n'aurais même pas fait attention tellement l'opacité était complète, mais la
nuit étant très claire avec une lune très blanche sans nuage que c'est cela qui permettait de définir les contours de
cette masse.
Puis plus rapide qu'un éclair la forme s'est éloignée à une trentaine de kilomètres d'un coup (nous avions une vue
sur toute la campagne aux alentours), s'est arrêtée aussi rapidement en vol stationnaire 2 à 3 seconde, s'est
dématérialisée en un point en son milieu, puis plus rien.
Il n'y a guère de différences par rapport à son récit pour le reportage, en dehors du détail que la lune était
visible, alors qu'en fait elle n'était pas levée à Angers. Ça n'est qu'un détail, mais quoiqu'il en soit, un
témoin qui garde pendant 24 ans son observation pour lui, et qui la révèle au lancement de son association d'ufologie, assortie
d'un courrier à la presse, ça éveille ma méfiance. On trouve d'ailleurs que c'est à l'occasion de ce premier repas
ufologique que le témoin a rencontré une des journalistes responsable du documentaire.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises : on trouve sur le même site des Repas ufologiques de Nantes (le site « non
officiel », et nul doute au vu de ce qui va suivre que l'association nationale n'aura de cesse de le faire disparaître !) un texte
intitulé « Le
torchon brûle aux Repas Ufologiques ! Départs en série ! ». Un texte non signé, mais on comprend
qu'il est écrit par un des membres de l'équipe... Morceaux choisis :
Cyrille est hélas coutumier du fait. C'est un caractériel. Susceptible et manipulateur, il monte par plaisir les membres de son
équipe les uns contre les autres, ce qui a déjà causé trois brouilles depuis la création de l'équipe de
Nantes. Comme en plus il ne lit pas ou mal les mails qu'on lui adresse, il interprète les choses de travers et se fâche impulsivement. Le
mois dernier, il a dû s'excuser auprès de Senior (ce qui était tout en son honneur, précisons-le tout de même) de l'avoir
accusé à tort auprès de toute l'équipe d'avoir agi contre lui dans son dos, justement après avoir mal lu un mail.
.../...
II — Les dirigeants parisiens Christian Comtesse et Alexis Ropital en rajoutent avec hargne. Résultats : démissions en
série !
Tout ce pataquès ne serait pas si grave, Cyrille pouvant toujours s'excuser à nouveau. L'erreur est humaine... Mais le président
de l'association nationale, Christian Comtesse, en rajoute impulsivement et agressivement. Il adresse un mail à toute l'équipe de Nantes
dans lequel, dans des termes cassants, il donne entièrement raison au fauteur de troubles : « Cyrille TAVENARD a
démontré de façon magistrale, sans l'appui de personne, ses capacités a organiser et a promouvoir ce
repas dès sa création. (...) Les personnes qui souhaitent participer a l'évolution ou a la promotion de ce repas (...) restent
à la disposition de Cyrille et doivent se soumettre a ses instructions et ce même s'il se trompe. (...) Je
rappelle que notre association a déposée le nom des " Repas Ufologiques " à l'INPI qu'un procès lui a déjà
été intenté et qu'il a été perdu par le plaignant. »
« Sans l'appui de personne » ! On ne peut être plus maladroit. Le travail de l'équipe qui a permis au Repas
nantais de passer du stade amateur au stade pro en novembre 2014, à la plus grande satisfaction des participants, est rayé d'un trait.
Quant à la « mise à disposition » et à la « soumission » imposées à
cette équipe par M. Comtesse, c'est de l'esclavage très loin de l'esprit associatif. Et cette référence au
« procès » qui revient fréquemment dans ses mails... Ça sent son petit procédurier. Dans tout cela,
où est l'intérêt envers les OVNI ?
Le mail de Comtesse provoque immédiatement la démission de l'autre membre de l'équipe pressenti pour être le second de
Cyrille ! « Devant tout ce gâchis et ce fatras, j'ai pour l'instant une seule certitude : je me retirerai de l'organisation
si Sénior part car si je restais, j'aurai le sentiment de cautionner une forme d'intolérance qui aboutit à l'exclusion
précipitée d'une personne de bonne volonté qui a ses points forts et ses points faibles... COMME NOUS TOUS ! » Un
troisième membre de l'équipe, qui a eu maille à partir avec Cyrille, décide aussi de quitter l'association. Un
quatrième, Ghislaine, réserve sa décision au 21 mars, prochain Repas de Nantes. Il ne reste plus dans l'équipe qu'un seul
membre : Chris. Le climat de paranoïa permanente instauré par Cyrille va finir par avoir raison de son équipe et de sa
création « magistrale ».
Devant ce naufrage, Sénior écrit à Comtesse pour lui expliquer qu'il reconnaît que Cyrille est sympathique mais qu'il est
incapable de diriger une équipe. Il faudrait revoir l'organisation de Nantes. Il donne son n° de téléphone pour qu'ils
puissent en discuter mais il ne sera jamais utilisé par Comtesse en dépit de la guerre épistolaire qui va s'ensuivre entre eux,
Comtesse lui donnant constamment tort. Le président des Repas Ufologiques préfère la guerre derrière son clavier que la
paix à travers un échange oral et sincère.
Dommage... L'équipe nantaise s'entendait bien, faisait du bon travail, avait de l'ambition pour l'association Les Repas Ufologiques. Mais,
comme dit le diction, « qui se ressemble s'assemble ». Christian Comtesse et Cyrille sont du même acabit, l'un a choisi
l'autre, ils se protègent mutuellement sans égard ni pour la vérité, ni pour l'équipe, ni surtout pour la cause des
OVNI, le cadet de leurs soucis. On voit mal comment cette association pourra progresser.
Alors, certes, les brouilles au sein d'une association sont fréquentes et on ne peut guère s'en faire une idée en lisant le texte
d'un des protagonistes. Mais on peut tout de même penser que si trois personnes de l'équipe claquent la porte, c'est qu'il doit y avoir un
réel problème avec le principal dirigeant.
En outre, quand on a eu vent de tout ce qui s'est passé aux Repas ufologiques nationaux depuis que Christian Comtesse et Alexis Ropital on fait
main basse sur cette association autrefois très sympathique, on comprend que le rédacteur de ce billet d'humeur n'est pas un menteur. On
sait que ces personnages ne cessent d'agir par des menaces, de tenter de faire fermer les sites qui révèlent leurs travers en multipliant
les procédures envers l'hébergeur, piratent les boîtes à lettres de leurs opposants, etc. Tous ces agissements ont d'ailleurs
abouti aussi au niveau national à la démission de pas mal de membres honnêtes de l'équipe. Alors, le fait qu'ils semblent
prendre complètement le parti du fondateur des repas de Nantes malgré les mises en garde de pratiquement tous les autres membres de
l'équipe a de quoi étonner.
Continuons à fouiller... Les repas ufologiques de Nantes, auxquels les gérants nationaux des RU semblent particulièrement
attachés, ont été créés à peu près en même temps que les repas ufologiques... de
Tananarive ! Tiens donc... Voyons la page Facebook « Les repas ufologiques - antananarivo » : on y découvre que
Christian Comtesse en est co-administrateur, et sans surprise Cyrille Tavenard est membre du groupe !
Et le 16 octobre, un des membres a publié sur la page une version très romancée de « l'OVNI à Madagascar en
1954 », tirée du site new age Savoir Plus, dans laquelle on peut
lire :
Plusieurs phénomènes physiques ont été observés : tout d'abord, les témoins dans la ville
entière ont pu constater que les éclairages des habitations s'éteignaient au moment ou l'engin passait précisément
au-dessus d'eux, et se rallumaient aussitôt derrière son passage.
Ensuite les habitants ont vite remarqué que les animaux domestiques, les chiens dans toute la ville notamment, hurlaient à la mort.
Et c'est donc le lendemain, le 17 octobre, que Cyrille Tavenard révélait après 24 ans de silence son observation du 5 novembre
1990, à l'occasion du lancement des Repas ufologiques de Nantes, avec comme détail tout à fait unique dans cette vague :
Il y eut une panne de courant au fur et à mesure que l'ombre avançait comme si les lumières dans les habitations, les
lampadaires le long de l'allée principale s'éteignaient au même rythme que cette ombre avançait c'est ce qui m'a surpris et
c'est pourquoi je n'ai pas tout de suite regardé le ciel.
.../...
puis il y a eu les chiens du voisinage qui ce sont mis à aboyer si agressivement que cela m'a glacé le sang.
Alors bon, les coïncidences, j'y crois... dans une certaine mesure !
Bref, je ne sais pas si Cyrille Tevenard a observé quelque chose le 5 novembre 1990, ce qui serait intéressant ça serait d'avoir la
version de sa soeur jumelle, mais si c'est le cas il est évident que son observation a été complètement romancée
à partir de ses connaissances ufologiques, et cela pour assurer la promotion de son association... Simple coup de marketing pour les Repas
ufologiques, qui cherchent par tous les moyens à se faire connaître pour compenser tous les problèmes internes dus à une
gestion dictatoriale.
Notons que depuis que j'ai écrit la première version de ce texte, Cyrille Tavenard a réagi par un
« droit de réponse » sur son
propre blog. Il explique que l'auteur de « le Torchon brûle aux Repas ufologiques » est Jean-Philippe
de Lespinay, qui a « voulu prendre la direction des repas ufologiques de Nantes après le succès presse TV que j'ai
rencontré au lancement des repas en octobre 2014 bien avant son arrivée », et qu'il a déjà des problèmes
judiciaires notamment pour mauvaise gestion de sa société... Bien, comme je l'ai écrit « les brouilles au sein d'une
association sont fréquentes et on ne peut guère s'en faire une idée en lisant le texte d'un des protagonistes », et
ça ne nous intéresse guère, mais Tavenard indique bien que « Monsieur de Lespinay [...] a rallié à sa
cause une bonne partie de mon équipe » !
Bref laissons les Nantais régler leurs problèmes d'association entre eux, tout ce qui nous intéresse ici c'est la
crédibilité de l'observation et tout ce que Tavenard trouve à dire à ce sujet c'est que « le 05 novembre 1990
compte des centaines de témoins du phénomène et une vidéo »... Certes, mais il y a un seul de ces témoins,
lui-même, qui dit que les lumières de l'avenue s'éteignaient à mesure que le phénomène avançait !
Et plus tard il a encore amélioré son observation... Dans une interview d'O.D.H. TV, ce ne sont pas seulement les lampadaires qui
s'éteignent, ce sont les fusibles qui ont sauté de partout, et le lendemain tout le monde dans le quartier était occupé
à changer les fusibles ! Et dans une interview par Daniel Robin sur
le site Ovni-direct, Tavenard se présente presque comme un contacté :
Au moment où la masse noire triangulaire passe au-dessus des témoins, Cyrille éprouve la nette sensation qu'on lui donne la
possibilité de voir à l'intérieur de l'engin. Il interprète ce fait en disant que c'était comme si on lui accordait
« une petite récompense ou une faveur particulière ». « C'était peut-être aussi pour me
rassurer », avouera-t-il.
Dans l'ovni il « voit » (vision à distance dans la réalité psychophysique) trois entités
humanoïdes de petite taille (1,20 mètre environ). Elles ont un corps frêle et une grosse tête. Cependant, il ne distingue
pas leur visage et il est incapable de décrire leurs yeux. Deux des entités semblent affairées sur ce qui ressemble à des
consoles ou à un tableau de commande du vaisseau. L'une des entités se trouve à l'avant. Les trois êtres sont
absorbés par leurs tâches. « Peut-être sont-ils occupés à piloter le vaisseau », remarque
Cyrille.
Il est affirmatif : ce n'était pas des « petits gris » comme ceux qui sont décrits habituellement par les
personnes dites « enlevées ». Il est d'ailleurs dans l'incapacité de définir avec précision les
caractéristiques des entités. Ce détail étrange semble indiquer que ses perceptions ont été volontairement
manipulées pour qu'il ne puisse pas tout voir dans le vaisseau. C'est une interprétation possible du flou qui entoure sa
« visite » dans le triangle, qui est certes autorisée mais dans certaines limites. En revanche sa sœur n'a pas le
souvenir d'avoir vu des entités.
Il a aussi raconté son histoire dans l'émission Dites le à Baba de Cyril Hanouna le 22 février 2017, ce qui lui
a valu d'être nommé responsable de la communication sur les Repas ufologiques... Je pense donc que je ne m'étais pas beaucoup
trompé en écrivant que « son observation a été complètement romancée à partir de ses
connaissances ufologiques, et cela pour assurer la promotion de son association... Simple coup de marketing pour les Repas ufologiques ».
Et c'est malheureusement sur ce cas plus que suspect que se termine le reportage, avec ces derniers mots :
Le témoignage de Cyrille Tavenard décrit un cas d'ovni semble-t-il unique. Les étranges phénomènes lumineux du 5
novembre 1990 n'ont pas encore révélé tous leurs mystères. Mais grâce à cette enquête certaines
informations ont enfin été révélées. 25 ans après les faits, les témoins qui ont toujours
pensé qu'on leur cachait la vérité savent désormais que le Cnes reconnaît les erreurs dans les informations
délivrées à l'époque. C'est la fin de la loi du silence qui entourait cet événement qui a bouleversé
un grand nombre de Français. Aujourd'hui grâce à de nouveaux moyens techniques, des scientifiques peuvent réouvrir ce
dossier, et peut-être parviendront-ils à expliquer les phénomènes les plus étranges. Mais pour certains
témoins dont la vie a changé depuis cette vision incroyable, il sera toujours difficile d'admettre que ce phénomène puisse
s'expliquer. Car ils sont certains d'avoir vu ce soir-là des vaisseaux extraterrestres. À chacun sa vérité, à
chacun ses convictions.
Ça me plaît ! Globalement donc un très bon documentaire que je recommande à tous, malgré une fin
décevante... Il était tout à fait normal de terminer en évoquant la possibilité que certains témoignages ne
s'expliquent pas par la rentrée atmosphérique, mais le choix est vraiment malheureux : une observation qui a été
expliquée ici même depuis longtemps, et un coup de marketing organisé par une association en quête de reconnaissance... Un peu
triste, mais ça ne gâche rien à tout le reste.